INTRODUCTION GENERALE
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Les cours mondiaux du coton ont atteint un niveau record de 90
cents la livre durant la campagne 1994/1995. Mais depuis cette dernière
ils sont durablement orientés à la baisse. Pour les pays
émergents et en développement, cette chute prolongée des
cours du coton est en grande partie liée aux aides
généreuses accordées par les Etats-Unis (USE) et l'Union
européenne (UE) à leurs producteurs. En effet, les USA,
deuxième producteur et premier exportateur de coton au monde, occupent
une place centrale sur le marché international. Les Etats-Unis sont
également le premier pays pour le volume d'aide accordé à
ses producteurs de coton avec 4,18 milliards de dollars en 2007/08. Les USA
s'étaient engagés, à l'issue des négociations de
l'Uruguay Round, à réduire leurs subventions de 20%. Cependant,
avec un réarrangement des mesures de soutien, ils ont réussi
à maintenir un niveau élevé de subvention depuis 2002.
L'Union européenne réalise moins de 3% de la production et des
échanges mondiaux de coton. Toutefois, avec environ un milliard de
dollar de subvention, elle est la première entité pour le montant
de l'aide par kilogramme de coton produit. Vu l'incertitude entourant les
données chinoises, les USA et l'Union européenne UE sont
considérés comme les principaux responsables de la baisse
tendancielle des cours du coton observée ces dernières
années.
C'est dans cette lancé, qu'en mars 2003, le
Brésil porte plainte contre les subventions accordées par les
Etats-Unis à leurs producteurs de coton devant l'Organe de
règlement des différends de l'Organisation Mondiale du Commerce
(OMC), différend à laquelle le Benin et le Tchad décident
de se porter tierce partie. Ces deux pays africains sont rejoints par le Mali
et le Burkina Faso1 sur une initiative diplomatique. Ainsi, le 30
Avril 2003, ces quatre pays d'Afrique sub-saharienne (le Bénin, le
Burkina Faso, le Mali et le Tchad) ont déposé au comité de
l'agriculture de l'OMC un document intitulé « Réduction de
la Pauvreté : initiative sectorielle en faveur du coton ». Faisant
suite à la grave crise traversée par leur secteur cotonnier en
2001 - 2002, cette « Initiative sectorielle en faveur du coton »
avait pour objet d'attirer l'attention des Etats membres de l'OMC sur les
distorsions du marché international provoquées par les
subventions des pays développés. Elle avait aussi comme but
d'inscrire le dossier coton en priorité à la Conférence
ministérielle de Cancun de 2003. L'initiative a eu un large écho
dans la communauté internationale.
1 Formant ce qu'on a depuis appelé le « C4
~
Elle a notamment été confortée par les
organisations non gouvernementales qui l'ont largement reprise à leur
compte. Elle est originale pour deux raisons :
D'une part parce qu'il s'agit d'une initiative de quatre
petits pays africains qui introduisent dans l'agenda de la négociation
commerciale multilatérale une discussion sur un problème urgent
les concernant directement.
Et d'autre part parce qu'ils ne demandent pas dans leur
initiative une aide au développement supplémentaire ou un
traitement spécial et différencié mais tout simplement
l'application des règles de base du système commercial
international avec la suppression des subventions qui provoquent des
distorsions sur les prix.
Sur le plan des principes, il est difficile pour les USA et
l'UE, principaux pays pourvoyeurs de subventions, de contester la
légitimité de la démarche des pays africains, a fortiori
lorsqu'il s'agit d'un différend aussi symbolique opposant quatre pays
moins avancés (PMA) parmi les plus pauvres du monde aux deux
superpuissances commerciales.
Pourtant, c'est une fin de non recevoir qui a
été donnée à l'initiative sectorielle en faveur du
coton à Cancún et le dossier a sans doute participé
à l'échec global de la Ministérielle.
Alors que les membres de l'OMC s'efforçaient à
relancer la négociation commerciale internationale2, on peut
se demander qu'elles sont les chances de l'initiative sectorielle sur le coton
d'aboutir.
La faible et récente remontée des cours mondiaux
a quelque peu affaibli la position des pays africains qui justifient leur
proposition par l'urgence de la situation et l'impact sur la pauvreté de
la distorsion des prix.
Pour autant cette embellie conjoncturelle n'enlève rien
à l'existence de dispositifs de soutien qui lors d'une nouvelle crise
aboutiraient aux mémes conséquences qu'en 2001- 2002 à
savoir des subventions record, une surproduction et un effondrement des prix
pénalisant les producteurs africains de coton tel que ceux du Burkina
Faso (qui exportent l'essentiel de leur production et n'ont pas les
mémes soutiens en cas de chute des prix).
2 Conférence de décembre 2005 par
exemple
3
Pour le Burkina la question des subventions au coton est
capitale dans la mesure où le coton représente environ 30
à 40% de ses revenus à l'exportation et sa contribution au PIB va
de 5 à 10%. Le problème est d'autant plus important que les cours
du coton aujourd'hui sont très faibles.
La réalité ainsi décrite justifie
l'intérêt pour le dossier sur les subventions et la
nécessité de réfléchir sur les effets réels
de ces subventions sur le marché mondial du coton,
particulièrement sur les exportations de coton du Burkina Faso. C'est
donc dans ce registre que s'inscrit la présente recherche.
Ainsi notre recherche se fixe comme objectif
général, d'analyser les distorsions sur le marché mondial
du coton causées par les aides à la production de coton des Etats
Unis et de l'Union Européenne.
Il s'agit spécifiquement :
D'analyser les impacts des aides sur les exportations de coton du
Burkina ; D'apprécier les effets des aides sur le prix mondial du
coton;
De déterminer le poids des aides sur la production de
coton du Burkina ;
Dans le but d'atteindre ces objectifs, nous posons les
hypothèses de recherche suivantes :
Hypothèse 1 : Les subventions américaines et
européennes impactent négativement sur les exportations de coton
du Burkina.
Hypothèse 2 : L'impact des subventions américaines
est plus important que l'impact des subventions européennes sur les
exportations de coton du Burkina.
Hypothèse 3 : Les subventions américaines et
européennes influence négativement le prix mondial du coton.
Ainsi, notre recherche va s'étaler en trois chapitres.
Il s'agira dans un premier chapitre, d'analyser la
problématique du coton au Burkina en montrant son importance dans le
pays et en mettant en oeuvre les différentes mesures de soutien aux USA
et dans L'UE.
Il consistera dans un second chapitre, d'effectuer une revue
des études disponibles dans la littérature afin d'avoir un
aperçue sur ce qui a était fait sur le plan théorique et
empirique.
Il s'agira enfin, dans un troisième et dernier
chapitre, d'effectuer une analyse économétrique de l'impact des
subventions américaines et européennes sur le
marchémondial du coton, et de voir leurs effets sur les
exportations du Burkina Faso. Pour cela, nous faisons appel à la
modélisation vectorielle autorégressive (VAR).
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