UNIVERSITE DU BURUNDI
FACULTE DE DROIT
L'ADMINISTRATION DE MISSION EN DROIT BURUNDAIS: CAS DE LA
COMMISSION NATIONALE DES TERRES ET AUTRES BIENS (C.N.T.B.)
Par Emmanuel NIYOMWUNGERE
Sous la direction de: Mémoire
présenté et soutenu
publiquement en vue de l'obtention
M. Michel MASABO du grade de Licencié en Droit.
Docteur
en Droit
Bujumbura, septembre 2010
i
DEDICACE
A notre mère NDORICIMPA Judith,
A nos frères et soeurs,
A tous ceux qui oeuvrent pour la Justice et la
Vérité.
REMERCIEMENTS
Au seuil de ce travail, nous voudrions exprimer notre
sentiment de gratitude envers toutes les personnes qui ont participé
à notre éducation depuis l'école primaire jusqu'à
l'université en passant par l'école secondaire.
Nous remercions surtout les professeurs de la Faculté
de Droit de l'Université du Burundi pour la formation tant scientifique
qu'humaine qu'ils nous ont inculquée. Nous tenons à remercier de
façon particulière le Professeur Michel MASABO qui a
accepté de guider nos premiers pas de chercheur.
Que le personnel de l'Administration publique, notamment celui
de la C.N.T.B. et celui des divers autres services, qui a mis à notre
disposition la documentation nécessaire à la réalisation
de ce travail, reçoive notre reconnaissance.
Nos remerciements sont aussi adressés à notre
famille, surtout notre grand-frère Jérôme KABURA, ainsi
qu'aux familles Eslon BIZINDAVYI et GAHOMERA Audace pour nous avoir
apporté un soutien sans faille.
Que tous ceux qui ont contribué à l'aboutissement
de ce travail, de quelque manière que ce soit, y trouvent satisfaction
et fierté.
iii
PRINCIPAUX SIGLES ET ABREVIATIONS
A/A : Année Académique
A.A.I. : Autorité Administrative Indépendante
Al. : Alinéa
Art. : Article
B.O.B. : Bulletin Officiel du Burundi
C.E.N.I. : Commission Electorale Nationale Indépendante
C.I.P. : Comité Interministériel de
Privatisation
C.N.C. : Conseil National de la Communication
C.N.D.R.R. : Commission Nationale de Démobilisation, de
Réinsertion et de Réintégration des ex-combattants
C.N.L.S. : Conseil National de Lutte contre le SIDA
C.N.R. : Commission Nationale des Rapatriés
C.N.R.A.R. : Commission Nationale chargée du Retour, de
l'Accueil, et de la Réinsertion des réfugiés burundais
C.N.R.M. : Comité National de Réforme et de
Modernisation du secteur public
C.N.R. S. : Commission Nationale de Réhabilitation des
Sinistrés C.N.T.B. : Commission Nationale des Terres et autres Biens
C.O.R. : Comité d'Orientation du Recensement de la
population et de
l'habitation de 2008
C.V.R. : Commission Nationale pour la Vérité et la
Réconciliation
D.L. : Décret-Loi
D.P. : Décret Présidentiel
Ed. : Edition
Ibidem : Même auteur, même ouvrage, même
page
Idem : Même auteur, même ouvrage
H.C.R. : Haut Commissariat des Nations-Unies pour les
Réfugiés
O.N.U. : Organisation des Nations-Unies
Op.cit. : Opere citato (oeuvre déjà
citée)
P.(pp.) : Page(s)
P.U.F. : Presses Universitaires de France
P. s. : Pagination spéciale
S.L. : Sans Lieu
U.B. : Université du Burundi
INTRODUCTION GENERALE
Le droit est appelé à suivre les mutations
socio-économiques et politiques qui, quelques fois, s'opèrent de
manière si rapide, profonde et complexe que les autorités
publiques arrivent à les maîtriser avec peine.
On est amené, en permanence, à inventer des
formules adéquates, propres à régir la nouvelle donne du
commerce juridique. Tel est notamment le problème de l'adaptation des
structures administratives aux missions de l'Administration.
En effet, on accuse les institutions administratives
d'être trop liées au droit, d'être paralysées par des
mécanismes et des procédures trop longs, et par conséquent
d'ignorer les tensions et les passions des individus. On leur reproche
d'être excessivement abstraites et dépassées.
L'Administration de mission est perçue comme l'une des
solutions à ce problème. Catégorie originale des
structures de l'appareil administratif, l'Administration de mission se
définit par opposition à l'Administration traditionnelle de
gestion dont elle vient corriger les tares en lui insufflant plus de dynamisme
et d'efficacité. D'où certains auteurs la qualifient d' «
Administration missionnaire » du fait de ses caractéristiques
semblables à celles d'une mission
évangélique1.
Elle apparaît sous plusieurs dénominations, mais
les plus usuelles sont « Mission », « Délégation
», « Autorité » à l'étranger; «
Commission », « Comité », et « Conseil » au
Burundi.
Les fonctions des organismes de mission sont
diversifiées selon les domaines d'intervention et les modalités
d'action, mais ces organismes ont en commun la singularité de la
démarche nouvelle de l'Etat ainsi que le caractère inédit
des problèmes à résoudre.
Dans ce travail, nous nous proposons d'explorer la technique
administrative dite « Administration de mission » au Burundi. Pour
bien mener nos recherches, nous avons scruté le paysage des institutions
administratives surtout burundaises, mis en relief les administrations de
mission et étudié leur raison d'être. Et nous en avons
découvert une multitude.
1 Voir C.DEBBASCH, Science administrative: Administration
publique, 5ème éd., Paris, Dalloz, 1989, p.438 ;
R. DRAGO, Science administrative, caractères généraux
de la science administrative, structures administratives, Paris, Cours de
droit administratif, licence 4ème année, 1975, p.71
Ainsi, rien que dans les deux missions souvent connexes de
réhabilitation des sinistrés et de résolution des conflits
fonciers, nous avons relevé l'intervention successive de la Commission
Nationale des Rapatriés (C.N.R.) instituée en 19772,
puis la Commission Nationale chargée du Retour, de l'Accueil et de la
Réinsertion des Réfugiés burundais (C.N.R.A.R.) en
19913. La Commission Nationale de Rapatriement fut
créée en 1996 en remplacement de la précédente,
avant de céder le terrain à la Commission Nationale de
Réhabilitation des Sinistrés (C.N.R.S.) en 20024,
elle-même remplacée par la Commission Nationale des Terres et
autres Biens (C.N.T.B.) aujourd'hui5.
Nous avons centré notre étude sur cette
dernière structure administrative et notre travail s'intitule «
L'Administration de mission en droit burundais: cas de la Commission
Nationale des Terres et autres Biens (C NTB) »
Le mandat de la C.N.T.B. de réhabiliter les
sinistrés se dédouble en deux tâches principales:
connaître les litiges relatifs aux terres et aux autres biens des
sinistrés et récupérer les terres domaniales
irrégulièrement attribuées. Aux termes de l'article 4 de
la loi n°1/17 du 04 septembre 2009 régissant la C.N.T.B., celle-ci
« a pour mandat de connaître les litiges relatifs aux terres et
autres biens opposant les sinistrés à des tiers ou à des
services publics ou privés ». Le législateur a pris le
soin de clarifier le sens de certains termes. Ainsi, selon l'article 2 de la
meme loi, il faut entendre par sinistré toute personne physique ou
morale qui aurait été spoliée de ses biens du fait des
événements tragiques qu'a connus le pays depuis
l'indépendance. En outre, il en fait une énumération non
exhaustive. C'est notamment le rapatrié, le déplacé, le
regroupé, le dispersé, la veuve, l'orphelin, etc.
Quant à l'expression « terres et autres biens
», elle est reprise telle quelle à l'article 8 du protocole IV de
l'Accord d'Arusha. Cette expression est une sorte de tautologie que les parties
à cet Accord auraient faite exprès pour marquer une emphase sur
la terre. Sinon, on aurait dû dénommer la structure administrative
sous étude « Commission Nationale des Biens des
Sinistrés » car les terres sont
2 Voir D.-L. n° 1/21 du 30 juin 1977 relatif
à la réintégration dans leurs droits des personnes ayant
quitté le Burundi suite aux événements de 1972 et 1973,
B.O.B. n°10/77, pp.563 -566.
3 Voir D.-L. n° 1/01 du 22 janvier 1991
portant création d'une Commission Nationale chargée du Retour, de
l'Accueil et de la Réinsertion des réfugiés burundais,
B.O.B. n°4/91, pp.94 -95
4 Voir Loi n°1/017 du 13 décembre 2002
déterminant les missions, les compétences, l'organisation et le
fonctionnement de la Commission Nationale de Réhabilitation des
Sinistrés (C.N.R.S.), B.O.B. n°12/2002, pp.1296-1298
5 Voir Loi n°1/17 du 4 septembre 2009 portant
révision de la loi n°1/18 du 04 mai 2006 portant
mission, composition, organisation et fonctionnement de la Commission Nationale
des Terres et autres Biens, B.O.B. n°9 bis/2009, pp. 1850-1853
aussi des biens, et précisément des biens
immeubles. Or, un bien est toute chose qui, à la fois, peut servir
d'usage à l'homme et est susceptible d'appropriation6.
Le choix de l'étude de la C.N.T.B. a été
guidé par l'intérêt que présente sa mission qui
consiste à « désamorcer la bombe foncière
»7 dans le contexte postconflit au Burundi. En effet, le
conflit foncier envisagé dans la perspective de réhabilitation
des sinistrés, hypothèque les chances de réussite du
programme de consolidation de la paix. Dès lors, le pouvoir politique a
institué la C.N.T.B. pour qu'elle aide les sinistrés à
retrouver leurs terres et autres biens par une approche communautaire et
pacifique de règlement des conflits tenant compte à la fois de la
loi, de l'équité et de la réconciliation nationale.
Le travail est subdivisé en trois chapitres. Le premier
chapitre est axé sur la notion et le fondement de l'Administration de
mission. Nous traçons les contours de la notion de l'Administration de
mission, puis nous montrons les différents types d'administrations de
mission ainsi que ses rapports avec les structures connexes avant de terminer
par l'étude de son fondement, c'est-àdire des différentes
raisons qui ont amené les pouvoirs publics à recourir à
cette technique administrative.
Le second chapitre est consacré à l'étude
du cadre d'éclosion des administrations de mission impliquées
dans la réhabilitation des sinistrés burundais. Après
avoir examiné la problématique foncière dans le cadre de
la réhabilitation des sinistrés, nous passons en revue les normes
juridiques applicables en la matière ainsi que l'état des lieux
des administrations de mission qui interviennent de manière
intermittente dans la résolution de la question.
Le troisième et dernier chapitre est centré sur
l'étude de la C.N.T.B. en tant qu'Administration de mission. Nous
analysons, d'une part, son cadre juridique et institutionnel; d'autre part,
nous dressons le bilan de ses activités et nous livrons
l'appréciation relative à l'accomplissement de son mandat.
Le travail sera clôturé par une conclusion
générale.
6 D. NIMPAGARITSE, Cours de droit civil. Les Biens,
Bujumbura, Presses Universitaires, A/A 1997-1998, p.6
7 Voir International Crisis Group (I.C.G.),
Réfugiés et déplacés au Burundi:
désamorcer la bombe foncière, Rapport Afrique
n°70, Nairobi/Bruxelles, 7 octobre 2003.
CHAPITRE I : LA NOTION ET LE FONDEMENT DE
L'ADMINISTRATION DE MISSION
L'Administration de mission est une formule adéquate
pour l'accomplissement des missions spécifiques et urgentes ainsi que
pour la résolution des difficultés inédites à
travers une synergie d'institutions publiques et privées. Mais, il
arrive qu'elle échoue à cause de ses propres tares ou de divers
obstacles.
Il importe ici de clarifier d'abord la notion d'Administration
de mission, ensuite de dégager ses critères fondamentaux, et
enfin de montrer les raisons qui fondent le recours à cette technique,
particulièrement au Burundi.
Section 1. La notion d'Administration de mission
Après avoir tracé les contours de la notion de
l'Administration de mission, nous en faisons une classification et puis nous la
comparons avec certaines institutions voisines.
§1. Les contours de la notion
A. L'Administration de mission: une variante de
l'Administration Publique
Avant de définir l'Administration de mission, il
convient de commencer par l'Administration dont elle est une des composantes et
qui est la donnée primordiale du droit administratif.
En droit administratif, on définit l'Administration
comme l'ensemble des moyens humains et matériels, chargés, sous
l'autorité des gouvernants, d'assurer l'exécution des lois et
d'adapter ces lois aux intérets particuliers.8 Et
l'Administration publique se définit comme l'appareil de gestion des
affaires publiques constitué par l'ensemble des services publics dont la
bonne marche permet la réalisation des objectifs par le pouvoir
politique.9
L'Administration de mission se définit par opposition
à l'Administration traditionnelle de gestion. En effet, celle-ci est
tournée vers les tâches quotidiennes et a une vocation
générale. Elle couvre l'ensemble du territoire et plusieurs
domaines d'action. Elle est également permanente et stable. Elle peut
8R. DRAGO, op.cit., p.45 9C.
DEBBASCH, op.cit., p.1
se permettre d'être fractionnée parce qu'elle
fait face à des fonctions qui peuvent s'exercer sans dommage dans un
aménagement particulier de l'autonomie des services.
Cette Administration traditionnelle est formaliste, le temps
pour elle n'a pas d'importance majeure. Elle se contente de rester
discrète et prudente en éliminant tous les risques et
apparaît ainsi vieillie et sclérosée10.
Par contre, l'Administration de mission assume des fonctions
qui requièrent une plus grande efficacité, une plus grande
rapidité dans l'action des services, un esprit d'initiative plus
poussé, une meilleure coordination des services en raison du
caractère synthétique que présentent les tâches
nouvelles de l'Etat. Elle croit à la valeur des objectifs qu'elle doit
satisfaire et est prête à conquérir à cette fin
l'adhésion de tous les concernés, fonctionnaires ou
administrés.11 Elle est une variante de l'Administration
publique qui se veut nouvelle, dynamique et efficace.
R.GUILLIEN et J.VINCENT définissent l'Administration de
mission comme celle « dont la tche est d'imaginer et de contribuer
à mettre en place
à raison, comme ne pouvant être
résolus par la seule intervention de l'Administration traditionnelle et
par le seul recours aux techniques administratives classiques
».12
Cependant, ce genre d'action administrative frise
l'ambiguïté du fait de la souplesse d'intervention de
l'Administration de mission qui lui fait bénéficier d'un
régime juridique dérogatoire du droit commun administratif
façonné par la loi et le juge pour garantir les droits des
administrés et les exigences de l'intérêt
général.13
A la lumière des développements y relatifs de la
doctrine, nous pouvons définir l'Administration de mission comme une
structure administrative de coordination chargée d'une mission
spécifique d'intérêt général, bâtie en
marge de l'Administration de gestion mais composée de fonctionnaires
détachés de celle-ci, dotée d'un pouvoir de
décision et de contrôle pour l'efficacité de son action.
10 C. DEBBASCH, op.cit., p.1
11 Ibidem
12 R. GUILLIEN et J. VINCENT, Lexique des termes
juridiques, 16ème éd., Paris, Dalloz, 2007,
p.28
13 Ibidem
La signification du concept « Administration de mission
» mérite d'être clarifiée davantage à travers
l'étude de son originalité liée aux critères qui
déterminent la qualification de cette catégorie juridique.
B. Les critères fondamentaux des administrations
de mission
La plupart des définitions proposées indiquent
que l'Administration de mission devrait répondre à un certain
nombre de critères. Faute de référence dans la doctrine
burundaise, nous avons fait recours à la doctrine
étrangère pour les dégager.
1. La spécificité
Ce genre de structures administratives se voit confier une
tâche spécifique, toujours bien délimitée dans le
temps et dans l'espace mais également dans le domaine de la technique.
La délimitation dans le temps veut dire que la mission est assortie d'un
délai déterminé. La délimitation dans l'espace et
dans le domaine de la technique signifie que la mission est
localisée14 et qu'elle consiste dans un objectif ou un mandat
bien défini par le législateur ou le gouvernement.
2. La mobilité
Les agents qui font partie desdites structures doivent
être présents successivement au lieu d'accomplissement de leur
tâche et au siège du gouvernement ou de l'organe
interministériel auxquels ils doivent rendre compte du
déroulement de l'opération. La mobilité est à ces
fonctionnaires ce qu'est l'itinérance aux juges.
3. La double appartenance
Les agents qui accomplissent la mission, même s'ils sont
détachés à plein temps, ne cessent pas d'appartenir au
corps des fonctionnaires dans lequel ils ont été recrutés.
Dans la plupart des cas, ces fonctionnaires sont en position de
détachement, c'est-à-dire employés dans deux ou plusieurs
structures simultanément.
14 A l'étranger, en France (la Délégation
à l'Aménagement du Territoire et à l'Action
Régionale (D.A.T.A.R.), le Commissariat au Plan, ...) et aux Etats-Unis
d'Amérique (la Tennessee Valley Athority, la Port of New-York
Authority,...) par exemple, il s'agit souvent de la réanimation d'une
région. Au Burundi, les sociétés régionales de
développement auraient eu le même statut juridique si elles
n'avaient pas été érigées en Etablissements Publics
à caractère Industriel et Commercial (E.P.I.C.), puis en
Sociétés publiques
4 t 9EKAR4RP 111Geifpouvoirs
juridiques
Les administrations de mission ont l'autonomie du pouvoir
d'émettre des directives, de prendre des décisions,
d'édicter des prescriptions, de définir des orientations et d'en
contrôler l'application. Elles ont pour rôle de définir les
objectifs, de coordonner les actions qui doivent permettre de les atteindre et
de contrôler l'exécution de celles-ci.
5. La légèreté et la
maniabilité
A ces critères fondamentaux s'ajoutent d'autres plus ou
moins secondaires
tels que l'esprit « missionnaire» de ses agents et
l'échange d'information entre
eux15
Les structures de mission sont très souvent
légères et faciles à manier. Pour titre
légère et maniable, l'Administration de mission doit etre
composée d'une toute petite équipe affectée à son
service. Ceci est la condition essentielle pour son dynamisme et son
efficacité.
. Soulignons enfin cette idée originale de C. DEBBASCH
selon laquelle tous ces critères ne se retrouventpmais à
l'état pur16; ce qui laisse subsister une certaine
ambiguïté de la formule1 .
11 17 \ SRIRT111G1pGP i4iiArEAiR4i GIIP IiiiR4
eA OKIi rESSRIAi ENIFIei autres institutions administratives
proches
Dans les développements qui suivent, nous allons
essayer d'opérer une classification des administrations de mission et de
les comparer avec les administrations connexes.
$ 17 \ SRIRTH GMEGP i4iiAIEAiR4i GHP iiiiR4
Plusieurs classifications sont possibles selon les
critères considérés. Le cadre d'un mémoire
étant réduit, nous avons retenu seulement trois critères
à savoir la durée de l'administration de mission, le secteur dont
relève la mission et la technique d'organisation administrative
utilisée.
15 G. WIBAUX -- MARTINAUT, «
Délégation à l'emploi et Administration de mission »,
L'Administration et l'Emploi, Journées d'études, Paris,
Documentation française, 1981, pp.98-100
16 Idem, p.96
17 L'illustration de la formule d'Administration de
mission à travers le cas de la C.N.T.B. se trouve au dernier chapitre de
ce travail
1. Classification selon la durée de
l'administration de mission
Si nous considérons le critère temporel, nous
aurons trois types d'administrations de mission.
a. Une entité temporaire
Le premier type correspond, en théorie, à une
administration particulière chargée d'une mission
déterminée et temporaire qui devra disparaître sitôt
son rôle achevé. C'est le cas de la C.E.N.I. de 200518,
de la C.N.T.B. de 200619, et du Comité d'Orientation du
Recensement de la population et de l'habitation de 2008 (C.O.R.)20
.
b. Une entité transitoire
Le deuxième type est un système
expérimental destiné par la suite à être
étendu et à devenir une administration de gestion. On peut citer
à ce sujet, par exemple, le C.N.R.M.21 transformé tour
à tour en Centre de Perfectionnement et de Formation en cours d'emploi
(C.P.F.)22 et en Ecole Nationale d'Administration
(E.N.A.)23. Il en est de même de la Commission Nationale
chargée du Retour, de l'Accueil et de la Réinsertion des
réfugiés burundais (C.N.R.A.R.) de 1991 étendue cinq ans
après en Ministère à la Réinsertion et à la
Réinstallation des Déplacés et des Rapatriés
(M.R.R.D.R.).
18 Art. 2 du D. P. n°100/102 du 5 août 2004 portant
organisation et fonctionnement de Commission Electorale Nationale
Indépendante tel que modifié à ce jour, B.O.B.
n°8/2004, pp.535 -537
19 Art. 26 de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009
précitée
20Voir .D.P. n°100/238 du 30 août 2007
portant la création et la compétence du Comité
d'Orientation du Recensement de la population et de l'habitation de 2008
(C.O.R.), B.O.B. n°8/2007, pp.1405-1406
21 D.P. n°1/38 du 11 juillet 1969 portant création du
Comité National de Réforme et de Modernisation du secteur public
(C.N.R.M.), B.O.B. n°9/1969, p.257
22 Voir D.P. n°100 /148 du 08 novembre1979 portant
création du Centre de Perfectionnement et de Formation en cours d'emploi
(C.P.F.), B.O.B. n°12 /79, pp.537 -540
23 Voir D.P. n°100/253 du 30 août 2007 portant
création, organisation et fonctionnement de l'Ecole Nationale
d'Administration (E.N.A.), B.O.B. n °8/2007, pp.1414 -1418
c. Une entité permanente
Le troisième type est une administration «
carrefour »24 créée sans limitation de
durée et destinée à coexister avec l'Administration de
gestion. On peut ranger dans cette catégorie la Commission Nationale de
Démobilisation, de Réinsertion et de Réintégration
des ex-combattants (C.N.D.R.R.)25 qui coexiste avec le
Ministère de la Défense Nationale et des anciens combattants
ainsi que le Conseil National de Lutte contre le SIDA (C.N.L.S.)26
qui coexiste avec le Ministère de la Santé et de la Lutte contre
le SIDA.
2. Classification selon le secteur dont relève la
mission
Le champ d'application de l'Administration de mission peut
être subdivisé en quatre secteurs principaux.
a. Le secteur politique
C'est la nécessité de régulation et de
transparence politiques, mais surtout de rapidité des opérations
de vote qui font intervenir la création d'une administration de mission.
Celle-ci se rapproche dans ce cas d'une Autorité Administrative
Indépendante.
Au Burundi, l'organisation des consultations
électorales pour la mise en place des institutions étatiques est
dorénavant l'apanage de la C.E.N.I. qui vient de refaire surface pour le
rendez-vous électoral de 201027.
b. Le secteur économique
Dès son accession à l'Indépendance, le
Burundi a été rapidement gouverné par des régimes
autoritaires avec une économie dirigée. La volte-face qu'il a
opérée sur le plan politique dans les années 1990 avec la
vague de la démocratisation des institutions s'est accompagnée
d'un mouvement de
24 R. DRAGO, op.cit., p.71
25 Voir D.P. n°100/127 du 28 août 2003 portant
structure institutionnelle du programme de démobilisation, de la
réinsertion et de la réintégration des ex-combattants,
B.O.B. n°8bis /2003, pp.549- 550
26 Voir art.2 du D.P. n°100/015 du 4 février 2002
portant organisation, fonctionnement, et composition du Conseil National de
Lutte contre le SIDA (C.N.L.S.) tel que modifié à ce jour,
B.O.B. n°2/2002, pp.62 -64
27 Voir D.P. n°100/22 du 20 février 2009 portant
organisation et fonctionnement de la Commission Electorale Nationale
Indépendante, B.O.B. n°2 bis/2009, pp. 440-443
libéralisme économique. L'une des manifestations
de ce dernier est le Programme d'Ajustement Structurel (P.A.S.)28
présenté par ses partisans comme la panacée du
développement. Pourtant, certains éléments contenus dans
le P.A.S. ont suscité très tôt des controverses et des
remous au sein de la population. C'est le cas de la privatisation des
entreprises publiques.
Comme pour rassurer les esprits échauffés, le
Gouvernement a opté pour la délégation de la mise en
oeuvre de la politique de privatisation à une administration de mission
qui coordonne l'intervention de tous les concernés. Ainsi est née
le Comité Interministériel de privatisation (C.I
.P.)29.
Par ailleurs, il est prévu la création d'un
Comité Interministériel d'Aménagement du Territoire et une
commission ayant le même objet dans le cadre de la stratégie
nationale d'utilisation durable des terres30.
c. Le secteur administratif
C'est dans ce secteur qu'est née la première
administration de mission burundaise dont le mandat était de concevoir
et de mettre en oeuvre la réforme et la modernisation du secteur public.
Il s'agit du C.N.R.M. qui, en 1979, a changé de configuration en
devenant le C.P.F., lui-même transformé récemment en
E.N.A.
d. Le secteur social
Le foisonnement des administrations de mission dans ce secteur
est lié au contexte post-conflit actuel où l'urgence est de
remettre le tissu social dans son pristin état. Le mandat prioritaire
des pouvoirs publics consiste à restaurer et stabiliser la paix,
à réintégrer les ex-combattants et les sinistrés
dans la vie sociale normale et amener la population à se
réconcilier. C'est à cette dynamique en trois étapes que
participent les administrations de mission intervenant dans le secteur
social.
La première étape, celle de la restauration et
de la consolidation de la paix est l'oeuvre des administrations de mission
telles que la Commission Technique de Désarmement de la population
civile et de lutte contre la prolifération des
28 Le Programme d'Ajustement Structurel (P.A.S.) a pour objet
principal la relance économique et est initié par les
institutions financières de Bretton Woods
29 Voir Loi n°1/07 du 10 septembre 2002 portant
révision de la loi sur l'organisation de la privatisation des
entreprises publiques, B.O.B. n°9bis/2002, pp.902 -905
30 Voir Ministère de l'Aménagement du Territoire,
du Tourisme, et de l'Environnement, Stratégie nationale
d'utilisation durable des terres, 2006, pp 69 et 99
armes légères et de petit calibre
(C.T.D.C.)31 dont le sigle est devenu actuellement C.D.C.P.A.
à la suite de la modification du décret
précédent.
Au second stade du processus se situent la C.N.R. du 30 juin
1977, la C.N.R.A.R. du 22 janvier 1991, la C.N.R.S. du 13 décembre 2002,
la C.N.D.R.R. du 28 août 2003 et la C.N.T.B. du 04 mai 2006.
La dernière étape s'étend sur les travaux
du Comité de pilotage tripartite en charge des consultations nationales
sur la justice transitionnelle au Burundi du 02 novembre 2007 et de la
Commission Vérité et Réconciliation (C.V.R.) qui n'a pas
encore vu le jour.
3.
administrative utilisée
Trois types d'administrations de mission apparaissent quand on
se réfère au critère de la technique d'organisation
administrative: les administrations de mission centrales; les administrations
de mission décentralisées et les administrations de mission
indépendantes.
a. Les administrations de mission centrales
Par administrations de mission centrales, il faut entendre
celles qui sont présidées par les autorités de
l'Administration centrale. Celles qui sont placées sous le haut
patronage du Président de la République sont le C.N.L.S. et la
C.D.R.R. Le C.I.P. est, à son tour, présidé par le
ministre ayant la privatisation dans ses attributions; tandis que le C.N.R.M.
et la C.N.R. de 1977 avaient respectivement à la tête le ministre
de la Fonction Publique et un membre du Conseil
révolutionnaire32.
L'appellation « administrations de mission centrales
» a été retenue pour marquer la différence qui existe
entre celles-ci et les structures administratives centralisées de
gestion qui sont placées sous l'autorité hiérarchiquement
supérieure. Or, ce n'est pas le cas en ce qui concerne le C.N.L.S. et la
C.N.D.R.R.
31 Voir D.P. n°100/123 du 29 avril 2006 portant
création, composition, organisation et fonctionnement de la Commission
Technique de Désarmement de la population civile tel que modifié
à ce jour, B.O.B. n° 5/2006, pp.460-461
32 Art. 2 al. 2 du D.-L. n° 1/21 du 30 juin 1977
précité
Même pour le C.I.P. et le C.N.R.M.
présidés par des ministres qui sont placés sous
l'autorité directe du Président de la République, ils ne
demeurent pas moins des administrations de mission centrales car le pouvoir
hiérarchique du Président de la République sur les
ministres est général et se trouvent agencés au niveau de
l'Administration centrale. Ainsi donc, pour une entité administrative,
être présidée par une autorité centrale et
être placée sous son pouvoir hiérarchique sont deux
situations juridiques plus ou moins différentes.
b. Les administrations de mission
décentralisées
Ce sont celles qui ont une compétence propre de
décision et autonomes par rapport au pouvoir politique qui les a
instituées et qui n'exerce sur elles qu'un contrôle
tutélaire. Elles sont dotées de la personnalité juridique
et ont par voie de conséquence un patrimoine et une gestion
financière propres.
Néanmoins, cette personnalité juridique ne leur
est conférée que pour la réalisation des missions en vue
desquelles elles sont instituées. Ainsi, elles ne peuvent
posséder ou acquérir que les biens qui sont nécessaires
à la réalisation de ces missions. Les administrations de mission
burundaises décentralisées sont la C.N.R.S.33, la
C.T.D.C.34 et la C.N.T.B.35
c. Les administrations de mission totalement
indépendantes
Elles se caractérisent par une autonomie absolue,
exempte de contrôle de la part des autorités de l'Administration
centrale. Cette indépendance totale est le prix que l'Administration
centrale paie pour un bon accomplissement des missions qu'elle confie à
ce genre de structures administratives et qui nécessitent une
impartialité et une sérénité les plus
complètes.
Rentrent dans cette catégorie la C.E.N.I. et le
Comité de pilotage tripartite en charge des consultations nationales sur
la Justice transitionnelle.
33 Voir Art.2 de la loi n°1/017 du 04 septembre 2009
précitée
34 Voir Art. 5 al. 2 du D.P. n°100/123
précité
35 Voir Art. 2 du D.P. n°100/196 du 24 novembre 2009 portant
application de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009 précitée,
B.O.B. n°11 bis 2009, pp. 2290-2293
B. Les rapports entre l'Administration de mission et les
institutions administratives connexes
Nous avons choisi de comparer l'Administration de mission avec
l'Administration de gestion, l'établissement public et l'Autorité
Administrative Indépendante, du fait que ces derniers lui sont
très proches.
1. Les rapports avec l'Administration de
gestion
E. PISANI, à qui on doit la découverte de la
notion d'Administration de mission, a initié l'habitude de
définir cette dernière en l'opposant à l'Administration
traditionnelle de gestion. Celle-ci se présente, en effet, comme
assurant le fonctionnement des services publics dans le cadre des règles
de droit administratif et financier classiques.
Par contre, l'Administration de mission est chargée de
monter un projet d'intérêt général et de coordonner
son exécution en bénéficiant d'un régime juridique
plus souple, dérogatoire du droit commun pour l'efficacité de son
action.
Il faut reconnaître, cependant, que cette opposition est
tempérée. En effet, l'Administration traditionnelle, dans sa
tâche principale de gestion, recourt nécessairement à la
coordination. De même, l'Administration de mission, dans son rôle
principal de coordination, recourt à la gestion pour éviter
d'agir dans l'abstrait et de devenir un fantôme.
2. Les rapports avec l'établissement
public
L'établissement public est toute personne publique
autre que les collectivités territoriales, soumise au principe de la
spécialité et qui assure la gestion d'un service public ou d'une
activité incombant à l'Administration suivant les règles
variables en fonction de la nature de cette activité, mais comptant un
minimum de sujétions et de prérogatives de droit
public36.
L'Administration de mission présente beaucoup de
similitudes avec l'établissement public. Les deux institutions sont en
fait toutes des personnes publiques chargées d'un service public. Et
puis, tous les deux procèdent de la répartition fonctionnelle des
missions de l'Etat. De même, elles ont en commun la
spécialité de leurs objets respectifs, contrairement aux autres
personnes publiques qui ont des objets généraux consistant en la
satisfaction des besoins
36 G. CORNU, Vocabulaire juridique, 8ème
éd., Paris, P.U.F., 2000, pp. 349 --350
collectifs de la population. La spécialité de
l'objet envisagée ici en ce qui concerne l'Administration de mission est
celle qui est définie par rapport à l'objectif visé et non
par rapport au temps. L'établissement public se rapproche
particulièrement de l'administration de mission
décentralisée qui, comme lui, est dotée de la
personnalité morale mais soumise au contrôle de l'autorité
de tutelle. D'ailleurs, les administrations de mission
décentralisées sont assimilables aux établissements
publics dans la mesure où elles font partie de ce que l'on appelle
« des personnes morales de droit public innomées [qui] se sont
ajoutées aux établissements publics traditionnels
»37.
S'agissant des règles juridiques applicables,
l'Administration de mission s'éloigne un peu de l'ancien
établissement public à caractère industriel et commercial
(E.P.I.C.), devenu aujourd'hui la société publique, dont le
fonctionnement est régi par le droit privé pour se rapprocher
davantage de l'établissement public à caractère
administratif (E.P.A.) soumis au régime du droit public. Les deux
institutions administratives se distinguent également par leur objet et
leur organisation. L'Administration de mission a pour objet de concevoir, de
mettre en oeuvre et coordonner une politique gouvernementale
déterminée.
L'établissement public lui, a pour objet la gestion
d'un service public économique, social, scientifique ou d'enseignement.
L'Administration de mission a un organe de décision à
caractère collégial et un secrétariat exécutif ou
une autre structure administrative qui lui sert de support technique.
L'établissement public est, de son côté, doté d'un
Conseil d'administration et d'un organe de direction. Il faut noter enfin que
les établissements publics ont un cadre légal
général38 alors que les administrations de mission
n'en ont pas encore.
3. Les rapports avef1lip 'RoriRé1p GP HARIERIM-1
Indépendante (A.A.I.)
Les Autorités Administratives Indépendantes sont
des instances de régulation dont la création est soustraite aux
influences politiques comme aux intérêts économiques et
professionnels. Elles se situent toujours en dehors de la hiérarchie
pyramidale de l'Administration. Elles sont qualifiées de «
nouvelles magistratures » car elles rappellent les organismes
juridictionnels, et leurs
37 R. GUILLIEN et J. VINCENT, op. cit., p.
286
38 Tous les établissements publics sont
soumis au régime du D.-L. n°1/23 du 26 juillet 1988, B.O.B.
n°10/88 pp.220-226, mais les anciens E.P.I.C. sont
dorénavant régis par la loi n°1/002 du 06
mars1996 portant Code des Sociétés privées et publiques
B.O.B. n°3/96 pp.95-141
membres sont des « sages »39. La
formule d'A. A.I. et celle d'Administration de mission ont tellement de
similitudes dans leurs modalités d'application qu'elles engendrent une
crise d'identité sur le plan institutionnel.
a. La crise d'identité des institutions
administratives nouvelles
Les A.A.I. et les Administrations de mission présentent
tellement de ressemblances qu'à un certain moment, on peut s'imaginer
que toute démarche de différenciation est vouée à
l'échec. L'insuffisance de critères précis de distinction
peut entraîner une controverse de classification de certains organismes
administratifs dans l'une ou l'autre catégorie juridique. Ainsi, en
France, Jean DONNEDIEU de VABRES range la Commission des Opérations de
Bourse (C.O.B.) parmi les administrations de mission40 alors que
d'autres auteurs la classent parmi les A.A.I.41
Au Burundi, le législateur ne commence à se
prononcer sur la nature juridique des institutions administratives nouvelles
que très récemment à l'occasion de la loi n°1/18 du
25 septembre 2007 portant missions, composition, organisation et fonctionnement
du Conseil National de la Communication
(C .N .C.)42. Il ressort de l'article 1
alinéa 2 de cette loi que le C.N.C. est une A.A.I., mais la Constitution
du 18 mars 2005 le classe parmi les conseils43.
Mais, d'autres institutions administratives telles que la
C.E.N.I., le Comité de pilotage tripartite en charge des consultations
nationales sur la Justice Transitionnelle au Burundi, les commissions
tripartites de rapatriement, les commissions de facilitation ou de mise en
application des accords de cessez-lefeu, le Conseil Supérieur de la
Magistrature, etc. suscitent une question de classification juridique qui n'est
pas résolue de manière nette.
Le problème est d'autant plus posé que les
missions de régulation et de coordination s'imbriquent dans certaines de
ces structures. La recherche de solution à ce problème nous
conduit à deux hypothèses :
39 G. DUPUIS et alii, 8ème éd., Droit
administratif, Paris, Armand Colin, p.192
40 Voir « La C.O.B., une administration de mission »,
in Revue Administrative, 1980, p.237 cité par C. DEBBASCH.,
op. cit., p.446
41 G. DUPUIS et alii, op. cit., p.187
42 Voir B.O.B. n°9/2007, pp. 1599-1603
43 Les dispositions de la Constitution relatives au C.N.C.
figurent à son Titre XII intitulé « Des conseils nationaux
», (articles 268-288)
- ou bien A.A.I. et Administration de mission
sont de nature différente mais la combinaison dans leur emploi peut
conduire à la création de structures administratives hybrides ou
mixtes ;
- ou bien la différence qui existe entre
A.A.I. et Administration de mission n'est pas de nature mais de
degré44.
b. Essai de distinction
On peut trouver, nonobstant la difficulté de l'exercice,
des traits spécifiques permettant de distinguer A.A.I. et Administration
de mission.
Il y a d'abord l'absence de la mobilité chez les A.A.I.
Ensuite, celles-ci fonctionnent à la manière plus d'une
juridiction que d'une administration. En d'autres termes, les A.A.I. se
réfèrent dans leur fonctionnement aux règles juridiques
relevant plus du droit judiciaire que du droit administratif. C'est notamment
les règles relatives à la garantie d'impartialité et
d'indépendance, aux pouvoirs d'enquête plus étendus, aux
délibérations ou à la prise de décision, etc.
En outre, certaines administrations de mission sont
présidées par les autorités de l'Administration centrale
ou bien soumises au contrôle tutélaire de ces dernières,
mais cela n'est jamais le cas chez les A.A.I. vis-à-vis de toutes les
autorités politiques et administratives de l'Etat. Contrairement aux
administrations de mission dont la marge d'autonomie peut être
réduite, les A .A.I. ne peuvent pas voir la leur diminuée sans
que cela ne soit dommageable à l'efficacité de leur action. Une A
.A.I. peut être incarnée par une seule personnalité
(l'Ombudsman par exemple) mais une administration de mission est toujours
dirigée par un collège de membres.
Enfin, les deux types d'administration diffèrent, au
moins en théorie, dans leurs méthodes et dans leurs
finalités. Les administrations de mission procèdent d'une large
coordination des intervenants, dans la conception et la mise en oeuvre d'une
politique gouvernementale complexe. Par contre, les A .A.I. procèdent
d'une large participation des opérateurs dans un domaine précis
d'activités pour que la régulation de ce dernier se
réalise dans la plus grande indépendance et la plus grande
impartialité.
La notion d'Administration de mission est comprise davantage
lorsqu'elle est complétée par l'étude de son fondement
socio-politique et juridique.
44 Par exemple le degré d'indépendance, de
régulation et de coordination
Section 2. Le fondement de l'Administration de
mission
La technique d'Administration de mission est en vogue grace
à sa valeur qui s'analyse en la modernisation de l'Administration
publique, l'adaptation des structures institutionnelles aux missions nouvelles
et contingentes ainsi que l'application des principes démocratiques dans
l'Administration publique.
Cependant, le recours à l'Administration de mission ne
garantit pas le plein succès de l'action administrative dans tous les
cas.
§1. La valeur de l'Administration de mission
A. La modernisation de l'Administration publique
La modernisation désigne l'action politique de mise
à jour et à niveau de l'Administration publique pour que celle-ci
soit à même de mieux accomplir les missions de service public.
Après avoir examiné les lacunes de l'Administration
traditionnelle, nous montrerons le rôle joué par l'Administration
de mission dans la modernisation de l'Administration publique.
1. Les lacunes de l'Administration
traditionnelle
Le diagnostic fait sur l'Administration publique burundaise en
particulier, et celles des autres pays africains en général,
montre qu'elles souffrent d'incohérences et d'insuffisances importantes
qui engendrent un certain nombre de paralysies notoires.
a. Les causes
On peut voir d'abord que les vides juridiques, la
généralité excessive des textes créateurs des
institutions administratives, l'absence de systématisation et
d'harmonisation de l'arsenal législatif et réglementaire sont
quelques marques qui dénotent les faiblesses institutionnelles.
Ensuite, on relève le manque d'un véritable
rapport de contrôle entre des structures intervenant dans un même
domaine, de sorte qu'il n'est pas rare que certaines d'entre elles fassent
double emploi avec comme conséquence la perte de moyens et de temps. Les
structures de coordination ne jouent pas correctement leur rôle parce que
le contenu, la portée et l'étendue de ce rôle ne
ressortent pas clairement des textes
constitutifs45. L'Administration burundaise fait face à des
problèmes de formation et de motivation des fonctionnaires, de gestion
des structures et de management des services.
Qui plus est, la « boulimie » des
responsabilités qui anime certains agents administratifs se traduit par
la violation des principes fondamentaux de décentralisation et de
déconcentration. Cette attitude a été récemment
observée dans la procédure gouvernementale récente quand
certains ministres étaient réticents à
déléguer les pouvoirs et les moyens aux vices-ministres.
Plusieurs autres causes peuvent être
épinglées, notamment la complexification des missions de service
public, le formalisme excessif, la politisation des emplois publics, la
détérioration de l'éthique, la crise de
légitimité et de bonne gouvernance, le laxisme dans le
fonctionnement des services publics, etc. Sur le plan procédural, il
s'ensuit des retards, des «goulots
d'étranglement46» et des blocages qui peuvent se
révéler trop coûteux.
b. Les effets
Ces dysfonctionnements ont des effets nuisibles sur la
qualité et sur la quantité de l'action administrative. Les
administrés sont ipso facto mal servis ou pas servis du tout et
l'insatisfaction et les mécontentements qui en résultent
s'accompagnent de la détérioration de leurs relations avec
l'Administration. Ces phénomènes pathologiques de l'appareil
administratif s'étant manifestés si tôt après
l'Indépendance, tous les régimes politiques de la
République du Burundi ont initié et mis en oeuvre des politiques
de réforme administrative pour les enrayer et rendre l'Administration
plus performante.
Certains considèrent la modernisation administrative
comme un mythe ou un vampire dont on parle mais qu'on ne voit jamais. On ne
doit pas perdre de vue qu'elle ne s'opère pas d'un coup de baguette
magique. C'est une tâche permanente, une politique constante dont le
contenu doit être variable pour être adapté aux exigences de
l'époque.
45 Ainsi le rôle de coordination dévolue aux
Vice-Présidents de la République n'est pas clairement
défini dans la Constitution du 18 mars 2005.
46 Voir M. L. DIALLO, « Diagnostic et pistes de
réflexion » in L'administration publique des pays francophones
à l'aube des années 2000, Paris, I.I.A.P., 1996, pp.
121-127
2. Le rôle de l'Administration de mission dans la
modernisation de l'Administration publique
L'Administration «missionnaire», étant
elle-même une nouvelle composante de l'Administration publique, est le
moteur de la modernisation aussi bien à l'intérieur d'elle-meme
qu'à l'extérieur, c'est-à-dire chez l'Administration
traditionnelle de gestion, sa soeur aînée.
D'une part, la marque fondamentale de l'Administration de
mission est qu'elle incarne en elle-meme l'efficacité de l'action
administrative. Celle-ci doit constituer le seul but qui justifie son
originalité organique et fonctionnelle. C'est elle qui est apte à
maîtriser la rapidité des changements et qui constitue la
stratégie privilégiée de modernisation. C'est en ce sens
que B. AROUNA, souligne que face aux problèmes inédits de
l'ère présente, « l'Administration ne doit plus chercher
à s'adapter à un schéma organisationnel
déterminé, qui de toute manière ne résisterait pas
aux pressions de l'environnement en faveur du changement mais à
planifier le changement lui-même »47. Il pense alors
que certains objectifs de modernisation seraient mieux pris en compte par
l'Administration de mission que par les structures administratives de type
classique.
L'Administration de mission se démarque par la grande
rapidité dans l'action, un esprit d'initiative très poussé
et un haut degré de réalisme et de dynamisme. Ce symbole de
modernité porté par la structure administrative
«missionnaire» l'est également pour ses fonctionnaires.
Ceux-ci, contrairement aux fonctionnaires sclérosés
derrière leurs bureaux, croient à la valeur de leurs missions et
mettent en oeuvre tous les voies et moyens pour atteindre les objectifs
fixés.
D'autre part, l'Administration de mission joue un rôle
important dans la modernisation de l'Administration classique en coordonnant et
en animant les diverses structures de cette dernière, en suscitant une
émulation bénéfique à elle et en lui servant de bel
exemple. En effet, on se rend compte que les administrations de mission ont
vocation à coordonner les vastes projets ou programmes nationaux
impliquant les divers départements ministériels48.
En
47 1er Séminaire de l'Observatoire des
Fonctions Publiques Africaines sur les produits de modernisation de
l'Administration, Cotonou, 11-14 novembre 2003 (
http:// www.
ofpa.net/actsem/disccourmin.htm)
48 C'est notamment les divers projets exécutés
dans le cadre de la Commission Nationale de
Rapatriement de 1996 et du
C.N.R.S., le Projet « Appui au règlement pacifique des
litiges
fonciers » de la C.N.T.B.; du Programme national de
démobilisation, de réinsertion et de
synthétisant et en pilotant l'action
interministérielle, elles vont se comporter en habiles animatrices et
insuffleront un nouvel élan dans l'Administration publique. En outre, la
présence des organismes de mission dans l'univers administratif
entraîne une compétition et une émulation entre ces «
nouveaux venus » et les structures classiques49.
Enfin, de par les traits de la modernisation que
présente l'Administration de mission, elle amène l'Administration
classique de gestion à se remettre en cause et à lui
emboîter le pas. Elle lui permet de se ressaisir et de prendre conscience
qu'au-delà de l'expédition des affaires courantes et du
cloisonnement des services, il est nécessaire de cultiver l'esprit
d'entreprise et mettre en avant le culte de l'excellence. L'Administration
traditionnelle emprunte notamment à l'Administration de mission les
nouvelles méthodes de management notamment la gestion des projets et
leur évaluation par des audits stratégiques, organisationnels et
financiers.
Néanmoins, il serait faux de croire que toutes les
administrations de mission aboutissent toujours à la réussite et
que les relations qu'elles entretiennent avec l'Administration classique se
passent nécessairement en symbiose telles que nous venons de les
décrire50. On doit cependant admettre que, de manière
globale, les administrations de mission fonctionnent à la satisfaction
générale. On notera à cet effet le succès
retentissant de la C.E.N.I. dans l'organisation des élections de 2005 au
Burundi.
Comme on vient de le remarquer, la modernisation de
l'Administration publique est un voyage et non une destination. Dans ce voyage,
notre pays s'embarque de plus en plus dans l'Administration
«missionnaire» pour faire face aux missions nouvelles et
contingentes.
B. L'adaptation des structures institutionnelles aux
missions nouvelles et contingentes de l'Etat
L'Administration de mission est la mieux indiquée pour
faire face à la complexification des tâches de l'Etat et à
la rapidité des changements du monde contemporain. La raison
d'être de l'Administration de mission burundaise s'inscrit dans la
logique de maîtrise des contingences actuelles, en particulier de sortie
de guerre et de pénurie des ressources budgétaires.
réintégration des ex-combattants de la C.N.D.R.R.;
le Programme national de lutte contre le SIDA du C.N.L.S.
49 C. DEBBASCH, op. cit., p.444
50 Voir infra, p. 25
1. L'Administration de mission et le contexte
post-conflit
Pour atteindre les objectifs de l'après- guerre qui
consistent notamment dans la reconstruction, la réhabilitation des
institutions et des personnes sinistrées, la réconciliation et la
consolidation de la paix, le pouvoir politique a compris qu'il doit recourir
à la stratégie d'Administration de mission. Il a pris l'option de
laisser l'Administration classique s'occuper des missions de service public
traditionnelles, tandis que les missions nouvelles liées aux
contingences de la période post-conflit sont confiées à
l'Administration «missionnaire».
Au demeurant, l'Accord d'Arusha pour la paix et la
réconciliation au Burundi signé le 28 août 2000 est
l'assise politique et juridique de la technique d'Administration de mission. En
effet, c'est de cet acte de compromis politique que prend source le
phénomène actuel de « polysynodie administrative
», c'està-dire de prolifération presque pathologique
d'oTanes collégiaux, consultatifs ou délibérants,
associés à l'action administrative 1 et dont la
plupart sont des administrations de mission. Seules celles-ci peuvent concilier
l'impératif de la représentation et la participation des
principaux intéressés et celui de la rapidité et de
l'efficacité d'une certaine action administrative.
Ainsi, cet Accord prévoit expressément la
création des administrations de mission telles que la
C.V.R.52, la C.N.R.S.53, la C.E.N.I.54et une
sous-commission de la C.N.R.S. ayant pour mandat spécifique de traiter
les questions relatives aux terres et autres biens 55aujourd'hui
devenue la C.N.T.B.
On peut ajouter à cette énumération, une
autre non plus exhaustive, portant sur des administrations de mission dont les
mandats présentent un lien étroit avec l'Accord d'Arusha. C'est
entre autre la C.N.D.R.R., la C.T.D.C., le Comite de pilotage tripartite en
charge des consultations nationales sur la justice de Transition au Burundi.
Signalons enfin qu'en jetant un regard en arrière, on
trouve également que la C.N.R. du 30 juin 1977 et celle du 7 novembre
1996 ainsi que la C.N.R.A.R. du 22 janvier 1991 ont été
créées consécutivement aux crises de 1972, de 1988 et
1993.
51 R. DRAGO, op.cit., p.52
52 Art. 8, protocole 1
53 Art. 3, protocole 4
54 Art. 20, protocole 1
55 Art. 3, protocole 4
On peut remarquer que l'Administration de mission burundaise
est en forte corrélation avec la résolution des
difficultés inédites du contexte de sortie de guerre.
2. L'Administration de mission et le contexte de
pénurie de ressources budgétaires
Le Burundi est confronté actuellement à la
raréfaction des ressources budgétaires eu égard au vaste
chantier de reconstruction socio-économique et de lutte contre la
pauvreté d'une part, et de bonne gouvernance d'autre part.
a. La reconstruction socioéconomique et la lutte
contre la pauvreté
Concernant le volet relatif à la reconstruction
socio-économique et de lutte contre la pauvreté, l'Etat s'est
décidé pour l'interventionnisme afin de relancer son
économie et recoudre le tissu social. Cependant, cette politique
interventionniste dont l'objectif est de permettre au pays de retrouver et
consolider la paix; de créer un Etat de droit et de mettre en place les
bases d'un développement humain durable, est compromise par
l'insuffisance de moyens financiers. Pour régler ce problème,
l'Etat procède de deux façons distinctes selon que ses projets
relèvent du domaine économique ou du domaine social.
Ainsi, les projets relevant du domaine économique sont
financés en recourant aux crédits des organismes financiers
internationaux et leur exécution est confiée le plus souvent
à des associations sans but lucratif opérant dans ce domaine en
tant qu'organismes d'utilité publique56.
Quant aux projets relevant du secteur social, ils sont,
à quelques exceptions près, financés par des dons et sont
coordonnés en ce qui concerne la mise en oeuvre, surtout par des
administrations de mission57. Par ailleurs, il est prévu dans
l'Accord d'Arusha que suite au surendettement, le pays doit recourir plus aux
dons qu'aux dettes58.
Dans la mobilisation des ressources budgétaires,
l'Administration de mission est doublement adéquate en ce sens qu'elle
permet la coordination
56 Exemple: Twitezimbere, Projet des Travaux Publics et de
Création d'Emploi (PTPCE), Agence Burudaise des Travaux
d'Intérêt Public (ABUTIP), etc.
57 Voir supra, p. 10
58 Articles 5, 2, 1, Chapitre 3, protocole 4
externe de l'appui financier des bailleurs de fonds et la
coordination interne de l'appui technique des différentes structures de
l'Administration classique.
Dès lors, on est en présence de deux types
d'administrations de mission effectuant un travail en relais en matière
financière. Le premier type d'administrations de mission qui se situent
en amont, collectent les « affluents financiers » de
l'étranger et les canalisent ensuite vers le second type
d'administrations de mission opérationnelles en aval.
Deux exemples illustrent ce schéma :
- Il s'agit d'abord du Comité National
de Coordination des Aides (C.N.C.A.)59 qui collecte les aides
étrangères redistribuées ensuite à plusieurs
structures administratives, y compris celles qui sont
«missionnaires».
- C'est également le cas du
Comité de Pilotage Conjoint du Fonds de Consolidation de la paix au
Burundi chargé de décider des projets nationaux à financer
pour autant qu'ils cadrent avec l'objet du Fonds.
Or, la mise en oeuvre de ces projets est souvent l'apanage du
second type d'administrations de mission. C'est dans ce cadre que le projet
« Appui au règlement pacifique des litiges fonciers »
pris en charge par la C.N.T.B., a obtenu le financement du
Fonds.60
b. La bonne gouvernance
Concernant le second volet relatif à la bonne
gouvernance, le pays est en quête des voies et moyens de renforcer la
transparence dans la gestion de la chose publique. Il s'agit en fait de lutter
contre la corruption et les malversations économiques qui ont
récemment pris une allure inquiétante au sein de l'Administration
publique burundaise. Il résulte de cette tendance l'atteinte au
crédit et à la légitimité de l'Etat et surtout de
l'Administration classique.
Pour restaurer la confiance et le concours des
administrés et de la communauté internationale, l'Administration
de mission se trouve être l'alternative privilégiée par le
Gouvernement du Burundi dans la mise en oeuvre de sa politique. Elle est, en
effet, neuve et est composée d'un personnel choisi en
59 Voir D.P. n°100/128 du 12 décembre 2005 portant
création, missions, composition et
fonctionnement du Comité
National de Coordination des Aides (C.N.C.A.), (non inséré au
B.O.B.)
60 Ce projet est financé à concurrence de 700
000$ par le Fonds; 800 000$ du Gouvernement du Burundi et 100 000$ du Programme
des Nations-Unies pour le Développement (PNUD); soit un montant total de
1 600 000$.
principe selon les critères de probité et
d'intégrité morale61, et mieux
rémunéré. Elle est soumise, dans l'évaluation de
ses activités, aux audits internes et externes et rend compte
régulièrement à l'autorité étatique.
L'Administration de mission serait l'une des structures administratives
où le service public ne se monnaie pas.
Enfin, l'aménagement de ses structures, le
caractère collégial de sa composition et de sa décision
permet d'associer un représentant des bailleurs de fonds dans la mise en
oeuvre des projets qu'ils financent62. Ceci est inconcevable au sein
de l'Administration classique hiérarchisée et beaucoup plus
jalouse de l'indépendance et de la souveraineté nationales. Donc,
l'Administration de mission est la voie de prédilection à travers
laquelle l'Etat peut reconquérir l'appui direct des bailleurs de fonds
qui commençaient à geler leur coopération
bilatérale ou à faire transiter leurs aides par les organisations
non gouvernementales.
C. L'application des principes démocratiques
dans l'Administration publique
Depuis l'avènement de l'ère démocratique,
une opposition nette se manifeste contre l'action solitaire du
chef63.
Les actes administratifs qui étaient jusqu'alors de la
compétence du fonctionnaire isolé dans le bureau, tendent de plus
en plus à relever d'organismes collégiaux, dont les
administrations de mission. L'heure de la collectivisation de l'action
administrative a sonné. Ce mouvement dans lequel s'inscrivent les
administrations de mission tend à faire dominer la conception «
fonctionnaire unique, fonctionnaire inique »64.
En effet, la mystique du chef évoque trop facilement le
bon plaisir ou le pouvoir totalitaire et discrétionnaire ou encore
l'arbitraire tout simplement. Une méfiance plus
généralisée est marquée à l'encontre des
actes unilatéraux et individuels que l'on soupçonne d'être
entachés de partialité ou d'étroitesse de
61 On constate malheureusement qu'en fait, le recrutement du
personnel dans ce cas se fait sur base des critères politiques ou
arbitraires, tels que mentionnés à la page 25
62 Voir Décision n°0011/2001 du 22 janvier 2001 de
la Commission de Suivi de l'Application de l'Accord d'Arusha pour la paix et la
réconciliation au Burundi (C.S.A.) et l'Art. 5 du D.P. n°100/96
précité constitutif du C.N.L.S. réservant respectivement
une place à un membre représentant les bailleurs de fonds.
63 H. DEROCHE, Les mythes administratifs, Essai de
phénoménologie, Paris, P. U. F., 1966, p.197
64 Transposition de la conception « Juge unique, juge inique
» relevant du droit judiciaire.
vue. Les groupes de pression ont apporté dans l'opinion
publique une croyance à la valeur et à l'efficacité du
groupe au détriment des initiatives individuelles65.
On prône aujourd'hui, à l'instar de
l'économie concertée, une action administrative concertée.
C'est dire que les pouvoirs publics procèdent d'une approche
participative associant les administrés pour prendre les actes de
puissance publique. Au pouvoir exorbitant du chef, il est devenu
nécessaire d'apporter un contrepoids, un frein qui limite son initiative
et l'encadre. Cette limitation de pouvoirs qui est en même temps un essai
de participation des usagers à la mission de service public,
s'opère par le biais d'organismes collectifs parmi lesquels se trouvent
les administrations de mission.
Décider de la privatisation de telle ou de telle
entreprise publique, des critères de démobilisation des
ex-combattants, des mécanismes de justice transitionnelle
nécessaires et opportuns, de nouveaux principes applicables au
règlement du conflit foncier, etc., implique une coordination et un
accord des techniciens les plus divers, ainsi que la participation de ceux que
l'on administre. Ce qui est une nette démonstration de l'accomplissement
de la bonne gouvernance démocratique à travers la formule
d'Administration de mission.
§2. Les risques d'échecs de l'Administration de
mission
L'Administration de mission ne présente pas toujours que
des avantages. Des risques d'échecs subsistent.
A. La gestion aristocratique
La nomination des membres de l'Administration de mission et le
recrutement de son personnel est quasiment discrétionnaire au Burundi,
comme ailleurs. Or, il s'agit des organismes où les tâches sont
à la fois les plus exaltantes et les mieux
rémunérées; et par conséquent, ce sont les emplois
les plus recherchés du secteur public qui sont ceux pour lesquels la
sélection se fait dans les conditions les plus proches de
l'arbitraire66. De même, les règles de gestion des
crédits qui leur sont alloués ne sont pas fixées de
manière précise et détaillée par les textes
créateurs. Le plus souvent, ceux-ci habilitent les administrations de
mission de le faire elles-memes, l'autorité étatique se
contentant d'un contrôle a posteriori67.
65 H. DEROCHE, op .cit., p.197
66 C. DEBBASCH, op. cit., p.443
67 Voir infra, pp. 65-68
Dès lors, il se crée, au sein de
l'Administration Publique, une «aristocratie» qui fait que les agents
les plus dynamiques et les plus entreprenants et surtout ceux qui ont les
meilleures relations se dirigent vers elle. Cette « aristocratisation
» de l'Administration, loin de susciter l'émulation, peut augmenter
la sclérose de l'Administration de gestion ainsi que l'amertume des
agents qui la composent. D'où la mésintelligence et les conflits
qui surgissent quelques fois entre les deux types d'Administration.
B. Le dépassement du cadre initial
L'Administration de mission dont la création devrait
rester exceptionnelle, est en passe de se généraliser de
façon incontrôlée. Ceci pose le problème du suivi
des institutions de coordination et on peut se demander si l'esprit de mission
ne perd pas sa raison d'être dès lors que chacun est devenu
«missionnaire»68. On doit également remarquer que
l'Administration de mission participe du mouvement vers les
démembrements69 de l'Administration dénoncée
par la Cour des comptes française. De même,
l'ambiguïté de la formule d'Administration de mission notamment
quant à la généralité et à la permanence de
l'objet et au caractère indéfini de la durée pour
certaines structures créées, entraîne le dépassement
du cadre initial ou du schéma de l'administration de mission-type.
C. La fuite des responsabilités
Parfois, le pouvoir politique peut créer une
administration de mission pour qu'elle lui serve de «
bouc-émissaire » et lui fasse échapper à sa
responsabilité politique et administrative. Dans ce cas, c'est à
elle que seront attribuées les décisions contestées par
les administrés et elle sera désignée comme le responsable
de toutes les erreurs ou injustices, qu'il faut supprimer, lors même que
le pouvoir créateur aurait eu une quelconque
responsabilité70.
68 C. DEBBASCH, op. cit., p.441
69 Dans son rapport 1960/61 p.42, la Cour des comptes
française définit les démembrements de l'administration
comme « organismes intermédiaires entre les établissements
publics et les groupements privés, ayant les statuts les plus divers,
bénéficiant de la personnalité juridique et de l'autonomie
financière, créés par l'administration en marge de ses
structures propres en vue de l'accomplissement des tâches relevant
normalement du service public aussi bien par leur nature que l'origine des
moyens financiers mis en oeuvre », Voir R. DRAGO, op. cit., p.74
70 H. DEROCHE, op .cit., p. 202
D. Le parlementarisme
Les décisions collégiales des administrations de
mission peuvent être affectées des lenteurs et des blocages
caractéristiques du parlementarisme.
Il ne faut pas oublier qu'elles ressemblent à des
parlements en miniature et opèrent comme si elles disposaient des
pouvoirs législatifs. A la manière des travaux des organismes
collégiaux, ceux des administrations de mission sont lents et laborieux
en raison des représentations d'intérêts qui s'affrontent.
Le souci de respecter toutes les opinions et tous les intérêts
aboutit parfois à la création des micro-parlements, parfois
ingouvernables71.
Dans le fonctionnement, leurs rites sont une imitation
fidèle de ceux du Parlement: formation des groupes et des
sous-commissions, dégagement d'une majorité et d'une
minorité d'opposition, délibérations prolongées,
adoption de motions et de procès-verbaux de séances,
enquêtes, chargés de mission, secrétariat chargé
d'archivage souvent trop volumineuse72, etc.
Tous ces facteurs justifient les échecs enregistrés
par certaines administrations de mission burundaises.
Pour comprendre davantage la formule d'Administration de mission,
nous étudions dans la suite son application en matière de
réhabilitation des sinistrés.
71 H. DEROCHE, op .cit., p. 202 72Ibidem
CHAPITRE II: LE CADRE D'ECLOSION DES ADMINISTRATIONS DE
MISSION IMPLIQUEES DANS LA REHABILITATION DES SINISTRES BURUNDAIS
La mission de réhabiliter dans leurs droits
patrimoniaux et extrapatrimoniaux les victimes des crises socio-politiques qui
ont secoué le Burundi est devenue récurrente. Cette mission avait
été confiée à d'autres commissions
antérieures à la C.N.T.B. et dont la plupart étaient des
administrations de mission. Celles-ci ont évolué dans un cadre
à trois dimensions à savoir celui de la problématique des
terres et autres biens des sinistrés, celui de la multiplicité
des normes applicables et celui de la discontinuité des structures.
Section 1. Le cadre sociologique: le problème
foncier et des autres biens des sinistrés
La raréfaction grandissante de la
propriété foncière au Burundi a été maintes
fois à l'origine des deux principales missions connexes que l'Etat a
confiées à la C.N.T.B. et aux administrations de mission qui
l'ont précédée. Il s'agit d'inventorier et
récupérer les terres irrégulièrement acquises et
d'apurer le contentieux foncier et celui lié aux autres biens; la guerre
ayant contribué à compliquer la tâche.
§1. La raréfaction de la
propriété foncière
La superficie de l'Etat burundais est de 27.834
km2. Sa population actuelle est de 8.038.618
habitants273. De ce fait, il est classé parmi les pays
africains les plus peuplés.
De plus, 94% de sa population vivent de la terre en milieu
rural74. La population burundaise se caractérise
également par un comportement nataliste, une économie
basée sur l'agriculture de subsistance et l'héritage comme mode
normal d'acquisition de la terre.
Il en résulte que la terre se raréfie de plus en
plus et devient concomitamment un bien d'une importance, en tant que source
principale de
73 Voir D.P. n°100/12 du16 janvier 2009 portant
publication des résultats préliminaires du troisième
recensement général de la population et de l'habitation du
Burundi de 2008, B.O.B. n°1ter/2009, pp. 220-224
74 Rapport de l'Observatoire de l'Action Gouvernementale
(O.A.G.) cité par A. ARAKAZA, Guide méthodologique pour la
récupération des terres domaniales irrégulièrement
acquises, Bujumbura, C.N.T.B., février 2002, p.3
revenus. C'est ce qui explique que 80% du contentieux
judiciaire est d'ordre foncier75. Cette raréfaction se
traduit aussi par le fait que les terres domaniales ne cessent de faire l'objet
d'attributions irrégulières et d'empiétements.
§2. L'aggravation de la question foncière par
le phénomène des sinistrés
Depuis son indépendance, le Burundi vit de
manière récurrente une spirale de violences politico-ethniques.
Plusieurs milliers de personnes ont étéforcés
d'abandonner leurs biens, meubles ou immeubles. Ceux-ci sont soit
restés vacants, soit attribués par l'Etat
à de nouveaux acquéreurs, soit encore appropriés par des
tiers. A leur retour d'exil, les rapatriés trouvent leurs biens dans
d'autres mains. Il se pose la question de savoir qui du propriétaire
d'origine ou du possesseur actuel a un droit plus fort sur ces biens. Cette
question concerne surtout les réfugiés de 1972. Mais, il n'en
demeure pas moins que ceux de 1988 et de 1993 éprouvent d'énormes
difficultés dans l'exercice de leurs droits réels d'autant plus
qu'il n'est pas rare que leurs biens aient fait l'objet d'appropriations vite
remises en cause. Il arrive que le sinistré lui-même ait
clandestinement vendu sa propriété foncière et
qu'aujourd'hui il se retrouve sans terre.76
En outre, la création des sites de
déplacés sur des terres des particuliers engendre le
problème du statut de ces terres et la nature des droits exercés
sur elles par les déplacés. Il existe plusieurs victimes d'actes
de vol ou de destructions de maisons, de plantations, de fonds de commerce,
d'effets personnels, etc. Elles sont dans une situation de privation et de
dénuement au moment où les auteurs responsables de ces actes,
lors même qu'ils sont connus, sont pour la plupart insolvables. Or, la
restitution des biens, particulièrement de la terre constitue pour les
survivants une condition essentielle pour leur réinsertion et leur
réintégration sociales.
Cette situation alimente des conflits au niveau communautaire
et risque de replonger le pays dans les crises socio-politiques. Sous ce
rapport, une enquête menée par Caritas-Burundi en 2005 est
éloquente. Sur les 33 764 cas de conflits liés à la terre,
56,3% sont liés aux crises que le Burundi a connues77. Si
l'on n'y prend pas garde, la problématique foncière peut
être instrumentalisée politiquement lors des
échéances électorales prochaines pour déboucher sur
des troubles socio-politiques, comme cela s'est passé récemment
au Kenya et au
75 A. ARAKAZA, op.cit., p.3
76 C.N.T.B., Formulaire de présentation du projet, «
Appui au règlement pacifique des litiges fonciers »,
p.8
77 Ibidem
Zimbabwe. Il sied d'analyser les normes applicables en la
matière pour la prévention ou la résolution des
conflits.
Section 2: Le cadre juridique: la multiplicité
des instruments juridiques relatives à la mission de
réhabilitation des sinistrés
Le droit à la restitution des biens aux
sinistrés est consacré par un grand nombre de normes juridiques
tant internationales que nationales. Ces normes juridiques se trouvent dans des
instruments juridiques que nous allons passer en revue succinctement.
§1. Les instruments juridiques internationaux
Leur nombre ne cesse d'accroître et leur application se
fait à des échelles variées.
A. L'échelle internationale
Il s'agit des règles internationales relatives aux
droits de l'homme, aux réfugiés et aux personnes
déplacées, ainsi qu'aux questions humanitaires. Au fil des ans,
il s'est dégagé de la mise en commun et de la mise en oeuvre de
la multitude d'instruments juridiques internationaux une quintessence de
principes applicables en matière de protection et d'assistance aux
sinistrés. Ces principes se subdivisent en deux catégories.
1. Principes directeurs relatifs au déplacement de
personnes à l'intérieur de leur propre
pays78 a. Contexte et
justification
Ces principes ont été élaborés par
la Commission des droits de l'homme et renforcés par des
résolutions adoptées ultérieurement par la même
Commission79 et l'Assemblée Générale des
Nations-Unies80. Ils ont été confectionnés par
le Représentant Spécial du Secrétaire
Général de l'ONU pour
78
http://www.reliefweb.int/ochaol/pub/idpgp/idpfr2.htm
79 Voir Résolution E/CN4/1998/53/Add.2, annexe
80 Voir Résolutions A/RES/58/169 du 9 mars 2004 ;
A/RES/58/177 du 12 mars 2004 et A/RES/60/168 du 7 mars 2006
les personnes déplacées en collaboration avec
une équipe d'experts juridiques internationaux. Ils sont fondés
sur le droit international humanitaire et les instruments relatifs aux droits
de l'homme en vigueur et doivent servir de cadre normatif pour guider les
gouvernements ainsi que les organismes internationaux et nationaux d'aide
humanitaire et de développement à offrir une assistance et une
protection aux personnes déplacées.
Signalons toutefois qu'ils n'ont pas de caractère
contraignant et correspondent alors aux bonnes pratiques à être
suivies par les acteurs.
b. Contenu
Les principes directeurs relatifs au déplacement des
personnes à l'intérieur de leur propre pays définissent
les droits et les garanties visant à assurer la protection des personnes
déplacées au cours de toutes les phases du déplacement.
Ils protègent contre les déplacements arbitraires,
énoncent les critères de protection et d'assistance et les
garanties en vue du retour, de la réinstallation et de la
réintégration dans des conditions de
sécurité81. Nous retenons particulièrement
certains principes directeurs afférents à la
réhabilitation des personnes déplacées.
Le principe directeur 15 affirme le droit aux personnes
déplacées d'être protégées contre le retour
ou la réinstallation forcés dans tout lieu où leur vie,
leur santé, leur liberté ou leur sûreté seraient en
danger.
Le principe directeur 21 prévoit que les personnes
déplacées ne devraient pas être arbitrairement
privées de leur propriété et de leurs possessions par le
pillage, les attaques directes ou sans discrimination, ou encore les actes de
violence, l'utilisation en guise de bouclier pour les opérations ou des
objectifs militaires ou l'utilisation comme objet de représailles; non
plus par la destruction ou l'appropriation comme moyen de punition collective.
Le même principe directeur appelle à la protection des biens des
déplacés contre la destruction, l'appropriation, l'occupation ou
l'utilisation arbitraires et illégales.
Après avoir énoncé le droit au retour et
à la réinstallation volontaires, le principe directeur 28 ajoute
que les personnes déplacées devraient participer pleinement
à la planification et à la gestion de leur retour ou
réinstallation et de leur réintégration.
Quant au principe directeur 29, il bannit la discrimination
à l'endroit des personnes déplacées qui ont regagné
leurs foyers ou se sont réinstallés dans
81
http://www.reliefweb.int/ocha_ol/pub/idp_gp/idp_fr2.htm
d'autres lieux du pays. Il énonce également que
les autorités compétentes ont le devoir et la
responsabilité d'aider les personnes déplacées à
recouvrer, dans la mesure du possible, la propriété et les
possessions laissées ou dont elles avaient été
dépossédées au moment de leur départ. Lorsque le
recouvrement n'est pas possible, ces personnes ont droit à une
indemnisation appropriée ou une autre forme de réparation
équitable.
Enfin, les principes directeurs 27 et 30 concernent l'appui
des organisations humanitaires internationales et les autres acteurs à
ce genre de mission.
2. Les principes concernant la restitution
des
logements et des biens dans le cas des
réfugiés et des personnes déplacées
a. Contexte et justification
Ces principes ont un objet plus vaste que les
précédents car ils concernent la restitution des logements et des
biens non seulement des déplacés mais aussi des
réfugiés, et donnent des orientations supplémentaires. Ils
ont été approuvés par la Sous-commission de la promotion
et de la protection des droits de l'homme de l'ONU en aoüt
200582 lors de sa 57ème session83. Ils
sont le fruit d'une étude menée pendant 4 ans par la
Sous-commission, sous la direction du Rapporteur spécial sur la
restitution des logements et des biens dans le contexte du retour des
réfugiés et des personnes déplacées, Paulo
Sérgio PINHEIRO.
Leur formulation traduit une approche prospective et globale
de la restitution dans le cadre du droit international. Cette approche
s'inspire aussi des enseignements tirés par les spécialistes de
terrain ainsi que des « pratiques optimales » qui se sont
dégagées récemment dans des situations d'après
conflit où la restitution a été perçue comme un
élément clé de la justice réparatrice. Ils
reprennent les dispositions des différents programmes et politiques
nationaux existant en matière de restitution dont notamment ceux qui ont
été mis au point pour la Bosnie-Herzégovine, le Burundi;
le Cambodge; Chypre, le Guatemala, le Kosovo, l'Afrique du Sud et le
Rwanda84.
82 Résolution E/CN4/Sub. 2/2005/17
83
http://www.internal-displacement.org
84 P.S.PINHEIRO, Principes concernant la restitution des
logements et des biens dans le cas des réfugiés et des personnes
déplacées, Rapport final du Rapporteur spécial du 28 juin
2005, S.L., p.2
b. Contenu
Les principes concernant la restitution des logements et des
biens dans le cas des réfugiés et des personnes
déplacées énoncent des normes juridiques universelles de
protection contre le déplacement, les procédures de restitution,
les institutions, les mécanismes et la législation dans une
perspective des droits de l'homme et du droit international humanitaire en
vigueur.
Les bonnes pratiques qui s'y dégagent se
résument dans les grandes lignes qui suivent :
- Tous les réfugiés et les
personnes déplacées ont le droit à la restitution des
logements et des biens dont ils ont été privés
arbitrairement ou illégalement, ou à défaut, à une
compensation (E/CN4/Sub2/2005/17, Section II, point 12) ;
- Des institutions, des procédures et
des mécanismes équitables, transparents et non discriminatoires
devraient être mis sur pied pour résoudre les litiges relatifs aux
logements et aux biens, dans le cadre des accords de paix et de rapatriement
(Section IV, point 12) ;
- Il faut pleinement établir un cadre
administratif et législatif cohérent et adapté pour bien
résoudre les problèmes de logement et de propriété
des sinistrés (Section II, point 11) ;
- Des voies de recours flexibles et
effectives et des procédures de réclamation gratuites, simples et
équitables devraient être mis au point (Section V, point 13) ;
- La tenue d'un registre des logements, des
terres et des biens et la documentation y relative sont des
éléments centraux dans les mécanismes de
réclamation (Section V, point 15) ;
- Les droits des locataires et autres
personnes non propriétaires, en l'occurrence les occupants secondaires
doivent être préservés (Section V, point 16 et 17) ;
- Les décisions et jugements en
matière de restitution doivent être exécutées
(Section V, point 20) ;
- Le rôle de la Communauté
Internationale est d'une importance capitale dans la promotion et la protection
du droit à la restitution (Section VI, point 22).
B. I jAchIXXeIUjAiion!Xe
Nous nous limiterons au continent africain. La
réhabilitation des sinistrés est essentiellement régie par
la Convention sur les réfugiés de l'Organisation de
l'Unité Africaine (OUA) du 10 septembre 1969 approuvée à
Addis-Abeba. Elle concerne les problèmes spécifiques aux
réfugiés africains. En effet, les
dispositions de la Convention du 28 juillet 1951 relative au
statut des réfugiés ne se limitaient qu'à des
événements intervenus avant le 1/1/1951.
Malgré la signature en date du 31 janvier 1967 du
Protocole additionnel à la Convention de 1951 visant à
universaliser celle-ci, il fallait un cadre juridique régissant les
nouvelles catégories de réfugiés apparues suite aux
événements malheureux qui ont frappé l'Afrique. Ce sont
notamment la persistance de l'établissement colonial (la guerre
d'Indépendance en Algérie en 1956), les pratiques
discriminatoires et les conflits qui en découlent (cas de l'Afrique du
Sud et du Zimbabwe), les luttes de libération ou les affrontements
ethniques (au Rwanda en 1959) 85.
Par ailleurs, la Convention de l'Union Africaine sur la
protection et l'assistance aux déplacés internes en Afrique qui
vient d'être signée à Kampala ce 23 octobre 2009 par 17
Etats est un texte qui, une fois ratifié, comblera un vide du droit
humanitaire préexistant. Ainsi, depuis la Convention de 1951 relative au
statut des réfugiés, il n'existait jusque là aucune
législation régionale s'appliquant spécifiquement aux
personnes déplacées à l'intérieur de leur propre
pays dont le nombre avoisine actuellement 17 millions sur le continent
africain.86
Pour acquérir le caractère obligatoire, la
Convention de Kampala devra réunir au moins 15 ratifications sur les 53
Etats membres de l'Union Africaine87.
C. I 'échIIleIslus-régionale
Nous nous intéressons aux normes juridiques
internationales applicables dans notre sous-région des Grands- Lacs en
matière de restitution.
L'instrument le plus pertinent est le Protocole sur les
droits de propriétédes personnes de retour du 30 novembre
2006 élaboré dans le cadre de la
Conférence Internationale sur la région des
Grands -Lacs. Ce Protocole est l'un des dix autres, eux-mêmes constituant
l'une des cinq composantes88 du Pacte sur la sécurité,
la stabilité et le développement dans la région des
Grands- Lacs. Celui-ci est entré en vigueur le 21 juin
200889. Les Etats membres de ladite Conférence s'engagent,
conformément au Protocole susmentionné, à assurer la
85 Y.MUHIMPUNDU, « Le mandat du HCR », in Formation
sur le Rapatriement volontaire, Bujumbura, Hôtel Source du Nil, du
12-13 août 2002, p.1
86 http: // www. reliefweb.int/rw/dbc.nsf/doc100?OpenForm
87 Idem
88 Voir Art. 3 du Pacte
89 Source provenant du Secrétariat de la même
Conférence
protection juridique des propriétés des
réfugiés et des personnes déplacées dans leur pays
d'origine. Ils s'engagent particulièrement à « adopter
des principes juridiques en vertu desquels [ils] garantissent aux
réfugiés et aux personnes déplacées, la
récupération à leur retour dans leurs zones d'origine, de
leurs biens (...) » et à « créer un cadre
juridique pour résoudre les litiges découlant de la
récupération de biens ou de propriétés
antérieurement occupées par ou ayant appartenu à des
rapatriés »90
Le Protocole sur les droits de propriété des
personnes de retour souscrit à la plupart des instruments
juridiques internationaux avec lesquels il partage son objet sur le plan
africain et mondial. Et il va plus loin en comportant en annexe un projet de
loi cadre sur les droits de propriété de personnes de retour,
qui, à son tour, prévoit la mise en place de la Commission de
Réclamation et d'Indemnisation des personnes de retour, dont chaque Etat
membre s'inspirera. Cet instrument juridique a le double mérite
d'être le plus concret et d'être contraignant à
l'égard des Etats membres de la Conférence.
En ce qui concerne le Burundi, on notera qu'il existe des
accords transfrontaliers dits Accords Tripartites de rapatriement qui
s'appliquent pendant la réhabilitation des sinistrés burundais en
provenance notamment du Rwanda, de la République Démocratique du
Congo et de la Tanzanie. Par exemple, dans l'Accord tripartite
Burundi-Tanzanie-HCR de 2001, le Gouvernement du Burundi s'est engagé
à installer les rapatriés dans leurs zones d'origine ou de leur
choix si c'est possible, et de les aider à récupérer toute
propriété qu'ils auraient laissée derrière eux
selon les lois et règlements en vigueur au Burundi91.
§2. Les instruments juridiques du droit interne
On distingue à ce niveau les textes généraux
d'une part, et les textes spéciaux d'autre part.
A. Les textes généraux
L'Accord d'Arusha, la Constitution et le Code foncier sont les
principaux textes de référence.
90 Art. 13 du même Pacte
91 Art. 4, section 5 de l'Accord tripartite Burundi-Tanzanie-HCR
sur le rapatriement volontaire des réfugiés burundais en Tanzanie
signé le 8 mai 2001 à Dar Es-salaam
1. L'Accord d'Arusha pour la paix et la
réconciliation au Burundi
Après sa signature le 28 aoilt 2000, l'Accord a
été ensuite adopté par la loi n°1/017 du
1er décembre de la même année92. Le
protocole IV du même Accord consacre 10 articles des 17 qu'il contient,
à la réhabilitation des sinistrés. Ainsi, il y est reconnu
le droit pour tout sinistré de pouvoir récupérer ses biens
et si une récupération est impossible, de recevoir une juste
compensation ou indemnisation. Il prévoit également le cadre
juridique et institutionnel de la mission de réhabilitation des
sinistrés.
2. La Constitution
L'article 36 de la Constitution du 18 mars 2005 stipule que
« toute personne a droit à la propriété et nul ne
peut être privé de la propriété que pour cause
d'utilité publique dans des cas et de manière établis par
la loi et moyennant une juste et préalable indemnisation ou en
exécution d'une décision judiciaire coulée en force de
chose jugée »93.
La meme Constitution reconnaît l'égalité
de tous les citoyens devant la loi qui leur assure une protection égale.
Elle reconnaît également à tous les citoyens le droit de
s'établir librement n'importe où sur le territoire national, de
le quitter et d'y revenir94. Par ailleurs, elle proclame le droit
pour toute personne engagée dans une procédure judiciaire ou
administrative, à ce que sa cause soit entendue
équitablement95. Et pour cause, nul ne peut être
soustrait, contre son gré du juge que la loi lui assigne.
Hormis ces droits fondamentaux96 reconnus aux
citoyens, la Constitution fait une obligation à l'Etat d'assurer la
bonne gestion et l'exploitation rationnelle des ressources naturelles du pays
tout en préservant l'environnement dans l'intérêt des
générations futures97.
92 Loi n°1/017 du 1er décembre
2000 portant adoption de l'Accord d'Arusha pour la paix et la
réconciliation au Burundi, B.O.B. n°12 quater/2000, pp.
1147-1448
93 Art. 36 de la loi n°1/010 du 18 mars 2005
portant promulgation de la Constitution de la République du Burundi,
B.O.B., n° 3 ter/2005, pp. 1-35
94 Art.33 de la loi n°1/010 du 18 mars 2005
précitée
95 Art.38 de la loi n°1/010 du 18 mars 2005
précitée
96 Voir Articles 21 à 61 de la loi
n°1/010 précité
97 Art. 35 de la loi n°1/010
précité
3. Le Code foncier
La loi n°1/008 du 1er septembre 1986 portant
Code foncier reste la principale référence légale en
matière de réhabilitation des sinistrés, surtout en ce qui
concerne le règlement des litiges fonciers et la gestion des terres.
Le Code foncier reconnaît et protège les droits
fonciers exercés par toute personne physique ou morale de droit
privé sur des terres non domaniales qu'ils soient constatés dans
un certificat d'enregistrement ou exercés en vertu de la coutume ou d'un
titre d'occupation98.
Ensuite le Code foncier détermine les autorités
compétentes pour accorder la cession ou la concession des terres
domaniales. Il s'agit :
- du gouverneur de province pour une terre
rurale dont la superficie est inférieure ou égale à 4
hectares ;
- du Ministre ayant l'Agriculture dans ses
attributions pour une terre rurale dont la superficie est comprise entre 4
hectares et 50 hectares ;
- du Ministre ayant l'Urbanisme dans ses
attributions pour une terre urbaine dont la superficie ne dépasse pas 10
hectares ;
- et du Président de la République
pour une terre rurale dont la superficie dépasse 50 hectares et la terre
urbaine de plus de 10 hectares99.
En vertu de son droit éminent de gestion du patrimoine
foncier national, l'Etat peut établir des plans d'aménagement du
territoire, installer les projets agricoles; reprendre les terres des
particuliers et les redistribuer à ceux qui acceptent de se conformer
à sa politique foncière et agricole. Le Code foncier
prévoit, en outre, l'expropriation pour cause d'utilité publique
moyennant une juste et préalable indemnisation. Il consacre
également le principe de prescription acquisitive mis en cause par les
réfugiés burundais de longue date dans certains cas. Il
régit enfin les droits réels principaux démembrés
de la propriété ainsi que les hypothèques.
B. Les textes spéciaux
Ce sont surtout les textes législatifs et
réglementaires qui organisent le cadre normatif et institutionnel de la
réhabilitation des sinistrés.
Il y a notamment le D.P. n°100/043 du 7 mars 1996 portant
organisation du
Ministère à la Réinsertion et à
la Réinstallation des Déplacés et des
Rapatriés
(M.R.R.D.R.) tel que modifié à ce jour, et
les textes juridiques instituant les
98 Art. 329 de la loi n°1/008 du 1er septembre
1986 portant Code foncier du Burundi, B.O.B. n°7 à 9/86,
pp.125-169
99 Articles 253 et 254 de la loi n°1/008
précitée
différentes Commissions qui se sont succédé
dans la mission de réhabilitation des sinistrés.
Signalons à toutes fins utiles que le
rétablissement des sinistrés dans leurs droits se fonde sur
d'autres sources du droit telles que l'équité et la coutume ainsi
que les principes relatifs à la Justice transitionnelle.
Au Burundi, la réhabilitation des sinistrés
n'est pas seulement marquée par la multiplicité des normes
juridiques applicables, elle s'effectue aussi dans un cadre structurel
complexe, qui a été mis en place de manière intermittente
ou discontinue.
Section 3. Le cadre organique : la discontinuité
des structures
Pour ne pas sortir du cadre du présent travail, nous
retenons seulement les Commissions ayant la nature juridique d'administrations
de mission. Elles sont par ailleurs majoritaires dans le domaine de la
réhabilitation des sinistrés. La discontinuité de ces
structures de mission est surtout liée au caractère temporaire de
leurs mandats, ce qui a eu pour effet leur grande récurrence. Nous
présentons celles qui sont retenues dans l'ordre chronologique de
temps.
Nous étudions les Commissions antérieures à
la C.N.T.B., l'étude de cette dernière ayant été
abordée au troisième chapitre.
§1. La Commission Nationale des Rapatriés
(C.N.R.) dite aussi« Commission MANDI »100 du 30 juin 1977
A. Historique
La problématique de réhabilitation des
sinistrés au Burundi débute en 1977, au lendemain des
événements tragiques de 1972 et de 1973. La politique du
gouvernement de la IIème République visant à
résoudre cette problématique s'est traduite par le D.-L. n°
1/21 du 30 juin 1977 relatif à la réintégration dans leurs
droits les personnes ayant quitté le Burundi suite aux
événements de 1972 et 1973. L'article 1 de ce D.-L. rend
inopposable à l'Administration toute occupation, détention,
jouissance des biens laissés vacants par le départ des
réfugiés. Toutes les autres dispositions de ce texte sont
consacrées à la C.N.R.
La principale mission de la Commission était d'«
apurer le contentieux relatifs aux litiges opposant les rapatriés et
leurs ayants droit, aux occupants et détenteurs actuels des biens et
droits litigieux »101.
Mais, elle avait aussi deux autres missions
supplémentaires à savoir :
- régulariser le titre d'occupation et
de jouissance des paysans installés sur des terres n'excédant pas
4 hectares dans les conditions fixées par l'article 3 du D.-L.
n°1/191 du 30 décembre 1976 portant retour au domaine de l'Etat des
terres irrégulièrement attribuées;
- attribuer des concessions de terres
vacantes aux rapatriés n'ayant pu réintégrer leurs terres
en raison de la cession de celles-ci à d'autres
bénéficiaires102.
Exceptées quelques petites différences, les
principes de composition, d'organisation, de compétence et de
fonctionnement de la C.N.R. sont les mêmes que ceux de la C.N.T.B. Notons
cependant deux particularités importantes de la Commission: l'une est
relative au fait que la saisine de la Commission opérait dessaisine de
la juridiction de droit commun si elle était déjà saisie
du litige103, l'autre concerne l'absence du droit de recours contre
les décisions de la Commission qui ne peuvent être
attaquées que par voie de tierce opposition104.
B. Bilan des réalisations de la Commission
D'entrée de jeu, il faut signaler les
difficultés que nous avons éprouvées pour accéder
aux rapports de la Commission. Les personnes interrogées et les
administrations visitées n'ont pas pu nous donner l'information exacte
sur l'emplacement des archives de la Commission. Heureusement, nous avons pu
trouver les rapports de la délégation régionale au sud du
pays dans le bureau provincial de Bururi. Ces rapports reflètent le gros
du travail de la Commission d'autant plus que c'est la région la plus
touchée par la crise de 1972 et 1973. Nous avons également eu
accès à quelques bribes de rapports des travaux des
délégations régionales au Nord, à l'Ouest et
à l'Est du pays.
101 Art. 2 du D.-L. n° 1/21 précité102
Articles 12 et 13 du D.-L. n° 1/21 précité103 Art. 4 du
D.-L. n° 1/21 précité104 Art. 10 du D.-L. n° 1/21
précité
On peut dresser les résultats obtenus comme suit :
1. L'apurement du contentieux relatif aux
immeubles
Les deux tableaux suivants indiquent le nombre de cas
traités dans certaines circonscriptions géographiques et
administratives de référence.
VWWW *nW *: *Wov bre *we *cas *traités *wans
*certaines *cov v wes *wu *pwsr*
VVVIOV*
|
VVVVVVV
|
*VVVVVV*DV*CVV *TVVIVVS*
|
Au Sud Province Bururi
|
Rutovu
|
8
|
Burambi
|
5
|
Makamba
|
52
|
Nyanza-Lac
|
64
|
Mabanda
|
65
|
Vugizo
|
14
|
Rumonge
|
926
|
A l'Ouest Province Cibitoke
|
Rugombo
|
69
|
Musigati
|
49
|
Mpanda
|
12
|
Buganda
|
93
|
Au Nord
|
Busoni
|
116
|
A l'Est
|
Bukemba
|
19
|
Tableau n°2 : Nombre de cas traités dans
les zones de la commune
Rumonge106
ZONE
|
|
NOMBRE DE CAS TRAITES
|
Kigwena
|
A
|
140
|
|
B
|
62
|
Mugara
|
A
|
117
|
|
B
|
46
|
Kibira
|
A
|
68
|
|
B
|
98
|
Rumonge A
|
68
|
|
B
|
104
|
Minago
|
A
|
152
|
|
B
|
71
|
Ces tableaux montrent que la commune de Rumonge a
été la plus affectée par les événements
tragiques de 1972 et 1973. Même à ce jour, elle ne s'est pas
encore remise, car 99% du contentieux judiciaire oppose les rapatriés et
les personnes restées au pays107.
A la lumière des chiffres insérés dans
ces tableaux, nous retenons que la Commission s'est beaucoup investie pour
résoudre les nombreux litiges dont elle a été saisie
pendant les 10 mois de son fonctionnement. Les membres de la
délégation régionale rencontrés nous ont
affirmé qu'ils arrivaient dans chaque secteur concerné et y
demeuraient tout le temps que l'épuisement des litiges relevés
nécessitait, avant d'aller ailleurs. C'est un travail fait dans un
esprit véritablement «missionnaire».
Cependant, ce travail n'a pas atteint les résultats
escomptés. D'abord, cela est dü au fait que la Commission n'a
réglé que les cas des réfugiés qui ont
accepté de se rapatrier à l'époque. Ensuite, elle a
été saisie des litiges relatifs aux biens autres qu'immobiliers
de manière trop rare. En outre, l'impunité à
l'égard des personnes responsables des forfaits durant la crise de 1972
et 1973 décourageait le mouvement de rapatriement. A cela s'ajoute le
contexte socio-
106 Ce tableau est construit par l'auteur lui-même à
partir des données tirées des archives conservées à
la Province Bururi
107 Selon les sources provenant des autorités judiciaires
de Rumonge
politique du pays qui restait toujours tendu. Enfin, force est
de reconnaître que la procédure rapide et spéciale
adoptée pour régler ces litiges comportait le risque d'ouvrir la
porte à beaucoup d'irrégularités et d'erreurs.
2. La régularisation des titres d'occupation et
l'attribution des concessions de terres vacantes
Ce travail a nécessité, pour sa
réalisation, la mise en place d'une Sous-commission ad-hoc et des
commissions restreintes à l'échelle régionale.
Au niveau local, les opérations ont été
effectuées par ce qu'on appelait des Sous-commissions restreintes.
Chacune de celles-ci était composée d'un conseiller communal du
ressort, les premiers secrétaires du parti sur les collines de
recensement et le moniteur agricole de la région108. Nous
nous limiterons à la commune Rumonge, car, outre qu'elle a
été la plus secouée par la crise, ses terres sont
également les plus convoitées.
Ainsi donc, conformément à son cahier de charge,
la Sous-commission restreinte chargée de la redistribution des terres
abusivement attribuées à Rumonge a commencé d'abord par
relever les propriétés par colline de recensement et les
propriétés non déclarées devant la Commission
Nationale. Elle a relevé également les demandeurs de
propriétés par colline et par commune d'origine. En tout, elle a
enregistré 291 propriétés à attribuer entre 2 394
demandeurs dont 2200 étaient originaires de Rumonge, et 194 en
provenance d'autres communes. L'élimination systématique de ceux
qui ne remplissaient pas les conditions requises a permis de satisfaire
à 409 demandes.
Chaque bénéficiaire recevait deux hectares de
caféiers ou de palmiers à huile; et chaque zone administrative
mêmement. En outre, le Parti recevait un hectare et ses mouvements
intégrés, c'est-à-dire la Jeunesse Révolutionnaire
de Rwagasore (J.R.R.) et l'Union des Femmes Burundaises (U.F.B.), recevaient
chacun 0,5 hectare et ce par colline de recensement. Les
propriétés restantes étaient réservées
à l'installation des demandeurs ultérieurs qui étaient
sans terre.
Dans sa tâche, la Sous-commission restreinte de Rumonge
s'est heurté à beaucoup de difficultés telles que les
enseignements de sabotage vulgarisés à l'encontre de sa mission
par certains membres de la J.R.R.; l'épidémie du choléra
qui a provoqué des arrêts momentanés de son travail;
l'austérité du terrain, etc. Ces difficultés ont
entraîné les problèmes suivants:
- l'absence de délimitation des
propriétés faute de pistes de pénétration;
- l'absence de création des villages pour l'installation
de nouveaux occupants, comme préalablement prévu;
- la rancune des « latifundiaires » et des militaires
dont les propriétés usurpées sont revenues soit à
l'Etat, soit aux anciens propriétaires;
- l'incertitude sur la superficie à réserver au
Projet d'Intensification Agricole Rumonge-Burambi-Buyengero (PIA-RU.BU.BU) qui
devrait s'étendre sur l'espace situé en bas de la route
Rumonge-Nyanza- Lac depuis la Ruzibazi jusqu'à la Nyengwe;
- le danger d'installer les nouveaux occupants sans
résoudre le problème de nombreux revenants non encore
réinstallés;
- la problématique du droit de propriété
des immeubles par incorporation se trouvant dans les propriétés
à redistribuer109.
On remarque qu'au moment de sa disparition, la C.N.R. de 1977 a
laissé en suspens plusieurs questions.
§2. La Commission Nationale chargée du Retour,
de l'Accueil et de l'Insertion des Déplacés et des
Rapatriés burundais (C.N.R.A.R.) du 22 janvier 1991
A. Historique
Elle fut créée par le D.-L. n° 1/01 du 22
janvier 1991 sous le régime de la IIIème
République. La création de cette Commission s'inscrit dans le
cadre de la politique de l'Unité Nationale initiée à la
suite des événements malheureux survenus dans les communes Ntega
et Marangara en 1988. Le retour des réfugiés burundais
était considéré comme un facteur important de renforcement
de l'Unité nationale. C'est le début des Commissions tripartites
de rapatriement qui travaillaient en relais avec cette Commission et les autres
du même genre instituées ultérieurement. Les exactions
commises pendant la crise furent amnistiées afin de faciliter la
tâche de la Commission110.
La mission de la C.N.R.A.R. était de mettre en oeuvre
la politique du Gouvernement en matière de rapatriement des
réfugiés burundais. Son cahier de charge était notamment
de:
- suivre les dossiers de demande de rapatriement;
109 Voir les archives de la Commission restreinte
conservées dans le bureau du Gouverneur de la province Bururi.
110 J.B. BIZIMUNGU, La question des réfugiés
burundais à travers la problématique du rapatriement de 1987
à 1997, Bujumbura, U.B., Faculté des Lettres et Sciences
Humaines, 1999, p.30
- aider les rapatriés à se
réinstaller sur les propriétés encore disponibles;
- faciliter aux rapatriés la réinsertion dans la
vie socioprofessionnelle;
- connaître du contentieux né
à l'occasion des opérations de réinstallation;
- analyser toute question relative à
l'assistance des rapatriés;
- mener une étude prospective sur la
question des réfugiés burundais111.
L'originalité de la C.N.R.A.R. qu'elle partage avec la
précédente Commission est qu'elle prenait des décisions
ayant valeur de jugements coulés en force de chose jugée, ne
pouvant être attaquées que par tierce opposition.
B. Bilan des travaux de la Commission
Nous avons buté ici aussi sur l'inaccessibilité
des rapports et archives de la Commission. En effet, la C.N.R.A.R. n'a jamais
disposé de secrétariat permanent. Les rares informations y
relatives sont contenues dans des documents gardés à titre
privé par les membres de la Commission112. Les
témoignages recueillis auprès des membres de la Commission
dressent un bilan mitigé. Ils affirment qu'un certain nombre de litiges
ont été réglés, beaucoup de rapatriés ont
réintégré leurs terres ou réinstallés sur de
nouvelles terres, mais aussi réhabilités sur le plan
socioprofessionnel.
L'obstacle juridique notoire dans le travail de la C.N.R.A.R.
résidait dans le fait que la loi ne permettait à ses membres
qu'à aider les rapatriés à se réinstaller sur
« les propriétés encore disponibles
»113. Lorsque le rapatrié trouvait sa
propriété exploitée par des occupants secondaires, il en
découlait un conflit difficile à résoudre à cause
de cette disposition. En outre, la Commission a été
débordée dans sa tâche suite à la politisation des
dossiers liés à la réinstallation des sinistrés.
C'est ainsi qu'on a vu éclater de nombreux litiges fonciers dans la
plaine de l'Imbo accompagnés de tensions sociales d'une grande ampleur
ravivées par le contexte de début du multipartisme à cette
époque.
« Sous l'instigation des nouveaux administrateurs
fraîchement promus, les occupants des anciennes terres des
réfugiés furent jetés à la rue, ce
quiprovoqua une grave crise » 114. Au comble de
celle-ci, des habitants de Minago
chassés par familles entières vinrent manifester
contre cet état de fait devant la
Présidence de la
République115. Pour résoudre cette crise, le
Président Melchior
111 Art. 2 du D.-L. n° 1/01 précité
112 J.B. BIZIMUNGU, op. cit., p.30
113 Art. 2 du D.-L. n° 1/01 précité
114 G. GATUNANGE, Etude sur les pratiques foncières au
Burundi. Essai d'harmonisation, Bujumbura, RCN Justice &
Démocratie, 2004, p.13
115 Idem, p.14
NDADAYE, dans son discours célèbre
prononcé à Makamba, défendit la thèse des droits
acquis lorsque le nouvel occupant n'avait pas plusieurs
propriétés foncières: les réfugiés devaient
s'installer ailleurs, sur des terres domaniales que l'Administration
aménagerait à leur intention.116
Avec l'éclatement de la guerre d'octobre 1993, la
commission dont la liste des membres venait d'être profondément
changée117, a totalement cessé ses
activités.
C. La question de l'inconstitutionn
la C.N.R.A.R. et ses conséquences
1. Le point de départ
Les personnes expulsées suite aux décisions de
la C.N.R.A.R. ou de ses délégués, en plus de la bataille
politique qu'elles ont menée notamment par le sit-in devant la
Présidence de la République, ont aussi engagé un combat
judiciaire pour faire valoir leurs droits. Elles ont invoqué
l'inconstitutionnalité de l'article 6 du D.-L. instituant la C.N.R.A.R.
qui stipule que les décisions de cette dernière ont valeur de
jugements coulés en force de chose jugée. Dans son arrêt du
21 novembre 1994, la Cour Constitutionnelle qui était saisie de l'action
leur a donné effectivement raison en constatant
l'inconstitutionnalité de cette disposition
légale.118
Selon cet arrêt, la mission de rendre justice
était effectivement réservée aux seuls Cours et Tribunaux
par l'article 140 de la Constitution119; que de fait, les conditions
de recrutement et de nomination des magistrats des Cours et Tribunaux, leur
organisation et leur mode de fonctionnement sont soumis à des
règles particulières en vue d'assurer la compétence,
l'impartialité et l'indépendance de la Magistrature, et que par
conséquent, l'organe créé par le D.-L.
précité était une simple commission administrative qui ne
présentait pas les garanties d'indépendance et
d'impartialité d'un organe judiciaire.
116Voir C. UWERA, « Visite du
Président Ndadaye en province Makamba. Bientôt un code foncier
pour régler la question des rapatriés. », in Le Renouveau
du Burundi n° 4218 du 18 octobre 1993, pp. 1-4
117 Voir le D.P. n°100/49 du 30 juillet 1993 portant
nomination des membres de la Commission Nationale chargée du Retour, de
l'Accueil et de la Réinsertion des Réfugiés burundais,
B.O.B. n°10/93, pp.590-591
118 Voir, Cour Constitutionnelle du Burundi, Rôle de la
Cour Constitutionnelle du Burundi (R.C.C.B.) n°31 du 21 novembre 1994
(inédit)
119 L'équivalent de l'art. 205 de la Constitution
actuelle
L'inconstitutionnalité de cet article entraînait
la remise en cause des actes juridictionnels de la C.N.R.A.R.120
2. Conséquences de l'arrêt de la Cour
Constitutionnelle
Nonobstant cette défensive de la Cour
Constitutionnelle contre l'atteinte à la séparation des pouvoirs
qui s'était manifestée par l'attribution des pouvoirs
juridictionnels à la C.N.R.A.R. qui est un organisme administratif, le
problème reste toujours d'actualité.
D'autres « commissions administratives » ayant la
même nature et le même objet ont été
recréées, en l'occurrence la C.N.R.S. et la C.N.T.B. La seule
leçon tirée par l'Exécutif et le Législatif de
l'arrêt susmentionné est qu'ils se sont gardés de reprendre
la disposition selon laquelle les décisions de ces commissions ont
valeur de jugements coulés en force de chose jugée, ne pouvant
être attaqués que par tierce opposition.
Pour le reste, la lecture des textes créateurs de ces
administrations de mission en charge de la réhabilitation des
sinistrés laisse voir une attribution des fonctions juridictionnelles
qui sont à tout le moins dissimulées. Ce qui a suscité une
controverse sur la nature juridique de ces commissions et celle de leurs
décisions.
En effet, selon une certaine opinion, les fonctions
juridictionnelles de ces commissions ne ressortent pas explicitement des textes
créateurs, et en considération du critère organique, ces
commissions ne prennent que des actes administratifs. Ceci suppose que le
recours juridictionnel contre toutes les décisions de ces commissions
est de la compétence de la Cour Administrative. Cette opinion est
décelable parmi la plupart des fonctionnaires de la C.N.T.B. qui veulent
écarter le risque de la déclaration d'inconstitutionnalité
de leurs décisions en application du précédent
susmentionné. Ils soutiennent qu'ils agissent en qualité de
médiateurs et non de juges. Cependant, les partisans de cette
thèse éprouvent des difficultés dans la qualification
juridique des décisions de la C.N.T.B. à cause de l'absence du
cadre légal de la médiation ici chez nous121, et des
lacunes des textes juridiques qui instituent cette entité
administrative; d'autant plus qu'elle a mis en place une procédure de
résolution des litiges très proche du droit judiciaire
privé.
120 G. GATUNANGE, op. cit., p.15
121Voir G.WAKANA, La législation sur les
méthodes alternatives (ou non judiciaires) de résolution des
conflits, Bujumbura, 2008, Global Rights, p. 6
Selon une seconde opinion, différente de la
précédente, l'interprétation des textes créateurs
desdites commissions permettrait d'affirmer que ces dernières disposent
des pouvoirs juridictionnels. Cette opinion domine dans le milieu
universitaire. Elle souligne la persistance du risque de remise en cause des
actes juridictionnels de ces commissions.
C'est ainsi que G.WAKANA écrit que « comme
indiqué dans la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle, la C.N.TB.
risque d'tre qualifiée de simple commission administrative dont les
solutions ne peuvent pas être considérées comme ayant la
force de chose jugée. D'autre part poursuit-il, la loi qui
organise la C.N.T.B. stipule en son article 22 que les décisions de la
C.N.T.B. sont susceptibles de recours devant les juridictions
compétentes, comme s'il s'agit de l'application du principe du double
degré de juridiction consacré par notre système
judiciaire. En d'autres termes, la C.N.T.B. serait une sorte de juridiction non
prévue par le Code d'Organisation et de Compétence Judiciaires,
ce qui serait encore une fois une violation de l'article 205 de la Constitution
du 18 mars 2005, et partant inconstitutionnelle en application de
lalurisprudence ci-haut citée. Le risque est donc là de revenir
à la case départ. »1 2
Mais bien avant, G.GATUNANGE avait mentionné en 2004 que
la question de l'inconstitutionnalité des décisions de la
C.N.R.A.R. reste pleinement d'actualité, puisque l'Accord d'Arusha
prévoit la création d'une Sous-commission ad hoc qui, à
bien des égards, ressemble aux commissions
précédentes.123
3. Esquisse de solution
On peut trouver une solution à la question de la
nature juridique des commissions en charge de réhabiliter les
sinistrés et celle de leurs décisions qui concilie les
divergences de vue en présence.
En effet, nous considérons que ces commissions sont
des organismes administratifs, plus précisément des
administrations de mission qui, de façon dérogatoire, font office
de juridictions pour apurer rapidement le contentieux qui met en cause les
sinistrés. Ce genre d'administrations prennent alors des actes «
administratifs juridictionnels ».124
122G. WAKANA, op.cit., p.5
123G.GATUNANGE, op. cit., p.15
124 Voir A.BOCKEL, Droit administratif,
Dakar-Abidjan, Les nouvelles Editions Africaines,
1978, p.165
La notion d'acte « administratif juridictionnel »
est le résultat de la définition fonctionnelle des actes
juridiques, ce qui constitue une dérogation à la
définition organique des actes juridiques soutenue par la
première opinion.
Le législateur étant le maître de la
légalité, il arrive qu'il confie des fonctions juridictionnelles,
à titre exceptionnel, à certains organismes administratifs. A ce
titre, ils édictent des actes juridictionnels et non administratifs. Ces
hypothèses sont à distinguer de celle où l'organe est
juridictionnel par lui-même. Ce sont des structures administratives
exerçant normalement des fonctions administratives qui, sans modifier
forcement leur composition, font office de juridictions. Donc, les
administrations de missions antérieures à la C.N.T.B.
relativement à son mandat posaient comme elle, une partie des actes
juridiques de nature juridictionnelle.
Nous pensons que la Cour Constitutionnelle ne devrait pas
condamner de manière absolue et en tout temps les actes juridictionnels
d'un organisme administratif. En cas de saisine éventuelle du cas
d'espèce, elle devrait être amenée à tempérer
sa rigueur et opérer un revirement de sa jurisprudence, en admettant la
solution d'acte « administratif juridictionnel », à condition
que ce soit à titre exceptionnel. Ainsi, le contexte historique de
sortie de guerre et la nécessité de l'application de la Justice
transitionnelle au Burundi, combinés avec d'autres raisons qui fondent
l'usage de l'Administration de mission, justifient que des fonctions
juridictionnelles soient confiées à des organismes administratifs
tels que la C.N.T.B. et la C.V.R.
On ne doit pas perdre de vue que ces administrations de
mission font partie des mécanismes de Justice transitionnelle
prévus dans l'Accord d'Arusha. Dès lors, les juges de la Cour
Constitutionnelle ne devraient pas aujourd'hui donner raison à ceux qui
remettraient en cause les solutions exceptionnelles et alternatives issues de
la C.N.T.B. et de la C.V.R. sans créer le risque de remettre en cause,
ipso facto, l'Accord d'Arusha qui est en même temps la source de ces
structures et même de la Constitution.
« Autre temps, autres moeurs »; et, pour des
situations exceptionnelles, il faut des mesures exceptionnelles. Nous avons
écrit lors de la définition que c'est la souplesse d'intervention
de l'Administration de mission qui la fait bénéficier d'un
régime juridique dérogatoire du droit commun administratif
façonné par la loi et le juge pour garantir les droits des
administrés et les exigences de l'intérêt
général.
En résumé, le problème de la
constitutionnalité des actes juridictionnels des organismes de mission
trouve sa solution dans la notion d'acte « administratif juridictionnel
» commandé par les circonstances exceptionnelles du moment ainsi
que dans son bénéfice du régime juridique
dérogatoire du droit administratif commun. Cependant,
les activités juridictionnelle et administrative sont aujourd'hui
malaisées à distinguer. En réalité, la ligne de
séparation manque de netteté et la question de savoir à
quoi on reconnaît une juridiction ou une administration reste
ouverte125.
§3. La Commission Nationale du Rapatriement de 1996
A. Historique
Cette Commission a été mise sur pied le 7
novembre 1996 par le Ministre en charge de la Réinsertion et de la
Réinstallation des Déplacés et des Rapatriés. Les
membres de la Commission, tout comme les autres commissions de ce genre,
provenaient des différents ministères qui s'intéressent
à la réhabilitation des sinistrés. Il est étonnant
de constater que les membres qui la composaient ne devaient leur
légitimité et leurs compétences qu'à la seule
décision de nomination par le Ministre en charge de la
Réinsertion et de la Réinstallation des Déplacés et
des Rapatriés (M.R.R.D.R.)126. Cette nomination intervenait
bien sftr après des consultations avec leurs ministères
d'origine. Aucun autre texte juridique n'a fait l'objet de la création
de la Commission ou de la nomination de ses membres.
Les missions de cette Commission étaient à peu
près les mêmes que celles de la commission
précédente. Elle devait perpétuer la tâche
abandonnée par cette dernière et surtout corriger ses
erreurs127.
B. Les activités réalisées
En dépit des problèmes structurels qu'a connus la
Commission, elle a eu à son actif beaucoup de réalisations.
Dans le cadre des Accords tripartites de rapatriement, elle a
participé à plusieurs réunions, notamment en Tanzanie,
pour étudier les stratégies à même d'établir
un bon processus de rapatriement des réfugiés burundais.
La Commission a surtout réalisé les travaux
d'enquête qui ont permis l'identification des personnes dites « sans
référence »; « sans terre » et celles qui peuvent
rentrer. Ce travail a été utile pour les différents
intervenants en matière de réhabilitation des sinistrés
car il a permis le rapprochement des points de vue sur les problèmes
rencontrés à la base et leurs solutions.
125 J.-C. RICCI, Droit administratif
général, Paris, Hachette Livre, 2005, p.234
126 J. B. BIZIMUNGU, op. cit., p.32
127 Ibidem
Par ailleurs, c'est cette Commission qui a eu la charge de
conduire le projet « Installation locale des rapatriés burundais
» monté conjointement par le MRRDR et le HCR. Dans le cadre de ce
projet, 395 ménages soit 1520 personnes rapatriées et
refoulées « sans terre » se trouvant sur 5 sites en province
de Kirundo ont obtenu des terrains pour s'établir. A ceux-ci s'ajoutent
41 ménages qui ont bénéficié de ces terrains pour
diverses raisons analysées par la Commission dans le but d'éviter
autant que faire se peut un malaise social nuisible à la cohabitation
pacifique. Il y a eu aussi 19 cas de location sur 23 hectares. Au total, la
Commission a identifié 79 propriétés dont 66
attribuées aux ménages susmentionnés et 13 autres non
attribuées et réservées à l'utilité publique
ultérieure128.
Le Gouverneur de la province Kirundo a par la suite
octroyé des titres d'occupation aux personnes installées. Les
actes de cession ont porté sur 317 hectares de terres domaniales dans
les 719 dont disposait la même province. Le travail similaire a
été accompli dans 13 autres provinces conformément
à la note n°530/522/CAB/98 du 3 aoilt 1998 que le Ministre de
l'Intérieur et de la Sécurité publique a adressé
aux autorités provinciales et municipales129.
Cette Commission est caractéristique de la
période où le souci de pragmatisme l'emportait sur celui du
juridisme au Burundi. Certains auteurs épris excessivement de
l'efficacité de l'action administrative ne se plaignent pas de cette
situation en soutenant que « ce que veulent les particuliers, ce ne
sont pas des actes juridiques, ce sont des faits matériels
»130. Mais, on se doit de rétorquer à cette
conception étroite de la réalité, que le mieux serait de
fonder les faits matériels (qui sont de l'ordre des résultats)
sur les actes juridiques (qui sont de l'ordre des moyens). Quoique la
Commission ait réalisé beaucoup d'activités, on doit
déplorer sa création et son fonctionnement de fait.
§4. La Commission Nationale de Réhabilitation
des Sinistrés (C.N.R.S.) de 2002
A. Historique
La création de cette Commission est prévue dans le
Protocole IV de l'Accord d'Arusha pour la paix et la réconciliation au
Burundi du 28 août 2000. Elle a été instituée par la
loi n°1/017 du 13 décembre 2002.
128 Sous-commission sur les rapatriés «
sans terre », Rapport de la mission d'attribution des terrains aux
rapatriés et refoulés en province de Kirundo, Bujumbura,
1999, p.4
129 Ibidem
130 F.P. BENOIT, Le droit administratif français,
Paris, Dalloz, 1988, p.474
Il était prévu que la C.N.R.S. soit
organisée en autant de Sous-commissions que de besoin et elle a en
comprenait effectivement, parmi cellesci, une chargée d'aider les
sinistrés à récupérer leurs biens meubles ou
immeubles, devenue aujourd'hui la C.N.T.B. Le contexte politique de la
création de cette Commission est celui de la réconciliation
nationale et de la résolution pacifique des conflits. Ce qui justifie
qu'elle ait privilégié l'arrangement à l'amiable lors du
règlement des litiges. Contrairement aux deux premières
commissions, la C.N.R.S. prenait des décisions susceptibles de recours
administratif et juridictionnel. Ces traits qui viennent d'être
relevés et bien d'autres rapprochent la C.N.R.S. à celle qui l'a
remplacée, c'est-à-dire la C.N.T.B.
B. Les réalisations
Nous les classons en deux rubriques :
1. Le rapatriement et la réinsertion des
sinistrés
Dans ce domaine, les activités de la C.N.R.S. se sont
déroulées dans le cadre de deux projets. Le premier est le
projet-programme « Appui au rapatriement et à la
réhabilitation des sinistrés burundais de 2004 »; le
deuxième est le projet « Appui au rapatriement et à la
réinsertion des sinistrés » de 2005 tous
exécutés conjointement avec le HCR. Il était prévu
d'aider 300.000 rapatriés et 200.000 sinistrés burundais, en
2004, à travers la mise en oeuvre du premier projet131.
Dans l'exécution du second projet, les
opérations de rapatriement ont été beaucoup
facilitées par l'ouverture de tous les points de sortie/entrée
ouverts à la frontière. Ainsi de janvier à octobre 2005,
64.693 rapatriés ont été accueillis et 16.091 attestations
de reconnaissance ont été délivrées à tous
les chefs de ménage. L'étape suivante consistait à les
transférer dans les communes et zones d'origine. Des recherches
familiales en vue de rapatriement des réfugiés burundais
notamment en République Démocratique du Congo ont abouti à
des résultats satisfaisants.
Plusieurs activités de réinsertion et de
réintégration ont été accomplies. A Rugombo, on a
aménagé le site de Rugerere et construit 200 maisons et 100
toilettes. La C.N.R.S. a procédé enfin à l'identification
de 13 sites de réinstallation de 2849 hectares et l'aménagement
en parcelles à deux autres sites.
Enfin, elle a fourni une assistance en vivres et non-vivres
aux sinistrés notamment dans le cadre du programme « travail contre
nourriture » du Programme Alimentaire Mondial (PAM)132.
2. La résolution des litiges fonciers
Malgré l'enregistrement d'un bon nombre de litiges
fonciers et ceux relatifs aux autres biens, la C.N.R.S. en a résolu trop
peu d'entre eux. Six conflits fonciers seulement ont été
réglés à l'amiable133. Les dossiers
laissés en suspens au moment de la disparition de la C.N.R.S. sont
traités présentement par la C.N.T.B. La C.N.R.S. a
procédé également à la délimitation d'une
partie des terres domaniales dans huit provinces à savoir Karuzi,
Gitega, Ngozi, Rutana, Bururi, Kirundo, Muyinga et Cankuzo134.
En analysant le bilan des activités de la C.N.R.S., on
constate qu'il est trop déficitaire dans la rubrique de la
résolution des litiges fonciers. La propriété
foncière constituant une corde sensible au Burundi, elle a
suscité des polémiques d'ordre politique qui ont provoqué
des lenteurs et des blocages dans le déroulement des travaux de la
Commission. L'autre raison de l'échec de la C.N.R.S. en matière
de règlement des conflits patrimoniaux est l'absence de l'appui
financier des donateurs pour ce volet.
Au moment de la suppression de la C.N.R.S., son mandat qui
était d'ailleurs trop large, s'est dédoublé. Le
rapatriement et la réinsertion des sinistrés ont
nécessité la création du Projet d'Appui au Rapatriement et
à la Réintégration des Sinistrés (PARESI) tandis
que la résolution des litiges fonciers mettant en cause les
sinistrés a nécessité la création de la C.N.T.B.
132 Voir C.N.R.S., Rapport narratif des activités du
HCR/C.N.R.S. janvier-octobre 2005,
Bujumbura, 2005, p.22
133 Archives de l'ex-C.N.R.S. conservées à la
C.N.T.B.
134 Idem
CHAPITRE
III. LA C.N.T.B. EN TANT QU'ADMINISTRATION
DE MISSION
Nous étudierons d'abord le cadre juridique et
institutionnel de la C.N.T.B. Ensuite, nous vérifierons sa nature
juridique d'administration de mission au regard des critères retenus
plus hauts135. Nous terminerons par une analyse critique des
résultats de son mandat.
Section 1 : Le cadre juridique et institutionnel de
l'activité de la C.N.T.B.
La C.N.T.B. est investie, par le législateur, des
compétences qu'elle met en oeuvre en prenant des actes juridiques dont
la nature reste à déterminer. Aussi, l'activité de cette
structure s'exerce-t-elle sous le contrôle de l'autorité de
tutelle et du juge.
§1. Le cadre juridique
Il s'agit des règles qui forment le paysage normatif de
la C.N.T.B. ainsi que du pouvoir de cette dernière d'édicter des
actes juridiques.
A. Le paysage normatif
Les textes juridiques qui régissent la C.N.T.B. ont
été mis sur pied en deux étapes, c'est-à-dire que
la première étape coïncide avec la création de la
Commission tandis que la deuxième étape se situe au moment de la
modification des premiers textes.
1. La loi n°1/18 du 04 mai 2006 et ses textes
d'application
Dès sa création, les instruments juridiques de la
C.N.T.B. qui tirent leur force de la loi n°1/18 du 04 mai 2006 sont les
suivants:
- le Règlement d'Ordre Intérieur ;
- le Guide méthodologique pour le Règlement des
litiges fonciers ;
- - le Guide méthodologique pour la
récupération des terres domaniales ; - - le
Manuel des procédures pour le traitement des litiges fonciers ;
- - le D.P. n°100/206 portant statut des
membres de la Commission Nationale des Terres et autres Biens136;
135 Voir supra, p. 6
136 B.O.B. n°7/2006, pp.924 -
925
- et le D.P. n°100/205 du 22 juillet 2006 portant
application de la loi n°1/18 du 4 mai 2006 portant mission, composition,
organisation et fonctionnement de la Commission Nationale des Terres et Autres
Biens137.
2. La loi n°1/17 du 04 septembre 2009 et les
textes de son application
Il s'agit de la nouvelle donne créée par le
repositionnement du législateur qui se manifeste à travers la loi
n°1/17 du 04 septembre 2009 portant révision de la loi n°1 /18
du 04 mai 2006 portant mission, composition, organisation et fonctionnement de
la C.N.T.B. La loi portant révision de la loi n°1/17 du 04
septembre 2009 vise à harmoniser cette loi avec d'autres instruments
juridiques nationaux, notamment le Code Foncier, ainsi qu'à codifier les
bonnes pratiques développées par la Commission au moment des
opérations et qui se sont avérées
efficientes138.
Un semestre plus tard, après la promulgation de la loi
n°1/17 du 04 septembre 2009, le Président de la République a
sorti un décret d'application de cette dernière. Il s'agit du
D.P. n°100/196 du 24 novembre 2009 portant application de la loi
n°1/17 du 04 septembre 2009 portant révision de la loi n°1 /18
du 04 mai 2006 portant mission, composition, organisation et fonctionnement de
la C.N.T.B. Enfin, il vient de sortir un autre texte d'application de la
nouvelle loi régissant la C.N.T.B.: le D.P. n°100/33 du 03 mars
2010 portant nomination des membres de la Commission Nationale des Terres et
autres Biens.
B. Les pouvoirs juridiques de la C.N.T.B.
1. Les compétences de la C.N.T.B.
a. La compétence matérielle
La compétence rationne materiae de la Commission
s'étend aux litiges relatifs à toutes les terres et à tous
les autres biens détruits ou volés du fait de la
guerre139. Relèvent de cette compétence notamment les
litiges concernant les
137 B.O.B. n°7/2006, pp.922 -924
138 Voir le Projet de loi portant modification de certaines
dispositions de la loi du 04 mai 2006 portant missions, composition,
organisation et fonctionnement de la Commission Nationale des Terres et autres
Biens, Exposé des motifs, p.1
139 Art. 2 al.2 et 4 de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009
précitée
terres urbaines ou rurales; les immeubles par nature, par
incorporation, et par destination; les meubles meublant, les effets de
commerce, les assurances, etc. En principe donc, la C.N.T.B. a une
compétence matérielle englobant tous les droits mobiliers et
immobiliers dont l'exercice a été entravé à cause
de la guerre.
Cependant, chemin faisant, la C.N.T.B. s'est rendue compte que
la nature variée et le nombre élevé des biens relevant de
sa compétence matérielle compliquent énormément sa
tâche140. Elle a dès lors décidé de
soumettre la question au pouvoir créateur pour qu'il arrête les
critères, le plancher ou le plafond de la valeur des biens recevables en
cause.
b. La compétence personnelle
La compétence ratione personae de la Commission est
circonscrite aux sinistrés tels que la loi les définit. Il s'agit
de toute personne physique ou morale qui aurait été
spoliée de ses biens du fait des événements tragiques qu'a
connus le pays141. Sont donc exclus de la compétence de la
Commission les nombreux litiges relatifs aux biens qui ne concernent pas les
sinistrés.
En revanche, l'on remarquera l'extension de la
compétence de la C.N.T.B. et de la C.N.R.S. par rapport aux Commissions
antérieures qui ne s'intéressaient qu'aux rapatriés.
c. Les autres types de compétences
La compétence ratione temporis de la Commission
remonte de l'Indépendance du Burundi. Quid de la compétence
ratione loci ? Un sinistré burundais se trouvant en dehors du territoire
burundais peut saisir la Commission sans difficultés pour un bien se
trouvant au Burundi. Mais si le bien en cause se trouve à
l'étranger et si la personne en cause est un étranger, la
tâche devient compliquée car cette situation exige la mise en
oeuvre du droit international privé.
d. Les questions préjudicielles
La loi tranche la question de litispendance en disposant que
les litiges relatifs aux terres et autres biens des sinistrés pendants
devant les juridictions de droit commun, même s'ils rentrent dans le
champ de compétence de la C.N.T.B.,
140 Voir C.N.T.B., Rapport du 2ème
trimestre 2008, p. 7 et C.N.T.B., Rapport du 3ème
trimestre 2008, p. 23
141 Article 2 al.1 de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009
précitée
sont irrecevables devant celle-ci. En effet, la saisine de la
Commission n'entraîne pas dessaisine de la juridiction compétente.
En revanche, auparavant, dès qu'un litige était soumis à
une juridiction de droit commun, la Commission était automatiquement
dessaisie142. Le D.P. n°100/196 du 24 novembre 2009
précité, quant à lui, indique que « les affaires
déjà en instance devant les cours et tribunaux suivront la
procédure telle qu'elle est prévue par le code de l'organisation
et de la compétence judiciaires »143.
Mais la question de la connexité n'est résolue
par aucun texte régissant la C.N.T.B. A notre sens, la même
solution donnée à la litispendance qui consiste au
dessaisissement de la C.N.T.B. au profit de la juridiction de droit commun
devrait s'appliquer d'autant plus que seule celle-ci a compétence pour
connaître les affaires pénales.
La C.N.T.B. dispose de pouvoirs d'enquête les plus
étendus. Ni le secret professionnel, ni le secret bancaire ne peuvent
lui être opposables. La loi érige en infraction le refus de livrer
à la Commission les documents demandés et l'obstruction à
ses travaux. Les sanctions vont de deux mois à deux ans de servitude
pénale et d'une amende de dix à cinquante mille francs ou l'une
de ces peines seulement144.
Le fonctionnement de la C.N.T.B. la rapproche beaucoup des
organismes juridictionnels145. Néanmoins, elle reste une
administration de mission ayant pour finalité la justice douce et
transitionnelle.
C. Le pouvoir de poser des actes juridiques
Etant un organisme administratif, la C.N.T.B. pose en principe
des actes administratifs en vertu du critère organique
prépondérant146 dans la définition desdits
actes. Mais, à côté de ces actes de nature administrative,
elle en pose d'autres de nature particulière qu'on pourrait qualifier de
quasi-juridictionnelle.
1. Les actes administratifs de la C.N.T.B.
Les actes administratifs de la C.N.T.B. se subdivisent
principalement en deux catégories: les actes unilatéraux, en
l'occurrence les décisions, et les
142 Art.7 du D.P. n°100/205 du 22 juillet 2006
précité
143 Art. 8 du D.P. n°100/196 du 24 novembre 2009
précité
144 Art. 22 de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009
précitée
145 Voir supra, pp.45-49
146 A. BOCKEL, op. cit., p.165
contrats. Nous nous intéressons aux premiers
(c'est-à-dire les actes unilatéraux) de par leur importance dans
l'action administrative de la Commission.
a. Les actes administratifs créateurs des effets
de
droit
Ce sont les actes unilatéraux ou les décisions
administratives prises par la C.N.T.B. La décision consiste
concrètement en la création, la modification ou la suppression
des prescriptions, des autorisations ou interdictions générales
ou individuelles. Par exemple, un règlement nouveau est
édicté ou un règlement existant est abrogé ou
modifié, un permis de construire est octroyé ou
retiré147.
Ainsi, la C.N.T.B. édicte notamment son
règlement d'ordre intérieur et d'autres actes de
référence pour son fonctionnement. Il s'agit également des
décisions qu'elle devait prendre au cours de son premier mandat dans
l'accomplissement des missions d'attribuer, en concertation avec les
autorités compétentes, de nouvelles terres aux sinistrés;
de les assister matériellement et techniquement à se
réinstaller ainsi que leur accorder une quelconque indemnité.
b. Les actes administratifs
déclaratifs
Ce sont les mesures que la C.N.T.B. prend et qui ne font
qu'enregistrer l'état du droit des situations de fait,
c'est-à-dire que ces mesures constatent le droit des situations
observables. Il en est ainsi notamment des actes portant mise à jour, en
concertation avec les services compétents, de l'inventaire des terres
domaniales, de l'identification de celles qui ont été
irrégulièrement attribuées148; de la
délivrance des certificats, titres ou tout autre acte constatant le
statut juridique d'un terrain appartenant à l'Etat ou à un
particulier; et de sa délimitation. De telles mesures ne sont pas
qualifiables de décisions parce qu'elles n'édictent aucune norme
qui traduirait la volonté de son auteur (contrairement aux
décisions).
147R. CHAPUS, op. cit., p.502
148 Cette compétence a été retirée
à la C.N.T.B. par la loi n°1/17 du 04 septembre 2009
précitée
2. Les actes « administratifs-juridictionnels »
ou
quasi-juridictionnels de la C.N.T.B.
C'est la dérogation au principe de définition
organique des actes administratifs qui fait intervenir la notion d'acte «
administratif juridictionnel >>149.
L'habilitation légale pour la C.N.T.B. de poser des
actes quasi- juridictionnels ressort de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009
instituant cette structure et des textes d'application de celle-ci. Ainsi, les
articles 4 et 5 de cette loi lui assignent la mission de « connaître
>> les litiges fonciers et ceux relatifs aux autres biens qui mettent en
cause les sinistrés. Or, le verbe « connaître >>
signifie « être compétent pour juger une affaire
>>150 et est employé ici dans le sens que lui donne le
droit judiciaire privé. Et le verbe juger veut dire « examiner une
affaire en vue de lui donner une solution, en général
après une instruction et des débats >>151. Il
s'agit bien de ce genre de tâche qui est accompli par la C.N.T.B.
Autrement dit, la C.N.T.B. intervient à cet effet dans la mission de
rendre justice.
En outre, des trois termes "conflit", "litige",
"différend" utilisés en droit pour rendre justice, le terme de
conflit apparaît comme celui qui est le moins lié à la
saisine d'une juridiction, et qui a la connotation juridique la moins
forte.152 Les textes juridiques régissant la C.N.T.B. font
ressortir à maintes reprises le terme "litige", d'où il y a lieu
d'interpréter ceci comme une attribution de la fonction juridictionnelle
à cette entité administrative.
De même, le fait que ces textes prévoient un
recours contre les décisions de la même entité au Tribunal
de Grande Instance et un autre recours au Premier Vice -Président de la
République fait penser à l'existence simultanée des actes
« administratifs-juridictionnels >>, propres au premier recours, et
des actes administratifs, propres au second recours.
Rappelons qu'au départ, la délégation
provinciale faisait la facilitation pour régler à l'amiable les
litiges et que c'est en cas d'échec de la médiation que la
plénière de tous les membres de la Commission intervenait pour
trancher par décision. Aujourd'hui, la délégation,
après l'analyse des dossiers, « formule des
149 Voir supra, p. 47
150 G. CORNU, Vocabulaire juridique,
8ème éd., Paris, P.U.F., p.198
151 Idem, p.491
152 Rapport synthétique de CERCRID sur les modes
alternatifs de règlements des conflits, cité par G. WAKANA,
op. cit. , p. 2
propositions de solution qu'elle soumet aux parties et
à la Commission.153» Si elle obtient l'adhésion
des parties à ses propositions, celles-ci sont transformées en
une entente à l'amiable. Dans le cas contraire, la partie qui s'estime
lésée peut introduire un recours contre les propositions de
solutions de la délégation provinciale endéans 2 mois
auprès de la Commission. Le recours est introduit par le biais des
services de la délégation. C'est à ce moment que la
Commission nationale saisie pourra statuer sur le cas.
Nous soulignons que le fait que les décisions de la
C.N.T.B. étaient obligatoires et exécutoires154,
auparavant en vertu de son règlement sur la procédure suivie pour
résoudre les litiges au cours du premier mandat, et de l'article 19 de
la loi n°1/17 du 04 septembre 2009 en vigueur maintenant, soulève
beaucoup d'interrogations. Le fait que ces décisions de la C.N.T.B.
tirent leurs caractères obligatoire et exécutoire non pas des
privilèges de l'Administration, mais de la formule exécutoire les
rapproche des décisions de justice.
§2. Le cadre institutionnel de la C.N.T.B.
Nous procédons d'une part, à l'analyse des
structures, des missions et du fonctionnement de la C.N.T.B., et d'autre part
au contrôle administratif et juridictionnel qui s'exerce sur elle en
vertu de la loi.
A. Les structures, les missions et le fonctionnement de
la
C.N.T.B.
1. Les structures
a. L'organe central chapeautant
La C.N.T.B. était, sous l'empire de l'ancienne loi,
composée de 23 membres nommés par le Président de la
République sur proposition de son 1er Vice-Président.
Actuellement, ce nombre est porté à 50 membres155.
Selon la loi, ils doivent être choisis pour leur moralité, leur
intégrité et leur compétence, mais
153 Article 6 du D.P. n°100/196 du 24 novembre 2009 portant
application de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009 portant révision
de la loi n°1 /18 du 04 mai 2006 précitée
154 C'est la C.N.T.B. qui les exécute normalement. Mais
elle peut requérir, le concours de toute autorité publique.
Signalons que même le 1er Vice-Président de la
Réplique intervient quelque fois à cet effet, comme cela a
été le cas sur la colline Rubimba, commune Kibago,
province Makamba (voir D. NDUWIMANA, « Problématique
de la réintégration des réfugiés », in Le
Renouveau quotidien du Burundi n°7219 du jeudi le 06 mars 2008, p.2)
155Art. 6 de la loi n° 1/17 du 04 septembre 2009
précitée
en pratique, il semble que c'est plutôt d'autres
critères qui prédominent dans le recrutement, notamment
l'appartenance politique des membres.
Dans le but de coordonner des compétences
diversifiées et complémentaires, ces «missionnaires»
proviennent de différents secteurs de la vie nationale notamment des
Ministères ayant dans leurs attributions la Solidarité Nationale,
l'Aménagement du Territoire et l'Environnement, les Travaux Publics, la
Justice, l'Intérieur, les Finances et l'Agriculture156. Pour
bien réaliser ses missions, la Commission dispose d'un Bureau
composé du Président, du Vice-président et de la
Secrétaire permanente. Sous l'empire de l'ancienne loi, quatre membres
de la Commission étaient à la tête de chacune des
Sous-commissions qui sont respectivement chargée de l'inventaire des
terres; des « autres biens »; de l'assistance technique et
matérielle ainsi que des litiges fonciers. Chaque Sous-commission
était composée de 5 membres. Dix sept membres étaient
chacun à la tête des délégations provinciales.
Aujourd'hui, la Sous-Commission chargée de l'assistance technique et
matérielle est supprimée par les nouveaux textes relatifs
à la C.N.T.B.
b. Les délégations
provinciales
La C.N.T.B. est dotée des délégations
provinciales qui, pour l'instruction des affaires, agissent en sa place et au
lieu où se situe la terre ou le bien litigieux. Chaque
délégation provinciale comprenait au départ entre 2 et 5
cadres permanents chargés de la préparation des dossiers
litigieux et de la mise en oeuvre des décisions de la Commission ou de
la délégation provinciale; un représentant de
l'Administration provinciale; un membre issu de la société
civile; et un membre issu des confessions religieuses157.
Ces membres de la délégation provinciale sont
nommés par Arrêté du 1er Vice-Président de la
République sur proposition du Président de la Commission
après consultation des Gouverneurs de province158. Chaque
délégation provinciale est dirigée par un membre de la
C.N.T.B.
c. Les collaborateurs à la base
Lors des descentes sur terrain, la délégation
provinciale s'adjoint d'une équipe de collaborateurs à la base
composée d'un représentant de l'Administration communale; deux
membres du Conseil communal; deux membres du Conseil de colline. Ces
collaborateurs communaux et collinaires
156 Art. 7 de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009
précitée
157 Art. 10 de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009
précitée
158 Art. 12 al 1 de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009
précitée
Attaché de Presse
résident au lieu où est situé la terre ou le
bien litigieux. Ils sont nommés par le Gouverneur de province en
concertation avec le Conseil communal159.
d. Le personnel d'appui
La C.N.T.B. dispose d'un personnel d'appui dont les
tâches et les modalités de fonctionnement sont
déterminées par un texte réglementaire. Ce service d'appui
à l'accomplissement des missions de la C.N.T.B. est organisé en
sections administrative, technique et juridique.
Concernant les structures de la C.N.T.B., on consultera utilement
l'organigramme ci-après :
Tableau n°3 : Organigramme de la
C.N.T.B.
PRESIDENCE
VICE-PRESIDENCE
SECRETARIAT
PERMANENT
S/C1
S/
S/C3
S/C4
Service
Administration
et Finances
Service
Juridique et
Contentieux
Secrétariat de Direction
Délégation provinciale
Comptabilité
Conseillers Techniques
Informatique et statistique
|
Approvisionnement et statistiques
Personnel d'appui
Personnel d'appui
Collaborateurs communaux
S/C1=Sous-Commission chargée de l'Inventaire des terres
S/=Sous-Commission chargée des Autres Biens S/C3=Sous-Commission
chargée de l'Assistance Technique S/C4=Sous-Commission chargée
des Litiges Fonciers
2. Les missions de la C.N.T.B.
Il ressort de l'article 4 de la loi n°1/17 du 4 septembre
2009 que le mandat général de la C.N.T.B. est de connaître
le contentieux relatif aux terres et aux autres biens opposant les
sinistrés à des tiers ou à des services publics ou
privés.
Mais particulièrement, lors des trente six premiers mois,
elle était chargée
de :
- « mettre à jour, en
concertation avec les services compétents, l'inventaire des terres de
l'Etat, identifier et proposer la récupération de celles qui ont
été irrégulièrement attribuées;
- connaître toutes les affaires lui
soumises par les sinistrés en vue de recouvrer leur patrimoine;
- fournir une assistance technique pour aider
les sinistrés à rentrer dans leurs droits de
propriété;
- proposer au Ministre compétent,
l'attribution, de nouvelles terres aux sinistrés qui en n'ont pas. Le
Ministre compétent doit s'assurer que les propositions d'attribution lui
faites par la Commission sont diligemment exécutées, et dans tous
les cas sans dépasser 1 mois à partir de la date de leur
réception ;
- connaître des litiges relatifs aux
décisions prises par les Commissions antérieures et qui
n'auraient pas été réglés;
- étudier les possibilités et
les modalités de compensation pour les sinistrés qui n'ont pas
recouvré leurs terres ou autres biens ou pour d'autres victimes, dont
les biens ont été détruits, y compris les
requérants qui s'estimeraient insatisfaits par les décisions des
Commissions antérieures;
- régler les litiges pendants relatifs
aux terres et autres biens non réglés par les Commissions
antérieures »160.
On remarque que le texte régissant la C.N.T.B. est
assorti d'un effet rétroactif et ouvre la voie à la remise en
cause des décisions prises par les Commissions antérieures
n'ayant pas donné satisfaction à tous les requérants.
Cette manière de disposer peut conduire à des résultats
inverses à ceux recherchés. Elle peut, en effet, porter atteinte
à la stabilité des situations juridiques créées par
les décisions des Commissions antérieures, à l'ordre
public, à la paix sociale et à la réconciliation
nationale.
160 Art. 5 de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009
précitée
3. Le fonctionnement de la C.N.T.B.
a. Le travail des Sous-commissions
En matière contentieuse, le travail de la C.N.T.B. est
fait à travers la Sous-commission chargée des litiges fonciers et
celle chargée des litiges relatifs aux autres biens.
En matière gracieuse, c'étaient les
Sous-commissions chargées respectivement de l'inventaire des terres
domaniales et de l'assistance technique et matérielle qui étaient
saisies. Avec la venue de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009, la
Commission chargée de l'assistance technique et matérielle est
supprimée. Les Sous-commissions n'ont pas de pouvoir de décision.
Elles font des propositions de décisions à la Commission qui
décide en séance plénière.
b. Le travail des délégations
provinciales
Il importe de montrer le cahier de charge de la
délégation provinciale en matière contentieuse lors de la
première tranche du mandat de la C.N.T.B. Elle devait notamment :
- procéder à l'enregistrement des
plaintes formulées par les sinistrés;
- instruire les affaires et faire des
propositions de solutions (à la Commission au départ, aux parties
aujourd'hui);
- dresser les procès-verbaux des
délibérations à transmettre à la Commission;
- participer à la sensibilisation des
occupants des terres et autres biens litigieux d'une part, et les
sinistrés d'autre part à la cohabitation pacifique;
- faire le suivi des décisions prises par
la Commission161.
Sur terrain, les membres de la délégation
provinciale, qu'ils soient collaborateurs communaux ou collinaires, participent
tous aux délibérations des affaires reçues à la
commune ou à la colline.
Dans le traitement des dossiers, deux cas de figure peuvent se
présenter. Soit les parties peuvent s'entendre à l'amiable, soit
la conciliation échoue. Dans le premier cas, la délégation
provinciale, avant la révision de l'ancienne loi régissant la
C.N.T.B., prenait acte et dressait un procès-verbal de conciliation
qu'elle transmettait à la Commission nationale pour
entérinement (le dossier ayant transité par la Sous-commission
concernée). Dans l'autre cas, la délégation provinciale
dressait le procès-verbal de non-conciliation et faisait des
propositions de solutions qu'elle envoyait à la Commission nationale
pour analyse et décision162. Aujourd'hui, la
délégation provinciale, à défaut d'une entente
à l'amiable, fait des recommandations de solutions163, mais,
au fond, ces dernières ne diffèrent en rien des propositions de
solutions sur le plan des effets juridiques.
c. Le travail de la plénière
La Commission Nationale peut ordonner un complément
d'enquete à effectuer par elle-même ou par la
délégation provinciale.
Les décisions de la Commission nationale sont prises
par consensus. A défaut, la décision est reportée à
la plénière suivante. Si à ce moment il y a toujours
défaut de consensus, la décision est prise par vote à la
majorité des 3/4 des membres présents164. Les
décisions doivent être motivées en fait, en droit, en
équité et conformément aux principes présidant
à la résolution pacifique des conflits, à la
réconciliation et à la paix sociale165. La Commission
notifie sa décision aux parties dans un délai de 15 jours.
Notons que les décisions de la C.N.T.B. sont
revêtues de la formule exécutoire suivante : « Le chef de
l'Etat, Président de la République du Burundi, mande et ordonne
à toute autorité tant civile que de la défense et
sécurité de preter main forte à l'exécution de la
décision de la commission nationale des terres et autres biens
lorsqu'elle sera légalement requise ».166
B. Le contrôle exercé sur la C.N.T.B.
La C.N.T.B. est une entité décentralisée
qui jouit d'une autonomie administrative et financière. Cette autonomie
est tempérée par le principe de rattachement administratif
à une structure de l'Etat. C'est en vertu de ce principe que s'exerce
sur elle la tutelle du 1er Vice-Président de la
République. Elle est également diluée par le
contrôle du juge qui est le dernier rempart de l'administré.
162 Art. 15 et 16 de la loi n°1/18
précitée
163 Art. 16 et 17 de la loi n°1/17 du 04
septembre 2009 précitée
164 Art. 17 des Procédures de
règlement des litiges fonciers et autres biens à la
CNT.B.
165 Art.9 de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009
et art. 19 al. 1 des Procédures de règlement des litiges
fonciers et autres biens à la CNT.B
166 Art. 23 des Procédures de
règlement des litiges fonciers et autres biens à la
C.N.T.B
1. Le contrôle administratif : la tutelle de la
1ère Vice-
Présidence
a. Le siège de la matière
La loi n°1/18 créant la C.N.T.B. comporte une
innovation lorsqu'elle institue le 1er Vice-Président de la
République parmi les autorités de tutelle au Burundi. En effet,
l'article 3 de cette loi stipule que la C.N.T.B. « est placée sous
la tutelle de la Première Vice-Présidence de la
République». Les modalités de la tutelle sont
déterminées par le décret n°100/205
précité tel que modifié à ce jour.
b. Les modalités et les moyens de la
tutelle
exercée sur la C.N.T.B.
Ils sont prévus par les textes créateurs de la
C.N.T.B. ainsi que les principes généraux du droit.
1° Le contrôle sur les personnes
Ce contrôle n'est pas clairement défini par les
textes créateurs de la C.N.T.B. Seul l'article 23 de la loi n°1/17
du 04 septembre 2009 y fait allusion en stipulant qu' « un membre de
la Commission Nationale ou de la Délégation provinciale peut
être révoqué pour manquement grave sans préjudice
des poursuites pénales qui peuvent être engagées contre lui
conformément à la loi ». Cette disposition ne
prévoit cependant ni les modalités de suspension ou de
révocation des personnes affectées au service de la C.N.T.B., ni
les autorités compétentes à cet effet.
Nous pensons qu'en vertu du principe du parallélisme
des formes, ce sont les autorités qui ont le pouvoir de nomination de
ces personnes qui sont également compétentes pour les suspendre,
les révoquer et pourvoir à leur remplacement. Ainsi, ces pouvoirs
de contrôle appartiennent respectivement au Président de la
République vis-à-vis des membres de la Commission167 ;
au 1er Vice-Président de la République vis-à-vis des
membres des délégations provinciales et des cadres du service
d'appui168; au Président de la Commission vis-à-vis du
reste du personnel d'appui et enfin aux gouverneurs de province
vis-à-vis des collaborateurs des délégations
provinciales169.
167 Art. 7 de la loi n°1/17 ; art. 9 du D.P. n°100/196
et art. 1 du D.P. n°100/33 précités
168 Art. 12 al. 1 de la loi n°1/17; art. 13 du D.P.
n°100/196 précités
169 Art. 11 al. 2 de la loi n°1/17 et art. 14 du D.P.
n°100/196 précités
2°. Le contrôle sur les actes
Les pouvoirs de contrôle que le 1er
Vice-Président de la République exerce sur la C.N.T.B.
relèvent du procédé de la tutelle spéciale.
Celle-ci est qualifiée ainsi car les actes qui lui sont soumis, sont
désignés individuellement ou par catégories dans la loi.
La tutelle spéciale se définit par opposition à la tutelle
générale à laquelle sont virtuellement soumises toutes les
décisions des services publics décentralisés sans qu'une
disposition spéciale soit nécessaire. Ces pouvoirs de
contrôle s'exercent d'abord à travers l'approbation. Celle-ci est
l'acte par lequel le 1er Vice-Président reconnaît
qu'une décision émanant de la C.N.T.B. est conforme à la
légalité et à l'intérêt
général. C'est une simple condition suspensive n'ayant d'effets
que sur l'exécution de la décision et non sur la validité.
Ainsi, le règlement d'ordre intérieur et le budget de la C.N.T.B.
sont respectivement soumis à l'approbation du 1er
Vice-Président de la République et du
Gouvernement170.
De même, le 1er Vice-Président de la
République procède au contrôle de conformité des
décisions de la Commission avec son règlement d'ordre
intérieur, les lois et règlements en vigueur au Burundi; approuve
et assure le suivi de ses programmes d'activités171.
L'autorité de tutelle exerce également un contrôle a
posteriori sur les actes de la C.N.T.B. en ce sens que cette dernière
doit élaborer un rapport trimestriel et des rapports
circonstanciés, s'il échet, pour les lui
transmettre172.
En outre, il s'exerce sur les actes de la C.N.T.B. un pouvoir
de réformation sur recours. C'est l'acte par lequel, l'autorité
de tutelle confirme ou annule les décisions prises par la C.N.T.B. ou
encore leur substitue une décision nouvelle à la suite d'un
recours introduit par les administrés intéressés. Ce
recours ne peut être exercé que par les administrés, ce qui
différencie le droit de réformation du droit d'annulation dont
l'exercice dépend toujours de l'initiative de l'autorité de
tutelle. Le délai de former ce recours en réformation est d'un
mois à compter de la notification diligentée par la
C.N.T.B.173 Ce recours est expressément prévu par
l'article 19 du D.P. n°100/196 qui dispose que le 1er
Vice-Président de la République procède « (...)
au traitement des recours administratifs introduits contre les décisions
de la Commission (...) ». L'intéressé ne peut pas, en
principe, tant que cette autorité n'a pas statué, attaquer devant
la juridiction administrative la décision susceptible d'être
réformée, celle-ci n'ayant pas encore eu de caractère
définitif.
170 Art. 24 de la loi n°1/17; art. 18 et 19 du D.P.
n°100/196 précités
171 Art. 19 du D.P. n°100/196 précité
172 Art. 25 de la loi n°1/17 et art. 20 du D.P.
n°100/196 précités
173 Art. 22 des Procédures de règlement des
litiges fonciers et autres biens à la CNT.B.
3°. La tutelle financière
En matière financière, le 1er
Vice-Président de la République pilote la mobilisation des
ressources auprès du Gouvernement et des autres bailleurs de fonds en
faveur de la Commission174. C'est lui qui fixe également le
montant des frais de mission que perçoivent les membres de la
délégation provinciale et leurs collaborateurs durant
l'accomplissement des activités de la Commission175. On doit
noter enfin qu'en plus du contrôle de l'autorité tutélaire,
les textes créateurs de la C.N.T.B. précisent que
l'activité financière et comptable de ladite structure est
soumise aux audits internes et externes commandés par le Gouvernement ou
les bailleurs de fonds.
2. Le contrôle juridictionnel
Les décisions de la C.N.T.B. sont susceptibles
d'être soumises à un contrôle juridictionnel. Il importe de
préciser la portée et l'étendue de ce contrôle.
La loi n°1/18 du 04 mai 2006, telle que modifiée
à ce jour, autorisait les intéressés à attaquer les
décisions de la C.N.T.B. devant « les juridictions
compétentes ». Cette disposition, malgré son
caractère très général et imprécis, consacre
le principe du recours juridictionnel. En apparence, on serait porté
à croire que la C.N.T.B. étant une structure administrative, les
juridictions compétentes pour connaître les recours introduits
contre ses décisions sont les juridictions administratives,
c'est-à-dire les cours administratives. Mais, la réalité
est tout autre.
Depuis le décret n°100/205 portant application de
la loi n°1/18 du 4 mai 2006 jusque sous l'empire des nouveaux textes
régissant la C.N.T.B., les recours juridictionnels contre les
décisions de la C.N.T.B. sont introduits devant les Tribunaux de Grande
Instance176. La précision apportée par ce
règlement dérivé emporte déviation du circuit
normal de la procédure contentieuse suggérée par la loi.
Ce règlement dérivé a le mérite d'éviter
l'inélégance juridique qui allait s'ensuivre, celle de faire
transiter le contentieux judiciaire et en particulier le contentieux foncier
dans les cours administratives et de le mêler ipso facto au contentieux
administratif. Il a permis également aux cours administratives
d'échapper au débordement du contentieux foncier dont on
connaît l'ampleur excessive au Burundi.
174 Art. 19 du D.P. n°100/196 précité
175 Art. 12 du D.P. n°100/206 précité
176 Art 7 du D.P. n°100/205 précité
Ce règlement ne constituerait cependant pas une
panacée, s'il était interprété
littéralement. En évitant l'inélégance juridique au
sein des juridictions administratives, on la créerait dans les
juridictions judiciaires car celles-ci connaîtraient une portion des
affaires relevant du contentieux administratif, à la suite des recours
formés contre les actes de la C.N.T.B. Cette situation n'affecterait pas
moins négativement la distinction entre les juridictions judiciaires et
les juridictions administratives dans le système juridictionnel
burundais.
De lege lata, le risque de cette imperfection juridique peut
être écarté. Les Tribunaux de Grande Instance devraient
recevoir les seuls recours formés contre les actes juridictionnels de la
C.N.T.B. et déclineraient leur compétence à propos des
recours contre les actes administratifs de la même entité
administrative.
De lege ferenda, il faudrait plutôt dissocier les actes
administratifs et les actes juridictionnels de la C.N.T.B., et prévoir
un recours contre les premiers devant les cours administratives, tandis que les
recours contre les seconds seraient formés devant les juridictions
judiciaires.
L'appel contre les décisions de la C.N.T.B., comme
c'était d'ailleurs le cas de la C.N.R.S., constitue une avancée
significative, malgré ses lacunes, par rapport aux administrations de
mission ayant eu le même mandat en 1977 et 1991. En effet, les
décisions de ces dernières avaient valeur de jugements
coulés en force de chose jugée et n'étaient pas
susceptibles de recours sauf par voie de tierce opposition.
Notons qu'en plus des contrôles administratif et
juridictionnel exercés sur la C.N.T.B., il en existe d'autres qui
s'exercent sur elle tant en vertu du droit commun que d'autres textes
juridiques particuliers. Parmi ces derniers, on peut relever le contrôle
à la fois administratif et financier de l'Inspection
Générale de l'Etat177 et le contrôle directement
juridictionnel et indirectement parlementaire de la Cour des
comptes178.
177 Voir D.P. n°100/227 du 27septembre 2006 portant
création, attribution, organisation et fonctionnement de l'Inspection
Générale de l'Etat, B.O.B. n°9/2006, pp.1272-1282
178 Voir Loi n°1/002 du 31 mars 2004 portant
création, missions, organisation et fonctionnement de la Cour des
comptes, B.O.B. n°3bis/2004, pp.251 -264
Section 2. / LRILtArI- OLdP KILIAILMEQ dI-IP issiEWI-NL
C I I M/ LI regard des critères retenus
Cinq critères démontrent la nature d'administration
de mission de la C.N.T.B.
§1.La spécificité du mandat
A. La spécificité temporelle
L'article 25 disposait que « la durée du
mandat de la commission est de 36 mois », mais qu'elle peut cependant
« être prolongée après évaluation sur
décision du gouvernement ». Aujourd'hui, cette durée de
36 mois est renouvelée pour 24 mois179. Sa mission est donc
temporaire, du moins en principe.
B. La spécificité spatiale
Elle doit être comprise par référence
à la compétence ratione materiae et à la
compétence ratione loci. Elle signifie que le mandat de la
structure doit être bien localisé dans un espace précis et
les objectifs à atteindre à cet endroit doivent être bien
définis. La compétence ratione loci, relativement
à la C.N.T.B., ne reflète pas clairement la
spécificité car elle s'étend sur tout le territoire
national et meme à l'étranger dans certains cas. En revanche, sa
compétence ratione materiae est bien spécifique eu
égard à la mission qui lui est confiée. En effet, sa
double tache de connaître les litiges fonciers et d'autres biens et de
récupérer les terres domaniales irrégulièrement
attribuées vise à servir le seul objectif de réhabiliter
les sinistrés180.
§2.La mobilité des membres
Cette caractéristique est bien celle de la C.N.T.B. Les
membres de celleci, se trouvant déjà dans la mobilité
professionnelle181, effectuent sans cesse des déplacements
pour mener à bien leur mission. Il y a lieu d'analyser la
mobilité selon l'organisation du travail entre les membres de la
Commission. Les trois membres du Bureau de la Commission effectuent quelques
fois des missions à l'extérieur du pays pour aller puiser et
s'imprégner de l'expérience d'ailleurs mais aussi pour mobiliser
l'appui financier des donateurs.
179 Art. 26 de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009
précitée
180 Voir les articles 4, 5 et 9 de la loi n°1/17 du 04
septembre 2009 précitée
181 Elle est caractérisée par le
détachement
Quant aux présidents des Sous-commissions et aux
membres qui président les délégations provinciales, ce
sont eux qui sont dans la mobilité au sens classique du terme. Ils sont,
en effet, successivement sur terrain pour enregistrer les plaintes et les
terres irrégulièrement attribuées, et au siège de
la C.N.T.B. pour décider dans la plénière de la suite
à y réserver, puis ils retournent pour appliquer les
décisions. C'est à ce sujet qu'E. PISANI décrit le volet
le plus intéressant de l'Administration de mission. « [...]
elle est réaliste, mouvante, elle va vers l'événement;
elle est mêlée à la vie; elle n'attend pas l'initiative,
elle la sollicite [...] »182. A l'instar du juge
itinérant, le fonctionnaire «missionnaire» se rend dans
l'environnement immédiat de l'administré pour le servir. Le
critère de mobilité permet aux membres de la C.N.T.B. d'apporter
le service public de justice à la proximité des
administrés sinistrés.
Cependant, on doit remarquer que les avantages de la
mobilité comportent la contrepartie d'être trop coüteuse car
elle nécessite des frais de mission d'un montant élevé. La
mobilité constituant la stratégie essentielle pour le
succès de son mandat, la C.N.T.B. devrait trouver les voies et moyens de
la renforcer de façon optimale.
§3. La double appartenance de ses fonctionnaires
Les membres de la C.N.T.B. sont des cadres permanents qui
consacrent tout leur temps pendant leur mandat aux activités de
celle-ci. La qualité de membre de la Commission est incompatible avec
toute autre fonction à caractère public ou privé,
électif ou non183. Ceux qui proviennent des services publics
sont placés en position de détachement par rapport à leur
statut d'origine. Leur carrière ainsi que celle des sept autres cadres
de la Commission dont un chef du service administratif et financier, deux
conseillers juridiques, un chargé de la communication, un chargé
de la cellule informatique, un chargé de la cellule des
approvisionnements et un comptable, sont régies par les dispositions
relatives au détachement184. A la cessation de leur mandat,
ils réintègrent d'office leurs services d'origine.
C'est la position statutaire de détachement qui est
justement caractéristique de leur double appartenance. En effet, ils
relèvent en même temps de leurs corps d'origine dans lesquels ils
continuent de bénéficier de leurs droits à l'avancement et
à la retraite, et de la C.N.T.B. auprès de laquelle ils prestent
et bénéficient du reste de leurs droits notamment la
rémunération.
182 A. MOLITOR et F. GAZIER, « L'Administration publique,
Recueils des textes » in Collection U, Paris, Armand Colin, 1971,
p.156
183 Art. 2 du D.P. n°100/206 précité
184 Art.3 du D.P. n°100/206 précité et art. 8
de la loi n°1/17 précitée
Hormis ces cadres de la C.N.T.B., le reste de son personnel est
sous le régime contractuel.
§4. La légèreté et la
maniabilité de la structure
En principe, une administration de mission doit être
composée d'une toute petite équipe. Au lieu de se fonder sur des
effectifs nombreux, qui caractérisent les administrations de gestion,
elle est au contraire, légère ; au lieu de faire elle-même,
elle fait faire, elle anime, coordonne et synthétise l'action
administrative afin que celle-ci s'accomplisse dans les meilleures
conditions185. Examinons maintenant si la C.N.T.B. cadre avec le
schéma d'origine.
Pendant la précédente tranche de son mandat, la
C.N.T.B. était composée de 23 membres dont 3 membres du Bureau, 4
présidents des Sous-commissions et 17 présidents des
délégations provinciales. Le personnel d'appui comprenait 76
employés. Il était composé de 7 cadres, affectés
dans les sections administrative, technique et juridique. S'y sont
ajoutés ensuite 17 conseillers techniques recrutés
ultérieurement pour appuyer les délégations provinciales.
Le service d'appui comprenait également 3 secrétaires de
direction, 1 archiviste, 4 secrétaires, 1 caissière, 1
standardiste, 5 chauffeurs, 8 plantons et 29 veilleurs186.
En tout, la structure était composée à ce
moment de 99 employés. On notera que les collaborateurs de la
délégation provinciale ne sont pas des employés de la
C.N.T.B. mais sont simplement considérés comme étant en
mission du Gouvernement et perçoivent des frais de mission durant
l'accomplissement des activités de la Commission.187
On peut affirmer que l'effectif du personnel de la C.N.T.B.
n'est pas exagérément élevé comparativement aux
autres administrations de mission du même niveau188. C'est
surtout en envisageant cet effectif par rapport à l'objectif
recherché de la réhabilitation des sinistrés qu'on se rend
compte qu'il n'est pas trop gonflé. Il est juste suffisant pour susciter
et coordonner tous les concours nécessaires à la
réalisation de cet objectif. Ces concours proviennent essentiellement
des Ministères techniques concernés, de la Société
civile et du système des Nations-Unies189. En outre, la
C.N.T.B. recourt aux experts et aux consultants pour faire élaborer
certains de ses outils de référence et pour être
185 A. MOLITOR et F. GAZIER, op. cit., p.156 et C.
DEBBASCH, op. cit., pp.139 et 140
186 Précisions recueillies auprès du service
administratif et financier de la C.N.T.B.
187 Art. 10, 11 et 12 du D.P. n°100/206 et art.12 de la loi
n°1/17 précités
188 C'est notamment 100 pour la C.N.D.R.R., 96 pour le
C.N.L.S.
189 Ainsi le projet « Appui au règlement
pacifique des litiges fonciers » reçoit le soutien d'une
vingtaine de ce genre d'intervenants
éclairée dans ses décisions ainsi
qu'à l'aide de « tout autre service et de toute autre personne
dont les compétences lui sont utiles (...) »190.
Néanmoins, elle pourrait faire mieux afin d'être
encore plus légère. Mais, la nouvelle loi régissant la
C.N.T.B. prévoit le gonflement de ses effectifs. Cela montre que cette
entité commence à céder à la loi de Parkinson
(c'est-à-dire à la tentation de multiplier les tâches et
les employés)191 et tend à devenir une administration
de gestion.
§5. L'autonomie des moyens juridiques et
matériels T
La lecture des textes juridiques régissant la C.N.T.B. met
en évidence le critère d'autonomie des moyens juridiques et
matériels. T
TM11I Tm11111I Tju11111171T
Les pouvoirs de décision ressortent d'abord à
travers le verbe « connaître » qui est fréquemment
utilisé lors de la définition de ses missions192.
Ensuite, il était reconnu à la C.N.T.B. le
pouvoir d'attribuer, en concertation avec l'autorité compétente,
de nouvelles terres aux sinistrés qui n'en ont pas. Elle devait
également mettre à jour, en concertation avec les services
compétents, l'inventaire des terres de l'Etat, identifier et
récupérer celles qui ont été
irrégulièrement attribuées. On notera que ces
compétences de la Commission d'attribuer ou de récupérer
les terres domaniales sont apparues comme concurrentes avec celles de
l'autorité compétente au regard du Code foncier, d'où
cette disharmonie a été levée par la loi
révisée qui régit la C.N.T.B. Pendant l'instruction, elle
dispose des pouvoirs d'enquête les plus étendus.
Qui plus est, elle élabore et adopte son
règlement d'ordre intérieur et son budget qui doivent être
soumis à l'approbation du Gouvernement193. Concernant les
pouvoirs de contrôle, on notera qu'il est tenu au siège de la
délégation provinciale un registre reprenant les décisions
de la Commission et reflétant leur état d'exécution.
190 Art. 20 in fine de la loi n°1/17
précitée
191 R. DRAGO, op. cit., p.5
192 Voir art.5 de la loi n°1/17
précitée
193 Art.24 de la loi n°1/17
précitée
B. Les moyens logistiques et financiers
Une indépendance matérielle garantit le bon
exercice de ces pouvoirs de décision et de contrôle dévolus
à la C.N.T.B. Ainsi, celle-ci dispose d'un budget propre et jouit d'une
autonomie administrative et financière sous réserve de la tutelle
exercée sur elle par le 1er Vice-Président de la
République. La C.N.T.B. dispose d'un patrimoine composé de:
- 9 véhicules double cabine dont deux TOYOTA HILUX DC
octroyés par le
PNUD, 5 TOYOTA HILUX DC octroyés par le HCR et 2
véhicules de marque FORD RANGER DC octroyés par le Gouvernement
de la République du Burundi;
- 1 groupe électrogène octroyé par
Development Alternative Initiative
(D.A.I.);
- Un parc informatique composé de 35 ordinateurs, 26
imprimantes, 1
scanner, 34 onduleurs et 2 photocopieuses;
- Un équipement audio-visuel et photographique
composé de 3 caméras, 5
appareils photographiques, 1 rétroprojecteur et 1 radio
cassette;
- Un mobilier composé de 29 fauteuils, 59 chaises avec
accoudoir, 10 chaises
rembourrées, etc.
Sur le plan financier, le budget de la C.N.T.B. était
respectivement de 150 000 000 frsbu, 1 750 000 000 frsbu, 862 481 436 frsbu et
951 447 648 frsbu pour les exercices 2006, 2007, 2008 et 2009 194.
On remarque que le montant de ces budgets n'est pas suffisant, vu l'ampleur de
la tâche à accomplir. Le budget de la C.N.T.B. varie aussi en
fonction de l'appui des bailleurs étrangers reçu.
Cependant, la mise en oeuvre des pouvoirs de la Commission se
fait sous le contrôle de l'autorité de tutelle et du juge.
A présent, le moment est venu de mesurer la performance et
l'efficacité de la C.N.T.B.
194 Voir Rapports annuels de la C.N.T.B. qui se rapportent aux
exercices 2006, 2007, 2008 et les rapports trimestriels de l'exercice 2009
Section 3: Le bilan de la C.N.T.B.
En dressant le bilan de la C.N.T.B., nous analyserons les
résultats en fonction des missions lui assignées et en fonction
des particularités régionales de sa tâche. Par
après, nous ferons une appréciation de ce bilan en analysant la
manière dont le mandat de la structure a été accompli
depuis l'empire de la loi n°1/18 du 04 mai 2006 jusqu'aujourd'hui,
après la révision de cette dernière.
§1. Le bilan
A. Le bilan des activités de la C.N.T.B. selon
ses missions
Dans le prescrit de la loi créatrice de la C.N.T.B., nous
relevons 4 volets ou missions constituant son mandat.
1. La résolution des litiges fonciers
Consécutivement à la mise en place des
préalables au fonctionnement de la C.N.T.B. tels que l'installation
physique de cette dernière, les activités relevant de ce volet
ont démarré en juin 2007 dans tout le pays.
La Commission a tout d'abord organisé la
sensibilisation et l'information à l'intention du public sur le contenu
de son mandat. Elle a également organisé des formations au profit
de ses membres et de son personnel d'appui afin de renforcer ses
capacités.
Elle a procédé ensuite à l'enregistrement
des litiges. Au 30 septembre 2007, les conflits fonciers enregistrés
s'élevaient déjà à 9 919 dossiers; mais à la
fin de la même année, leur nombre est ramené à 8325,
certains s'étant révélés irrecevables.
Jusqu'à l'heure actuelle, l'enregistrement des litiges fonciers suit son
cours normal.
L'étape importante qui suit l'enregistrement est celle
du règlement des litiges. A la fin du premier trimestre 2008, 565
dossiers sont clôturés, dont 299 réglés à
l'amiable et 266 réglés par décision de la
C.N.T.B.195 Au 31 décembre 2008, 3389 litiges étaient
déjà réglés196, ce qui dénote une
célérité dans le traitement des dossiers depuis la fin de
la même année. A la fin du premier semestre de l'exercice 2009,
4652 dossiers étaient déjà clôturés sur un
total de
195 Confrontation du Rapport d'activités de la
C.N.T.B., exercice 2007 et celui du premier trimestre 2008
196 Confrontation des Rapports d'activités de la C.N.T.B.,
exercices 2007 et 2008
11568 dossiers à traiter197. Signalons que la
C.N.T.B. reçoit aussi les dossiers laissés en suspens par
l'ex-C.N.R.S.
Le règlement des litiges fonciers dans le cadre de la
C.N.T.B. est une procédure un peu longue et méticuleuse qui tient
compte, en plus de la loi, de l'équité, de la cohabitation
pacifique et de la réconciliation nationale. Le travail doit être
bien accompli pour que les solutions trouvées soient fiables et
durables.
C'est ainsi que certaines solutions envisagées et
souvent appliquées sont la cession d'une terre domaniale à une
partie ou sa rétrocession à l'Etat; la restitution au reus domino
(véritable propriétaire) ou le maintien par le possesseur, le
partage ou la délimitation du bien foncier litigieux. Il faut ajouter
que la C.N.T.B. procède en fin de compte à l'exécution de
ses décisions, en cas d'absence de recours juridictionnel lors de son
premier mandat, et immédiatement, qu'il y ait recours ou non, sous
l'empire de la nouvelle loi en vigueur.
Les solutions trouvées sous les auspices de la C.N.T.B.
ont le mérite de tempérer les effets pervers de la
problématique foncière au Burundi198 et de contribuer
au processus de réconciliation nationale.
2. Le règlement des litiges liés aux
« autres biens »
Les dossiers liés « aux autres biens » sont
en nombre excessivement élevé. A la fin de l'année 2007,
la C.N.T.B. avait déjà enregistré à peu près
vingt mille plaintes y relatives, dont plus de 12 mille pour la seule province
de Muramvya199.
Ces plaintes peuvent être classées en deux
catégories différentes. La première catégorie
regroupe les plaintes liées aux biens autres que fonciers litigieux,
existant encore, mettant en cause au moins un sinistré et dont les
ayants droit réclament la restitution. La seconde catégorie
regroupe les plaintes liées aux biens autres que les terres
détruits totalement ou en partie ou qui ont tout simplement disparu
à cause des différentes crises qui ont secoué le pays et
dont les ayants droit réclament des indemnisations.
Théoriquement, le règlement des litiges liés
aux « autres biens » n'a pas encore débuté à la
C.N.T.B. Cela est dü à deux obstacles majeurs. D'une part, en
197 Confrontation des rapports des exercices 2007 et 2008 ainsi
que ceux des premier et second trimestres 2009
198 En désengorgeant les juridictions et en
prévenant plusieurs conflits sociaux
199 C.N.T.B., Rapport des activités, exercice
2007, p.42
n'apportant aucune limite sur la valeur et le genre des biens
autres que les terres en cause, la loi n°1/18 du 04 mai 2006 telle que
modifiée à ce jour ouvre la voie à une grande vague de
plaintes. D'où le débordement de la C.N.T.B.
D'autre part, la C.N.T.B. est dans l'impossibilité
financière de faire justice aux personnes ayant déposé les
plaintes rangées dans la seconde catégorie étant
donné que le Fonds d'indemnisation n'a pas été encore
constitué. Il s'agit du Fonds National des Sinistrés prévu
à l'article 4, chapitre I, protocole IV de l'Accord d'Arusha, qui,
jusqu'ici n'a pas encore été mis sur pied. On attend
l'organisation d'un atelier national pour résoudre ces questions afin de
permettre la mise en place des moyens juridiques et matériels pour le
règlement proprement dit des litiges relatifs aux biens autres que les
terres. Mais certains de ces litiges sont résolus de façon
sporadique.
De façon globale, les résultats de la C.N.T.B.
dans la résolution des conflits au début du premier trimestre de
l'exercice 2010 se présentent comme suit :
- 7 771 conflits réglés, soit 51,42 %
-- 7 343 conflits en suspens, soit 48,58 %
-- 15 114 conflits enregistrés, soit 100
%.
A la lumière de ces chiffres200, il
apparaît qu'il était nécessaire de proroger le délai
du mandat de la Commission vu qu'elle n'a accompli jusqu'ici que moins de la
moitié du travail.
3. L'assistance technique et matérielle aux
sinistré
Le cahier de charges, à ce sujet, était au
départ axé sur trois objectifs. Le premier objectif consistait
à aider les sinistrés sans terre. Les activités en ce
domaine sont d'abord le recensement des personnes sans terre, qu'elles soient
sur le territoire national ou réfugiées à
l'étranger. Ensuite, la C.N.T.B. aide ces sinistrés sans terre
dans la procédure de demande d'une terre domaniale auprès des
autorités compétentes et dans l'aménagement des sites de
réinstallation. Les listes des premiers bénéficiaires ont
été déjà établies201.
Le deuxième objectif visait à appuyer les
sinistrés à se réinstaller effectivement notamment dans la
reconstruction des maisons d'habitation. Le troisième objectif est de
fixer les indemnisations et les compensations à octroyer aux
sinistrés.
200 C.N.T.B., Les statiques de la C.N.T.B.,
p. 22
201 Voir la conclusion de l'ouvrage Commission
Nationale des Terres et autres Biens: Deux ans après
L'intervention de la C.N.T.B. en ce domaine a
été très limitée du fait que, soit la
matière relève d'une autre structure (le Projet d'Appui au
Rapatriement et à la Réintégration des Sinistrés
(PARESI) pour les deux premiers objectifs), soit que les moyens sont
insuffisants (cas du troisième objectif).
4. L'inventaire et la récupération des
terres domaniales irrégulièrement attribuées
Dans un premier temps, la démarche de la C.N.T.B. a
consisté à se faire produire un guide méthodologique
à cette fin par un consultant. Le document produit offre la
précision des bases juridiques de référence, des
éléments indiquant une terre domaniale
irrégulièrement attribuée et la définition des
procédures et des modalités de sa récupération.
Deuxièmement, une enquete diligentée par la
C.N.T.B. visant l'inventaire et la récupération des terres
domaniales abusivement attribuées est en cours de finalisation dans tout
le pays. Les résultats provisoires de l'enquete révèlent
que les chiffres y relatifs seraient les suivants:
- - Terres attribuées et
inexploitées: 10429 hectares;
- - Terres illégalement
attribuées: 30896 hectares;
- - Terres accaparées: 11961 hectares;
- - Etendue estimée
récupérable: 19019 hectares.
Les tableaux suivants fournissent à ce propos de plus
amples détails.
Tableau n°4 : Résultats provisoires de
l'enquête participative sur les terres irrégulièrement
attribuées202
Province
|
Terre attribuée
|
Terre
attribuée et
exploitée
|
Terres attribuée et inexploitée
|
Terres illégalement attribuées
|
Terres accaparées
|
|
(en ha)
|
(en ha)
|
(en ha)
|
(en ha)
|
Bubanza
|
4078
|
1599
|
2579
|
199
|
438
|
Bujumbura
|
2072
|
1573
|
499
|
1073
|
619
|
Bururi
|
2905
|
2395
|
512
|
1615
|
1707
|
Cankuzo
|
5834
|
5377
|
317
|
11415
|
5362
|
Cibitoke
|
2205
|
1867
|
262
|
680
|
708
|
Gitega
|
1070
|
820
|
258
|
547
|
352
|
Kayanza
|
1621
|
1333
|
249
|
1070
|
255
|
Karuzi
|
3629
|
711
|
2918
|
555
|
191
|
Kirundo
|
1005
|
602
|
253
|
112
|
171
|
Makamba
|
967
|
535
|
397
|
60
|
252
|
Muramvya
|
414
|
242
|
176
|
242
|
233
|
Muyinga
|
1514
|
1265
|
155
|
5234
|
191
|
Mwaro
|
938
|
724
|
204
|
302
|
58
|
Ngozi
|
2887
|
1849
|
948
|
6632
|
33
|
Rutana
|
1079
|
717
|
362
|
394
|
612
|
Ruyigi
|
1557
|
1217
|
340
|
766
|
779
|
Total
|
32709
|
22280
|
10429
|
30896
|
11961
|
|
202 Commission Nationale des Terres et autres Biens: Deux
ans après, p.14
Tableau n°5 : Résultats du travail visant
la récupération des terres domaniales203
PROVINCE
|
ETENDUES VISITEES
|
DOCUMENTS D'ATTRIBUTION
|
ETENDUES RECUPERABLES (en hectares)
|
BUBANZA
|
529
|
287
|
2734,56
|
BUJUMBURA MAIRIE
|
0
|
0
|
0
|
BUJUMBURA RURAL
|
404
|
0
|
1179,35
|
BURURI
|
927
|
258
|
1885,5
|
CANKUZO
|
1860
|
556
|
2554,5
|
CIBITOKE
|
151
|
15
|
2449,088
|
GITEGA
|
671
|
240
|
524,9655
|
KARUSI
|
470
|
470
|
742,17
|
KAYANZA
|
628
|
160
|
627,85
|
KIRUNDO
|
302
|
205
|
659,5
|
MAKAMBA
|
125
|
36
|
525
|
MURAMVYA
|
135
|
28
|
296,317
|
MUYINGA
|
949
|
338
|
2390,048
|
MWARO
|
244
|
0
|
206,651
|
NGOZI
|
906
|
354
|
1245,485
|
RUTANA
|
46
|
7
|
1053,7
|
RUYIGI
|
816
|
45
|
2499,35
|
TOTAL
|
9163
|
2998
|
19019,5745
|
|
On peut d'ores et déjà constater que
l'empiètement du domaine par les particuliers est
considérable.
La C.N.T.B. compte enfin collaborer avec les autorités
compétentes pour récupérer les terres domaniales qui
auront été déclarées irrégulièrement
cédées ou concédées. Cette collaboration va se
limiter à remettre à ces autorités les résultats
définitifs de l'enquête pour prise de
décision.204
203 C.N.T.B., Rapport du troisième trimestre
2008, p.21
204 Voir infra, pp.86 et suivants
B. Le bilan de la C.N.T.B. selon les
particularités
régionales de sa tâche
Les visites de reconnaissance effectuées par la
C.N.T.B. dans les 17 provinces du pays et l'enregistrement des litiges
permettent de déceler des particularités régionales des
dossiers à traiter. La nature et le nombre de dossiers varient selon que
l'on se trouve au sud, à l'ouest, au centre, à l'est ou au nord
du pays. Ce qui a pour effet de créer le décalage entre les
régions et les provinces dans l'état d'avancement de la
tâche de la C.N.T.B.
E. lLel6XilltlliOXIItliX lSD, s
Le Sud et l'Ouest du pays ont en commun la grande
problématique des litiges surtout fonciers mettant en cause les
réfugiés de longue date qui se rapatrient. Ainsi, dans
l'enregistrement des litiges fonciers, les provinces de Makamba, Bururi,
Bujumbura-Mairie et Cibitoke viennent dans les premières positions dans
l'ordre croissant des provinces ayant enregistré le plus grand
nombre205.
La complexité des dossiers est telle que plusieurs
situations s'y présentent:
- des personnes se sont appropriées des terres
laissées par les réfugiés de 1972 et les ont par la suite
cédées;
- les propriétés laissées par les
réfugiés de 1972 ont été
récupérées par l'Etat pour diverses raisons;
- ces propriétés ont été
irrégulièrement cédées ou concédées
par les autorités administratives;
- certaines de ces propriétés ont
été appropriées ou cédées par les membres de
la famille du sinistré;
- des étrangers (surtout les congolais refoulés
en 1978) et certains nationaux réclament des terres et des autres biens
sur lesquels ils n'ont jamais exercé de droit réel, à
cause de la convoitise liée à leur fertilité et à
leur grande valeur, etc.
Face à cette complexité de dossiers, les
délégations provinciales et la plénière de la
C.N.T.B. recourent à des solutions très variées telles
qu'elles sont consignées dans le Guide méthodologique pour le
traitement des litiges fonciers et autres biens des sinistrés. En
effet, les dossiers sont examinés au cas par cas, ce qui fait que les
solutions sont variées mais les plus usuelles dans les deux
régions considérées sont la restitution au sinistré
ou le maintien de la propriété à l'occupant actuel ainsi
que le partage de la propriété entre les parties, combiné
quelques fois avec l'indemnisation ou avec la compensation.
205 Voir C.N.T.B., Les statiques de la C.N.T.B.,
pp.3-4
L'autre difficulté commune à ces régions
concerne le statut inadapté des paysannats qui restent la
propriété de l'Etat bien que concédés à des
personnes qui n'y exercent que l'usufruit. Lorsqu'une personne
usufruitière d'un paysannat se réfugie pendant un certain laps de
temps et que, entre temps, une autre s'y installe et l'exploite, il se pose au
retour de la première, la question de savoir celle qui a le droit le
plus solide sur le paysannat.
Le Sud et l'Ouest du Burundi accusent, pour toutes ces raisons,
un retard considérable eu égard à l'accomplissement du
mandat de la C.N.T.B.
2. Le Centre et l'E\tJd? J3Dy
Ces régions sont caractérisées par la
prédominance des dossiers relatifs aux autres biens que les terres.
Ainsi, les provinces de Muramvya, Muyinga et Gitega occupent respectivement la
première, la deuxième et la troisième place en ce qui
concerne le nombre élevé de plaintes liées aux «
autres biens » enregistrées206.
Malheureusement, comme nous l'avons souligné
précédemment, ces dossiers ne seront véritablement
traités que lorsqu'on aura résolu la problématique qui
entoure la rubrique « autres biens ».
3. Au Nord du Pays
La région du Nord est confrontée
particulièrement aux conflits fonciers impliquant les sinistrés
de date récente, c'est-à-dire ceux de 1993 dits aussi «
personnes déplacées à l'intérieur de leur pays
».
L'ampleur de ce phénomène dans la région
fait que la province de Ngozi se place dans les premières positions dans
l'enregistrement des litiges fonciers207. Fort heureusement, cette
province a un grand nombre de litiges fonciers déjà
réglés ou en passe de l'être. Cette
célérité dans le traitement des dossiers s'explique d'un
côté par le dynamisme et la bonne collaboration de tous les
intervenants dans cette province. D'un autre côté, les conflits
fonciers mettant en cause les sinistrés de la crise de 1993 sont moins
difficiles à résoudre par ce fait que les preuves surtout
écrites et orales sont souvent trouvables.
Parmi les solutions appliquées, la plus intelligente est
l'échange des propriétés, souvent combiné avec les
compensations, entre les personnes
206 Sur les 19 658 plaintes liées aux « autres biens
» enregistrées, on comptait à la fin de 2007, 12 632
à Muramvya, 2 865 à Muyinga et 1 715 à Gitega.
207 Soit 1 444 plaintes enregistrées jusqu'au 31
décembre 2007
déplacées et celles qui sont restées chez
elles. Le travail de la C.N.T.B. y est si bien apprécié qu'il y a
même des parties qui, après entente, retirent leurs plaintes des
juridictions de droit commun pour les déposer auprès de la
Commission.
§2. L'appréciation du bilan de la C.N.T.B.
Nous basons notre appréciation sur l'analyse des atouts
et des contraintes de la C.N.T.B. dans l'accomplissement de son mandat. Et
puis, nous étudierons les effets des décisions de la C.N.T.B.
à l'égard des parties, avant de terminer par les perspectives
d'avenir.
A. Atout
1. Le soutien de la communauté nationale
et
internationale
On notera que la C.N.T.B. bénéficie dans
l'accomplissement de sa principale tâche d'un soutien important à
travers le projet « Appui au règlement pacifique des litiges
fonciers » qu'elle exécute conjointement avec le H.C.R. Les
fonds débloqués dans le cadre de ce projet sont alloués au
renforcement des capacités logistiques et institutionnelles de la
C.N.T.B. Ils servent ainsi à l'achat du matériel, à la
création de la base de données sur les conflits fonciers,
à la formation des ressources humaines et à la sensibilisation du
public pour adhérer à la mission. Plusieurs autres appuis
proviennent de la coopération bilatérale des bailleurs de fonds,
des organisations non gouvernementales tant étrangères que
nationales208, ainsi que la population soucieuse du succès de
l'action de la Commission.
D'où l'une des solutions durables consiste pour l'Etat,
à trouver des fonds nécessaires pour l'indemnisation des
différentes catégories d'ayants droit, ou à leur
délivrer des titres portant reconnaissance de dette envers elles.
Aussi, sur terrain plusieurs organisations de la
Société civile telle que la Ligue Iteka, le H.C.R., le Conseil
Norvégien pour les Réfugiés (C.N.R.), ACCORD, les
Bashingantahe, etc. interviennent dans la médiation des conflits
fonciers pour épauler la C.N.T.B.209.
208 Voir supra, p. 23
209 Ligue ITEKA/HCR, Projet Monitoring du rapatriement,
Rapport annuel 2009 de la région sud , p.18
83
2. La forte volonté politique
On remarque une grande implication des autorités
politiques dans la prévention et la résolution des conflits
fonciers en général, et ceux qui mettent en cause les
sinistrés en particulier. Ceci se traduit notamment à travers les
modifications apportées par la nouvelle loi régissant la
C.N.T.B.
La première modification concerne l'alinéa1 de
l'article 5 de la loi n°1/18 qui conférait à la Commission
les pouvoirs de récupérer les terres domaniales
irrégulièrement attribuées. Cette compétence est
pourtant reconnue aux différentes autorités
désignées par les articles 253 et 254 du Code Foncier. C'est
pourquoi la modification donne à la C.N.T.B. la mission de proposer
à l'autorité compétente la récupération des
terres domaniales irrégulièrement attribuées. Une
modification similaire est telle que la Commission, au lieu d'attribuer
ellemême ces terres de l'Etat aux sinistrés comme cela ressortait
de l'alinéa 4 de l'article 5 de la même loi, propose à
l'autorité compétente l'attribution de nouvelles terres aux
sinistrés qui n'en ont pas.
En outre, la nouvelle loi supprime l'assistance
matérielle de l'alinéa 3 de l'article 5 qui est du ressort du
Ministre ayant la Solidarité dans ses attributions. Pour répondre
au souci de hâter le règlement des litiges par la C.N.T.B.,
l'article 6 est modifié afin de porter la composition de la Commission
de 23 à 50 membres.
De même, la nouvelle loi contient un nouvel article qui
accroît l'effectif des cadres des délégations provinciales
pour renforcer l'efficience de ces dernières. Etant donné que les
Communes disposent rarement de 2 représentants pour faire des descentes
sur terrain, il est décidé désormais qu'un seul puisse
faire partie des collaborateurs à la base. L'autre innovation de loi
n°1/17 du 04 septembre 2009 concerne la décentralisation des
pouvoirs de décision de la Commission au niveau des
délégations provinciales. Celles-ci sont habilitées
à faire des recommandations de solutions des litiges enregistrés
au 1er degré pour que la plénière de la
Commission devienne l'instance de recours contre ces recommandations.
Cependant, la nouvelle loi semble hésiter sur la portée des
pouvoirs à donner aux délégations provinciales. En effet,
elle qualifie ces pouvoirs soit de décisions210, soit de
recommandations de solutions211.
Pour remédier aux faiblesses relatives aux effets des
décisions de la C.N.T.B., la loi n°1/17 du 04 septembre 2009
précitée contient de nouveaux articles consacrant la distinction
entre les décisions de la Commission
210 Art. 10 de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009
précitée
211 Art. 16, 17 et 18 de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009
précitée
attaquables en justice et celles qui ne peuvent pas
l'être. Pour ce faire, les ententes à l'amiable devront être
constatées formellement par la Commission et mises en la forme qui les
rend propres à être gouvernées par les règles du
contrat civil212.
C'est de la sorte qu'elles deviendraient non susceptibles de
recours et partant assorties de la stabilité juridique.
Selon G.WAKANA, dans l'attente d'une législation
burundaise sur la médiation, la conclusion des accords par
médiation sous la forme de transaction peut aider à leur donner
une certaine efficacité et une durabilité sur le plan juridique.
En effet, la transaction n'est susceptible d'aucune voie de recours et est
irrévocable, sauf en cas de nullité contractuelle pour vice de
consentement213. En revanche, les décisions de la C.N.T.B.
qui interviennent en dehors de toute entente des parties en conflit
continueraient à être sujettes à recours.
La disposition portée par l'article 19 de la même
loi qui consacre le recours non suspensif de l'exécution des
décisions de la C.N.T.B. a soulevé de vives polémiques
aussi bien lors des séances d'adoption de la loi au Parlement que dans
l'opinion publique actuelle214. Elle stipule qu'« en cas de non
règlement à l'amiable par la Commission, la partie
intéressée peut saisir la juridiction compétente et la
décision de la Commission reste exécutoire jusqu'à
l'épuisement de toutes les voies de recours judiciaires. » La
polémique a pour objet l'attribution des fonctions juridictionnelles
à la C.N.T.B. et le caractère arbitraire du recours contre ses
décisions qui est non suspensif d'exécution.
Enfin, la loi n°1/17 du 04 septembre 2009
précitée renouvelle pour 24 mois la durée du mandat de la
C.N.T.B. initialement fixée à 36 mois.
B. Contraintes
E. LL11 Ll13 INIsLCARACAeLIpnpADl
Malgré le soutien et bien d'autres opportunités,
force est de constater que la C.N.T.B. a réglé une infime partie
de litiges par rapport aux dossiers reçus, à la fin du
délai légal de son premier mandat.
Les principaux obstacles à son succès se
révèlent être le volume élevé des dossiers
à traiter, surtout avec le retour massif des réfugiés et
déplacés; l'exiguïté des terres; la complexité
de certains de ces dossiers; le manque de
212 Article 15 de loi n°1/17 du 04 septembre 2009
précitée
213 G. WAKANA, op.cit. , p.30
214 On signalera que cette loi est passée deux
fois successives au Parlement avant d'être promulguée à
cause des débats autour de cette disposition
témoignages dans certains cas impliquant les
sinistrés de longue date; et les manoeuvres dilatoires de certaines
personnes. A cela s'ajoute le fait qu'en ces derniers jours, les moyens
financiers commencent à tarir215.
Le caractère étendu de la compétence
matérielle de la C.N.T.B. qui couvre tous les biens détruits ou
volés au Burundi du fait de la guerre a entraîné des effets
fcheux sur l'accomplissement du mandat de la C.N.T.B. Elle s'est vite vue
débordée par le nombre trop élevé de dossiers
relatifs surtout aux « autres biens », étant donné que
la quasi-totalité des ménages burundais ont été
privés, chacun d'au moins un bien du fait des différentes crises
qu'a connues le pays. Elle réclame aujourd'hui l'organisation d'un
atelier national216ayant pour objectif de discuter et de
dégager des solutions à cette question ainsi que d'autres
notamment celle de l'indemnisation des sinistrés.
De même, l'Etat ne dispose pas d'assez de terres
à octroyer aux sinistrés qui n'ont pas pu être
rétablis dans leurs droits fonciers. Pour le Gouvernement, la solution
privilégiée est le partage de la propriété
foncière de l'occupant actuel. Cette mesure est de nature à
attiser le conflit. En effet, d'une part, chacune des deux parties n'a pas
reçu d'indemnisation pour la partie de sa propriété
occupée par l'autre, ce qui entraînera une frustration chez elles.
D'autre part, les suspicions mutuelles resteront vives du fait de cette
cohabitation et de ce partage « forcés» et risquent
d'être aggravées par les conflits de voisinage.
2. Les limites des nouveaux textes régissant la
C.N.T.B.
Il subsiste plusieurs problèmes non résolus par
la loi n°1/17 du 04 septembre 2009 portant révision de la loi
n°1/18 du 04 mai 2006 ainsi que le décret de son application.
D'abord, ces textes ne se prononcent pas sur la nature
juridique de la C.N.T.B., en l'occurrence la nature d'administration de
mission. Ensuite, ils restent muets sur la nature juridique des actes de la
C.N.T.B. ainsi que les types de recours dont ils sont susceptibles. Ces textes
ne contiennent pas de solution à la question relative aux
modalités de résolution des litiges liés aux biens non
fonciers mettant en cause les sinistrés. Et pourtant, la C.N.T.B.
mérite d'être érigée en un vaste programme qui soit
à même de répondre à la nécessité
de
215 Voir C.N.T.B., Rapport d'activités, exercice
2007, p.59 ; Rapport d'activité du 1er trimestre 2008,
pp.67-68 et Commission Nationale des Terres et autres Biens : Deux ans
après, p.16.
216 Le Ministre de l'intérieur est allé jusqu'
à évoquer la redistribution des terres comme solution à la
question foncière lors de la descente d'une délégation
gouvernementale dans la zone Mugara en Commune Rumonge au mois d'aoüt 2009
pour apaiser les tensions liées aux conflits fonciers entre les
rapatriés et les occupants actuels
réhabilitation patrimoniale des victimes des guerres
que notre pays a vécu, dans le cadre de la Justice Transitionnelle. Du
même coup, la tâche de la C.V.R. serait allégée car
elle se limiterait à la réhabilitation extrapatrimoniale des
sinistrés en facilitant la connaissance de la vérité sur
les exactions du passé, la réparation des dommages corporel et
moral qui en ont résulté et la réconciliation. En d'autres
termes, la C.N.T.B. devrait s'occuper de la réparation du dommage
matériel, tandis que la C.V.R. s'occuperait de la réparation des
dommages corporel et moral.
On relève aussi dans la loi n°1/17 du 04 septembre
2009 une certaine tentation à multiplier les tâches et les
effectifs de la C.N.T.B., et donc à faire de celle-ci une administration
de gestion, ce qui est une déviation de sa vocation de faire faire ou de
coordonner le programme de restitution dans un laps de temps le plus court
possible.
On remarque également que le caractère
exécutoire des décisions de la C.N.T.B., nonobstant tout recours
judiciaire, qui est porté par l'article 19 de la loi n°1/17 du 04
septembre 2009, est une fuite en avant sur le plan de l'application des
principes qui gouvernent la procédure civile. En effet, cette
disposition s'écarte de l'article 233 du Code de procédure civile
burundais actuel217 qui stipule que « les jugements ne sont
exécutoires qu'à partir du moment où, n'étant plus
susceptibles de recours suspensif, ils passent en force de chose jugée,
à moins que l'exécution provisoire n'ait été
ordonnée. »
Dans le même ordre d'idées, le recours à
la Commission Nationale contre les recommandations de solutions des
délégations provinciales ne signifie juridiquement pas grand
chose d'autant plus que la nouvelle loi et le décret de son application
ne prévoient pas de conséquences en cas d'absence d'un tel
recours. Normalement, on forme un recours contre une décision qui peut
produire des effets juridiques. Cela n'est pas le cas pour les
recommandations.
Enfin, la nouvelle loi soustrait les magistrats des
délégations provinciales dans le dessein de respecter l'article
18 de la Constitution sur la séparation des pouvoirs218. A
notre sens, cette solution est un porte-à-faux. La soustraction des
magistrats des délégations provinciales ne résout pas la
question de l'attribution de la fonction juridictionnelle à la C.N.T.B.
Elle continue à remplir la mission de rendre justice aux
sinistrés.
217 Loi n°1/010 du 13 mai 2004 portant Code de
procédure civile, B.O.B. n°5 bis/2004, pp. 1-46
218 Voir le Projet de loi portant modification de certaines
dispositions de la loi n°1/18 précité, Exposé des
motifs, point 11, p.2
Cette attitude du législateur serait guidée par
le souci d'esquiver le risque d'inconstitutionnalité des actes
posés par la C.N.T.B. Cependant, elle s'écarte de la vocation
d'une administration de mission comme la C.N.T.B. qui est celle de coordonner
tous les intervenants dans la mise au point des solutions destinées
à résoudre des problèmes inédits. Les magistrats
sont les mieux indiqués pour apporter une contribution à la
résolution des questions des biens fonciers et non fonciers des
sinistrés. Donc, la réponse au risque
d'inconstitutionnalité des décisions de la C.N.T.B. se trouve
dans la vocation de cette dernière à être un des
mécanismes de Justice Transitionnelle.
C. Les effets des décisions de la C.N.T.B.
à l'égard des
parties
D'emblée, les résidents sont hostiles aux
décisions de la C.N.T.B., et sont réticents à leur
exécution. Les rapatriés, pour la plupart d'eux, sont contents de
ces décisions car, dans la plupart des cas, elles leur sont favorables.
Cela étant, les décisions de la C.N.T.B. sont bien accueillies
par les parties de façon générale, d'autant plus que la
grande majorité des litiges sont réglés à l'amiable
(à peu près 60 % des litiges sont réglés à
l'amiable)219. La question foncière étant
jalonnée de passion et d'intérêt, on remarque que sa
résolution de cette question est entourée de voies de fait qui
vont parfois jusqu'aux heurts ou aux graves violations des droits de
l'homme.
Ainsi, le Projet Monitoring du Rapatriement que la LIGUE ITEKA et
le HCR exécutent conjointement donne l'état des lieux suivant:
*le type de violation le plus enregistré est l'entrave
à l'accès à la propriété à 42% suivi
de la destruction méchante à 25%, de l'arrestation arbitraire
à 16.2% et des mauvais traitements (coup et blessures) à
16.1%220;
*42,06% des incidents sont répertoriés dans la
province de Makamba et dans toutes les provinces, les résidents
occupants, la famille ou les voisins sont les principaux auteurs au taux de
87,58 %. Aussi, les autorités locales dont les chefs administratifs (de
la colline à la commune) et la police sont aussi ciblés comme les
auteurs des incidents dans la province de Makamba et Bururi au taux de 5,51%
sur le total des incidents relevés. Ces derniers sont identifiées
comme auteurs du moment qu'ils prennent part aux conflits en procédant
à des arrestations arbitraires ou en agissant en connivence avec les
personnes civiles qui commettent les incidents de protection ;
219 C.N.T.B., La problématique foncière face au
rapatriement massif des réfugiés et à la
réinsertion des déplacés, 2009, p. 24
220 Ligue ITEKA/HCR, Projet Monitoring du rapatriement,
Rapport annuel 2009 de la région sud, p.16
* les membres de la C.N.T.B. ne donnent pas assez de temps aux
parties pour s'exprimer, ce qui a pour corollaire l'attribution à
certains rapatriés des propriétés qui ne sont pas les leur
;
* il y a enfin le problème des personnes qui louaient
les palmiers à huile et lesquels palmiers ont été
attribués aux rapatriés, ce qui amène à des
solutions controversées221.
Tous ces incidents pourraient diminuer si ceux qui agissent au
nom de la C.N.T.B. accomplissaient leur mission correctement, avec l'objectif
d'assurer la paix sociale et la réconciliation nationale et la loi.
D. Perspectives d'avenir
En plus de la mise en oeuvre des modifications
apportées par les nouveaux textes régissant la C.N.T.B., d'autres
cadres juridiques et institutionnels cohérents de la restitution des
biens des sinistrés ainsi que ceux de la gestion
foncière se mettent en place petit à petit et
sont une préoccupation de l'autoritépolitique mieux
qu'avant222. On notera à cet effet notamment:
-la poursuite de la construction, en partenariat avec le
PARESI, des villages ruraux intégrés de paix pour l'installation
des rapatriés sans référence ou sans terres et d'autres
catégories vulnérables de la population;
- la poursuite de la mise en oeuvre des mesures prises par
l'administration territoriale d'installer provisoirement les rapatriés
sur les terres (50 m sur 50 m) et dans les paysannats (30 m sur 25 m) d'origine
;
- l'organisation des ateliers de formation et de
sensibilisation de tous les intéressés en matière
foncière et de réhabilitation des sinistrés pour
harmoniser les points de vue et avancer dans la compréhension
mutuelle223.
Dans le second mandat, la C.N.T.B. devrait se concentrer sur
sa mission principale, celle de régler les litiges liés à
la guerre, car les tâches d'assistance technique et matérielle aux
rapatriés ne sont plus considérables suite au ralentissement du
mouvement de retour pour les sinistrés.
221 Ligue ITEKA/HCR, Projet Monitoring du rapatriement,
Rapport annuel 2009 de la région sud, p.16
222 Prise en considération de la question des
sinistrés dans la Lettre de Politique Foncière du
Gouvernement du Burundi; la révision du Code foncier en cours;
l'élaboration de la Stratégie Nationale de la Gestion durable
de terres, l'augmentation des cadres de réflexion et d'action pour
la gestion de ces problèmes; etc.
223 C.N.T.B., La problématique foncière face au
rapatriement massif des réfugiés et à la
réinsertion des déplacés, 2009, pp. 37-38
CONCLUSION GENERALE
L'objectif de ce travail de recherche était de faire
une étude de l'Administration de mission en droit burundais à
partir d'un exemple: la C.N.T.B.
D'entrée de jeu, nous avons procédé
à la clarification de la notion d'Administration de mission et la
recherche des raisons qui fondent le recours à cette technique.
L'Administration de mission est une variante de l'Administration publique de
laquelle elle se distingue par un certain nombre de critères. Elle
constitue une catégorie juridique nouvelle et singulière qui a
pour vocation de coordonner une action administrative impliquant plusieurs
secteurs de la vie nationale, afin de gérer des problèmes
inédits ou d'accomplir des missions de service public urgentes et
complexes.
Apparaissant sous des types variés, l'Administration de
mission burundaise a des rapports avec les institutions qui lui sont
très proches. Ce type de structure, comme d'ailleurs d'autres
institutions administratives nouvelles, en l'occurrence les Autorités
Administratives Indépendantes, a besoin d'être davantage
théorisé et systématisé.
En ce qui concerne les avantages et les inconvénients
de la structure de mission, il apparaît que pour moderniser
l'Administration publique et susciter en son sein plus de dynamisme et
d'émulation, l'une des alternatives qui s'offrent au pouvoir politique
est l'Administration de mission. De même, dans un contexte de
pénurie des ressources budgétaires et de poursuite de l'objectif
de la bonne gouvernance administrative, l'Administration de mission semble
être la mieux indiquée pour inspirer la confiance et susciter le
concours des bailleurs de fonds. En outre, l'Administration de mission est une
application opportune des principes démocratiques dans l'Administration
publique.
Cependant, l'Administration de mission peut être
entachée de vices ou d'inconvénients tels que la gestion
aristocratique, le dépassement du schéma initial, la fuite de
responsabilités et les blocages du parlementarisme qui limitent
l'efficacité de l'action administrative.
Pour concrétiser les développements
théoriques précédents, nous avons consacré le
second chapitre à l'analyse du cadre d'éclosion des
administrations de mission antérieures à la C.N.T.B.
impliquées dans la mission de réhabilitation des
sinistrés.
« Commission Mandi » du 30 juin 1977. Le
problème foncier sera aggravé par les différents conflits
qu'a vécus le Burundi de façon intermittente. Pour régler
ces problèmes, il fallait mettre en place un cadre juridique et
institutionnel adéquat. Ainsi, différentes commissions ont
été créées et se sont mises au travail. Les
réalisations ont été souvent en deçà des
attentes.
Le troisième et dernier chapitre a été
consacré à l'étude de la C.N.T.B. en tant
qu'administration de mission. Les principaux développements ont d'abord
été axés à l'étude de son cadre juridique et
institutionnel. Le premier et le second mandat de la Commission sont
régis par deux régimes juridiques marqués respectivement
par la loi n°1/18 du 04 mai 2006 et la loi n°1/17 du 04 septembre
2009 qui a révisé certaines dispositions de la
précédente. Faut-il mentionner aussi que la C.N.T.B. est une
administration de mission qui édicte des actes juridiques de nature
administrative et des actes d'une toute autre nature qu'on pourrait qualifier
de « quasi-juridictionnels». Le contrôle de la
légalité en est fait par l'autorité de tutelle et du juge.
Après ces développements, il était important de faire la
vérification de sa nature juridique au regard des critères
pertinents d'une administration de mission. Et l'exercice a été
concluant car chacun des critères fondamentaux a prouvé que la
structure sous analyse est une administration de mission.
Enfin, nous avons essayé de dresser le bilan de la
C.N.T.B. afin d'y porter un jugement fondé sur les actes.
En fonction des principales missions qui forment le mandat de
l'organisme, on remarque que les résultats atteints par rapport à
chaque mission et à tout le mandat sont un peu satisfaisants. Ainsi, la
Commission n'a jusqu'aujourd'hui résolu que moins de la moitié
des litiges enregistrés. Selon les particularités
régionales du mandat, on constate un décalage entre les
régions et les provinces dans l'accomplissement du mandat. Cependant,
force est de constater une grande célérité dans la
résolution des litiges fonciers en ces derniers mois.
Une analyse critique de l'activité de la Commission a
été aussi faite en relevant les atouts et les contraintes
observables dans l'accomplissement de son mandat, les effets de ses
décisions à l'égard des parties ainsi que les perspectives
d'avenir.
Avant de terminer, nous voudrions formuler certaines
suggestions. Il faut que le législateur se prononce sur la nature
juridique de chaque structure qu'il institue, surtout les catégories
juridiques nouvelles, en l'occurrence l'Administration de mission. Par ce fait
même, la C.N.T.B. y trouvera son compte en ayant une nature juridique
définie par la loi.
Le problème foncier appelle des solutions durables. Il
faut mettre en oeuvre le contenu de la Lettre de Politique Foncière
notamment la réforme agraire et la villagisation.224 Une
attention particulière doit être réservée à
la gestion des terres domaniales irrégulièrement
attribuées, sécuriser davantage le domaine notamment par la
délimitation matérielle, et la clôture. Il devrait, en
outre, mettre sur pied un mécanisme simple et rapide d'enregistrement
des droits fonciers en milieu rural et d'octroi des titres constatant ces
derniers en faveur des titulaires ainsi que d'autres mesures de
sécurisation foncière.
Parallèlement à octroi des terres du domaine aux
sinistrés qui n'en ont pas, l'Etat devrait préconiser des
solutions alternatives à la question foncière telles que
l'orientation des demandeurs potentiels vers des emplois non agricoles et la
négociation des accords de libre établissement des nationaux avec
les pays voisins225.
Pour permettre la réparation complète du dommage
matériel subi par les sinistrés burundais, l'Etat devrait
émettre des titres de reconnaissance de dette envers ceux qui n'ont pas
pu récupérer leurs biens, fonciers ou non fonciers, en attendant
la mise en place du Fonds National des Sinistrés prévu à
l'article 9, chapitre I, protocole IV de l'Accord d'Arusha.
Concernant la C.N.T.B., elle devrait associer d'autres acteurs
sur terrain, telles que les Organisations Non Gouvernementales pour
accélérer l'accomplissement de ses missions surtout par
l'augmentation de la mobilité de ses membres. Cependant, étant un
des mécanismes de la Justice de transition, cette structure doit vite
terminer son mandat et disparaître.
Enfin, nous proposons l'amélioration du cadre juridique
et institutionnel actuel de collecte; de conservation des archives nationales
et organisant l'accès à l'information relative à la
recherche scientifique.
Nous ne prétendons pas avoir épuisé le
présent sujet de mémoire. Nous invitons d'autres chercheurs
à enrichir ce travail par des études complémentaires.
224 Voir Ministère de l'Environnement, de
l'Aménagement du Territoire et des Travaux publics, Lettre de
Politique Foncière, version validée le 15 septembre 2008
225 Observatoire de l'Action Gouvernementale (O.A.G.), La
protection et la défense des droits fonciers des déplacés
et des réfugiés. Pour la justice, la réconciliation et la
paix, Document de plaidoyer, Bujumbura, novembre 2006, p. 26
LISTE DES TABLEAUX
1. Tableau n°1: Nombre de cas traités dans certaines
communes du pays, p. 40
2. Tableau n°2: Nombre des cas traités dans les
zones de la Commune Rumonge, p. 41
3. Tableau n°3 : Organigramme de la C.N.T.B., p.61
4. Tableau n° 3: Résultats provisoires de
l'enquête participative sur les terres irrégulièrement
attribuées, p. 78
5. Tableau n°4 : Résultats du travail visant la
récupération des terres domaniales, p. 79
BIBLIOGRAPHIE
I. TEXTES JURIDIQUES
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Burundi et l'Organisation des Nations-Unies portant création et
définition du mandat du Comité de Pilotage Tripartite en charge
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11. D.P. n°100/123 du 29 avril 2006 portant
création, composition, organisation et fonctionnement de la Commission
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12. D.P. n°100/205 du 22 juillet 2006 portant
application de la loi n°1/18 du 4 mai 2006 portant mission, composition,
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13. D.P. n°100/128 du 12 décembre 2005 portant
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14. D.P. n°100/206 portant statut des membres de la
Commission Nationale des Terres et autres Biens, B.O.B. n°7/2006,
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15. D.P. n°100/49 du 30 juillet 1993 portant nomination des
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la Réinsertion des Réfugiés burundais, B.O.B.
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Indépendante, B.O.B. n°2 bis/2009, pp. 440-443
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de la loi n°1 /18 du 04 mai 2006 portant mission, composition,
organisation et fonctionnement de la C.N.T.B., B.O.B. n°11 bis
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22. D.P. n°100/33 du 03 mars 2010 portant nomination des
membres de la Commission Nationale des Terres et autres Biens (non encore
inséré au B.O.B.)
23. Loi n°1/01 du 18 mars 2005 portant promulgation de la
Constitution de la République du Burundi, B.O.B. n°3
ter/2005, pp.1 -35
24. Loi n° 1/18 du 04 mai 2006 portant mission,
composition, organisation et fonctionnement de la Commission Nationale des
Terres et Autres Biens (C.N.T.B.), B.O.B. n°5/2006, pp.463 -465
25. Loi n° 1/017 du 13 décembre 2002
déterminant les missions, les comptes, l'organisation et le
fonctionnement de la Commission Nationale de Réhabilitation des
Sinistrés (C.N.R.S.), B.O.B. n°12/2002, pp.1296- 1298
26. Loi n° 1/07 du 10 septembre 2002 portant
révision de la loi sur l'organisation de la privatisation des
entreprises publiques telle que modifiée à ce jour, B.O.B.
n°9 bis/2002, pp.902 -905
27. Loi n° 1/008 du 1er septembre 1986 portant
Code foncier du Burundi, B.O.B. n°7 à 9/86, pp.125 -169
28. Loi n° 1/017 du 1er décembre 2000
portant adoption de l'Accord d'Arusha pour la paix et la réconciliation
au Burundi, B.O.B. n°12 quater/2000, pp.1147-1148
29. Loi n° 1/02 du 31 mars 2004 portant création,
missions, organisation et fonctionnement de la Cour des Comptes, B.O.B.
n°3 bis/2004, pp.251 - 264
30. Loi n°1/010 du 13 mai 2004 portant Code de
procédure civile, B.O.B. n°5 bis/2004, pp. 1-46
31. Loi n° 1/10 du 25 septembre 2007 portant missions,
composition, organisation et fonctionnement du Conseil National de la
Communication, B.O.B. n°9/2007, pp.1599 -1603
32. Loi n°1/002 du 06 mars 1996 portant Code des
Sociétés privées et publiques, B.O.B. n°3/96,
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33. Loi n°1/23 du 26 juillet 1988 régissant les
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34. Loi n°1/17 du 04 septembre 2009 portant
révision de la loi n°1/18 du 04 mai 2006 portant mission,
composition, organisation et fonctionnement de la Commission Nationale des
Terres et autres Biens, B.O.B. n° 9bis/2009, pp. 1850-1853
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II. NOTE DE JURISPRUDENCE
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8ème éd., Paris, P.U.F., 2000, 925p.
5. DEBBASCH, C., Science administrative : Administration
Publique, 5ème éd., Paris, Dalloz, 1989, 815p.
6. DEROCHE, H., Les mythes administratifs, Essai de
phénoménologie, Paris, P.U.F., 1966, 312p.
7. DUPUIS, G. et alii, Droit administratif,
8ème éd., Paris, Armand Colin, 657 p.
8. GUILLIEN et VINCENT, J., Lexique des termes
juridiques, 16ème éd., Paris, Dalloz, 2007,
699p.
9. RICCI, J.C., Droit administratif
général, Paris, Hachette Livre, 2005, 315p.
V. ETUDES ET COURS 1. Etudes
1. ARAKAZA, A., Guide méthodologique pour la
récupération des terres domaniales irrégulièrement
acquises, Bujumbura, C.N.T.B., février, 2002, 50p.
2. BIZIMUNGU, J.B., La question des réfugiés
burundais à travers la problématique du rapatriement de 1987
à 1997, Bujumbura, U.B., Faculté des Lettres et Sciences
Humaines,1999, 97p.
3. DIALLO, M.L., « Diagnostic et pistes de
réflexion » in L'administration publique des pays francophones
à l'aube des années 2000, Paris, I.I.A.P., 1996, pp.
121-127
4. GATUNANGE, G., Etude sur les pratiques foncières au
Burundi. Essai d'harmonisation, Bujumbura, RCN Justice &
Démocratie, 2004, 99 p.
5. MOLITOR, A. et GAZIER, F., « L'administration publique,
Recueils des textes », in Collection U., Paris, Armand Colin, 1971,
526p.
6. MUHIMPUNDU, Y., « Le mandat du H.C.R. », in
Formation sur le Rapatriement volontaire, Bujumbura, 2002, p.s.
7. Observatoire de l'Action Gouvernementale (O.A.G.), La
protection et la défense des droits fonciers des déplacés
et des réfugiés. Pour la justice, la réconciliation et la
paix, Document de plaidoyer, Bujumbura, novembre 2006, 53p.
8. PINHEIRO, P.S., Principes concernant la restitution des
logements et des biens dans le cas des réfugiés et des personnes
déplacées, Rapport final du Rapporteur spécial du 28 juin
2005, O.N.U. ,16p.
9. WIBAUX-MARTINAUT, G., « Délégation
à l'emploi et Administration de mission » in L'administration et
l'Emploi, Journées d'études, Paris, Documentation
française, 1981, 406p.
10. WAKANA, G., La législation sur les méthodes
alternatifs (ou non judiciaires) de résolution des conflits,
Bujumbura, 2008, Global Rights, 37 p.
2. Cours
1. DRAGO, R., Science administrative, caractères
généraux de la science administrative, structures
administratives, Paris, Cours de droit administratif, Licence
4ème année, 1975, 277p.
2. NIMPAGARITSE, D., Cours de droit civil. Les Biens,
Bujumbura, Presses Universitaires, A/A 1997-1998,216 p.
VI. SITES WEB
1.
http://www.ofpa.net/actsem/discourmin.htm
(le 16 mai 2008 à 20 h 05 min)
2.
http://www.reliefweb.int/ocha_ol/pub/idp_gp/idp_fr2.htm
(le 26 décembre 2009 à 10 h 20 min)
3.
http://www.internal-displacement.org
(le 06 mars 2010 à 11 h 30 min)
4.
http:// www.
reliefweb.int/rw/dbc.nsf/doc100?OpenForm (le 12 mars 2010 à 18 h
20 min)
VII. AUTRES DOCUMENTS
1. Accord d'Arusha pour la paix et la réconciliation au
Burundi du 28 aoüt 2000
2. Archives de la C.N.R. de 1977 conservée au chef lieu
de la Province Bururi
3. Archives de l'ex-C.N.R.S. conservées à la
C.N.T.B.
4. C.N.R., Sous-Commission sur les rapatriés « Sans
terres », Rapport de la
P issiRC UIDttLiExPiRC des tFLLDiCs Dxx LDSDtLips et LHRxlps
EC PLRYiCFe KiLxCdR,
Bujumbura, 1999, p. s.
5. C.N.R.S., Projet-Programme « Appui au rapatriement
et à la
réhabilitation des sinistrés burundais
C.N.R.S.-H.C.R. 2004 »,
Bujumbura, 2003, p.s.
6. C.N.T.B., 5 DSSRLI ftDFtiYitps, exercice 2006,
Bujumbura, p.s.
7. C.N.T.B., 5 DSSRLt d'DFtiYitps, NeLFiFI 2EM,
Bujumbura, p.s.
8. C.N.T.B., Rapport du troisième trimestre
2008, Bujumbura, 29 p.
9. C.N.T.B., 5 DSSRLt KADFtiYitps, IIILFiFe TE08,
Bujumbura, p.s.
10. C.N.T.B., Rapport du troisième trimestre,
exercice 2009, 78 p.
11. C.N.T.B., Commission Nationale des Terres et autres
Biens: Deux ans après, 16p.
12. C.N.T.B., Formulaire de présentation du projet
« Appui au règlement pacifique des litiges fonciers
», 23p.
13. C.N.T.B., Guide méthodologique pour traitement
des litiges fonciers et autres biens, Bujumbura, mars, 2007, p.s.
14. C.N.T.B., Procédures de règlement des
litiges fonciers et autres à la C.N.T.B., 6p.
15. C.N.T.B., Projet de loi portant modification de
certaines dispositions de la loi du 04 mai 2006 portant missions, composition,
organisation et fonctionnement de la Commission Nationale des Terres et autres
Biens
16. C.N.T.B., Rapport du troisième trimestre,
exercice 2009, 90 p.
17. C.N.T.B., La problématique foncière face
au rapatriement massif des réfugiés et à la
réinsertion des déplacés, 2009, 39 p.
18. C.N.T.B., Les statistiques de la C.N.T.B.
2007-2010, février 2010, 22 p.
19. Ministère de l'Aménagement du Territoire, du
Tourisme et de l'Environnement, NLDtpgie CDPiRCDC cfxtilitDtiRC dxLDEle GP
teLLes,
Bujumbura,2006,p.s.
100
TABLE DES
MATIERES
DEDICACE···············································································································
i
REMERCIEMENTS······························································································
i i
PRINCIPAUX SIGLES ET ABREVIATIONS
·················································
i i i
INTRODUCTION GENERALE
············································································1
CHAPITRE I : LA NOTION ET LE FONDEMENT
DE
L'ADMINISTRATION DE MISSION
··································································4
Section 1. La notion d'Administration de mission
··················································
4
§1. Les contours de la notion
············································································
4
A. L'Administration de mission: une variante de l'Administration
Publique ···· 4
B. Les critères fondamentaux des administrations de
mission
·························
6
1. La spécificité
····························································································
6
2. La mobilité
·······························································································
6
3. La double appartenance
············································································
6
4. L'autonomie des pouvoirs juridiques
························································
7
5. La légèreté et la maniabilité
·····································································
7
§2. Typologie d'administrations de mission et leurs rapports
avec les autres institutions administratives proches
····································································
7
A. Typologie d'administrations de mission
······················································
7
1. Classification selon la durée de l'administration de
mission
·····················
8
a. Une entité temporaire
············································································
8
b. Une entité transitoire
·············································································
8
c. Une entité
permanente···········································································
9
2. Classification selon le secteur dont relève la mission
·······························
9
a. Le secteur politique
···············································································
9
b. Le secteur économique
·········································································
9
c. Le secteur administratif
·······································································
10
d. Le secteur social
··················································································
10
3. Classification selon la technique d'organisation
administrative utilisée ·· 11
a. Les administrations de mission centrales
·············································
11
b. Les administrations de mission décentralisées
····································
12
c. Les administrations de mission totalement
indépendantes
···················
12
B. Les rapports entre l'Administration de mission et
les
institutions administratives connexes
·····························································
13
1. Les rapports avec l'Administration de gestion
········································
13
2. Les rapports avec l'établissement
public·················································
13
3. Les rapports avec l'Autorité Administrative
Indépendante (A.A.I.) ········
14
a. La crise d'identité des institutions administratives
nouvelles
···············
15
b. Essai de distinction
·············································································
16
Section 2. Le fondement de l'Administration de mission
····································
17
§1. La valeur de l'Administration de mission
··················································
17
A. La modernisation de l'Administration publique
········································
17
1. Les lacunes de l'Administration traditionnelle
········································
17
a. Les causes
···························································································
17
b. Les effets
····························································································
18
2. Le rôle de l'Administration de mission dans la
modernisation de
l'Administration publique
···········································································
19
B. L'adaptation des structures institutionnelles aux missions
nouvelles et
contingentes de l'Etat
·····················································································
20
1. L'Administration de mission et le contexte post-conflit
··························
21
2. L'Administration de mission et le contexte de pénurie
de ressources
budgétaires·································································································
22
a. La reconstruction socioéconomique et la lutte contre
la pauvreté ········ 22
b. La bonne gouvernance
········································································
23
C. L'application des principes démocratiques dans
l'Administration
publique·········································································································
24
§2. Les risques d'échecs de l'Administration de
mission
································
25
A. La gestion aristocratique
·········································································
25
B. Le dépassement du cadre initial
································································
26
C. La fuite des responsabilités
·······································································
26
D. Le parlementarisme
··················································································
27
CHAPITRE II: LE CADRE D'ECLOSION DES ADMINISTRATIONS
DE
MISSION IMPLIQUEES DANS LA REHABILITATION DES
SINISTRES
BURUNDAIS········································································································
28
Section 1. Le cadre sociologique: le problème foncier et
des autres biens
des
sinistrés················································································································
28
§1. La raréfaction de la propriété
foncière
······················································
28
§2. L'aggravation de la question foncière par le
phénomène des
sinistrés·············································································································
29
Section 2: Le cadre juridique: la multiplicité des
instruments juridiques relatives à
la mission de
réhabilitation des sinistrés
······························································
30
§1. Les instruments juridiques internationaux
··················································
30
A. L'échelle internationale
·············································································
30
1. Principes directeurs relatifs au déplacement de
personnes à l'intérieur de leurpropre pays
··························································································
30
a. Contexte et justification
·······································································
30
b.
Contenu·······························································································
31
2. Les principes concernant la restitution des logements et des
biens dans le
cas des réfugiés et des personnes
déplacées
···············································
32
a. Contexte et justification
·······································································
32
b.
Contenu·······························································································
33
B. L'échelle régionale
···················································································
33
C. L'échelle sous-régionale
···········································································
34 §2. Les instruments juridiques du droit interne
················································
35
A. Les textes généraux
················································································
35
1. L'Accord d'Arusha pour la paix et la réconciliation au
Burundi
·············
36
2. La Constitution
·······················································································
36
3. Le Code foncier
······················································································
37
B. Les textes spéciaux
···················································································
37
Section 3. Le cadre organique : la discontinuité des
structures
·····························
38
§1. La Commission Nationale des Rapatriés (C.N.R.) dite aussi
« Commission MANDI » du 30 juin 1977
················································································
38
A. Historique
·································································································
38
B. Bilan des réalisations de la Commission
···················································
39
1. L'apurement du contentieux relatif aux immeubles
································
40
2. La régularisation des titres d'occupation et
l'attribution des concessions de terres vacantes
···························································································
42
§2. La Commission Nationale chargée du Retour, de
l'Accueil et de l'Insertion des Déplacés et des Rapatriés
burundais (C.N.R.A.R.) du 22 janvier 1991
······· 43
A. Historique
·································································································
43
B. Bilan des travaux de la Commission
·························································
44
C. La question de l'inconstitutionnalité des
décisions de la C.N.R.A.R. et ses
conséquences·································································································
45
1. Le point de départ
·················································································
45
2. Conséquences de l'arrêt de la Cour
Constitutionnelle
·····························
46
3. Esquisse de solution
···············································································
47
§3. La Commission Nationale du Rapatriement de 1996
·································
49
A. Historique
·································································································
49
B. Les activités réalisées
···············································································
49
§4. La Commission Nationale de Réhabilitation des
Sinistrés (C.N.R.S.)
de2002
·············································································································
50
A. Historique
·································································································
50
B. Les réalisations
·························································································
51
1. Le rapatriement et la réinsertion des sinistrés
·········································
51
2. La résolution des litiges fonciers
····························································
52
CHAPITRE
III. LA C.N.T.B. EN
TANT QU'ADMINISTRATION
DE
MISSION········································································································
53
Section 1 : Le cadre juridique et institutionnel de
l'activité de la C.N.T.B.
··········· 53
§1. Le cadre juridique
······················································································
53
A. Le paysage
normatif··················································································
53
1. La loi n°1/18 du 04 mai 2006 et ses textes
d'application
······················
53
2. La loi n°1/17 du 04 septembre 2009 et les
textes de son application ···· 54
B. Les pouvoirs juridiques de la C.N.T.B.
·····················································
54 1. Les compétences de la C.N.T.B.
····························································
54
a. La compétence matérielle
···································································
54
b. La compétence personnelle
·································································
55
c. Les autres types de compétences
·························································
55
d. Les questions préjudicielles
································································
55
C. Le pouvoir de poser des actes juridiques
···················································
56
1. Les actes administratifs de la C.N.T.B.
···················································
56
a. Les actes administratifs créateurs des effets de droit
···························
57
b. Les actes administratifs déclaratifs
······················································
57
2. Les actes « administratifs-juridictionnels » ou
quasi-juridictionnels ······· 58
§2. Le cadre institutionnel de la C.N.T.B.
·······················································
59
A. Les structures, les missions et le fonctionnement de la
C.N.T.B.
·············
59
1. Les structures
·························································································
59
a. L'organe central chapeautant
·······························································
59
b. Les délégations provinciales
·······························································
60
c. Les collaborateurs à la base
·································································
60
d. Le personnel d'appui
···········································································
61
2. Les missions de la C.N.T.B.
···································································
62
3. Le fonctionnement de la C.N.T.B.
··························································
63
a. Le travail des Sous-commissions
·························································
63
b. Le travail des délégations provinciales
··············································
63
c. Le travail de la plénière
·······································································
64
B. Le contrôle exercé sur la C.N.T.B.
····························································
64 1. Le contrôle administratif : la tutelle de la 1ère
Vice-Président
·················
65
a. Le siège de la matière
·········································································
65
b. Les modalités et les moyens de la tutelle
exercée sur la C.N.T.B. ······ 65
1° Le contrôle sur les personnes
························································
65
2°. Le contrôle sur les actes
·······························································
66 3°. La tutelle financière
·····································································
67
2. Le contrôle juridictionnel
·······································································
67
Section 2. La nature d'administration de mission de la C.N.T.B.
au regard des
critèresretenus
·····································································································
69
§1. La spécificité du mandat
···········································································
69
A. La spécificité temporelle
··········································································
69
B. La spécificité spatiale
···············································································
69
§2. La mobilité des membres
··········································································
69
§3. La double appartenance de ses fonctionnaires
···········································
70
§4. La légèreté et la
maniabilité de la structure
···············································
71
§5. L'autonomie des moyens juridiques et matériels
·······································
72
A. Les moyens juridiques
··············································································
72
B. Les moyens logistiques et financiers
·························································
73
Section 3: Le bilan de la C.N.T.B.
·······································································
74
§1. Le bilan
······································································································
74
A. Le bilan des activités de la C.N.T.B. selon ses
missions
···························
74
1. La résolution des litiges fonciers
····························································
74
2. Le règlement des litiges liés aux « autres
biens »
···································
75
3. L'assistance technique et matérielle aux
sinistrés
···································
76
4. L'inventaire et la récupération des terres
domaniales irrégulièrement
attribuées····································································································
77
B. Le bilan de la C.N.T.B. selon les particularités
régionales de sa tâche ······ 80
1. Le Sud et l'Ouest du pays
······································································
80
2. Le Centre et l'Est du Pays
······································································
81
3. Au Nord du Pays
····················································································
81
§2. L'appréciation du bilan de la C.N.T.B.
·····················································
82
A. Atouts
·······································································································
82
1. Le soutien de la communauté nationale internationale
···························
82
2. La forte volonté politique
······································································
83
B. Contraintes
································································································
84
1. Les limites d'ordre général
·····································································
84
2. Les limites des nouveaux textes régissant la C.N.T.B.
···························
85
C.Les effets des décisions de la C.N.T.B. a
l'égard des parties
······················
87
D. Perspectives d'avenir
················································································
88 CONCLUSION GENERALE
··············································································
89 LISTE DES TABLEAUX
·····················································································
92
BIBLIOGRAPHIE································································································
93 TABLE DES MATIERES
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