Chapitre II : CONCEPTIONS MODERNES DE LA LITTERATURE
Parlant du XXème siècle, du
point de vue historique, les historiens font commencer ledit siècle en
1914, date du début de la première guerre mondiale. Quant
à déterminer historiquement la fin du siècle, plusieurs
dates sont possibles : le 09 novembre 1989 pour la chute du mur de Berlin ou le
26 décembre 1991, marquant la dissolution de l'Union des
Républiques Socialistes Soviétiques (URSS).
Toutes ces dates sont incluses dans le XXème
siecle. Ainsi, les évenements qui s'y réfèrent ont
beaucoup marqué les personnages de ce temps, et en
particulier les écrivains. Ceux-ci ont vu
augmenter le nombre de themes à traiter d'où
nombre de messages se sont vus transmis suite à la
nécessité imposée par les événements qu'a
connus le XXème siècle. Ces
événements
s'étant répercutés sur plusieurs
domaines, l'homme s'est trouvé obligé de changer sa
manière de voir et de dire le monde. En effet, le champ
littéraire n'est pas resté insensible vis-à-vis des
événements qui ont marqué cette période, entre
autres les deux guerres mondiales. Les hommes profondément
touchés voire blessés physiquement, moralement et
psychologique-
ment, se sont vus contraints d'adopter un autre style de penser
le monde, mais aussi de vivre.
Dans le domaine littéraire, l'on assiste à de
nombreux courants qui surgissent avec force et
poids. Ils n'ont pas tardé à connaître le
succès, bien que des critiques en aient beaucoup parlé.
Ainsi,
« La seconde guerre mondiale donne une extrême
urgence au problème de la condition humaine et contribue à
répandre d'une part la philosophie de `l'absurde', d'autre part la
littérature engagée. Des poètes comme Aragon ou Eluard,
hier surréalistes, chantent la Résistance et retrouvent les voies
ancestrales du lyrisme. Les années quarante (40) sont marquées
aussi par une large diffusion des thèses existentialistes, en
particulier le théâtre, le roman et les essais de Jean-Paul
Sartre. Albert Camus dépasse l'absurde par la révolte et
défend la personne humaine contre tout ce qui menace de
l'écraser. (...) Enfin des courants nouveaux apparaissent, au
théâtre avec Beckett et Ionesco, dans le nouveau roman avec
RobbeGrillet, Butor, Claude Simon, Nathalie Sarraute. (...) le créateur
ne se contente plus de s'observer lui-même en train de créer, il
en vient à poser, par son oeuvre meme, la question du sens et de la
possibilité de l'acte créateur. Ainsi s'expliquent des termes
comme apoèmes, antithéâtre, antiroman, qui
révèlent les répercussions,
sur la littérature, de cette réflexion
philosophique selon laquelle l'etre postule le néant
»25.
En effet, les auteurs du XXème siècle
cherchent à se distinguer de leurs prédécesseurs,
c'est-àdire à s'affirmer tels qu'ils sont. Ils apportent
d'importants changements en littérature, chacun dans son style, sa
forme, ses idées et sa réflexion. C'est dans ce sens que l'on
assiste à de nouveaux courants /mouvements littéraires comme le
surréalisme avec André Breton, le dadaïsme ou Dada,
l'existentialisme avec Jean Paul Sartre et autres. Tout cela pour l'affirmation
de leurs identités.
La littérature française du
XXème siecle s'inscrit dans un siecle tumultueux
marqué par deux guerres mondiales, par l'expérience des
totalitarismes fascistes et communistes et par une décolonisation
difficile. Ce siècle est marqué par une remise en question
progressive des genres littéraires. Par ailleurs, la deuxième
moitié du siècle est particulièrement marqué par
des expériences de « littératures de laboratoire
» et le jeu intellectuel (nouveau roman, littérature
potentielle) mais aussi par le poids d'une littérature commerciale en
forte concurrence avec les fortes traductions de l'américain
(collections sentimentales, romans policiers, romans de science-fiction,
chansons,...) que retient peu l'histoire littéraire.
Le XXème siècle a donc
ébranlé les structures fondamentales des genres, des arts
traditionnels,
du langage et même de la pensée. Le monde est
à repenser autrement. Ceci étant, il est à souligner
qu'à mesure que l'esprit remonte du présent vers le passé,
la perspective devient plus nette, les grandes lignes se dégagent et les
valeurs sures s'affirment tandis que s'estompent les modes passagères.
Ainsi, la période antérieure à la guerre de 1914 peut
être analysée avec quelques assurances : l'importance des
maîtres qui la dominèrent ou qui se formèrent alors ne peut
être contestée.
Bien qu'il y ait les deux guerres mondiales (qui ont beaucoup
marqué et influencé l'histoire de la littérature du
XXème siècle avec autant de
répercussions), la continuité littéraire dudit
siècle apparaît en effet sous sa diversité.
L'on est donc frappé de constater que certains des
courants les plus audacieux, en art comme en littérature,
ont pris naissance dès avant 1914 (autour d'Apollinaire) ou dans les
années 20 (l'antiroman avec A. Gide).
25 André, Lagarde, Laurent, Michard, Op.cit.,
p. 11.
18
Enfin faisons remarquer cette distinction de Dominique
Viart26, dans un geste panoramique, des trois
lignes directrices pour envisager la littérature contemporaine :
· Une littérature consentante :
Elle est du côté de l'imagination romanesque, elle pioche dans un
réservoir fictionnel et globalement dem eure dans la
répétition du connu.
· Une littérature concertante.
C'est une littérature qui serait dans les clichés du moment, dans
le bruit culturel contemporain entre scandale calibré et formules
répondant au bain du spectacle ambiant. La préoccupation n'est
pas ici l'écriture, mais plutôt le coup ou le bruit de fond
médiatique.
· Une littérature
déconcertante. C'est une littérature qui déplace
l'attente, qui échappe au préconçu, au
prêt-à-penser culturel. Elle s'extrait du simple régime de
la consommation (la consommation des signes du spectacle et du spectaculaire).
L'enjeu de ces écritures, déranger les consciences d'être
au monde, tenter de dire ou signifier le réel, la violence du monde, ou
de l'intimité sans céder sur les questions d'écriture : de
nouvelles significations impliquent de nouvelles formes, de nouvelles
syntaxes.
Avec l'expression littérature déconcertante, on
comprendra une littérature qui ne cede rien quant à la
nécessité d'une « teneur de vérité », ou
d'un « contenu de vérité », expression renvoyant aux
pensées de Walter Benjamin27 et de Théodore W.
Adorno28.
Et comme la littérature est inséparable de la
société qui l'a vue ou qui la voit naître, l'on comprend
vite la nécessité qu'il y a de montrer cette forte relation qui
existe entre la littérature et la société. En effet, un
texte littéraire n'acquiert son sens qu'en faisant
référence à sa société. Pour ce, il convient
de rappeler que la notion de texte n'est pas nouvelle ; « elle est
liée historiquement à tout un monde d'institutions : droit,
Eglise, littérature, enseignement ; le texte est
26 Dominique Viart : Critique littéraire et
professeur de littérature française à l'Université
Lille 3, fondateur de la série Ecritures contemporaines
(Lettres modernes ~ Minard). Il est notamment l'auteur de Le Roman
français contemporain, (avec M ichel Braudeau, Lakis Proguidis et
Jean Pierre Salgas, ADPF, 2002) ; Les Vies minuscules de Pierre Michon
(Gallimard, 2004) et de La Littérature française au
présent, Héritage, Modernité, Mutations (avec Bruno
Vercier, Bordas, 2005).
27 Walter Benjamin (1892-1940) est un juif-Allemand
qui travaillait comm e un critique littéraire, un penseur, un
D
sociologue et un essayiste.
28 Théodore W. Adorno est l'un des plus importants
philosophes et critiques sociaux en Allemagne après la seconde Guerre
Mondiale.
un objet, c'est l'écrit en tant qu'il participe au
contrat social ; il assujettit, exige qu'on l'observe et le respecte (..)
»29.
Des essais de littérature comparée permettent
d'analyser les influences exercées par les littératures entre
elles. A rappeler que la littérature comparée consiste en
l'étude internationale ou
multilingue de l'histoire de la littérature. Elle
étudie les grands courants de pensée, le style et les grandes
écoles ; mais aussi les genres, les formes et les modes
littéraires, les sujets et les themes. Elle examine la présence
d'une oeuvre littéraire, d'un auteur, d'une littérature, voire
rentes, mais liés par des « influences » et des
affinités typologiques. Par opposition, le concept
de littérature générale fait
prévaloir l'idée d'une généralité
littéraire, indépendante des con- textes historiques,
géographiques et culturels. Les recherches des formalistes contemporains
s'appliquent, au-delà des simples constats d'identités
culturelles, à étudier les conditions de développement des
thèmes privilégiés et des genres spécifiques.
Ainsi,
« La littérature moderne pourrait alors se
comprendre à travers les rapports qu'entretiennent les écrivains
avec la société et la tradition ; la popularisation de la culture
par les ` mass médias' (presse, radio, télévision)
s'accomplit surtout sous le signe de divertissement. Mais que l'on s'accorde
à y voir un simple divertissement, un artifice trompeur ou une
nécessaire réponse aux préoccupations humaines, la
littérature n'en met pas moins en jeu toutes les virtualités du
langage pour exprimer l'infini variété de l'expérience.
»30
La sociocritique se donne alors comme tâche de mettre
à jour les rapports qui existent entre un texte avec la
société dont il émerge. Ainsi, maints facteurs
interviennent pour qu'un texte soit reconnu comme « littéraire
». Le roman, l'un des genres les plus connus et répandus dans le
domaine de la littérature, a une grande résonnance dans les
sociétés contemporaines. Par ailleurs, Goldmann définira
le roman comme une chronique sociale : « Comme l'économie
libérale, l'univers du roman classique ne connaît qu'une valeur
explicite : l'individu et son développement dans un monde qui lui est
à la fois apparenté et étranger. C'est pourquoi le roman
est à la fois une biographie et une chronique sociale.
»31
29 Edmond, Cros, Op.cit, p. 45.
D
30 `Littérature', Microsoft (c) Encarta2009 [DVD],
Microsoft Corporation, 2008.
D
31 Lucien, Goldmann, La création culturelle dans la
société moderne, Gonthier-Denoël, Paris, 1971, pp. 101
~
102.
ent. C'est-à-dire qu'une in-
ser de la société, son champ d'enrichissement voire
de m anifestation où elle est reçue et criti
quée. Il y a un échange réciproque entre
ces deux domaines social et littéraire. Pourtant, « à
l'inverse, la société est présente dans le texte et non
pas tant à travers tel ou tel énoncé, tel ou tel message
(fût-il apparenté au lapsus) ou telle ou telle vision du monde,
mais du fait que le texte intègre les conditions sociales de
l'écriture et les exigences de la lecture à venir
»32.
20
32
Paul, Dirkx, Op.cit., p. 85
21
L'Identité : Elément fondaT
IDIlIREnsIEaIliEIMIKIIREtIT LEraiEI,IàICOIvIrs L'Enfant multiple
d'Andrée ChedidI
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