10- Le miel et les flavonoïdes : les derniers
études
Le miel, cette substance on ne peut plus naturelle,
guérit en quelques semaines les plaies infectées et
récalcitrantes, qu'il s'agisse de brûlures, d'ulcères
variqueux, d'incisions chirurgicales ou de lésions consécutives
à un diabète.
Ce remède, qui figurait dans la pharmacopée des
anciens Égyptiens il y a des milliers d'années, est aujourd'hui
redécouvert par le corps médical, aux prises avec des microbes
qui résistent à la plupart des antibiotiques courants. Outre son
effet antibactérien, le miel a plusieurs autres vertus qui concourent
à accroître son utilisation en médecine moderne. C'est le
cas en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Europe notamment, où
une préparation stérile destinée aux soins des plaies,
baptisée Medihoney, vient d'être homologuée par l'Union
européenne.
L'équipe du Dr Arne Simon, pédiatre-oncologue
à l'Université de Bonn, en Allemagne, a appliqué la
substance dorée pour la première fois en 2002 sur la plaie
postopératoire d'un enfant de 12 ans à qui on avait retiré
une tumeur maligne (un lymphome) dans l'abdomen. Comme chez tous les jeunes
patients recevant une chimiothérapie, la plaie tardait à
guérir et était même infectées par le staphylococcus
aureus résistant à la méticilline (SARM), qui
menaçait de se répandre dans la circulation sanguine et de
provoquer la mort de l'enfant compte tenu de l'affaiblissement du
système immunitaire des personnes qui subissent une
chimiothérapie. «Avec le miel, la plaie a guéri en l'espace
de 48 heures et le garçon a alors pu sortir de l'hôpital", raconte
le Dr Simon au bout du fil depuis Bonn. «À partir de ce
moment-là, nous avons décidé d'étudier plus
systématiquement l'effet de Medihoney ".
Impressionnés par les résultats qu'ils ont
obtenus en diverses circonstances avec Medihoney, les chercheurs allemands ont
cru bon de les confirmer dans une vaste étude multicentrique qu'ils
mettent actuellement en branle. Ils sollicitent donc la participation de
professionnels de la santé spécialisés dans le soin des
plaies et travaillant dans divers hôpitaux de la planète, à
qui ils enverront un logiciel permettant de colliger leurs observations
cliniques sur l'emploi de Medihoney comparativement aux traitements plus
conventionnels.
L'activité antimicrobienne du miel que louent les
chercheurs allemands s'exerce d'abord par osmose en raison de la très
forte concentration en sucre de la substance sirupeuse, qui dépasse de
beaucoup celle des tissus environnants et des bactéries, qui se vident
alors de leur contenu en liquide. En induisant la migration de l'exsudat -- le
liquide
qui suinte à travers les parois des vaisseaux -- vers
la surface de la plaie, l'effet osmotique crée une interface humide et
peu adhérente entre le pansement et la plaie, ce qui facilite le
changement des pansements. Cette intervention devient ainsi moins douloureuse
pour le patient et n'endommage pas les couches de peau nouvellement
formées.
Par ailleurs, une enzyme, le glucose oxydase, introduite par
les abeilles dans le miel au moment de sa production, synthétise du
peroxyde d'hydrogène de façon continue et en petites
quantités, néanmoins suffisantes pour tuer les germes sans
toutefois détruire les cellules de la peau, contrairement à
l'application ponctuelle d'un antiseptique qui, de plus, perdra son pouvoir
antimicrobien au fil du temps.
Les composés phytochimiques présents dans le
nectar de certaines fleurs que butinent les abeilles contribuent aussi à
l'action bactéricide du miel, qui se manifeste jusque dans les tissus
infectés situés en profondeur. C'est pourquoi la source florale
du miel est d'une grande importance car certains miels, notamment ceux issus du
nectar de deux espèces de Leptospermum (manuka et jellybush), des
arbrisseaux de Nouvelle-Zélande et d'Australie, peuvent être
jusqu'à 100 fois plus actifs contre les micro-organismes que les autres
miels en raison de leur contenu particulièrement élevé de
ces composés phytochimiques, souligne le Dr Simon.
L'effet antibactérien des miels de Leptospermum
s'avère efficace pour combattre diverses bactéries, par exemple
le SARM, les entérocoques résistants à la vancomycine et
Pseudomonas sp contre lesquelles les antibiotiques sont
inopérants. Jusqu'à maintenant, on ne rapporte aucune
résistance de la part des bactéries d'intérêt
clinique au miel, «probablement en raison de la nature peu
spécifique de son action bactéricide, ce qui en fait une solution
de rechange intéressante aux antibiotiques», souligne le Dr
Simon.
En plus de tuer les micro-organismes, le miel a divers autres
effets intéressants. Il diminue l'dème et l'inflammation des
tissus. Il déloge et repousse les tissus morts. Il agit à la
manière d'un désodorisant puisqu'il chasse cette odeur
désagréable qui émane de certaines plaies infectées
et qui handicape énormément les patients, au point où ils
n'osent plus quitter leur domicile.
De plus, son coût est loin d'être prohibitif,
contrairement à celui des pansements à base d'argent, qui font
partie des nouveaux traitements employés dans le soin des plaies. Un
tube de Medihoney peut servir à faire plusieurs pansements et se vend
pour aussi peu que dix euros .
Malgré ces multiples effets bénéfiques, le
Dr Simon déconseille d'utiliser du miel
acheté dans les magasins d'alimentation pour soigner
les blessures, les brûlures ou les plaies vives car ce miel contient
à l'occasion des spores de la bactérie Clostridium botulinum,
responsable du botulisme. C'est aussi pour cette raison qu'on doit
éviter de donner du miel aux très jeunes enfants, car une fois
dans leur appareil digestif immature, les spores pourront se réactiver
et sécréter des toxines susceptibles de provoquer de graves
malaises, souligne le médecin.
Les préparations de miel de Leptospermum comme
Medihoney ont quant à elles subi une stérilisation par
irradiation aux rayons gamma. Cette irradiation n'entame pas leur
activité antimicrobienne et rend leur utilisation plus
sécuritaire en clinique. Ces préparations sont également
soumises à un contrôle de qualité qui assure
l'uniformité de leur pouvoir antibactérien.
Même si l'effet curatif des mixtures de miel comme
Medihoney est incontestable et puissant, le Dr Simon ne recommande pas qu'on
l'emploie en premier lieu pour soigner une plaie ouverte et infectée
puisque la libération de peroxyde d'hydrogène qu'il induit n'est
pas immédiate. «Pendant les premières 48 heures, il faut
traiter les plaies infectées avec un véritable antiseptique.
Ensuite, on poursuit le traitement avec le miel [Medihoney], dont l'effet
soutenu s'avère très bénéfique. Lors du changement
de pansement, on ne fait que rincer la plaie avec une solution de Ringer
stérile [une solution d'eau distillée contenant divers sels
à une concentration semblable à celle des liquides
corporels]», prévient le spécialiste allemand.
Dans le milieu médical québécois, les
propriétés curatives du miel, et particulièrement des
préparations conçues spécifiquement pour le soin des
plaies, semblent être plutôt méconnues, et ce, en partie
parce que ces mixtures ne sont pas disponibles au Canada. Certains
spécialistes l'ont néanmoins déjà employé
avec succès. Lincoln D'Souza, infirmier clinicien au Centre
Universitaire de santé McGill, affirme y avoir recours pour quatre
à cinq patients par année, le plus souvent à la demande de
ces mêmes patients qui ont réussi à se procurer une
préparation à l'étranger. A chaque occasion, il a obtenu
d'excellents résultats. «Nous ne l'utilisons pas
régulièrement car il n'est pas disponible. S'il le devient, il
aura sa place dans notre pharmacopée, peut-être pas comme premier
traitement à suivre mais en combinaison avec d'autres technologies de
pointe», dit-il.
Le Medihoney est actuellement disponible dans la plupart des
pharmacies de France, d'Allemagne, d'Autriche et de Grande-Bretagne ainsi qu'en
Australie, d'où vient ce produit.
Isabelle Reeves, professeur à l'École des
sciences infirmières de l'Université de Sherbrooke, connaît
le mécanisme par lequel le miel entraîne la guérison des
plaies. Elle hésite toutefois à le substituer aux nouveaux
pansements à base de nanocristaux d'argent qui, à ses yeux,
représentent en ce moment le traitement par excellence.
Comme une nouvelle etude Le miel pourrait réussir
là où les antibiotiques échouent dans le traitement de
sinusites chroniques, croient des chercheurs canadiens de l'Hôpital
d'Ottawa.
Lors d'essais in vitro, les chercheurs ont
démontré que certains miels étaient non seulement
efficaces contre deux bactéries résistantes aux antibiotiques,
mais qu'en plus ils pouvaient traverser la pellicule biologique qui les isole.
Cette pellicule est formée par un regroupement de micro-organismes,
protégeant la colonie de bactéries contre l'action des
antibiotiques.
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