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L'administration de mission en droit burundais: cas de la Commission Nationale des Terres et autres Biens (C. N. T. B. )

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par Emmanuel NIYOMWUNGERE
Université du Burundi - Licence 2010
  

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INTRODUCTION GENERALE

Le droit est appelé à suivre les mutations socio-économiques et politiques qui, quelques fois, s'opèrent de manière si rapide, profonde et complexe que les autorités publiques arrivent à les maîtriser avec peine.

On est amené, en permanence, à inventer des formules adéquates, propres à régir la nouvelle donne du commerce juridique. Tel est notamment le problème de l'adaptation des structures administratives aux missions de l'Administration.

En effet, on accuse les institutions administratives d'être trop liées au droit, d'être paralysées par des mécanismes et des procédures trop longs, et par conséquent d'ignorer les tensions et les passions des individus. On leur reproche d'être excessivement abstraites et dépassées.

L'Administration de mission est perçue comme l'une des solutions à ce problème. Catégorie originale des structures de l'appareil administratif, l'Administration de mission se définit par opposition à l'Administration traditionnelle de gestion dont elle vient corriger les tares en lui insufflant plus de dynamisme et d'efficacité. D'où certains auteurs la qualifient d' « Administration missionnaire » du fait de ses caractéristiques semblables à celles d'une mission évangélique1.

Elle apparaît sous plusieurs dénominations, mais les plus usuelles sont « Mission », « Délégation », « Autorité » à l'étranger; « Commission », « Comité », et « Conseil » au Burundi.

Les fonctions des organismes de mission sont diversifiées selon les domaines d'intervention et les modalités d'action, mais ces organismes ont en commun la singularité de la démarche nouvelle de l'Etat ainsi que le caractère inédit des problèmes à résoudre.

Dans ce travail, nous nous proposons d'explorer la technique administrative dite « Administration de mission » au Burundi. Pour bien mener nos recherches, nous avons scruté le paysage des institutions administratives surtout burundaises, mis en relief les administrations de mission et étudié leur raison d'être. Et nous en avons découvert une multitude.

1 Voir C.DEBBASCH, Science administrative: Administration publique, 5ème éd., Paris, Dalloz, 1989, p.438 ; R. DRAGO, Science administrative, caractères généraux de la science administrative, structures administratives, Paris, Cours de droit administratif, licence 4ème année, 1975, p.71

Ainsi, rien que dans les deux missions souvent connexes de réhabilitation des sinistrés et de résolution des conflits fonciers, nous avons relevé l'intervention successive de la Commission Nationale des Rapatriés (C.N.R.) instituée en 19772, puis la Commission Nationale chargée du Retour, de l'Accueil et de la Réinsertion des Réfugiés burundais (C.N.R.A.R.) en 19913. La Commission Nationale de Rapatriement fut créée en 1996 en remplacement de la précédente, avant de céder le terrain à la Commission Nationale de Réhabilitation des Sinistrés (C.N.R.S.) en 20024, elle-même remplacée par la Commission Nationale des Terres et autres Biens (C.N.T.B.) aujourd'hui5.

Nous avons centré notre étude sur cette dernière structure administrative et notre travail s'intitule « L'Administration de mission en droit burundais: cas de la Commission Nationale des Terres et autres Biens (C NTB) »

Le mandat de la C.N.T.B. de réhabiliter les sinistrés se dédouble en deux tâches principales: connaître les litiges relatifs aux terres et aux autres biens des sinistrés et récupérer les terres domaniales irrégulièrement attribuées. Aux termes de l'article 4 de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009 régissant la C.N.T.B., celle-ci « a pour mandat de connaître les litiges relatifs aux terres et autres biens opposant les sinistrés à des tiers ou à des services publics ou privés ». Le législateur a pris le soin de clarifier le sens de certains termes. Ainsi, selon l'article 2 de la meme loi, il faut entendre par sinistré toute personne physique ou morale qui aurait été spoliée de ses biens du fait des événements tragiques qu'a connus le pays depuis l'indépendance. En outre, il en fait une énumération non exhaustive. C'est notamment le rapatrié, le déplacé, le regroupé, le dispersé, la veuve, l'orphelin, etc.

Quant à l'expression « terres et autres biens », elle est reprise telle quelle à l'article 8 du protocole IV de l'Accord d'Arusha. Cette expression est une sorte de tautologie que les parties à cet Accord auraient faite exprès pour marquer une emphase sur la terre. Sinon, on aurait dû dénommer la structure administrative sous étude « Commission Nationale des Biens des Sinistrés » car les terres sont

2 Voir D.-L. n° 1/21 du 30 juin 1977 relatif à la réintégration dans leurs droits des personnes ayant quitté le Burundi suite aux événements de 1972 et 1973, B.O.B. n°10/77, pp.563 -566.

3 Voir D.-L. n° 1/01 du 22 janvier 1991 portant création d'une Commission Nationale chargée du Retour, de l'Accueil et de la Réinsertion des réfugiés burundais, B.O.B. n°4/91, pp.94 -95

4 Voir Loi n°1/017 du 13 décembre 2002 déterminant les missions, les compétences, l'organisation et le fonctionnement de la Commission Nationale de Réhabilitation des Sinistrés (C.N.R.S.), B.O.B. n°12/2002, pp.1296-1298

5 Voir Loi n°1/17 du 4 septembre 2009 portant révision de la loi n°1/18 du 04 mai 2006 portant mission, composition, organisation et fonctionnement de la Commission Nationale des Terres et autres Biens, B.O.B. n°9 bis/2009, pp. 1850-1853

aussi des biens, et précisément des biens immeubles. Or, un bien est toute chose qui, à la fois, peut servir d'usage à l'homme et est susceptible d'appropriation6.

Le choix de l'étude de la C.N.T.B. a été guidé par l'intérêt que présente sa mission qui consiste à « désamorcer la bombe foncière »7 dans le contexte postconflit au Burundi. En effet, le conflit foncier envisagé dans la perspective de réhabilitation des sinistrés, hypothèque les chances de réussite du programme de consolidation de la paix. Dès lors, le pouvoir politique a institué la C.N.T.B. pour qu'elle aide les sinistrés à retrouver leurs terres et autres biens par une approche communautaire et pacifique de règlement des conflits tenant compte à la fois de la loi, de l'équité et de la réconciliation nationale.

Le travail est subdivisé en trois chapitres. Le premier chapitre est axé sur la notion et le fondement de l'Administration de mission. Nous traçons les contours de la notion de l'Administration de mission, puis nous montrons les différents types d'administrations de mission ainsi que ses rapports avec les structures connexes avant de terminer par l'étude de son fondement, c'est-àdire des différentes raisons qui ont amené les pouvoirs publics à recourir à cette technique administrative.

Le second chapitre est consacré à l'étude du cadre d'éclosion des administrations de mission impliquées dans la réhabilitation des sinistrés burundais. Après avoir examiné la problématique foncière dans le cadre de la réhabilitation des sinistrés, nous passons en revue les normes juridiques applicables en la matière ainsi que l'état des lieux des administrations de mission qui interviennent de manière intermittente dans la résolution de la question.

Le troisième et dernier chapitre est centré sur l'étude de la C.N.T.B. en tant qu'Administration de mission. Nous analysons, d'une part, son cadre juridique et institutionnel; d'autre part, nous dressons le bilan de ses activités et nous livrons l'appréciation relative à l'accomplissement de son mandat.

Le travail sera clôturé par une conclusion générale.

6 D. NIMPAGARITSE, Cours de droit civil. Les Biens, Bujumbura, Presses Universitaires, A/A 1997-1998, p.6

7 Voir International Crisis Group (I.C.G.), Réfugiés et déplacés au Burundi: désamorcer la bombe foncière, Rapport Afrique n°70, Nairobi/Bruxelles, 7 octobre 2003.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams