3-3/ Le redoublement et l'origine sociale des
redoublants
Du fait que l'enseignement primaire s'adresse
théoriquement aux enfants d'une même classe d'âge sans
discrimination ni différenciation de filières, la
différence de performances scolaires selon l'origine sociale
paraît très significative pour cette étude dans plusieurs
études. Beaucoup d'études soulignent la marque de l'origine
sociale dans la fréquence des redoublements et des retards scolaires.
L'étude menée par Caille J-P (2004) permet
d'analyser l'impact des différentes variables sur la
probabilité du redoublement au cours de la scolarité primaire.
Il analyse que, toutes choses étant égales par ailleurs : le
seul fait d'avoir un père
« cadre supérieur » plutôt qu'un
père « ouvrier », augmente de 10,5 % les chances de
connaître une scolarité sans redoublement. En répartissant
les redoublants selon leur origine sociale et leur nationalité, il
remarqua que les élèves dont les parents sont inactifs redoublent
plus que les enfants des enseignants, de professions intermédiaires ou
d'artisans. L'un des résultats les plus importants de cette analyse est
qu'il ne ressort pas de handicaps significatifs chez les élèves
étrangers en France par rapport aux élèves du même
milieu social. Si, en moyenne, 54,3 % des élèves étrangers
n'ont pas connu le redoublement en primaire contre 76,3 % des
élèves français, c'est dû à un effet de
structure c'est-à-dire à un effet lié à d'autres
caractéristiques que l'on retrouve le plus fréquemment chez les
élèves étrangers (origine sociale plus modeste, famille
plus nombreuse, etc.). Seuls les enfants qui ont passé au moins trois
années scolaires hors de France rencontrent, toutes choses égales
par ailleurs, de réelles difficultés. Pour Caille, les
élèves d'origine sociale pauvre redoublent plus que les
élèves d'origine sociale riche.
Après avoir mentionné que le
phénomène est fréquemment sous évalué dans
les statistiques, Owen Eisemon Thomas (1981) souligne l'importance respective
des facteurs explicatifs liés à la famille et de ceux liés
à l'école. Il montre l'incidence des redoublements sur
l'échec scolaire et l'abandon des études. Toute
généralisation doit cependant être nuancée : le taux
de redoublement est parfois surévalué et s'il est vrai que les
élèves appartenant à des milieux socialement et
économiquement défavorisés redoublent plus souvent que les
autres, les groupes marginalisés réagissent différemment
à des conditions et des stimulations identiques. La tendance
générale masque des différences de culture en
matière de redoublement entre régions et sous-régions.
Pour que les interventions soient efficaces, elles doivent porter à la
fois sur le milieu familial et sur le milieu scolaire, être
ciblées et adaptées aux circonstances particulières. Il
est vrai qu'un nombre important d'élèves redouble chaque
année. Le taux du redoublement est normalement tenu pour un bon
indicateur de l'efficacité d'un système éducatif. Lorsque
ce taux est élevé, cela signifie que beaucoup
d'élèves n'ont pas atteint le niveau que l'on attend d'eux. Mais
les raisons de ces redoublements peuvent être variées et ne sont
pas toujours faciles à détecter, comme il n'est pas facile non
plus d'en prévoir les conséquences sur l'apprentissage et la
carrière future de l'élève concerné. Les causes et
les conséquences sur le redoublement varient
sans doute d'un pays à un autre. C'est dans la
même conception que Walo Hutmacher (1992), Directeur du service de la
recherche sociologique du département de l'instruction publique de
Genève, à partir d'une étude des taux de redoublement,
montrait que les écarts se creusaient entre favorisés et
défavorisés. Ce constat a suscité un vaste débat,
qui a notamment donné lieu à un Forum réunissant plusieurs
centaines d'enseignants et de cadres de l'école primaire. Un an plus
tard, une rénovation de l'enseignement primaire a été mise
en chantier, dans le sens des cycles d'apprentissage, donc en vue d'une
suppression du redoublement. C'est en ce sens que Hutmacher (1992), pense que
:
« Le redoublement n'est qu'un indicateur - incertain
- des inégalités d'apprentissage. Or, jeter le thermomètre
n'a jamais fait tomber la fièvre. La suppression du redoublement est une
mesure nécessaire, mais pas suffisante, et que toute solution
alternative ne vaudra que par sa capacité à atténuer les
disparités effectives d'apprentissage. La démocratisation des
études se joue sur les acquis réels des générations
successives et donc sur les moyens que se donnent les systèmes
éducatifs de développer, en lieu et place du redoublement, une
véritable individualisation des parcours de formation, fondée sur
une organisation scolaire et des didactiques qui permettent une réelle
différenciation de l'enseignement, des suivis sur l'ensemble d'un cycle
d'étude, une évaluation formative, des méthodes actives
dans toutes les classes ».
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