UNIVERSITE GASTON BERGER DE SAINT-LOUIS UFR DES
LETTRES ET SCIENCES HUMAINES SECTION DE SOCIOLOGIE
Mémoire de Master 2
PARCOURS : FAMILLE ET EDUCATION
THEME : EDUCATION FORMELLE ET LANGUES
NATIONALES
SUJET : les facteurs de blocage de
l'introduction des langues nationales dans le système éducatif
formel sénégalais : analyse de la perception des acteurs
socioéducatifs de la commune de Fatick.
Présenté par : Sous la direction de
:
Pape samba GUEYE Dr Fatou DIOP SALL
Chargée d'enseignement
pape_samba2005@yahoo.fr
Année académique 2010-2011
|
Dédicaces
Je dédie ce travail à :
Mes parents et ma famille qui m'ont tant encouragé et
soutenu durant tout mon cursus scolaire et universitaire.
Aux regrettés Joseph KI-ZERBO et Cheikh Anta DIOP pour
leur ferme dessein d'une éducation endogène basée sur les
langues africaines.
Au regretté Ousmane SEMBENE pour avoir
participé, dans son combat pour notre identité linguistique,
à la création(1971) de la première revue mensuelle
(kaddu) entièrement en wolof.
A tous les étudiants, chercheurs et politiques africains
conscients que le devenir de l'Afrique est entre nos déterminations
cognitives, patriotiques et citoyennes.
Remerciements
Mes remerciements vont d'abord à ma directrice de
recherche, Madame Fatou DIOP SALL pour son attention fidèle et
particulière qui n'est pas sans risque, à des recherches suivant
des chemins mal balisés.
Je remercie tous les professeurs de la section - sociologie qui
m'ont donné une formation sociologique sans remords.
Mes remerciements aussi à tous les professeurs de
l'université Gaston Berger qui m'ont fait part de leurs remarques ou
suggestions pour une bonne finesse de cette recherche.
Je remercie très sincèrement ma personne ressource,
l'inspecteur Massamba DIEYE et sa famille, très insensibles aux
dérangements de mes visites.
Je remercie ma famille qui, sans elle, je pourrai ne pas avoir
l'occasion et la volonté de fréquenter la sphère de
l'enseignement supérieur.
Mes remerciements loyaux vont enfin aux personnes-acteurs qui,
consciemment ou inconsciemment ont participé à la
réalisation de ce document.
LISTE DES TABLEAUX
Intitulés Pages
Tableau sur l'évolution de la population de la
ville-prévisions . ...52
Tableau sur la répartition de la population par quartier
.53
Tableau sur la population scolarisable 55
Tableau sur le taux de scolarisation
|
55
|
Tableau sur l'évolution des effectifs
|
56
|
Tableau sur le type d'infrastructures, statuts et effectifs(2008)
|
.57
|
Tableau sur la Répartition selon l'âge et le sexe
|
59
|
Tableau sur la Répartition selon l'ethnie et le sexe
|
60
|
Tableau sur la Répartition selon la catégorie
socioprofessionnelle
|
. 61
|
Tableau sur la mesure de la volonté des PE sur
l'introduction des LN à l'école
|
62
|
Tableau sur les considérations des LN dans le SEF par les
PE
|
.64
|
Tableau sur les Types de causes de la non-introduction des LN
dans le SEF selon les PE ....65
Tableau sur la relation entre la langue de l'ethnie et le choix
de la LN à introduire dans le SEF .68
Tableau sur les compétences en LN des
enquêtés 69
Tableau sur l'information sur les programmes d'introduction des
LN dans le SEF au niveau des PE 70
Tableau sur la Langue parlée dans les lieux de travail
.70
Liste des acronymes et des abréviations
LN : Langue Nationale
SEF : Système Educatif Formel
PDEF : Programme Décennal de l'Education et de la
Formation
P E : Parent d'Elève
CNREF : Commission Nationale de la Reforme de l'Education et de
la Formation EGEF : Etats Généraux de l'Education et de la
Formation
AOF : Afrique Occidentale Française
CITE : Classification Internationale Type de l'Education
GIE : Groupement d'Intérêt Economique
ROCARE : Réseau Ouest et Centre Africain de Recherche et
Education
DPLN : Direction de la Promotion des Langues Nationales
IFAN : Institut Fondamental d'Afrique Noire
ADM : agence de développement municipal
SDAU : Schéma de développement et
d'aménagement urbain
EMILE : Enseignement d'une matière pour
l'intégration d'une langue étrangère PPF : Pour Parler
Français
INEADE : Institut national d'étude et d'action pour le
développement de l'éducation. DALN : Direction de
l'alphabétisation et des langues nationales
UNESCO : Organisation des nations unies pour l'Education, la
science et la culture OIF : Organisation internationale de la francophonie
CT : classe télévisuelle
CNT : classe non télévisuelle
ECB : école communautaire de base
ECE : école communautaire élémentaire
Sommaire
Dédicaces et remerciements
Liste des tableaux
Liste des acronymes et des abréviations
Introduction générale .... . 1
Première partie : cadre d'analyse théorique
et démarche méthodologique 5
Chapitre 1 : cadre d'analyse théorique
5
Chapitre 2 : démarches méthodologiques
39
Deuxième partie : présentation du champ de
l'étude 46
Chapitre 3 : présentation de la commune de Fatick
.46
Troisième partie : présentation des
résultats obtenus .59
Chapitre 4 : analyses et exégèses des
résultats de la pré-enquête .. 59
Conclusion générale : perspectives de
recherche doctorale 82
Bibliographie générale 84
Table des matières 86 Annexes
Introduction générale
L'objet de notre recherche consiste à analyser les
facteurs de blocage liés à l'introduction des LN1 dans
le SEF2 au Sénégal. En d'autres termes, nous nous
proposons de décrypter les « goulots d'étranglement »,
les facteurs ou les éléments empêchant l'introduction
totale et formelle de nos langues dans le système éducatif.
De prime abord, nous nous sommes posé la question de
savoir : qu'est ce qui fait que nos LN ne sont jusqu'à présent
introduites à l'école formelle suivant toutes les politiques
linguistiques et éducatives faites à leur égard ?
Le Sénégal, « indépendant »
depuis cinquante ans a, à son sein une multitude de langues dites
vernaculaires et une langue officielle. Son comportement éducatif et
administratif reste depuis toujours déterminé par cette
dernière, synonyme d'asphyxie pour les premières qui semblent
être d'importants vecteurs de transmission de connaissance en
matière d'Education et de Formation.
C'est dans ce sens que des politiques de codification et
d'introduction des langues autochtones dans l'enseignement étaient
entreprises depuis le début des indépendances par l'Etat du
Sénégal. Ainsi, de la période des six(06) langues
codifiées (1960-1971) jusqu'à celle de la massification avec dix
neuf (19) langues codifiées (1971-2001), le Sénégal n'est
pas encore parvenu à intégrer une seule langue déjà
codifiée dans l'enseignement formel ; qu'il s'agisse dans l'enseignement
élémentaire comme dans l'enseignement moyen- secondaire.
Dans les années 1977-1984, cette politique
d'introduction était entreprise par une mise à l'essai des
classes dites « télévisuelles et non
télévisuelles ».Ces dernières consistaient à
enseigner les LN en s'appuyant sur des émissions
télévisées réalisées. Cependant, ce mode
d'apprentissage et d'enseignement des LN sera sans suite puisqu'il connait des
écueils dont les causes demeurent incertaines et imprécises
à l'endroit des populations.
Par ailleurs, dans les années 2000, plusieurs
années après les conclusions des EGEF, une nouvelle relance des
« classes expérimentales » a été entamée
pour introduire formellement les LN dans l'enseignement
élémentaire. Mais aussi, cette deuxième et dernière
tentative est remise aux calendes grecques pour plusieurs motifs dont certaines
recherches ont montré.
1 Langue Nationale
2 Système éducatif formel
En effet, notre problème de recherche consiste à
analyser les blocages structurels liés à
l'introduction de nos langues dans l'enseignement primaire formel
dans un contexte oülesdites langues sont, pour la plupart
usitées informellement dans tous les secteurs et instances
éducationnels et administratifs sénégalais. Sous ce
rapport, notre objectif est de déterminer et d'analyser les facteurs
de blocage afin que les politiques antérieures soient plus revues,
sérieuses et renforcées. Nous voulons par ailleurs,
éveiller les `'consciences scientifiques» sur la dynamique d'un
enseignement via nos LN afin qu'elles puissent analyser scrupuleusement
l'enjeu de nos valeurs linguistiques pour un
développement socioéducatif capable de nous enraciner dans nos
us et de nous permettre ensuite de s'ouvrir au monde.
C'est pourquoi notre hypothèse principale de recherche
est posée comme suit : La velléité politique linguistique
de l'Etat du Sénégal (des décideurs politiques),
conséquence des représentations sociales des LN par la
société sénégalaise et de la reproduction de la
violence symbolique linguistique hélas, véhiculée par
l'administration coloniale, constitue un facteur de blocage pour l'introduction
des LN dans l'éducation formelle.
Par ailleurs, les causes de cette non-introduction ne sont pas
uniquement liées à des problèmes socioculturels,
économiques ou didactiques, mais aussi elles sont dues à une
velléité politique linguistique des décideurs politiques
sénégalais qui constitue aussi la résultante de la
violence symbolique linguistique des temps coloniaux et des
représentations sociales actuelles des LN par la société
sénégalaise elle -même.
Ensuite, les parents ne refusent aucunement ce projet
d'enseignement bi-plurilingue.
En effet, pour la vérification de nos conjectures de
travail nous avons entrepris une démarche qualitative et quantitative
pour comprendre, analyser et interpréter les discours de certains
socioprofessionnels de l'éducation (enseignants, inspecteurs de
l'éducation, syndicalistes de l'enseignement, parents
d'élève, les élus locaux etc.) de la commune de Fatick.
La commune de Fatick qu'est notre cadre de recherche est dans
le département de la région situé à 42
kilomètres de la région de Kaolack et à 62
kilomètres du département de Mbour (région de
Thiès).La commune, à l'instar du reste du Sénégal
est déterminée par la présence de plusieurs langues
locales /nationales(sérère, wolof, peulh, maninka etc.) et son
comportement éducationnel de base reste marqué
uniquement par le truchement de la langue française même si
quelques écoles élémentaires privées franco-arabes
y ont vu le jour.
En effet, notre étude s'articulera autour de trois
grands axes pour répondre à ses préoccupations. Elle part
du cadre d'analyse théorique à l'analyse et
l'exégèse des résultats de l'enquête, via la
démarche méthodologique.
Toutefois, cette étude comme toute autre n'est pas
réalisée sans difficultés. Celles-ci sont d'ordre
épistémologique et méthodologique.
La complexité du fait étudié nous a
conduit dans des difficultés épistémologiques et
méthodologiques dans la mesure où l'introduction des LN dans
l'enseignement élémentaire formel constitue une
problématique dont les orientations pour sa réalisation sont le
plus souvent souples et inconséquentes.
D'abord, le thème a un caractère sensible et
préoccupant :sensible dans le fait qu'il laisse remarquer des
valorisations particulières au niveau de certaines langues vernaculaires
au détriment des autres par nos enquêtés ,
préoccupant parce que nombres de sénégalais n'ont ni la
volonté ni la conviction que ce fait soit un objet d'étude ou une
question de recherche .Estil nécessaire de signaler le désaveu de
certains intellectuels qui, après sollicitation de notre part pour leurs
suggestions sur le thème , affichent leur désintéressement
presque total?
En outre, d'autres difficultés sont notées
durant notre observation par rapport au discursif de nos cibles qui
s'enlisaient dans un amalgame redondant et permanant entre scolarisation en LN
et alphabétisation.
Par ailleurs, se posait la difficulté de joindre nos
cibles ou encore celle de les faire parler du fond des choses en vue de
démasquer leur points obscures ou codés. Il faut aussi rappeler
que la relation d'enquête n'était pas du tout facile à
établir dans la mesure où la quasi-totalité de nos
répondants avait un âge très avancé que nous, d'ou
la présence d'une certaine pudeur de poser le débat et d'insister
sur les non dits.3
Enfin, nos outils méthodologiques malgré leurs
valeurs astucieuses n'ont pas suffit pour saisir tous les tenants et
aboutissants de la quintessence du problème posé.
3 Nous faisons référence à la
pudeur (kérsa en wolof) qui constitue un élément
de socialisation très fondamental dans la société
sénégalaise. Le « kérsa »est une
attitude parmi certaines règles de politesse plus souvent
adoptées par le moins âgé à l'égard du plus
âgé.
Mais, quelles que délicates qu'elles eussent
été, ces difficultés ont été
contournées en adoptant quelques modalités de résolution
afin d'apporter des éléments de réponse à notre
objet de recherche. Il s'agissait plus particulièrement de canaliser nos
enquêtés dans le vif de notre sujet.
Première partie : cadre d'analyse
théorique et démarche méthodologique
Chapitre 1 : cadre d'analyse théorique
I-1.Construction de l'objet de recherche
L'éducation est un leitmotiv pour toutes les
sociétés humaines dans la mesure où elle se reproduit sans
cesse et produit des réalités sociales spécifiques au
groupe où elle est menée. Durkheim en disait ceci : «
c'est l'action exercée par les générations adultes sur
celles qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale. Elle a pour
objet de susciter et de développer chez l'enfant un certain nombre
d'états physiques, intellectuels et moraux que réclament de lui
et de sa société politique dans son ensemble et le milieu
spécial auquel il est particulièrement destiné »
(Durkheim, Education et Sociologie (1922)).Par l'éducation,
l'homme approfondit ses connaissances sur son environnement et transforme le
savoir ainsi acquis en aptitudes professionnelles, donc en capacité de
maitrise sur ses propres conditions matérielles
d'existences.4 Par elle, l'homme est capable de retracer son
passé, de revitaliser son présent et d'orienter son futur. C'est
à ce titre que stipule depuis 1948 la déclaration universelle des
droits de l'Homme :
« Toute personne a le droit à
l'éducation .L'éducation doit être gratuite, au moins en ce
qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental.
L'enseignement élémentaire est obligatoire. L'enseignement
technique et professionnel doit être généralisé,
l'accès aux études supérieures doit être ouvert en
pleine égalité à tous en fonction de leur
mérite.
L'éducation doit viser au plein
épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du
respect du droit de l'homme et des libertés fondamentales. Elle doit
favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre
toutes les nations et les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le
développement des activités des Nations Unies pour le maintien de
la paix.
Les parents, ont par priorité, le droit de choisir le
genre d'éducation à donner à leurs enfants. »
(Article 26).
4 Abdoulaye NIANG, 2007, « la jeunesse africaine
et le changement social » in Regard sur la jeunesse en Afrique
subsaharienne, presse universitaire de Laval.
En effet, cette dernière maxime semble être
inexistante dans la plupart des pays africains qui, par leurs politiques
éducatives et de formation, incitent les populations à se
conformer, parfois contre leur gré au système éducatif
formel au moyen de la langue de l'ancienne métropole au détriment
des langues maternelles (nationales ou locales).
Ainsi, Gerti HESSELING rappelle les propos de
GREGERSEN5 :
« On parle beaucoup actuellement de violations des
droits de l'homme. Mais il me semble qu'une des violations les plus
fondamentales de ces droits est d'imposer à ceux quiveulent
s'instruire l'utilisation d'une autre langue que la leur (...) on peut avancer
de
nombreux arguments pour soutenir que l'enseignement dans
la langue maternelle doit - ou devrait - constituer un droit fondamental
»6.
Ce qui laisse voir un forçage de système aux
populations qui devraient orienter leur choix selon les modalités et les
capacités linguistiques appropriées à leur contexte
socioculturel. C'est dire qu'il existe un déphasage entre le
système éducatif africain et son contexte socioculturel dans la
mesure où l'expertise africaine s'affirme difficilement par le biais des
langues empruntées voire imposées. C'est à ce titre que
beaucoup de chercheurs africains, depuis les indépendances, ont eu le
sentiment voire le sacerdoce de repenser le statut des langues africaines, leur
considération, leurs impacts sur le comportement socioéducatif
africain.
La question des LN d'Afrique comme medium de transmission de
connaissance dans l'enseignement formel est une problématique qui
implique le continent dans son ensemble. Depuis la colonisation jusqu'à
nos jours les pays africains sont marqués par une hybridité
linguistique concernant d'une part les langues des colons (britannique,
portugais, français..) et d'autre part les langues endogènes ou
locales. Ainsi, depuis les indépendances beaucoup de chercheurs et de
penseurs africains ou africanistes ont un réel sentiment de
procéder à une sensibilisation pour un recours à nos
langues sans lesquelles il n'y aura point de repères vers le
progrès scientifique ou économique. Cependant, cette situation
tant souhaitée est remise aux calendes grecques. A la fin de la
colonisation, la plupart des pays africains ont compris que le recours aux
langues autochtones africaines peut constituer un enjeu majeur pour le
comportement éducatif, socioculturel et économique de l'ensemble
des pays de l'Afrique.
5 GREGERSEN (1977) :203
6 Gerbi HESSELING, 1985, Histoire politique du
Sénégal. Institutions, droit et société. Editions
KARTHALA, p327.
Pour ce faire, il requiert donc pour certains d'incorporer en
fond les LN dans le SEF, pour d'autres il nécessite d'adopter un
système éducatif basé sur les langues nationales.
Dans les années 1990, cette perspective est
soulevée par Joseph KI ZERBO lorsqu'il mentionne : «
l'éducation est une fonction de reproduction et de dépassement
social indispensable au progrès de tout pays. Quand cette fonction est
abolie, il se produit un dépérissement profond dans le
métabolisme de base de la société. C'est le cas en
Afrique, où l'école, au lieu de reproduire les
sociétés à un niveau supérieur contribue à
les mettre en pièces détachées. L'appareil
éducatif, au lieu d'être un moteur, est une bombe à
retardement qui, compte tenu de la flambée démographique,
épuise les ressources économiques sans contre partie suffisante,
désintègre les structures sociales et stérilise les
cultures »7.voilà donc comment KI ZERBO a
analysé l'école africaine dans son ensemble qui, vu son
déphasage avec nos réalités sociales, ne reflète
guère notre identité socioéconomique.
Au Sénégal, depuis l'indépendance des
politiques sur les LN ont été, avec contraste,
avancées en vue de leur `'promotion» dans le
système éducatif. Dans cette optique, l'Etat s'engage dans une
perspective de consolidation de l'unité nationale, de construction
nationale et ambitionne de prendre en charge l'ensemble des impératifs
politiques et socio éducatifs (`'Etat -providence») en vue de
l'instauration d'un `'Etat fort».
Sur le plan éducatif, l'Etat sénégalais
avait jugé suffisant au moment de son accession à
l'indépendance l'héritage colonial d'un enseignement
prétendu moderne avec un taux de scolarisation satisfaisant. Il omettait
cependant la valeur du contenu de l'école prise sous l'angle
socioculturel avec ses impacts dans la société, en reproduisant
les valeurs de l'école coloniale dont le dessein était d'effacer
progressivement les cultures sociales des colonisés. En effet, comme le
pense Abdou SYLLA, l'Etat a manqué au début des
indépendances :« Une politique éducative
définissant de manière précise les principes et les
finalités (....) de l'école sénégalaise, un plan de
développement de l'école qui détermine avec
précision les phases de son développement avec des projections
à court, moyen et long terme(...) ; il était remarquable que
l'école nationale sénégalaise post indépendante
soit une simple excroissance, un appendice de l'école
française ».8
L'analyse de SYLLA suggère que les LN étaient
hors programme en ce qui concerne leur insertion dans l'enseignement dans la
mesure où l'élite politique sénégalaise a
préféré
7 KI ZERBO(J), 1990, Eduquer ou périr,
éd l'Harmattan.
8 Sylla. A, 1992, « L'école : quelle
réforme ? »in Sénégal, trajectoire d'un
Etat, Dakar, CODESRIA.
maintenir l'enseignement au moyen de la langue occidentale.
Mais ce n'est qu'à partir des contestations de Mai 1968 que l'exigence
de réforme de l'école se note.
Dans le domaine linguistique, des programmes de revitalisation
ou de promotion des LN ont vu le jour avec notamment les décrets de
transcription. En 1968 , le décret n°68-871 relatif à la
transcription des LN a été abrogé puis remplacé par
celui du 21 mai 1971(n°71-566) et complété par le
décret n°72-702 du 16 juin 1972. Cette abrogation est le fruit des
suggestions adressées au chef de l'Etat par les linguistes, grammairiens
ou simples particuliers. Cependant, malgré cet engouement, nos langues
restent davantage au plus bas niveau à l'échelle
planétaire. Comment en sommes-nous arrivés à ce
stade ?
Cette interrogation si lapidaire nous permet de faire recours
à un diagnostic situationnel des LN depuis la période coloniale
jusqu'à nos jours.
La colonisation est un processus de domination politique,
d'exploitation économique et d'assimilation culturelle. En Afrique, ce
processus était en partie assuré par les colonisateurs qui
orientaient leur politique de domination et d'assimilation le plus souvent sur
la sphère culturelle dont le point de départ constitue
l'imposition de leur langue. Ainsi l'Afrique francophone était plus
exposée à cette forme de politique coloniale (le `'direct
rule'').Cette période de l'expansion française, appelée
par KI-ZERBO, « l'âge d'or des étrangers », consistait
en une mainmise par les colons sur l'économie, les structures
politiques, la culture et l'éducation. En effet, la
société africaine colonisée connaît une
hiérarchisation mettant en oeuvre deux classes sociales :''les
citoyens'' et les `'indigènes''.Les premiers étaient
favorisés par rapport à leur statut social et intellectuel. C'est
le cas par exemple des natifs de quatre communes du Sénégal
(Saint Louis, Gorée, Dakar et Rufisque) qui ont la «
citoyenneté française ».
L'éducation ou plutôt l'enseignement des peuples
africains colonisés demeure oppressif dans la mesure ou le
système éducatif était inégalement réparti
et asservissait les valeurs africaines. L'enseignement laïque avait
été c rée par Faidherbe. Il est organisé en A.O.F
par l'arrêt de 1903 prévoyant l'école de village,
l'école régionale et l'école urbaine pour les fils de
citoyens. L'enseignement professionnel était donné à
l'école Pinet-Laprade de Gorée. L'école normale et
l'école primaire supérieure de Saint-Louis (école
Faidherbe) deviendront le premier lycée d'Afrique noire, suivi par le
cours secondaire Van Vollenhoven de Dakar. Le contenu de cet enseignement fait
partie intégrante du système colonial. Il s'agit d'éviter
que l'enseignement des indigènes ne devienne un instrument de
perturbation coloniale d'où le malthusianisme
culturel, les programmes tronqués sacrifiant la culture
générale et l'histoire africaine authentique. Les petits wolofs
apprenaient à connaître leurs « ancêtres les gaulois
» et les Toucouleurs récitaient des leçons présentant
EL-Omar comme sinistre agitateur. Les langues africaines sont prohibées
dans ces écoles et leur utilisation entraine la mise à genoux
dans un coin avec les oreilles d'ânes...9 Rappelons nous du
fameux « symbole » à l'école primaire qui en
guise de punition pour l'élève qui parlerait sa langue maternelle
ou toute autre LN. Il était symbolisé soit par un gros os, soit
par un gros bois pour montrer ou faire savoir à la communauté que
cet élève n'a pas les aptitudes à manier le
français ;et ça devenait une vexation pour ce dernier. Par
conséquent, la langue française demeurait à l'égard
des colonisés francophones `'une contrainte sociale»
suivant la conception durkheimienne dans la mesure où, ces derniers
étaient libres de ne pas parler le Français mais ils ne pouvaient
pas faire autrement au sein de l'école ou de l'administration. Est-il
inutile de rappeler que la langue française est imposée à
toute l'Afrique francophone sous domination coloniale qui durera plusieurs
années ? Il nous est possible alors de rappeler le processus
d'aliénation, de substitution et d'institutionnalisation des langues
occidentales au détriment des langues autochtones africaines.
Les premiers Européens à fréquenter la
région furent les portugais qui, en 1444, atteignent l'embouchure du
Sénégal et l'archipel du cap -vert. Ce fut le début des
relations commerciales avec les Européens. Les portugais
s'installèrent à Gorée, une petite ile à trois
kilomètres au large de Dakar, qui, pendant très longtemps,
constituera l'entrepôt principal de la traite négrière.
Après 1600, les portugais furent chassés par les hollandais et
les français, ces derniers dominèrent vers 1700 le commerce de la
région côtière. Un premier comptoir français,
fortifié, fut installé en 1959 sur l'île de Ndar, à
l'embouchure du fleuve Sénégal : ce fut la ville de Saint-Louis
fondée par Louis Caullier, agent de la compagnie du Cap-Vert et du
Sénégal, en hommage au roi de France, Louis XIV, alors souverain
régnant. Malgré la rivalité franco-britannique et de
nombreux conflits à la fin du XVIIème siècle et durant
tout le XVIIIème siècle, l'influence française
s'étendit dans toute la région, hormis la Gambie. Après
une brève occupation britannique (1758-1779 et de 1809-1814), le
Sénégal redevint français.
Le général Louis Faidherbe (1818-1889) fut
nommé gouverneur du Sénégal en 1854.Il entreprit la
réunification du pays10 en repoussant les Toucouleurs
à l'Est du Haut Sénégal (1855-1863), rejeta les maures
au nord du fleuve, puis en 1858 il annexa le pays des wolofs (à
9 Ki-Zerbo, 1978, op.cit, pp 441-442
10 Le pays était divisé en petits
royaumes rivaux.
l'époque : Yolofes).De retour à Saint-Louis, il
décida de relier cette ville au Cap-Vert. En 1895, le
Sénégal devint officiellement une colonie française
administrée depuis Saint-Louis.
Après la seconde guerre mondiale, une assemblée
territoriale fut crée au Sénégal, Léopold
Sédar Senghor, l'un des députés du parlement
français, domina la vie politique locale du pays. Le français
avait été choisi comme langues officielle durant toute la
colonisation française. Donc, force nous est de comprendre que durant
toute la période coloniale, les langues africaines en
général et sénégalaises en particulier n'avaient
guère d'envergure. Et la politique coloniale a fortement
contribué à l'effacement de nos langues dans les secteurs
administratifs de l'époque.
En effet, quelle est la situation de nos LN dans un
Sénégal indépendant ?
Le Sénégal obtint son indépendance le 18
juin 1960 après une éphémère
fédération sénégalomalienne. À ce moment, le
Sénégal, comme tous les Etats africains francophones nouvellement
indépendants, a choisi le français comme langue officielle. Cette
clause constitutionnelle signifiait que le français devenait la langue
de présidence de la république, de l'assemblée nationale,
de l'administration publique, des cours de justice, des forces armées et
policières, de l'enseignement à tous les niveaux, de l'affichage,
des medias etc. Les dirigeants ont ainsi privilégié la langue qui
leur parait la plus immédiatement disponible et opérationnelle.
Toute la politique linguistique écrite du Sénégal,
à cette époque tenait essentiellement de l'article1 de la
constitution qui faisait du français la langue officielle. Par
conséquent, le français prenait toute la place dans l'espace
politique et socio -économique.
Cependant, le français demeure une langue
étrangère parlée par 15% à 20% des
sénégalais et par 1% à 2% des sénégalaises.
Il est la langue maternelle d'une minuscule élite tout au plus 0,2% de
la population du pays.11Ainsi, se demander pourquoi le
Sénégal compte un si fort taux d'analphabètes en langue
française, revient à se rappeler que 55% des jeunes
sénégalais vivent dans les régions rurales et que
très peu d'entre eux fréquent l'école ;les enfants
étaient considéraient comme des bras supplémentaires aux
travaux champêtres. C'est ce qui pourrait expliquer que 80% à 90%
des jeunes ne parlent pas français. Par ailleurs, 82% des
sénégalais vivant en milieu rural ne savent ni lire ni
écrire aucune langue.
La politique linguistique du Sénégal peut
être caractérisée en deux volets : d'une
part, promouvoir les principales LN pour en faire des langues de culture,
d'autre part, maintenir le
11 Sources : internet (
www.google.com).
français comme langue officielle et comme langue de
communication internationale. D'ailleurs l'article 1 de la constitution du 7
janvier 2007 le reconnaît officiellement.
Jadis, Léopold Sédar Senghor, dans le
décret de 1971, rappelait que la langue officielle est le
français et aussi comme langue d'enseignement car, selon lui, vouloir
faire des langues nationales un instrument efficace pour l'enseignement des
sciences et des techniques peut constituer un retard au rendez-vous de l'An
2000.
Plus tard, en 1991, la loi n°91-22 du 16 février
définit les principes généraux de l'Education nationale
mentionnés dans l'article 6 qui stipule :
1-« L'Education nationale est
sénégalaise et africaine : développant l'enseignement des
langues nationales, instruments privilégiés pour donner aux
enseignés un contact vivant avec leur culture et les enraciner dans leur
histoire, elle forme un sénégalais conscient de son appartenance
et dans son identité ».
2-« Dispensant une connaissance approfondie de
l'histoire et des cultures africaines, dont elle met en valeur toute les
richesses et les apports au patrimoine universel, l'Education nationale
souligne les solidarités du continent et cultive le sens de
l'unité africaine ».
3-l'Education nationale reflète également
l'appartenance du Sénégal à la communauté de
culture des pays francophones, en même temps qu'elle est ouverte sur les
valeurs de civilisations universelles et qu'elle inscrit dans les grands
courants contemporains ,par là, elle développe l'esprit de
coopération et de paix avec les hommes ».
Nous remarquons en effet, l'hybridité de la politique
linguistique du Sénégal via cet article nuancé.
Qu'en est-il en réalité ? Autrement que revêt
l'éducation sénégalaise face au développement des
langues de l'ancienne métropole ?
Nous savons évidement que dans la plupart des pays
africains comme au Sénégal, la langue du colon reste toujours
officielle. Selon les recherches, seulement six(6) pays ont officialisé
leur langue autochtone. Il s'agit de l'Ethiopie (amharic), de la
Somalie (somali), de la Tanzanie (kiswahili) du Burundi
(kirundi), du Rwanda (kinyarwanda) et du Centre-Afrique
(sango).Pour sa part, le Mali est doté de plus de huit mille
(8000) centres d'alphabétisation répartis en six mille cent
treize (6113) villages dont les alphabétisés participent dans les
efforts de développements de leurs milieux (relevés
pluviométriques, traitements des champs, enregistrements des
décès et des naissances etc. Il a aussi mis à
l'épreuve une « Pédagogie
Convergente »(PC) qui consiste à
commencer à enseigner en LN tout en introduisant progressivement le
Français. Par ailleurs, le Sénégal reste loin eu
égard à cette volonté de promouvoir nos langues dans les
instances administratives et socio-économiques.
Quelle est la politique linguistique menée par
le Sénégal depuis son indépendance jusqu'à
maintenant ? Quelles perceptions ont les penseurs dans le domaine des LN?
Comment sont analysées les LN par rapport à leur introduction
dans le SEF sénégalais ?
Ces interrogations ci-dessus requièrent de faire le
tour de la question en revisitant l'ensemble des théories ou
écrits faits sur le domaine de ces dites langues. Cela nous permettra en
outre de positionner la cadre actuel des choses.
I-2.Position du problème de recherche
Par l'usage de leur langue beaucoup de pays africains se sont
communiqués pour se libérer de la colonisation. Ainsi, depuis ce
moment certains des penseurs africains remarquent la nécessité,
la pertinence et l'éminence d'un recours aux langues africaines ;
c'est-à-dire leur prise en compte pour une analyse sociolinguistique ou
de leur adoption dans un système d'enseignement durable. Pour ce faire
tant d'analyses théoriques sont effectuées depuis longtemps par
la communauté des scientifiques africains afin de montrer le
déphasage existant entre nos langues officielles et l'identité
des sociétés africaines.
Notons des penseurs qui ont élaboré des
théories générales pour une éducation
endogène africaine s'appuyant sur les langues africaines. A cela,
rappelons la vaillante préoccupation de KI-ZERBO lorsqu'il fait savoir
que l'Education endogène est absente en Afrique. En d'autres termes, la
crise de la société et de l'économie est fondamentalement
une crise culturelle. Les cultures doivent être évolutives
préparant le changement dans les perceptions, les concepts, les valeurs,
les progrès scientifiques et techniques que les sociétés
doivent s'approprier et intégrer au point de devenir à leur tour
créatrices de ces domaines. S'il veut vivre, notre continent doit
considérer qu'il doit entrer dans le `'temps de l'Education» dont
il faut redéfinir la finalité et le rythme en procédant
à une réflexion permanent entièrement tendue vers la
recherche d'un mieux-vivre pour le plus grand nombre. Le système
d'enseignement africain d'aujourd'hui, inadapté et
élitiste, alimente la crise en produisant des inadaptés
économiques et sociaux et en dédaignant des pans entiers de la
population active. Pour ce constat, il parle de `'déculturation
linguistique» faite par les politiques scolaires coloniales.
Ainsi ,cette posture de KI-ZERBO est bien comprise par
Abdoulaye NIANG12 qui le cite dans son article `'l'Afrique dans
la renaissance africaine»(2009), lorsqu'il confesse que : «
nous devons, nous même, essayer d'inventer nos modèles ; nos
concepts et nos stratégies d'attaque... il nous faut faire confiance
à nous face aux confiscations qui nous menacent et risquent de
compromettre nos efforts »13.En d'autres termes, il est
obligatoire, nécessaire et possible pour le continent africain, par le
truchement de ses propres outils linguistiques, de s'affirmer et de s'auto
affirmer au fronton de la communauté scientifique mondiale.
Comprenant la pensée de KI-ZERBO nous remarquons qu'il
montre que le type d'Education formelle faite en Afrique, au moyen des langues
des ex puissances coloniales, constitue un retard pour les
sociétés africaines dans la mesure où il favorise des
impacts nocifs sur la culture et la société :l'école
arrache trop souvent les jeunes à leur milieu social, elle aggrave
fréquemment les inégalités sociales et contribue à
l'effacement des cultures autochtones.
Tout compte fait l'analyse de KI-ZERBO sur la situation
linguistique de l'Afrique dans le cadre éducatif était globale
pour toute l'Afrique. Il ne prend pas, par ailleurs, en compte les facteurs qui
peuvent empêcher sa réalisation.
Par ailleurs, au Sénégal depuis très
longtemps des analyses ont été au rendez-vous concernant la
problématique des LN. Au moment même de l'occupation coloniale Lat
Dior (1842-1886) dixit en wolof : « massuma sopp ku naan bonsuur
» (« je n'ai jamais aimé ceux qui disent bonjour
»).Ces propos du grand résistant sénégalais
laissent comprendre l'opiniâtre refus de l'oppression culturelle voire
linguistique par nombres d'africains.
En outre, nous pouvons noter les théories de Cheikh
Anta DIOP qui a tant cogité sur la sociolinguistique des pays africaines
et le choix unique d'une LN officielle au Sénégal, et plus tard
une langue unique pour toute l'Afrique. Ainsi, il s'est focalisé sur les
valeurs du wolof et de son avantage en ce qui concerne son introduction dans
les champs de formation. Sur ce, il fustige la politique velléitaire de
l'Etat du Sénégal eu égard à la non prise en
12 Abdoulaye NIANG est professeur de sociologie
à l'université Gaston Berger de
Saint-Louis(Sénégal)
13 Ki- ZERBO, 1992, la natte des autres. Pour un
développement endogène en Afrique, paris, Karthala, 494p
considération des LN dans le SEF et de la
réticence dans le cadre des choix théoriques et politiques qui se
concrétise par l'absence d'une méthodologie
d'alphabétisation clairement définie.
En effet, que faire suivant cette situation
malencontreuse de nos LN?
A cette interrogation, en découlent des
éléments de réponse à travers la conception de
Cheikh Anta Diop pour qui, il est nécessaire et idoine de
développer les LN. A ce titre, il rappelle : « il est plus
efficace de développer une langue nationale que de cultiver une langue
étrangère ; un enseignement qui serait donné dans une
langue maternelle permettrait d'éviter des années de retard dans
l'acquisition de la connaissance. Très souvent l'expression
étrangère est comme un revêtement étanche qui
empêche notre esprit d'accéder au contenu des mots qui est la
réalité. Le développement de la réflexion fait
alors place à celui de la mémoire. (...).On pourrait objecter la
multiplicité des langues en Afrique Noire .On oublie alors que l'Afrique
est un continent au même titre que l'Europe, l'Asie, l'Amérique,
or sur aucun de ceux-ci l'unité linguistique n'est
réalisée ; pourquoi serait-il nécessaire qu'elle le
fût en Afrique ? ».14.Ainsi, la volonté de
C.A.DIOP est de voir les écoles africaines en générale et
sénégalaises en particulier dispenser ses enseignements au moyen
des LN sans lesquelles le développement de l'expertise africaine est
sans lendemain meilleur. C'est ce que l'Etat sénégalais depuis la
décolonisation `' veut concrétiser» dans ses politiques de
`'promotion des LN» ou `'d'introduction des LN dans le SEF».
Par ailleurs, Abdou Sacor MBOUP 15 accorde une
place déterminante aux LN par rapport à l'acquisition et à
la transmission du savoir. « L'école africaine aurait tout
à gagner à faire la promotion des
langues nationales, non à des fins d'une simple alphabétisation
s'adressant plutôt à l'adulte, mais comme un véritable
instrument », prêche l'éducateur, qui soutient que
l'enfant doit d'abord apprendre à lire, à compter et à
écrire dans sa langue maternelle avant d'apprendre une langue
étrangère. Selon lui « L'apprentissage d'une langue
étrangère ne devrait, dès lors, intervenir qu'entre 9 et
10 ans, c'est-à-dire dès que l'enfant sera capable de
dépasser son égocentrisme dès les premiers moments de
scolarité ».16
Quid en réalité de l'usure constatée
de nos LN par rapport à la vie éducative ?
14 Cheick Anta DIOP, 1979, Nations, Nègres
et Cultures, Tome 2, Présence Africaine, P415 15 Inspecteur de
l'Education
16Idrissa SANE, « Système
éducatif sénégalais : Une réforme ancrée sur
les valeurs africaines préconisée », Le Soleil
Multimédia.
En procédant à l'analyse historique de
l'éducation formelle au Sénégal, nous convoquons Moussa
DAFF17, lorsqu'il fait l'économie de la situation qui
s'inscrit en quatre périodes :
Première période : 1830-1965.
L'enseignement était exclusivement axé sur le
Français. Il était de type normatif avec ce qu'on peut appeler la
méthode directe. Même si à partir de 1960 d'autres
orientations étaient possibles, le Sénégal a maille
à partir avec le système éducatif colonial.
Deuxième période : 1965-1980
Cette période est marquée par la mise en oeuvre de
la méthode PPF ainsi que la codification de certaines LN suivie par les
premières expériences des classes bilingues.
Troisième période : 1981-1991
Cette période marque la suppression de la méthode
PPF par la CNREF lors des EGEF afin d'insister sur l'enseignement des LN dans
les programmes scolaires.
Quatrième période : 1991...
Ce moment constitue le début des activités de
l'INEADE .En 1998, le ministère de base et des langues nationales a
initié une reforme des curriculums tentant enfin de répondre
à l'exigence de l'enseignement des LN mais aussi à
l'émergence d'un enseignement du français avec un statut de
langue seconde.
L'école sénégalaise est marquée
par l'enseignement du français. Ce dernier débute à
l'âge de six ans ou sept ans pour les écoles publiques
laïques et à l'âge de trois ans pour les écoles
privées confessionnelles catholiques et protestants .Le Français
constitue la langue d'enseignement pour toute la durée des
études. Par ailleurs, il faut noter la forte présence de d'autres
langues dans l'enseignement secondaire et universitaire au détriment de
nos langues ; d'où le point de rappeler que nos LN sont absentes au
niveau de l'éducation formelle.
Dans le rapport du 06 juin 1984 remis au Président de
la République, la CNREF (commission nationale de la reforme de
l'éducation et de la formation) expose 906 pages la politique
générale de l'éducation et ses propositions concernant
d'une part le personnel de l'école et d'autre part les moyens de»
l'école nouvelle».Cette nouvelle politique générale
de l'école a
17 M.DAFF, « l'aménagement
linguistique et didactique de la coexistence du français et des langues
nationales au Sénégal »l(1998)
consacré son chapitre 7 à l'introduction des LN
dans le système éducatif. Elle visait une école nationale
démocratique, conçue et fonctionnant dans l'intérêt
du peuple, ouverte sur la vie...il s'agit entre autres un cycle fondamental qui
reçoit les enfants de 03 à 16 ans suivant une éducation
préscolaire et de l'enseignement polyvalent, l'enseignement moyen
général obligatoire et gratuit qui prend en compte
l'apprentissage de la langue du milieu, l'enseignement des
mathématiques, de l'Art, de la religion etc.18
Ses Etats généraux dont la CNREF est
chargée de finaliser, ne seront appliqués qu'en 1995-
1996.Cependant, le chapitre qui consistait à introduire les LN dans
l'enseignement formel est laissé en rade, or certaines langues
étaient déjà transcrites pour leur éventuelle
insertion dans le système d'enseignement.
Toujours, on note des décrets abrogeant les uns les
autres en vue de faire des LN des « langues de culture » ou des
medium de transmission de connaissance à l'école de base.
A l'occasion de la 29éme semaine nationale de
l'alphabétisation le décret n° 85-1232 du 20 novembre 1985 a
été revu, complété et mis à jour lors des
ateliers des 7et 8 septembre 2004.L'objectif était de faire des LN des
langues de culture et, par la même occasion de donner plus de moyens et
d'efficacité à l'éducation la modernité et aux
efforts de développement. Ce qui requiert que ses langues soient
écrites, introduites dans le système éducatif et
utilisées dans la vie officielle et publique.19
Ce présent décret atteste que le wolof
(parlé par plus de 50 % des sénégalais) par
exemple, régisse tous les attributs linguistiques pour être
utilisé dans l'enseignement dans la mesure oüil est
doté dés lors d'un alphabet (27 lettres dont 21 consonnes et 6
voyelles), d'une
phonologie, de noms et ses déterminants, de verbes et
ses modalités, de dérivations et de composition ,ainsi que des
signes et des ponctuations dont l'ensemble est illustré par un texte
fidèlement traduit en français.(Cf. Rapport de
présentation du décret 2005-992).
Par ailleurs, l'historique de l'essai de l'enseignement
bilingue ou plurilingue au Sénégal se présente comme suit
:
1978 : les classes télévisuelles
(CTV) et non télévisuelles (CNTV).
18 Papa Mangoné BASAL, 98-99, « La
crise de l'éducation au niveau du moyen-secondaire : causes et situation
des responsabilités. Quelles perspectives de reforme pour la ville de
Saint-Louis, » mémoire de maitrise.
19 Décret n° 205 992 du 21 octobre 2005,
relatif à l'orthographe et la séparation des mots en wolof,
journal officiel du Sénégal, Dakar 25 octobre 2005.
Elles constituent la première expérience
d'introduction des LN dans le SEF. 1987 : les classes
pilotes
Cette période est déterminée par la mise
en oeuvre des classes dites pilotes à la suite des EGEF. Par
l'ouverture de ces classes pilotes, l'Etat entendait « traduire en actes
concrets les décisions populaires des Etats généraux et
les conclusions de la CNREF » (M.LOUM, Directeur de la reforme en
éducation au Sénégal, Le Soleil du 08 octobre
1987 in les langues de scolarisation dans l'enseignement fondamental en
Afrique subsaharienne francophone. Le cas du Sénégal de
M.NDIAYE et M.DIAKITE).
1995 : les écoles communautaires de base
(ECB)
Crées par les communautés villageoises, ou par
les associations locales de quartier, le plus souvent en partenariat avec des
ONG, ces dites classes ont été implantées sous l'impulsion
du ministère de l'éducation de base et des langues nationales
à partir de 1995 à la suite du colloque de Saint Louis. Pour une
durée de quatre ans (04 ans), elles accueillent des enfants et
adolescents âgés entre neuf( 09) et quatorze(14) ans non
scolarisés ou déscolarisés ,dont les conditions de vie
étaient précaires et rendaient difficile une fréquentation
de l'école publique formelle.
2002 : les écoles communautaires
élémentaires (ECE)
Crée en 2002 par la fondation Education et
Santé, ces écoles sont implantées dans les
localités de Thiès et de Kédougou .Le schéma
d'introduction des LN dans ces écoles est identique à celui du
système formel. En effet, accueille les élèves à
l'âge de six ans (06 ans) et sept ans (07 ans) qui reçoivent
durant six ans le même programme d'enseignement que dans les
écoles expérimentales publiques bilingues, avec en
suppléant, une formation aux métiers du milieu tels que le
jardinage, l'horticulture etc.
La nouvelle dénomination d' « écoles
communautaires élémentaires rurales », est
donnée à ces écoles en début 2010, vient
délimiter leurs lieux d'implantation aux zones rurales.
2002 : mise à l'essai de l'introduction des LN
à l'école élémentaire.
En 2002 la DPLN devenue DALN a été chargée
de mettre en oeuvre un nouveau programme d'introduction des LN à
l'école élémentaire. En juillet de la même
année, toutes les dispositions techniques et stratégiques
étaient mises en place pour assurer un démarrage
effectif en octobre 2002.En effet, le début s'est
effectué avec cent cinquante cinq (155) classes test avec les six (06)
premières langues codifiées (Diola, Malinké, Puular,
Sérère, Soninké et Wolof).
En effet, sous l'appui de la Banque mondiale, de l'UNESCO et
de l'OIF ces classes expérimentales démarrent pour la
période 2002-2008.Cependant, la constitution de 1971, relative à
la codification des six premières LN ci-dessus, fut revue en 2001.Ce qui
élargira l'éventail des langues codifiées, d'où des
LN. Ainsi, douze (12) nouvelles LN voient le jour(le hassaniya ; le balante, le
mancagne, le noon, le manjanque, le jalunnka etc.).
Par ailleurs, le gouvernement sénégalais avait
annoncé qu'au plus tard en 2003, l'ensemble des
dispositifs sera mis en place pour que les LN soient réellement
introduites à l'école. Un plan d'action a été
élaboré posant les premiers jalons de cette introduction dans le
système. Ainsi neuf(09) LN suffisamment codifiées devraient
être enseignées »bientôt» à l'école.
L'introduction entière des LN à l'école de base fait
partie des objectifs du PDEF.
En conséquence, tant de décrets, de programmes
et d'essai sur les langues vernaculaires sénégalaises se sont
succédés de 1968 à 2005, mais leur absence dans
l'enseignement primaire, moyen- secondaire voire universitaire demeure toujours
une triste réalité dont les motifs sont à rechercher dans
la totalité de la structure sociale sénégalaise. Cela
revient à poser ces suivantes interrogations :
Comment expliquer cette absence de
concrétisation malgré ces nombreuses politiques linguistiques,
d'analyses théoriques, scientifiques et expérimentales
axées sur les LN ? Comment expliquer l'absence d'une ou des LN dans
l'enseignement formel où elles sont davantage usitées
informellement?
A ces interrogations, des chercheurs ont
présenté une panoplie de facteurs de blocage qui semblent
être sur la voie de notre objet d'étude. Il s'agit en substance
des facteurs de blocage socio- culturels et politico- didactiques
analysés comme suit :
Selon l'argumentaire de certains penseurs la langue maternelle
ne peut pas être vecteur de transmission de connaissance à
l'école dans la mesure où c'est une trivialité d'apprendre
ce que l'on a déjà assimilé. En effet, les
déclarations de ce type sont notées : « La
majorité des parents n'approuvent pas que l'on enseigne à
l'école une langue (sa langue maternelle) que
l'on parle déjà. En effet 80% des
sénégalais analphabètes veulent apprendre le
français pour avoir une bonne situation ».
Cette analyse ci-dessus prend pour facteurs de blocage les
déterminations familiales et sociales en ce qui concerne « la
réussite » ou le « prestige social » dont « garantie
» en quelque sorte l'enseignement formel via le français.
Toutefois, il est plausible de remarquer que ces positions
antérieures aient négligé d'autres facteurs qui
empêchent la concrétisation des politiques d'introduction des LN
dans le SEF. Sur ce, d'autres chercheurs se sont focalisés sur la
situation multilingue du pays et de ses localités.
Par ailleurs, le plurilinguisme pris en compte dans le
système éducatif formel peut constituer une source de blocage
dans la mesure où l'introduction de la majorité des langues dans
ledit système requiert sa mutation profonde sans conteste. « Un
enseignement intensif des langues sénégalaises entrainerait une
reforme complète et trop coûteuse du système d'enseignement
» ; arguent certains. Dans son article Dominique ROLLAND rappelle que
: « Des expériences nombreuses ont été
menées pour introduire les langues nationales à l'école.
Elles se sont heurtées à des résistances
considérables : difficultés d'élaboration de
matériel didactique, de conceptualisation (....)
»20En d'autre termes les causes du blocage de
l'introduction des LN dans l'enseignement sont à rechercher dans
l'élaboration d'un cadre linguistique regroupant toutes les normes
éducatives tant sur le plan pédagogique que sociopolitique.
En effet, l'hétérogénéité
linguistique du pays est perçue par certains comme un blocage majeur des
perspectives d'une reforme éducative prenant en compte les LN dans la
mesure où pour changer le système il faudra réunir
d'énormes ressources économiques afin de permettre des outils
didactiques considérables et permanents. Ce qui permettra de rompre
« l'insuffisance didactique » des langues sénégalaises
en ce qui concerne le travail de codification et de transcription en vue de les
redynamiser. C'est dans ce sillage que d'aucuns signalent que par exemple :
« les recherches terminologiques en wolof qui ne sont pas
achevés et devant être élaborés en quantité
de manuels et grammaires scolaires, dictionnaires monolingues, études
sociolinguistiques sur les variétés du wolof et les recherches
terminologiques dans les autres langues sont à peine
amorcées »
20 Dominique ROLLAND, Français langue
étrangère ou français langue seconde : un grand
écart, juillet, 2000.
Cependant, les analyses ci-dessus axées sur le volet
économico didactique omettent la dimension politique qui peut constituer
un éminent élément de blocage. A ce titre, d'autres
chercheurs ont relancé le débat en s'attaquant aux politiques et
à leurs conduites face cette problématique. Les
compétences discursives et théoriques des acteurs politiques par
rapport à la politique éducative d'introduction des LN dans le
SEF seraient en déphasage avec les actions notées sur le terrain.
En tout cas c'est la perception et l'analyse de certains selon qui, la non-
introduction est liée à une réticence et à une
pusillanimité du coté des décideurs politiques. Ce qui ne
manquera pas de noter des fustigations acerbes à leurs égards.
Dans ce cadre, Souleymane GOMIS21 sur ses remarques
sur le statut de la langue française dans les écoles
sénégalaises et sur le comportement politique sur la
problématique des LN dans l'éducation formelle , réagit
à travers ces propos : « Alors on s'interroge sur la
réelle volonté des politiques et des intellectuels ,bien qu'ils
connaissent les limites de l'usage du français dans l'enseignement pour
la transmission des valeurs culturelles locales, ils ne décident pas
à joindre à cette langue du colonisateur certaines langues
nationales dans la formation du jeune citoyen »22 En
d'autres termes ,le français comme langue officielle voire de
l'administration connait des limites notoires concernant la dimension
socialisatrice, culturelle, économique et politique que peuvent avoir
nos langues dans certaines instances de la vie sociale. Ainsi, quel rôle
peuvent jouer nos langues dans ces instances que nous venons de nommer ? A
cette interrogation une panoplie de réponses peut être
donnée par nombres d'intellectuels et politiques mais, la phase pratique
reste toujours asphyxiée voire anesthésiée. Sous ce
même registre S.GOMIS ajoute : « beaucoup de discours d'hommes
politiques sénégalais portaient déjà cette
volonté de prise en compte des langues nationales. Mais jamais la classe
politique n'a réussi à dépasser cette étape du
discours pour arriver à concrétiser l'idée d'enseignement
des langues nationales ».
Au demeurant, la carence de la hardiesse pratique des
politiques par rapport à l'entrée des LN dans les programmes
scolaires se justifie selon eux par un souci d'équité
linguistique. C'est- a -dire introduire toutes les langues du territoire
sénégalais dans l'enseignement formel ou marquer totalement leur
non- existence dans le système dans le but de permettre l'unité
nationale par le truchement de la langue française. A ce titre, Lilian
KESTELLOT ne cache pas son interprétation des faits lorsqu'il dit :
« la seule réponse que les décideurs politiques
sénégalais affichent et qui reste purement politique consiste
toujours à dire que le choix du
21 Professeur de sociologie à
l'université Cheikh Anta DIOP de Dakar
22 Souleymane GOMIS, 2003, La relation
famille-école, l' Harmattan, pp99.
français permet d'éviter des tensions entre
les différentes composantes linguistiques de la nation
sénégalaise ». Cependant, comment réaliser cette
unité par le biais de la langue de ceux qui nous ont désunis en
traçant arbitrairement nos frontières géographiques et
linguistiques ? A cette interrogation, rappelons nous des propos du chanteur
Tiken Jah FACOLY lorsqu'il dit : « ils ont partagé Africa(...)
une partie de l'empire mandingue se trouvant chez les wolof, une partie de
l'empire mossie l'empire mandingue se trouvant chez les wolof, une partie de
l'empire mossie se trouvant dans le Ghana, une partie de l'empire soussou se
trouvant dans l'empire mandingue, une partie de l'empire mandingue se trouvant
chez les Mossie (...) ».Cette analyse empirique de l'artiste
-compositeur nous permet d'être prudent avec l'analyse des politiques
consistant à chercher les blocages dans la configuration sociopolitique
et sociolinguistique des pays africains.
En effet, nous sommes convenus que la perspective d'introduire
dans l'enseignement formel une ou des LN paraît bien périlleuse
voire laborieuse. Ainsi, ces facteurs de blocage ont un soubassement politique
du fait que les politiques longtemps énoncées ou
élaborées ne sont pas encore traduites en acte par les
décideurs étatiques. En effet, ces précédentes
analyses s'inscrivent en partie dans la voie de notre objet de recherche.
Axées sur le plan politique, ces analyses trouvent
toute leur véracité analytique. Cependant, elles omettent une
dimension qui est essentielle dans notre problématique de recherche.
Elles n'ont pas su prendre en compte le facteur-représentation des LN
par rapport à l'enseignement formel marqué par l'usage des
langues extra sénégalaises. En effet, comment
décrire les représentations individuelles et collectives
(représentations sociales) à l'égard des LN au
Sénégal ? Constituent-elles un facteur de blocage pour
l'introduction des LN dans le SEF ? En outre, les représentations
sociales des LN ne déterminent-elles pas la pusillanimité des
décideurs politiques vis-à-vis de leur introduction dans le SEF
?
C'est face à ces interrogations que je me propose, en
déconstruisant et en complétant les thèses
antérieures, de rechercher les véritables causes de la non-
introduction des LN dans l'enseignement élémentaire formel
après l'échec des classes dites « expérimentales
»23 mises en oeuvre dans le but d' actionner cette politique d'
introduction .
En effet, sous l'aiguillon de nos hypothèses de recherche
qui constitueront le fil conducteur de notre objet d'étude, nous
chercherons à décrypter les préoccupations
signalées plus haut.
23 Une classe expérimentale est une classe
bilingue(en expérimentation depuis 2002 au Sénégal)
consistant à enseigner la langue officielle et la langue du
territoire.
Pour ce faire, les préoccupations et interrogations de
notre travail seront sous-tendues par une question spécifique de
recherche.
I-3. Question spécifique de recherche
Comment expliquer les blocages de l'introduction d'une ou des
LN dans l'enseignement élémentaire formel au
Sénégal, nonobstant toutes les politiques linguistiques et
éducatives entreprises depuis la fin de la colonisation jusqu'à
nos jours ?
I-4.Intérêt du sujet
Notre réflexion sur ce thème n'est pas une
construction ordinaire. Elle doit être une participation pour
l'avancement de la science. Etant donné que les sciences sociales, la
sociologie surtout, se proposent de comprendre et d'expliquer l'activité
sociale, alors il serait intéressant pour nous, de se départir
des pensées naïves pour mieux se rendre compte des enjeux de
l'Education formelle par rapport aux LN.
Ainsi, travailler sur ce sujet peut permettre à
l'intelligentsia de la société sénégalaise en
particulier et africaine en général d'avoir un aperçu sur
les facteurs qui galvaudent les langues africaines et leur participation
formelle et scientifique aux secteurs administratifs.
Du reste, cette étude peut susciter de futures
recherches capables de mieux cerner les goulots d'étranglement que
connaissent les LN africaines pour leur prise en compte dans le SEF.
Cette question qui se pose aujourd'hui en termes complexes,
mérite compréhension, explication et éventuellement
solutions. Dés lors, notre étude n'atteindra son enjeu que
lorsqu'elle réussi à répondre cette triple exigence. Cette
dernière est une des raisons les plus valables pour justifier
l'intérêt scientifique et social que porte notre étude.
I-5. Motivations
La langue est souvent le giron d'une identité
socioculturelle. Sans une langue bien définie et clairement nourrie
grâce à son enseignement et son apprentissage, il est quasi
impossible de s'imposer scientifiquement sur la scène internationale.
Ainsi, pour ne pas assister à « l'extinction » de nos LN comme
le cas du grec, du latin, du basque... à l'heure actuelle, nous sommes
motivé à décrypter les facteurs qui pourront permettre cet
éventuel risque.
De prime abord, nous avons constaté que la sociologie
de l'école au Sénégal est moins préoccupée
par les LN, de ce fait l'accent de ladite discipline est porté le plus
souvent sur des préoccupations d'ordre démocratique
(l'éducation pour tous)tout en omettant la culture endogène que
devrait asseoir le système via l' insertion des LN a son sein. C'est
pourquoi nous ambitionnons de faire une sociologie de l'école
nouvelle ou une sociologie des LN à l'école en
posant comme point de départ l'analyse des facteurs de blocage de ses
dernières dans le SEF.
En outre, la plupart des intellectuels africains et notamment
sénégalais sont pessimistes eu égard au pragmatisme de nos
langues dans un système éducatif formel dans la mesure où,
à travers certains comportements, nombres de sénégalais
manifestent une croyance de l'inefficacité de nos langues. C'est ce qui
fait que les politiques linguistiques de l'Etat tant décrites ne sont
guère poursuivies intensément.
En fin, notre motivation se justifie par ailleurs, dans le
fait que le Sénégal à l'heure actuelle incorpore dans son
système d'enseignement secondaire et universitaire formel plus d'une
dizaine de langues occidentales (anglais, espagnol, portugais...) en omettant
les siennes. En effet, on note même l'émergence de l'enseignement
de la langue chinoise dans certains temples de savoir.24
C'est dans ce sillage que nous nous proposons de saisir les
causes efficientes de l'absence d'une ou des LN dans l'éducation
formelle afin que mes résultats obtenus puissent être pris en
compte par les décideurs politiques afin de pouvoir résoudre
durablement les écueils de ce programme d'introduction des LN à
l'école.
24 Nous voulons dire l'Enseignement gratuit de la
langue chinoise à l'université Gaston Berger de Saint-Louis,
années académiques 2009-2010,2010-2011.
I-6.Objectifs de recherche
Notre travail cherche à :
-Déterminer et analyser les facteurs qui empêchent
le Sénégal d'introduire les LN dans le SEF.
-Faire part aux chercheurs et politiques des dits facteurs afin
qu'ils s'investissent dans une logique d'action et de résolution
pragmatique et durable.
- Déterminer des stratégies d'introduction et de
maintien des LN dans le système éducatif
sénégalais.
1-7.Hypothèses de la recherche
L'usage du français comme langue d'enseignement dans
les écoles du Sénégal de la colonisation jusqu'à
nos jours, est demeurée un instrument administratif d'un poids
décisif. L'ensemble de l'appareil étatique reste régi par
des textes en français : « le français demeure la langue
privilégiée de la diplomatie et de la politique
sénégalaise : c'est la langue de l'autorité, celle de
l'Etat » précise P.DUMONT
Ainsi, pour être bien considéré ou se
valoriser dans certains milieux administratifs socioprofessionnels, il faudrait
faire « preuve d'une bonne élocution en français
».Certains sénégalais continuent à croire que la
bonne maitrise de la langue française est synonyme `'d'éveil'',
de `'progression'' ou de `'civilisation''25.
C'est à cet état de fait et de croyance que mon
objet de recherche s'oriente en partant des hypothèses ci-dessous :
25 Souleymane GOMIS, 2003, op.cit, p18.
Hypothèse principale
-La velléité politique linguistique
de l'Etat du Sénégal (des décideurs politiques),
conséquence des représentations sociales des LN
par la société sénégalaise et de la
reproduction de la violence symbolique
linguistique hélas, véhiculée par
l'administration coloniale, constitue un facteur de blocage pour l'introduction
des LN dans l'éducation formelle.
Hypothèse secondaire
-Les parents d'élève en tant qu'acteurs
socioéducatifs ne sont pas contre l'enseignement des LN à
l'école mais sont mal informés sur les programmes et politiques
éducatifs mis en oeuvre par l'Etat.
En effet, dans la perspective de vérifier nos
hypothèses nous nous proposons par le biais de l'empirie de recueillir
la conception des acteurs professionnels et socioéducatifs tels que les
inspecteurs de l'enseignement, les actuels et anciens enseignants, les parents
d'élèves, les chefs d'établissement, les maitres
expérimentateurs, les membres de syndicat de l'enseignement, les
élus locaux (maire, conseillers régionaux etc.).
I-8.Analyse conceptuelle
Cette partie sera le point de procéder à une
définition des concepts de nos hypothèses qui font l'objet de
notre étude. Qu'est ce que conceptualiser ? WEBER l'a définit par
sa finalité : le but du concept, c'est de dominer la
réalité par la pensée, un enjeu soumis à
conditions, mais aussi exposé à l'échec. Il s'agit de
comprendre ; non seulement d'expliquer par la (ou les)causes(s)prochaine(s),
mais de rassembler à un tout indicatif tous les signes qui contribuent
à « faire sens », en signifiant pour commencer la fin par
rapport à laquelle s'ordonnent tous ces signes26. En effet,
notre étude cherchera à éclairer les concepts suivants :
Education formelle, politique linguistique, reproduction, violence
symbolique linguistique et représentation
sociale.
*Education formelle
Le mot éducation vient du latin «
e-décerne » qui signifie conduire à partir de ;
c'est-à-dire tirer d'un état pour conduire à un autre.
Pris dans son sens le plus large, le terme `'Education»
recouvre toute activité visant à transmettre à des
individus l'héritage collectif de la société où ils
s'insèrent .Son champ de compréhension inclut tout autant la
socialisation du jeune enfant par la famille, la formation reçue dans
des institutions ayant une visée éducative explicite
(écoles, mouvement de jeunes) ou dans le cadre de groupements divers
(associations sportives, culturelles, des mass-médias etc.
L'activité éducative est une
réalité immanente à la nature humaine. C'est par elle que
l'homme cherche à léguer à sa progéniture la somme
de ses expériences indispensable à sa survie, ses techniques
professionnelles, ses convictions morales et religieuses, les convenances
sociales, ses aspirations, ses espérances.27
Selon DURKHEIM, elle est : « l'action exercée
par les générations adultes sur celles qui ne sont pas encore
mûres pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de
développer chez
26 D.DELEULE et alii, 1990, Le commentaire de
textes de philosophie. Psychologie. Sociologie, NATHAN, p156- 157.
27 Assane SYLLA, 1994, La philosophie morale du
wolof, publié avec le concours de la coopération
belge-2e édition IFAN, p 1167.
l'enfant un certain nombre d'états physiques,
intellectuels et moraux que réclament de lui et de sa
société politique dans son ensemble et le milieu spécial
auquel il est particulièrement destiné » (Durkheim,
Education et Sociologie (1922).
Par ailleurs, lorsqu' elle est suivie du qualificatif
`'formel», elle devient alors un champ plus spécifique et
restreint. Ainsi, l'éducation formelle concerne plusieurs niveaux et
types d'enseignement. Elle est composée de l'éducation
préscolaire, de l'enseignement élémentaire, de
l'enseignement moyen et secondaire général, de l'enseignement
technique et de la formation professionnelle et de l'enseignement
supérieur.
A chacun de ces niveaux, on retrouve à
côté de l'enseignement public, un enseignement privé. De
même, l'éducation spéciale occupe une place de plus en plus
importante dans le système.
Pour sa part, la Classification Internationale Type de
l'Education (CITE) définit ainsil'éducation formelle :
« enseignement dispensé dans le système des
écoles, des collèges, des universités et d'autres
établissements éducatifs formels. Ils constituent normalement
une `'échelle» continue d'enseignement à plein temps
destinés aux enfants et aux jeunes, commençant en
général entre cinq et sept ans et se poursuivant jusqu'à
vingt ou vingt cinq ans... »28.
Appelée également `'scolaire»,
l'éducation formelle a pour cadre une organisation nationale relevant du
domaine de l'Etat. Elle est dispensée dans les institutions dûment
mandatées (écoles) par des professionnels (formés et
rémunérés par l'Etat), selon un processus
pédagogique déterminé (objectifs, contenus,
méthodes et outils)
Les principales caractéristiques de l'éducation
formelle sont :
*l'unité et la normativité : l'éducation
formelle est prédéfinie dans un cadre législatif
applicable pour tous sur l'ensemble du territoire national ;
*la hiérarchisation des enseignants(en programme et
cycles) et des entités éducatives suivant une organisation
verticale ;
*la cohérence et la permanence des enseignants à
travers des programmes et des cycles allant du préscolaire à
l'enseignement supérieur ;
28 CITE, 1997, UNESCO, p41.
*le paradigme d'une éducation gratuite,
égalitaire, globale et universelle : l'éducation formelle
s'adresse à tous les citoyens « scolarisables », elle est
censée leur offrir des chances égales de réussite et
d'intégration sociale à travers un enseignement prenant en compte
les besoins essentiels d'éducation et de formation.29
Cependant, il semble plausible pour nous, d'évoquer
succinctement pour plus de distinction les caractéristiques de
l'éducation non formelle qui permettent de mieux se rendre compte des
deux concepts. Pour sa part, l'éducation non formelle se passe dans le
cadre extrascolaire, intègre tous les âges et ne suit pas
nécessairement une `'échelle».
Le secteur de l'éducation non formelle comprend
l'alphabétisation, les écoles communautaires de base etc.
*Politique linguistique
Par politique linguistique, il faut comprendre selon HALAOUI
comme étant « la conception théorique qui préside
à la réalisation des actions entreprises ou à entreprendre
sur la langue » (HALAOUI, 2003 :7).Elle désigne alors une
orientation qui sous-tend l'ensemble des activités qui
caractérisent ou favorisent l'utilisation de la langue. Elle
apparaît ainsi comme une dimension de l'aménagement linguistique
considérée comme plus large puisqu'il intègre la
totalité des actions de l'homme sur une langue.
La politique linguistique du Sénégal, à
l'instar de celle de beaucoup de pays africains, n'est pas clairement
définie. Mais, la nature des débats et des activités
menées dans le cadre de promotion des langues nationales, permettent de
la classer dans le groupe des politique de « facilitation de communication
». (HALAOUI, 1991, 2002,2003 :9).30
Ainsi, dans l'esprit de notre étude la définition
qu'en donne André BATTANA nous parait plus plausible. Selon lui la
politique linguistique consiste à « toute action des
décideurs
29 DIOUF (A) et Alli, Dakar, Mars 2001,
L'Education non formelle au Sénégal. Description,
évaluation et perspectives, UNESCO
30 Yéro Dia Abdoulaye BOUSSO et alii, 2008,
« l'introduction des langues nationales dans le système
éducatif formel .Entre medium de communication et outils
d'apprentissages scolaires »p8.
politiques et administratifs en vue de la
réglementation de l'utilisation des langues en présence sur le
territoire national »31
Sous ce rapport, la politique linguistique apparaît
à notre égard comme la capacité d'une synergie de la
volonté et des moyens mobilisée en vue de développer une
langue sur le plan socioéducatif. Par elle, la langue peut se hisser au
rang des langues traductrices de sciences et par là de se maintenir face
à `'la guerre des langues».
*Violence symbolique linguistique
Le concept de symbolique a en anthropologie une acception
restreinte et un sens large. Dans son acception restreinte ou
spécialisée, il sert à qualifier des oeuvres de cultures
qui ont pour caractéristiques d'être pourvues d'une valeur
perçue comme immédiatement expressive : mythes, rites, croyances,
etc.
Dans son acception large le symbolique renvoie donc à
ce processus constitutif de l'état de culture qu'est l'attribution de
sens au monde. Chaque société sélectionne des
significations ; chacune classe, réunit, oppose et hiérarchise
les objets de la réalité selon la manière propre qui est
à la fois le cadre d'intelligibilité qu'elle se donne de la
communication entre ses membres.
Au sens sociologique, il importe de mentionner la conception
bourdieusienne de la `'violence symbolique» .P. BOURDIEU, le
théoricien du « structuralisme constructiviste » entend
souligner que la capacité des agents en position de domination à
imposer leurs productions culturelles et symboliques joue un rôle
essentiel dans la production des rapports de domination.
Ainsi, il définit la violence symbolique comme «
la capacité à faire méconnaitre l'arbitraire de ces
productions symboliques, et donc de les faire admettre comme légitimes
».Dit autrement, il peut représenter un «
mécanisme premier d'imposition des rapports de domination .Elle
renvoie à l'intériorisation par des agents de la domination
sociale inhérente à la position qu'ils occupent dans un champ
donné et plus généralement à leur position
31 André BATTANA, 1995, «
problématique d'une politique linguistique : le cas du Burkina Faso
»in Les politiques linguistiques, mythes et réalités,
UREF, 351pp.
sociale. Cette violence est infra-consciente et ne
s'appuie pas sur une domination intersubjective (d'un individu sur un autre)
mais sur une domination structurelle (d'une position en fonction d'une autre)
»Cette structure qui est fonction des capitaux possédés
par des agents fait violence car elle est non perçue par les agents
.Elle est source d'un sentiment d'infériorité ou d'insignifiance
qui est uniquement subi puisque non objectivé.
La violence symbolique euphémise les rapports de force
qui se donnent à voir comme irréductibles dans la
société .La légitimation est un masque qui cache la
dimension arbitraire du pouvoir. Il ya domination symbolique toutes les fois
qu'un dominé accepte de croire qu'il est juste, bon et nécessaire
que les détenteurs de certaines caractéristiques factuelles
dominent les autres. Pour qu'une domination soit durable, il faut qu'elle se
transforme en contrat, en échange réciproque, en consensus qui
maintient la violence physique à l'horizon des rapports sociaux.
Autrement dit, la reconnaissance est toujours aussi une méconnaissance
...de l'arbitraire. Le consentement des dominés implique une forme de
cécité qui fait voir l'arbitraire comme légitime. On fait
adopter des représentations pour en censurer d'autres.32
Dans l'esprit de notre problématique de recherche, en
référence au concept de « violence symbolique »
décrit par BOURDIEU nous y conjuguons l'adjectif « linguistique
»dans la perspective de décrire la manière dont nos
langues sont confrontées à une violence symbolique consciente ou/
et inconsciente. En effet, cette domination symbolique apparait comme
légitime du fait qu'elle est acceptée et n'étant
généralement pas sur la sellette. Elle continue de
déterminer notre système éducatif dans sa
globalité.
Ainsi, nous entendons par violence symbolique linguistique
l'attitude des acteurs et agents sociaux sénégalais qui consiste
à légitimer la domination des valeurs linguistiques occidentales
au détriment des nôtres en considérant que ces
dernières ne peuvent aucunement être génératrices de
connaissances via l'enseignement formel. Cette vision arbitraire des acteurs
sociaux sénégalais ne s'inscrit dans aucune logique palpable mais
se forge à partir d'imagination ou de représentation. On peut
dire qu'elle se base sur des idées toutes faites voire sur des
clichés sociaux. Cet imaginaire collectif : « les langues
occidentales valent plus que les nôtres » est tellement ancré
dans la conscience individuelle et collective des sénégalais. De
ce fait, nous concevons juste, bon et nécessaire de faire primer ou
de
32 Pascal BALANCIER et alii, 2008,
Epistémologie de la sociologie. Paradigmes pour le XXI e siècle,
de boeck, sous la direction de Marc JACQUEMEAIN et Bruno FRERE, p196.
privilégier, sans en avoir pleinement conscience, la
langue occidentale au détriment des nôtres.
En effet, ces jugements de valeur existant depuis la
période coloniale ne cessent de se perpétuer tant sur le plan
national comme international. Rappelons l'affirmation de L.V.THOMAS lorsqu'il
dixit : « les négres sont des primitifs (...)L'africain n'a pas
de langue mais tout au plus des idiomes ou des dialectes ,pas d'histoire mais
à la rigueur des chronologies ,pas d'art mais seulement un folklore...Il
n'est pas capable de science ou de philosophie, son seul savoir était
magique ou empirique ;ni de morale puisqu'il obéit,
singulièrement à celle du sexe »33
Cette sournoise et insultante pensée de L.V.THOMAS
continue de dominer certaines mentalités africaines qui, sans fondement
pensent que nos langues sont loin d'être des vecteurs de
développement et de progrès socioéducatifs.
*Reproduction
Selon BOUDON et BOURRICAUD dans Dictionnaire critique de
la sociologie, le concept de reproduction dans son acception sociologique
est dû à MARX. Les processus économiques qualifiés
par MARX de processus de reproduction simple sont caractérisés
par la constance de la reproduction et de la stabilité des relations de
production : les individus sont remplacé dans le temps mais le
système se reproduit à l'identique. Un processus est dit par MARX
de reproduction élargie lorsque la production est croissante mais que
l'organisation économique ou les rapports de production demeurent
stables : la production augmente, mais les relations entre les classes comme
les relations des individus à l'intérieur des clases (par exemple
la concurrence entre les capitalistes) demeurent
constante34.Cependant, MARX a orienté le concept de
reproduction sous l'angle économique. Ce qui lui confère une
dimension réductionniste qui nous oblige à revisiter d'autres
conceptions.
33 L.v.THOMAS, 1974, « acculturation et nouveaux
milieux socioculturels en Afrique Noire », Bulletin de l'IFAN,
série B, T.XXXI, p172.
34 Boudon et Bourricaud, 1982, Dictionnaire
critique de la sociologie, PUF, pp500-504.
Par ailleurs, la conception bourdieusienne semble plus
adéquate pour notre problématique dans la mesure où il a
opéré une analyse socioéducative de la reproduction
prenant en compte le facteur enseignement.
Selon lui, la reproduction sociale est « le principe
qui dévoile l'illusion de l'indépendance et de la
neutralité des structures sociales ». Elle légitime un
arbitraire culturel, reproduit la structure de la distribution du capital
culturel et met à nu les contradictions qui affectent le système
d'enseignement présentant les agents à la fois comme produits et
reproducteurs des structures. La reproduction de la domination s'effectue par
le biais de la violence symbolique, c'est à dire la capacité
à faire méconnaître l'arbitraire de ces productions
symboliques, et donc à les faire reconnaître comme
légitimes.
En effet, la reproduction consiste dans l'esprit de notre
étude à la répétition permanente et
incalculée du système d'enseignement légué par nos
maitres d'hier(les colonisateurs).Ce système demeure oppressif et
anesthésiant en ce qui concerne nos identités intellectuelles et
culturelles dans la mesure où nos valeurs culturelles ne peuvent
être traduites et interprétées que par nos valeurs
linguistiques.
*Représentation
L'expression « système de représentation
» désigne d'une manière générale l'ensemble
des idées et des valeurs propres à une société. Ces
données traitées par la sociologie comme des
réalités autonomes existant indépendamment de ce les
psychologues appellent des « représentations » ou des «
images » mentales .Toute société élaborait ainsi
plusieurs systèmes de représentations spécialisées
: du cosmos, de la totalité sociale, de la magie et de la sorcellerie,
etc. Dans l'esprit des individus, de tels systèmes ne sont
présents que de façon généralement
incomplète et particulièrement conscient : on parlera de
représentations collectives, qui témoignent d'attitudes
intellectuelles du groupe et non de dispositions mentales individuelles. Cette
conception antipsychologique a principalement été défendue
par DURKHEIM et par ses continuateurs.35Le théoricien de
l'holisme méthodologique pour qui les représentations collectives
sont extérieures aux consciences individuelles, les conçoit
35 Bonté -Izard, 2000, Dictionnaire de
l'ethnologie et de l'anthropologie, QUADRIGE /PUF, pp 626-627.
comme un « effet passif et souvent
déformé de ce monde par le biais des pratiques dont elles
seraient une reproduction simulée »36
Il s'agit donc d'un concept plus large que celui d'attitude
car l'attitude ne permet qu'un positionnement par rapport à un seul
objet. La représentation sociale, par ailleurs, fonctionne comme un
`'système d'interprétation régissant notre relation au
monde et aux autres, orientant et organisant les conduites et les
communications sociales».Elle fonctionne comme un système cognitif
(avec ses interprétations affectives, sociales et normatives)
d'interprétation et d'action sur le monde. Les représentations
sociales d'un groupe prennent appui sur la mentalité du groupe,
c'est-à-dire reliées à son système de valeurs et
à sa vision du monde. `'Une représentation s'inscrit toujours
dans un cadre de pensée préexistant»
Une représentation sociale est le résultat de la
transformation d'une série d'expérience concrètes
vécues en une sorte de `'théorie spontanées» à
propos des expériences. Cette `'théorie spontanée' est le
résultat d'une sélection des informations, dune
`'neutralisation» de certaines d'entre elles (c'est-à-dire, de
transformation en choses concrètes).
Les représentations sociales interviennent ensuite dans
la perception de la réalité en proposant des schémas
touts- faits. Elles sont alors à l'origine de préjugés.
Elles exercent sur tous les membres du groupe une influence qui les poussent
à adopter la représentation sociale dominante et, plus s'y
conformer, lorsque cette représentation sociale concerne leur
identité.37
Dans un autre angle, JODELET en dira : « c'est une
forme de connaissance, socialement élaborée et partagée,
ayant une visée pratique et concourant à la construction d'une
réalité commune à un ensemble social. Egalement
désignée comme `'savoirs de sens commun'' ou encore `'savoir
naïf'', `'naturel'', cette forme de connaissance est distinguée,
entre autre, de la connaissance scientifique »38
Par ailleurs, les représentations sociales apparaissent
comme un ensemble symbolique exerçant une influence effective sur les
groupes et leurs conduites .Dans une perspective quasi similaire que celle de
JODELET, J.M.SECA, la notion de représentation sociale est
analysée comme un « système de savoirs pratiques
(opinions, images, attitudes, préjugés,
stéréotypes, croyances) générés en partie
dans des contextes d'interactions interindividuelles
36 Denise JODELET, 1994, Les
représentations sociales, Paris PUF.
37 Alex MUCCHIELLI, 2001, La psychologie
sociale, Hachette, p92-93.
38 Denise JODELET, op.cit.1994, pp36-37.
ou/et intergroupaux »39.En d'autres
termes, la représentation sociale est comprise comme une organisation
sociale des pratiques immatérielles d'une société
donnée. Elle peut être également un point d'arrivée
après un long travail de perception réalisé par
l'interrelation des membres du groupe social par rapport aux données
environnementales ou contextuelles.
En effet, à supposer que ces deux définitions
soient pertinentes parmi tant d'autres, elles s'inscrivent en substance dans la
logique de notre problématique de recherche. A ce titre, nous concevons
que le terme `'représentation» désigne tout simplement un
ensemble de comportements psychiques ou mentaux collectifs et/ou individuels
à priori qui orientent la façon de voir ou de considérer
les choses (de se les représenter) par un agent social. Elle peut
être selon le comportement du groupe, une bonne ou mauvaise
représentation qui peut être sous-tendue par le contexte
sociohistorique de ce groupe. C'est pour dire, par exemple comment le
sénégalais individuellement ou /et les sénégalais
collectivement perçoivent les langues nationales par rapport au
système éducatif formel et leurs comportements moraux qu'ils
entretiennent à l'égard d'elles après un contexte
marqué par la colonisation.
Ainsi, comme nous le savons bien, cette période de la
vie des sénégalais plus que jamais marquée par une
politique d'acculturation entreprise par l'envahisseur ou l'usurpateur (les
colonisateurs) constitue un contexte fort par rapport aux
représentations sociales de nos objets matériels et
immatériels longtemps affaiblis par le pouvoir de la domination mentale
ou symbolique des colonisateurs.
39 J.M.SECA, 2002, Les représentations
sociales, ARMAND COLLIN.
1-9.Construction du modèle d'analyse
Selon Jean Michel BERTHOLOT : « il ne peut avoir en
sciences sociales de constations fructueuses sans l'élaboration d'un
cadre théorique de référence »40
Par ailleurs, un fait social doit être « conquis,
construit et constaté », voila trois instances que la sociologie en
particulier et la science en générale ne peuvent aucunement
laisser en rade. En effet après avoir conquis notre fait, il est alors
le moment de le construire. C'est ce qui fera l'objet de cette partie. Il
nécessite, en substance, de mobiliser nos hypothèses de recherche
à travers les schèmes d'intelligibilité du social en vue
de mieux les cerner. Pour ce faire, grâce à la nature de notre
étude, nous nous referons aux schèmes causal et
herméneutique.
1-9-1. le schème causal
Comme le précise, en substance, DURKHEIM dans Les
règles de la méthode sociologique(1895) : la cause
déterminante d'un fait social doit être recherchée parmi
les faits sociaux antécédents .En d'autres termes, le fait social
s'explique par le fait social c'est-à-dire qu'un fait de
société doit être expliqué par un autre fait de
société. Donc ce schème causal a pour but de faire
ressortir les relations de causalité, les rapports d'indépendance
ou d'interdépendance d'un phénomène particulier à
un autre.
Sa formule mathématique est : :(ApB)=B= É(A)). Elle
s'explique ainsi :
A est la cause de B et l'on ne puisse avoir B sans A qui est
chronologiquement et logiquement antérieur à B.
Appliqué à notre objet, nous aurons :
A= velléité politique linguistique de l'Etat du
Sénégal ou des décideurs politiques due aux
représentations sociales et à la violence symbolique
linguistique.
40 Berthelot, 1990, L'intelligence du social,
paris, PUF, p39.
B= blocages de l'introduction des LN dans l'enseignement
formel.
Ainsi, la non-introduction des LN dans l'enseignement formel
(B) est produite par un fait qui lui est antérieur, à savoir un
manque de volonté politique linguistique des décideurs politiques
de l'Etat du Sénégal causé par les systèmes de
représentation et la reproduction de la violence symbolique linguistique
(A).
En effet, nous pouvons envisager que la cause
déterminante des blocages de l'introduction des LN est en grande partie
liée à l'absence d'une politique linguistique ferme et durable de
l'Etat du Sénégal qu'est une résultante des
représentations sociales des LN et de la violence symbolique
linguistique.
1.9.2. Le schème actanciel
Le schème actanciel veut rendre compte d'un
phénomène en se référant aux actions et aux
intentions d'un agent, d'un acteur social, d'un individu. Les valeurs de
référence, les visions du monde, les logiques et
stratégies d'action, les décisions des individus ou groupes sont
convoquées comme principes explicatifs. Les acteurs y sont reconnus dans
leur rationalité comme dans leur subjectivité.
Sa forme logique est la suivante ;
A p B) = (B € S, S {? a??
e} ?B ?S)
? a = ensemble des acteurs
?e = ensemble des effets de leurs actions
B = la résultante des comportements des acteurs
impliqués
S= une situation, un champ ou un système d'action.
Cette forme logique signifie qu'un ensemble d'acteurs adopte
des comportements individuels ou collectifs dont l'agrégat produit un
phénomène émergent (B) qui à son tour
rétroagit sur le système.
Appliqué à notre objet nous aurons :
? a =ensemble des décideurs politiques et
des sénégalais en général
?e = représentations sociales des LN et
violence symbolique linguistique à travers la société
sénégalaise
B= politique timorée et blocage de l'introduction des LN
à l'école. S = système éducatif formel (SEF)
La violence symbolique linguistique et la
représentation sociale de LN chez les sénégalais
(?e) produisent des comportements velléitaires chez les
décideurs politiques (? a) concernant les politiques
linguistiques de ces dites langues. Ces comportements rétroagissent
à son tour sur le SEF(S) dont la résultante constitue la non-
introduction des LN dans ce dit système(B).
1.9.3. Découpage conceptuel
CONCEPTS
|
DIMENSIONS
|
INDICATEURS
|
OUTILS DE
COLLECTE
|
Représentation sociale
|
Individuelle
|
-- Perception des LN
--Avoir des pensées
négatives sur elles :
LN est égale à un retard par rapport aux
connaissances du monde.
|
Entretien formel et
informel
|
collective
|
politique linguistique
|
Locale
|
--Faire aimer les LN
en s'appuyant sur les medias.
-- faire vivre la
langue par le biais
d'activités scolaires
favorisant son
utilisation.
--véhiculer la langue
sur la scène internationale à partir
des moyens technologiques modernes
|
Guide d'entretien + questionnaire
|
Nationale
|
internationale
|
Violence
symbolique linguistique
|
Scolaire
|
--Les apprenants et
enseignants du système formel actuel
reconnaissent(en
méconnaissant) que nos LN ne peuvent
nullement être
introduites dans les programmes scolaires.
--Manque de
confiance de la société par rapport à
l'efficacité des LN dans la formation des jeunes élèves et
de
leur devenir professionnel.
|
Entretien + Questionnaire + Analyse de textes
|
Social
|
Chapitre 2 : démarches
méthodologiques
« Les faits sociaux consistent en
représentation » mais « il faux traiter les faits
sociaux comme des choses »41.Pour ce faire donc,
il nécessite d'élaborer une méthodologie pour le
traitement de ces faits. Ainsi, le fait de définir une
méthodologie est un principe unanime à toutes les sciences
sociales à l'instar de la sociologie. Ces dernières se
caractérisent par une pluralité de méthodes et
l'utilisation de chacune d'entre elles est guidée par la nature de
l'objet à étudier.
En effet, en raison de la complexité du
phénomène que nous voulons étudier en voulant saisir son
sens que lui donnent les acteurs, nous nous sommes inscrits à la fois
dans une perspective de recherches qualitative et quantitative.
Celles-ci vont être le point d'un ensemble d'entretiens
formels, informels et d'entretiens directifs (administration de questionnaires)
au après des personnes ciblées.
Ce travail a connu plusieurs moments tels que la phase
exploratoire, les entretiens flottants, semi directifs et directifs etc.
2-1.Etape exploratoire
Cette phase a été le point de deux moments
forts. Il s'agit de l'étude documentaire et de l'enquête.
Notre recherche documentaire qui consistait, essentiellement,
à analyser la production livresque portant sur notre thème. Dans
ce contexte, nous avons recouru alors aux ouvrages généraux, aux
thèses et mémoires d'étude, aux revues, aux sources
électroniques les plus souvent conseillés par notre encadreur.
Nous avons exploré notre objet par le biais de la culture locale (jeux
radiophoniques sur /avec les langues nationales, téléfilms, etc.)
Ou /et des émissions (débats) radiophoniques ou
télévisées insistant sur le thème.
41 COMBESSIE.J.C, 2001, La méthode en
sociologie, éditions La Découverte, 3èm
édition, p3 (Cit.de DURKHEIM dans Les règles de la méthode
sociologique, 1895)
Le but de ce premier moment était de parcourir la
pluralité des théories sur le thème et de pouvoir ensuite
nous positionner à égard de notre préoccupation. Et, c'est
après une période consistante sur tout ceci que nous avons
procédé à la pré-enquête.
Cette dernière consiste à des entretiens
exploratoires que nous avons faits auprès des personnes qui
réfléchissent sur le thème.
C'est ainsi que nous nous sommes reprochés
fréquemment et avons échangé des idées avec un
inspecteur de l'éducation de la région qui a été
notre personne ressource. Ceci nous a permis de mieux préparer nous
entretiens empiriques proprement dits.
2-1.1.Etude documentaire
Pour que cette étude soit inscrite dans les
règles scientifiques, nous avons eu recours à une recherche
documentaire qui consistait essentiellement à analyser la production
livresque portant sur le thème. Nous avons ciblé des ouvrages
généraux, des thèses et mémoires d'études,
des rapports d'études publiés par certains organismes ou services
administratifs de l'Etat du Sénégal concernés par la
question.
Le but de cette étude documentaire était de se
construire une première représentation et de déterminer
avec plus de précision les lignes de forces de notre travail.
Elle consistait en plus d'avoir un aperçu assez global
sur la question pour une approche multidimensionnelle capable de mieux
expliciter les principaux aspects relatifs à notre problématique.
De facto, la durée de l'étude documentaire peut être
assimilée à celle de notre travail car elle est achevée
qu'au terme de l'étude. C'était en quelque sorte des aller et
retour entre la lecture et l'empirie. En effet, ces lectures ont plus souvent
guidé notre pré-enquête.
2-1-2. Les outils de collecte de données
2-1.3.L'enquête
Elle consiste en des entretiens exploratoires
réalisés auprès des personnes ressources. Lesquelles sont
témoins du comportement du système éducatif
sénégalais pendant au moins une décennie. C'est ainsi que
nous nous sommes rapprochés de Massamba DIEYE et Pape NDIAYE qui sont
respectivement inspecteur de l'éducation et enseignant en retraite.
Ainsi, ces personnes nous ont permis de mieux peaufiner nos pistes
d'enquête. Cette posture
méthodologique, conjuguée à la recherche
documentaire a permis de retenir une problématique définitive et
de mieux préciser et vérifier nos hypothèses de
recherche.
2.2. Les entretiens
Cette étape consiste l'empirie au niveau de notre champ
d'étude qui est la commune de Fatick pour la collecte des informations.
Elle s'est déroulée sous divers procédés à
savoir le recours aux entretiens semi directif, flottant, le questionnaire
etc.
Concernant les entretiens semi directifs, nous avons pris le
soin de les faire en se basant sur des thèmes de recherche moyennant un
guide d'entretien. Ce dernier nous a permis de canaliser notre cible, en
s'appuyant souvent sur des blagues, des effets de halo et /ou des relances afin
qu'il parle avec aisance de ce qu'il pense sur la question.
Sous un autre angle, nos entretiens flottants ou informels se
sont passés suivant une perspective d'observations dissimulées
dont les moments forts ont été autour du tour du thé,
devant le téléviseur et dans la rue par des séries de
contingence d'interactions avec tiers personnes. Celles-ci comportaient le plus
souvent d'enseignants de notre génération ou de mes anciens
professeurs ou maitres qui n'hésitent pas à m'indexer des pistes
d'enquête. C'est ce que d'aucuns appellent l'enquête par «
boule de neige ».
En effet, ces stratégies tant citées nous ont
permis d'établir un climat de confiance avec nos cibles par le fait que
nous sommes mis en rapport (les enquêtés et moi) par des doyens de
l'enseignement.
Une fois ce climat de confiance établi, nous nous
sommes arrangé à prendre rendez-vous avec la cible pour que la
situation d'enquête réponde aux critères de
subtilité.
2.2.1. Les entretiens semi-directifs
Une fois les cibles repérés, nous nous sommes
muni d'un guide d'entretien comme outil d'enquête. Ce dernier est
structuré suivant un ensemble de thèmes qui animera le moment de
l'entrevue. Notons aussi que les entretiens semi-directifs étaient des
entretiens armés ; c'est- à- dire par l'utilisation d'appareil
enregistreur qui nous permet de mieux saisir l'intégralité du
discours du répondant.
2.2.2. Les entretiens informels
Conscients du fait que l'objectivité recherchée
n'est pour la plupart logée dans les discours officiels, il nous
était ingénieux de recourir à ce type d'entretien, pour
assouvir notre désir de recherche des logiques profondes des blocages de
l'introduction des langues nationales dans l'enseignement
élémentaire formel.
Ces entretiens consistaient à des discussions non
averties et spontanées résultantes de questions
dissimilées posées au tour du thé ou lors des occasions
similaires.
Les lieux de causerie habituelle ou de fréquentation
routinière (« banc diaxlé »)42 avec
des enseignants, étudiants et autres, ont servi d'espace de
réalisation de ces discussions non structurées.
Par ailleurs, le devant de la boutique « Sunu
shop »43 gérée par un enseignant en
retraite, sis au quartier HLM 1 a abrité beaucoup de nos causeries
informelles sur les LN et de leur prise en compte dans l'enseignement
formel.
2.2.3. Le questionnaire
Le questionnaire en tant qu'entretien directif est
adopté dans une recherche en vue de déterminer une relation de
causalité entre des faits étudiés. Il nécessite en
amont des données quantitatives mises en exergue par l'utilisation des
statistiques.
En effet, dans le cadre de notre recherche nous avons
usité cet outil dans le but de mesurer le degré de la
volonté chez les parents d'élèves concernant
l'introduction des LN dans le SEF, puisque de moult déclarations
politiques arguent que ces dits « parents n'aiment pas l'enseignement
bilingue »44.
Par ailleurs, l'usage d'un entretien directif se justifie
aussi par la volonté de ressortir la relation de causalité entre
l'engagement politique et la politique d'introduction des LN dans le SEF.
42 Autrefois, des bancs publics
fréquentés par des personnes `'étonnées», les
chômeurs le plus souvent.
43 « Sunu » veut dire notre en wolof et «
shop » signifie boutique en anglais
44 Propos de Kalidou DIALLO, ministre de l'Education
sur le plateau de Wal fadjri lors de l'émission « Dinè ak
diamono » du 29 juillet 20 10 qui avait pour thème :
système éducatif ! L'heure du bilan.
2.2.4. L'analyse de textes
Cette technique est le moment de faire recours aux
données qualifiées de « seconde main ».Elle consiste
à faire l'analyse et l'interprétation des textes tirés des
discours politiques, chercheurs ou de la société civile.
2.3 Échantilonnage et choix des zones
d'enquête
Compte tenu de la carence de coût financier,
d'insuffisance de temps et de la difficulté de lister tous les acteurs
à interroger (tout professionnel de l'éducation de la commune)
afin de s'offrir une base de sondage fiable, j'ai opéré la
technique que j'appelle l'enquête
idéaltypique45.Celle-ci est le lieu d'un choix porté
sur des professionnels de l'éducation devenus des prototypes, de par
leur ancienneté dans le système éducatif ou en vertu de
leur réflexion sur question des LN. En effet, dans chaque quartier nous
y avons choisi trois (3) ou (4) acteurs types idéaux qui
représenteront l'ensemble de la population.
Effet, notre échantillon est composé de : Vingt
(20) questionnaires administrés aux PE
Vingt(20) guides d'entretien réalisés au niveau des
autres acteurs socioprofessionnels de l'enseignement élémentaire
(inspecteurs, syndicalistes, enseignants, élus locaux etc.).
Plus d'une quinzaine d'entretien informel fait avec les acteurs
précédemment cités.
45 Nous sommes inspiré dans ce cas par la
théorie wébérienne de `'l'idéal- type».
2.4. Modalité de transcription et d'analyse des
données
Ce sous titre consiste à exposer la manière dont
nous avons traité les résultats de notre enquête et de
décliner quelle technique nous avons usité pour analyser ces dits
résultats.
2-4-1.Classification des données
Pour être traitées, nos données empiriques
ne pouvaient qu'être regroupées en catégories. Ainsi, leur
classification est indispensable. Comme l'a enseignée G. MACE, cette
étape consiste à « classer les faits à
l'intérieur de catégories préalablement
déterminées par les références empiriques
»46
Ainsi, la référence à cet enseignement
nous a permis de mesurer le poids de chaque dimension sur le terrain. En effet,
la vérification de nos hypothèses s'est faite à partir de
la grille thématique issue de cette classification.
Par conséquent, pour une exploitation efficace des
discours des enquêtés, nous avons fait usage de l'analyse de
contenu.
2.4.2. L'analyse de contenu
Cette technique est utilisée pour étudier les
motivations ou les intentions manifestes des acteurs concernés par un
phénomène à travers leur discours. « Elle permet
de décrire objectivement, systématiquement et quantitativement le
contenu manifeste des communications (entretiens, discours, articles etc.)
».(BERELSON, 1971).
Par ailleurs, elle a servi à la description et à
l'interprétation des récits produits par nos répondants en
vue d'y extraire la quintessence.
En outre, elle nous a permis d'avoir une idée de la
rationalité et des logiques d'actions des professionnels de
l'éducation choisis dans nos enquêtes.
Ainsi, un premier travail consiste à élaborer
une grille d'analyse adéquate à l'ensemble des entretiens
réalisés pour se rendre compte des tendances catégorielles
dominantes. Cela fut le moment de se focaliser sur la
prépondérance de certaines idées.
De ce fait, suivant les stratégies
préconisées par A.MUCHIELLI, il a été le moment de
ranger d'abord les discours en questions des catégories retenues. A
cet effet, des unités thématiques
46 Gordon MACE, 1991, « Guide
d'élaboration d'un projet de recherche », Laval, PUL,
2éd, p21.
servant de grille d'analyse, ont été
définies pour noter la fréquence avec laquelle certaines
idées apparaissent. Il s'agit : De l'insuccès des classes
expérimentales.
Introduire les langues nationales dans le système
éducatif formel : y a t-il une volonté politique réelle
?
Entre absence de formation, motivation des maitres en LN et
faible élaboration de supports didactiques.
La représentation sociale de la langue officielle versus
celle des LN.
Deuxième partie : présentation du champ
de l'étude
Chapitre 3 : présentation de la commune de
Fatick
3.1. Caractéristiques physiques.
La commune de Fatick, capitale régionale et
départementale est située à l'intersection de la route
nationale N°1 et de la route départementale N°61.Elle se situe
à 42 km de Kaolack, à 62 km de Mbour, à 82 km de Gossas et
de Guinguinéo et à 25 km de Foundiougne. La région occupe
donc une position centrale et stratégique dont le développement
influe sur les trois régions centrales de Kaolack, Diourbel et
Thiès.
Fatick est limité au nord par la communauté rurale
de Niakhar, au Sud et à l'Ouest par la communauté rurale de
Diouroup et à l'Est par le bras de mer ; le sine.
D'une superficie de 7935 km2, avec une population
respectivement de 639100 et 692700 habitants en 2001 et en 2004, la ville est
bâtie sur les bords du sine qui, à l'origine a été
déterminant dans la définition de ses fonctions. Avec les
années de sécheresse, le sine rejoint le Saloum au niveau de
Foundiougne après de nombreuses sinuosités, se présente
aujourd'hui comme une vallée asséchée ou viennent
s'accumuler chaque année les eaux de pluie.
Cette situation géographique constitue une contrainte
physique à l'évolution spatiale de la ville dont le site originel
est entouré de zones inondables.
A l'intérieur de la ville, avec l'urbanisation progressive
et la sécheresse, la plupart des zones marécageuses a tendance
à dissiper.
Cependant certains endroits dans le Peulgha, le Darel et le
Loganém, demeurent toujours des zones de prédilection des eaux
stagnantes.
Par ailleurs, les tannes (sols nus salés) occupant une
grande partie dans la ville, constituent aussi un facteur limitant à
l'urbanisation et à l'agriculture.
Au nord de la route nationale, l'urbanisation s'est faite autour
des services des eaux et forêts et des travaux publics avec la mise en
pace du sous quartier `'Saigon».
En effet, l'intégration de Poukhoum comme quartier de la
commune ouvre également des perspectives d'extension.
3.2. Historique et organisation de la commune
3.2.1. Aspects historiques
L'histoire de Fatick se confond avec celle du royaume du sine
dont Diakhao, situé à 15 km, était la capitale .Le
peuplement de la contrée par les sérères venus du Fouta
Toro remonterait au 12éme et 13éme siècle, et serait
antérieur à l'envahissement de la zone au 16éme
siècle par les guerriers Mandingues venus du Gabou, dans l'actuelle
Guinée Bisseau.
Fatick est lié au mythe de Val Pal NDIAYE .Ce dernier
venu du Diolof s'installa à un lieu dénommé « Jugamen
» sur la rive droite du fleuve sine. Contemporain du Bour sine Wagane A
MASSA, ce dernier lui accorda un droit de fait sur les terres d'une partie de
l'actuelle commune de Fatick. Le village d'origine a été
brûlé en 1859 par Pinet LAPRADE après la défaite du
Bour.
La région a joué un rôle important dans la
vie du royaume du sine .En effet, elle sera la résidence du Diaraf
Thiagoune NDIAYE, commandant la zone allant de Fatick à Palmarin.
Fatick a aussi été le lieu sacré du culte
de Mindiss47 qui se déroulait régulièrement en
présence du Bour sine, ce jusqu'à la conquête
française de 1859.C'est à cette date, à la suite des
combats du 25 mai sur l'actuel site du marché centre, que l'emprise
française sur le royaume fut effective .Alors, la localité de
Fatick fut cédée en pleine souveraineté à la France
en 1888.
L'intérêt de Fatick aux yeux de l'administration
coloniale résidait dans le fait que la région était une
position stratégique .En effet, ,la position géographique
idéale en faisant un port sur le bras de mer ;le sine ,constituant aussi
une porte d'entrée pour la France dans le royaume ,pour y asseoir
solidement sa domination tant sur le plan économique, socio -politico
culturel, administratif...C'est donc à partir de 1888 que
l'escale de Fatick commença à s'organiser comme un
véritable centre dont le développement s'appuyait sur la
production d'arachide avec la présence de quartier Maisons de fleuve.
47 Ancêtre totémique et mythique de la
région de Fatick
A cette période, l'Escale comptait environ 1608
habitants répartis des trois quartiers `'indigènes»
(ndiaye-ndiaye, Loganém, Ndouck) et dans le quartier commercial
appelé Escale. Les maisons commerciales tenues pour l'essentiel par des
Européens, n'étaient que des succursales des comptoirs de
Foundiougne .Le commerce qui a contribué à la promotion des
divers métiers (manutention des arachides, commerce de détails,
artisanat), traitant déjà trois à quatre mille tonnes
d'arachides évacuées vers Niam Diarokh à l'embouchure du
Saloum.
En 1891, la signature du traité de protectorat entre le
Bour sine ;Macké Ndiaye et la France et le transfert du poste du
commandant français de Niakhar à Fatick en 1898, ont
été des étapes décisives dans la promotion des
fonctions administratives, politique et économiques de la cité de
Fatick. Alors, fut construite la résidence du commandant
français.
Le rapprochement de l'autorité coloniale en vue de la
protection des négociants des européens, et la position de
l'escale sur le fleuve ont largement contribué au développement
de la ville. C'est ainsi qu'une esquisse d'urbanisation et de modernisation fut
lancée avec :
-l'ouverture en 1903 d'un bureau de poste ;
-l'ouverture d'une école primaire
élémentaire en 1908 ;
-la création d'un dispensaire ;
La création d'un dispensaire de l'enceinte de la
résidence du commandant ; -la création en 1911 d'un premier
lotissement.
Puis, successivement, des mesures législatives et
juridico-politiques vont marquer l'évolution de l'organisation et le
mode de gestion de la ville.
-l'arrêté du 31 décembre 1917 du
gouvernement général de l'AOF créant la commune mixte de
Fatick en même temps que Foundiougne, Kaolack et Gossas. Ce statut est
maintenu jusqu'en 1957.
-le décret du 17 Août 1957 érigea Fatick en
commune de moyen exercice.
-la ville accède au statut de commerce de plein exercice
en Février 1960 avec l'élection d'un conseil municipal au
suffrage universel.
-en1984, avec la création de région et
l'élection de la ville en chef lieu de région, Fatick devient
commune à statut spécial à l'instar des autres capitales
régionales du pays ;
- à partir de 1990, la commune retrouve le statut de droit
commun avec la suppression du statut spécial.
3.2.2. Organisation de la ville
La commune compte officiellement huit (08) grands quartiers
car l'érection du neuvième(Poukhoum) n'est pour le moment qu'un
village satellite situé dans la communauté rurale de Diouroup.
La présentation des quartiers selon le rapport de l'ADM
s'est conçue comme suit : *Le quartier Escale :
Il est le noyau originel de la ville. Le premier lotissement
en damier a été réalisé en 1911.Le quartier couvre
une superficie de 65,2hectares dont 23,2 pour l'habitat, 31,4 pour la voirie et
les espaces libres et 11,6 pour les équipements. Il a une faible
densité de population qui s'explique par la présence de plus de 3
/5 des équipements de la ville.
*Le quartier de Ndouck :
Il fait parti du noyau originel et traditionnel de la ville.
Il constitue en fait le prolongement du quartier Escale vers le Nord. Son
extension ne peut se faire que vers la zone de Saïgon. Moyennement
équipé qu'Escale, il couvre une superficie de 93,7 hectares dont
4,1 hectares occupés par les équipements, 33,5 hectares par
l'habitat et 56,6 hectares par la voirie et les espaces libres.
*Le quartier Loganém
L'évolution spatiale de ce quartier traditionnel peut
être considérée comme définitive. C'est le
prolongement de l'Escale vers l'Ouest. Sa superficie est de 30,4 hectares et
est occupé par l'habitat 14, 8 hectares, les équipements
(1,2hectares) et la voirie et les espaces libres (14,4hectares).Il
présente la plus forte densité de population à cause de
son ancienneté, de son sous -équipement et de l'occupation quasi
intégrale de son périmètre.
*Le quartier Ndiaye -ndiaye 1 :
Il est constitué d'un tissu ancien et de son extension
réalisée dans le lotissement de Fatick 1 : son évolution
est bloquée au sud par les tannes et est compromise au sud -ouest par
les verges et la présence de sources d'eau douce .Sa superficie de 51,5
hectares .L'habitat occupe les 25,6 hectares, les équipements
(0,9hectares), la voirie et les espaces libres (25hectares).
*Le quartier Ndiaye-ndiaye 2 :
Un quartier traditionnel dont la seule possibilité
d'extension au sud est bloquée aussi par les tannes, il couvre une
superficie de 24,1 hectares .C'est un quartier dortoir (habitat 9,1 hectares)
et les équipements sont de 0,9 hectare.
*Le quartier de Peulgha :
Sa partie ancienne constitue l'extension de Ndouck et de
Loganém, la zone récente est en cours d'occupation. Le quartier
connait des problèmes d'inondation durant les saisons de pluies. Selon
les limites considérées comme définitives, sa superficie
est de 82,3 hectares dont 4,4 hectares d'équipements sont
réalisés.
*Le quartier Darel :
Il constitue la zone d'extension naturelle actuelle et future
de ville. Dans sa configuration actuelle, son tissu urbain n'est pas encore
bien défini. Les limites esquissées donnent une superficie de
78,8 hectares dont 2,4 hectares d'équipements réalisés.
*Le quartier Darou Salam :
Il présente les mêmes caractéristiques que
le quartier Darel. L'esquisse de son périmètre donne une
superficie de 198 hectares. Il devra abriter le second pôle
d'équipements de la ville dont 10,4 hectares sont déjà
occupés.
3.3 Les données de la commune
3.3.1. Les données géographiques
Le périmètre commercial défini par le
décret de février 1960 couvrait une superficie de 1582 hectares
environ. Les extensions qui ont marqué l'évolution de la ville
ont poussé les autorités municipales à repousser les
frontières de la commune qui atteint actuellement une superficie de 9000
hectares.
La commune est située au Centre -Ouest du
Sénégal 30 kilomètres des îles du Saloum et à
60 kilomètres de la station balnéaire de Mbour-saly Portugal.
Bâtie sur les bords du sine (bras de mer qui lui a donné son nom),
la ville se trouve sur la nationale°1 à 157 kilomètres de
l'Est de Dakar, 42 kilomètres à l'Ouest de Kaolack et 60
kilomètres du Nord de la Gambie. La chronique et la salinité des
eaux de surface ont vu les zones marécageuses asséchées
être remplacées par des sols salés ou tannes.
La structure urbaine de Fatick est caractérisée
par son manque d'homogénéité. L'absence de
cohérence avec le SDAU de 1974, montre un tissu urbain en faible
densité. La ville compte huit quartiers et peut être
divisée en trois parties :
-villages très anciens regroupant les quartiers de
ndiaye -ndiaye 1, et 2, Escale, Loganém et Ndouck ;
-les lotissements les plus récents(1992) : Peulgha, Darel
et Darou Saloum ; -les lotissements inoccupés.
L'occupation de l'espace en est lui même disparate.
C'est ainsi les zones périphériques donnent l'impression d'un
aménagement mi-urbain, mi-rural avec l'existence de grands vides
à l'intérieur du tissu urbain des quartiers.
Cette commune exerce une faible polarisation pour les
communautés environnementales qui sont plutôt tournées vers
Kaolack (enseignement, santé, services, commerce écoulement des
produits agricoles etc.).
Les paysans urbains de cette commune sont marqués par
une habitation peu dense dans un environnement de savane de mangrove et des
tannes sur les berges du sine.
Les conditions géographiques sont favorables à
différentes activités économique :
Agriculture, arboriculture, pèche extraction du sel qui
est l'une des principales sources de revenues de la commune.
3.3.2. Aspects démographiques
La population de Fatick est assez faible par rapport à
son statut de capitale régionale. Sa population est passée de
18416 habitants au recensement général de la population et de
l'habitat(RGPH) de 1988 à 23149 pour celui de 2002, soit une
augmentation de 4433 habitants en quatorze ans (14 ans).
La population de la commune est estimée en 2003
à 4500 habitants et est composée majoritairement des
sérères, de wolofs et de peulhs. Le tableau ci-dessous permet de
suivre l'évolution de la ville. De 7190 habitants en 1961, la population
est passée à 3 /4 en 1988.Ce qui consacre à la population
un taux de tendanciel estimé à 5,4%.En quarante ans la population
de la commune a triplé deux fois de suite.
1976
|
1988
|
Taux.1976/1988
|
1997
|
2002
|
2007
|
2012
|
9478
|
20491
|
5,2%
|
32450
|
40990
|
51033
|
65775
|
Tableau d'évolution de la population de la
ville-prévisions. Sources : projection de la direction
de la prévision et de la statistique.
La répartition de la population en 1997 en groupes
d'âges est la suivante :
48% pour les enfants de 0 à 4 ans ; 29% pour les jeunes de
15 à 35 ans, 23% pour les adultes de plus de 35 ans.
Les immigrants proviennent beaucoup plus de Kaolack, pour les
migrations récentes soit 8,3% de la population urbaine, c'est aussi la
destination de prédilection des Fatickois, soit 3,1% des habitants de al
ville.
La répartition par sexe donne 11051 hommes et 12098
femmes.
La répartition d'habitants par quartier est la suivante
:
Quartiers
|
Effectifs en 2002
|
Effectifs en 1998
|
Darel
|
2254
|
_
|
Darou Salam
|
1976
|
_
|
Escale
|
1845
|
2423
|
Logandém
|
2446
|
3025
|
Ndiaye -ndiaye 1 et 2
|
5025
|
4229
|
Ndouck
|
4846
|
4339
|
Peulgha
|
4757
|
4400
|
Tableau sur la répartition de la population par
quartier
3.3.3. Les données socio-économiques et
culturelles
La commune de Fatick est administrée par un conseil
municipal de quarante (40) membres élus, avec à leur tète
le maire. La population active représente 16200 habitants, soit 47,6 %
des petits commerçants, 23% de travailleurs du secteur primaire ,19%
d'employés de l'administration, 12% d'artisans et 0,4% d'actifs du
secteur du transport.
Dans la plupart de ces activités, les femmes sont en
première ligne .A travers leurs GIE, elles interviennent dans divers
domaines d'activités financières sur fonds propres ou par des
intermédiaires. Mais la modicité des moyens dont elles disposent
limitent leur contribution.
En effet, il n'existe pas à Fatick ni d'entreprises
importantes ni d'industries à fort de main d'oeuvre. Les principales
unités industrielles sont fermées .Les établissements
touristiques sont pratiquement inexistants ou non fonctionnels. La
capacité hôtelière est estimée à 08 lits.
Cependant la ville dispose d'une gamme de services et
d'équipements nécessitant un dimensionnement. Ce qui permettant
de jouer un pleinement son rôle de capitale régionale et de
pôle d'intègre spatiale, économique et social par rapport
à son environnement.
L'eau douce n'est accessible qu'à une partie de la
population, sans compter les difficultés liées aux conditions
d'hygiènes plutôt défectueuses qui caractérisent sa
commercialisation.
L'autre partie de la partie ne dispose que d'eau saumâtre,
chargée de quantité excessive de sel et de fluor. Les
conséquences de sa consommation sont d'ordre dentaire et
cardiovasculaire.
La bonne occupation des quartiers (nouveaux lotissements)
devrait aller de pair avec une réelle politique de salubrité,
d'aménagement d'espaces verts et d'assainissement de la commune de son
ensemble.
Par ailleurs, le réseau culturel compte sur un
piètre équipement : une grande mosquée, une église,
un centre culturel, quatre dancings, un stade de deux cent places seulement, un
parcours sportif etc.
Jadis très animée sur le plan culturel, Fatick,
malgré la diversité des coutumes, les activités
culturelles sont quasi inexistantes : pas de théâtre, pas
d'ensemble instrumental, pas de cinéma, pas de salle de
conférence.
Sur le plan ethno linguistique, on note la présence en
très grande partie de sérères. Mais, se trouvent aussi les
autres ethnies comme les peulhs, les wolofs, les diolas etc.
L'insuffisance des infrastructures sportives, la
vétusté et l'inadaptation des locaux constituent des obstacles
pour le développement du sport dans la commune. Le besoin d'organiser la
jeunesse de Fatick est réelle pour permettre une éclosion de ses
potentialités sportives et de hisser le sport fatickois au sommet.
3.3.4. Les données éducatives (avant
2008)
L'éducation dans la commune de Fatick concerne les
secteurs suivants :
-l'éducation de base formelle (le préscolaire et
l'élémentaire) et informelle (essentiellement composée de
l'alphabétisation).
-l'enseignement moyen-secondaire -l'enseignement technique
féminin
En effet, le préscolaire présente une faible
couverture, passé de 187 à 307 soit une progression de 120
enfants en quatre ans.
L'élémentaire constitue un million important du
système éducatif de la commune. Le nombre total de classes est 72
avec un ratio de 65 élèves par classe, soit 4641
élèves dont 2240 filles. Le taux de scolarisation se situe autour
de 80% avec 53% de garçons et 47% de filles.
Le privé compte 12 classes avec une ration de 32
élèves par classes, soit 389 élèves dont 183
filles.48
En effet, les enseignements élémentaires
délivrés au niveau de la commune sont, à l'instar des
autres communes du pays, axées sur la langue française. Ce qui
permet de noter le non présence des LN dans les écoles
élémentaires et moyen-secondaires de la commune.
Population scolarisable
Année
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
Garçons
|
2079
|
2086
|
2178
|
2273
|
2374
|
Filles
|
1837
|
2003
|
2091
|
2184
|
2280
|
Total
|
3916
|
4089
|
4269
|
4457
|
4654
|
Taux de scolarisation
Année
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
Garçons
|
126,11%
|
134,18%
|
133,74%
|
127,54%
|
123,33%
|
Filles
|
137,12%
|
134,34%
|
132,71%
|
128,70%
|
119,86%
|
Total
|
131,28%
|
134,26%
|
133,23%
|
128,11%
|
121,63%
|
48 Sources : audit urbain, organisationnel et
financier de la commune de Fatick/ groupe NDETEC-SA.
Evolution des effectifs
Année
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
Garçons
|
2622
|
2799
|
2913
|
2899
|
2928
|
Filles
|
2519
|
2691
|
2775
|
2811
|
2733
|
Total
|
5141
|
5490
|
5688
|
5710
|
5661
|
Ces tableaux ci-dessus nous donnent l'occasion de remarquer la
carence en classes spéciales dans la commune de Fatick ne couvre que
13,9% sur le taux national estimé à 30%.
Le secteur de l'alphabétisation connaissait un dynamisme
certain avec l'intervention de différents programmes y afférent,
cependant son émoussement est actuellement notoire.
Au niveau du moyen -secondaire, on note un déficit de
mobilier scolaire, une insuffisance des moyens alloués, une quasi
inexistence d'équipements informatiques, une pénurie de manuel et
de matériel didactiques et une très faible implication des
collectivités limant les possibilités d'amélioration de la
qualité de l'enseignement. Le lycée de la commune est l'un des
lycées du Sénégal qui forment moins de scientifiques.
A ce niveau aussi il faut signaler le non implication des LN
dans ledit système contrairement à la présence de
plusieurs langues extra continentales depuis plusieurs décennies. Nous
voulons faire référence aux enseignements de l'Arabe, de
l'Espagnol ou de l'Allemand dans les programmes scolaires.
Par ailleurs, le taux d'abandon est un phénomène
jouant négativement sur le taux brut de la scolarisation et à
terme sur l'objectif de l'Etat d'assurer « l'éducation pour tous
».Ce taux d'abandon concernant les deux sexes est plus remarquable chez
les filles dont les causes efficientes se résument en terme de manque de
moyens, de difficultés d'hébergement des élèves
venant du rural dépourvu pour la plupart d'enseignement moyen-secondaire
et l'inadéquation des structures scolaires au maintien des filles
à l'école.
3.3.5. Les données éducatives (2008)
Type d'infrastructures, statuts et
effectifs(2008)
Posons le tableau suivant opéré par l'inspection
d'académie de Factice pour se rendre compte des variations
infrastructurelles et d'effectifs que connait l'éducation formelle de la
commune de Fatick.
Structure
|
Type
|
Publique
|
Privé
|
total
|
garçons
|
filles
|
Total
|
|
Elémentaire
|
224
|
12
|
236
|
32293
|
32115
|
64408
|
|
Ecole de 3é type
|
|
12
|
12
|
451
|
350
|
801
|
Total
IDEN /Fatick
|
|
224
|
24
|
248
|
32744
|
32465
|
65209
|
|
Elémentaire
|
215
|
2
|
217
|
17498
|
17195
|
34693
|
|
Ecole de 3è type
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
Sources : Inspection d'académie de
Fatick
Par rapport à l'éducation, en 2008 la
région dans son ensemble compte 97 structures de prise en charge de la
petite enfance. (Maternelle, case des touts petits, garderies)(Contre 85 en
2007) ,665 écoles d'enseignement élémentaire, 74
collèges d'enseignement moyen ,10 établissement d'enseignement
général dont 8 lycées, 7 centres de formation
professionnelle.
Le taux brut de scolarisation qui était de 77,49% en
2006 est passé de 88% en 2007 puis à 106,8 en 2008.La
région de Fatick à un taux d'alphabétisation de l'ordre de
34,4% selon la RGPH (recensement général de la population et de
l'habitat).Il est plus élevé chez les femmes (50,3%) que chez les
hommes (36,4%).
Selon les dernières statistiques on compte au niveau
régional 59 centres d'animation et de lecture pour un effectif de 1530
apprenants et 20 écoles communautaires de base pour un effectif de 430
apprenants.
Concernant l'enseignement élémentaire, les
écoles publiques de la région sont passées de 583 en
2006 à 625 en 2007 et à 665 en 2008.Dans la même l'effectif
des élèves a connu une progression en passant de 118655
élèves en 2006,126372 élèves en 2007 à
127479 en 2008.49
Par ailleurs, l'enseignement élémentaire communal,
enregistre un nombre important en matière d'effectif, d'infrastructure
et de genre.
49 Situation économique et sociale de la
région de Fatick, Agence nationale de la statistique et de la
démographie(ANSD), édition 2008.
Troisième partie : présentation des
résultats obtenus Chapitre 4 : analyses et exégèses
des résultats de l'enquête
4.1. Aperçu sur l'enquête
Dans cette partie il est question de faire le compte rendu des
donnés quantitatives et qualitatives obtenues sur le terrain et de
pouvoir les analyser sociologiquement pour mieux visibiliser le comportement du
fait étudié. Pour ce faire, nous présenterons des tableaux
qui mettront en exergue les croisements de variables telles que le sexe,
l'âge, les perceptions sur les LN, la catégorie
socioprofessionnelle des acteurs socioéducatifs etc. Dans la suite nous
allons en effet, interpréter nos investigations dans le but de
vérifier nos hypothèses de recherche.
Notre questionnaire a été administré aux
acteurs socio éducationnels notamment les PE en se basant sur un
échantillon de 20 personnes comportant des hommes et des femmes dont la
tranche d'âge se situe entre vingt (20) et plus de soixante(60) ans.
4.1.1. Présentation par identification
sociologique des PE50 *
Tableau 1 : Répartition selon l'âge et le
sexe
Age
|
20 -30
|
31-40
|
41-50
|
51-60
|
60 ou plus
|
Total
|
Sexe
|
|
|
|
|
|
|
Homme
|
00
|
03
|
06
|
01
|
03
|
13
|
Femme
|
01
|
00
|
03
|
01
|
02
|
07
|
Total
|
01
|
03
|
09
|
02
|
05
|
20
|
Sources : enquêtes de terrain dans
la commune de Fatick, Avril 2011.
Le tableau ci-dessus met en exergue l'âge et le sexe des
personnes enquêtées(les PE). Elles sont en effet, au nombre de
vingt(20) dont treize (13) hommes et sept (07) femmes. L'âge moyen des
personnes interrogées est de quarante sept (47) ans. Ce qui permet
d'affirmer en substance que ces derniers ont une connaissance ou
expérience sur le fonctionnement du SEF du fait de leur statut de PE. En
effet, nous nous permettons de dire dans l'esprit de notre
50 Parent d'élève
recherche que : Le PE est un membre de la
société qui peut être à la fois actif et passif par
rapport à la vie de l'école .C'est un individu-acteur social qui
a sa perception et son action à donner ou à faire sur
l'enseignement par rapport à ses orientations, son fonctionnement et ses
reformes. Il a, susceptible d'avoir ou avait des agents éducatifs
(apprenants) sous sa responsabilité et sous sa tutelle. En effet, le PE
n'est pas obligatoirement le parent ou le tuteur qui assiste aux
réunions de l'établissement ou participe aux activités
élaborées par l'association des PE, mais il peut être
passif tout en ayant sa vision par rapport aux données éducatives
de sa localité ou de sa société.
*Tableau 2 : Répartition selon l'ethnie et le
sexe
Ethnie
sexe
|
Sérère
|
Wolof
|
Peulh
|
Autres
|
Total
|
Homme
|
05
|
03
|
04
|
01
|
13
|
Femme
|
05
|
01
|
01
|
00
|
07
|
Total
|
10
|
04
|
05
|
01
|
20
|
Sources : enquêtes de terrain dans
la commune de Fatick, Avril 2011.
Notre démarche quantitative n'a pas manqué de
prendre en compte la dimension genre au niveau des PE en la mettant en
corrélation avec la dimension ethnique. Ainsi, cette dernière
constitue un élément fort en ce qui concerne le choix et la
conception des PE sur la problématique des langues ou de la langue
d'enseignement.
Par ailleurs, la configuration ethnique et linguistique
plurielle de la commune da Fatick, comme partout dans le pays, nous
amène et nous oblige à procéder à un diagnostic
dèmolinguistique de nos résultats. Notre enquête au niveau
des PE a fait ressortir généralement ces trois appartenances
ethnolinguistiques : les sérères, les wolofs et les peulhs. En
effet, le tableau montre que la majorité des enquêtés
appartienne à l'ethnie sérère et par conséquent la
langue sérère constitue leur langue maternelle. Nous avons eu :
dix (10) sérères dont cinq(05) hommes et femmes, quatre(04)
wolofs dont trois (03) et une (01)
femme, cinq(05) peulhs dont quatre (04) hommes et une 01
femme.51En effet, cette analyse socio ou ethnolinguistique de nos
données nous permettra plus tard de décrypter les
déterminants socioculturels ou multilinguistiques (s'ils existent) sur
les facteurs de blocage de l'insertion des LN à l'école
élémentaire formelle.
*Tableau 3 : Répartition selon la catégorie
socioprofessionnelle
Catégorie socioprofessionnelle
|
Fonctionnaire de l'Etat
|
Travailleurs du secteur privé
|
Travailleurs du secteur informel
|
Sans activité
|
Total
|
Effectifs
|
14
|
00
|
04
|
02
|
20
|
Pourcentage
|
70 %
|
0%
|
20%
|
10%
|
100%
|
Sources : enquêtes de terrain dans
la commune de Fatick, Avril 2011.
Notre entretien directif constitue en outre, le moment de
repartir les répondants en fonction de leur catégorie
socioprofessionnelle. En effet, soixante dix pour cent (70 %) des PE
interrogés sont des fonctionnaires de l'Etat contre vingt pour cent (20
%) et dix pour cent (10%) qui sont respectivement dans le secteur informel et
des non travailleurs.
51 Nous avons mis en exergue seulement les ethnies ou
LN dominantes dans notre questionnaire. Celles qui ne sont pas fortement
représentées sont mises dans la rubrique « Autres
».
*Tableau 4 : mesure de la volonté des PE sur
l'introduction des LN à l'école
Position
|
Pour
|
Contre
|
Tacite
|
Total
|
Effectifs
|
19
|
01
|
00
|
20
|
Pourcentage
|
95 %
|
05 %
|
00%
|
100%
|
Sources : enquêtes de terrain dans
la commune de Fatick, Avril 2011.
« Ce sont les parents qui n'aiment pas l'introduction
des langues nationales à l'école » : disait plus d'une
fois le ministre de l'Education nationale, Kalidou DIALLO dans certains medias
sénégalais. Cette affirmation du ministre nous a poussé
à vouloir diagnostiquer la conduite des PE face à la
problématique d'introduction des LN dans le SEF. Les parents sontils
contre un enseignement bilingue (français +LN) à l'école ?
Voila la question à laquelle tente de répondre notre
démarche quantitative en essayant de mesurer le sentiment des PE sur
l'enseignement de nos langues dans les programmes scolaires.
Ainsi, sur vingt (20) PE enquêtés, dix neuf (19
%) approuvent l'introduction des LN dans le système éducatif .En
valeur relative, ils constituent quatre vingt quinze pour cent (95 %) des
répondants.
Cependant, cet accord n'est pas sans raison dans la mesure
où la justification de cette volonté est sous tendue par des
arguments de ce type : « parce que cela permet la connaissance de
toutes nos valeurs (enracinement) et l'ouverture s'en suivra » ; «
c'est un point positif dans la mesure où nos enfants deviennent
performants surtout dans les domaines scientifiques » ; « permet
à l'élève d'avoir une plus grande connaissance et une plus
nette maitrise des apprentissages » ; « permet une bonne
communication entre les enseignants et les apprenants, permet une bonne
compréhension des enseignements, c'est dans sa langue nationale que
l'enfant a une meilleure compréhension des apprentissages » ;
« mieux on utilise sa propre langue, plus on est à l'aise dans les
autres langues. Ça permet aussi la sauvegarde des valeurs culturelles
propres » ; « peut permettre une mobilisation sociale autour de nos
valeurs nationales » ; « permet une amélioration des
résultats scolaires ». (Enquête de terrain, commune
de Fatick, avril 2011). La problématique de l'enseignement bilingue
à l'école intéresse les PE. Ces discours témoignent
une volonté ô combien déclamée par les PE par
rapport au projet d'introduction des LN dans le SEF. En effet, l'utilisation
des LN dans les programmes scolaires permettrait
au moins deux choses : le développement cognitif rapide
des jeunes apprenants et leur endoculturation-rèenculturation »
52 par rapport à leurs environnement et valeurs culturels. En
effet, les parents sont conscients que la transmission de connaissances n'est
facile que si le moyen linguistique utilisé émane de sa propre
culture. Si nous sommes d'avis avec cet argumentaire, il serait alors pertinent
de dire que le choix et le comportement éducatif d'un pays doivent avoir
une relation avec son comportement socioculturel. C'est dans ce sens que KI
ZERBO parlait d'Education endogène pour le continent africain. Comment
analysons - nous les pléthoriques dictons et proverbes en LN très
souvent utilisés dans la vie sociale sénégalaise sans
qu'ils puissent avoir accès au SEF de base ? L'absence de ces proverbes
et dictions dans le SEF est la résultante de l'absence des LN dans ce
dit système. Intitule de rappeler que l'essai de leur traduction ou leur
équivalence en langues occidentales trahirait en substance leur sens et
par là, les apprenants pourraient en amont ignorer le vrai sens et le
contexte culturel des codes sociaux mis en exergue par ces styles
linguistiques. Par conséquent, ces mediums de transmission de
connaissances mis en oeuvre dans l'enseignement élémentaire
formel, auraient comme atouts la compréhension des cours qui corsera
ensuite les résultats scolaires. A supposer que ces arguments soient
pertinents, nous confessons que ce projet d'introduction des LN à
l'élémentaire conduirait à un double succès qui se
range, entre autres, dans le domaine cognitif et socioculturel.
En effet, par le biais de notre questionnaire les PE n'ont pas
passé sous silence leur ferme dessein à l' égard de
l'accueil des langues maternelles des jeunes sénégalais à
l'école formelle.
En conséquence, sont fausses et aberrantes les
thèses qui affirment que les parents n'aiment pas l'introduction des LN
dans le SEF. Ces dernières s'inscrivent soit dans une perspective de
tromper l'opinion publique en usant du pseudo- refus des parents, soit qu'elles
sont le fruit d'une politique mal définie dont la communication
publique/sociale n'est pas bien formulée ou entreprise. Si les parents
n'ont pas manqué de montrer leur désapprobation par rapport aux
réformes linguistiques de l'école, c'est parce que la couverture
communicationnelle n'était pas assurée par l'Etat. Beaucoup de
nos enquêtés chargés de piloter les classes
expérimentales ont eu à déplorer ce manque d'information
à l'égard des parents. Ainsi, la majorité d'entre eux ne
sait pas comment doivent se passer les reformes de l'école et les
programmes qui s'y passent ou qui y sont envisagés. De ce fait, certains
parents n'ont pas su accueillir le
52 Selon le professeur Gora MBODJ, les termes
endoculturation et rèenculturation constituent le processus de retour et
de recours à sa culture après une phase d'acculturation ou
d'assimilation culturelle vécue.
projet de l'enseignement bilingue ou multilingue à
l'école puisqu'ils le considéraient comme anodin par rapport au
système classique. En somme, le tableau qui suit montrera l'enthousiasme
des parents face l'introduction des LN dans les programmes scolaires.
*Tableau 5 : considérations des LN dans le SEF par
les PE
Considérations
|
Très bonne
|
Bonne
|
Très mauvaise
|
Mauvaise
|
Non précis
|
Total
|
Effectifs
|
13
|
07
|
00
|
00
|
00
|
20
|
Pourcentage
|
65%
|
35%
|
00%
|
00%
|
00%
|
100%
|
Sources : enquêtes de terrain dans
la commune de Fatick, Avril 2011
Ce tableau ci-dessus témoigne d'une interrelation par
rapport au tableau 4. Ainsi, décrire et analyser le comportement des
acteurs socioéducatifs (les PE) face à une éventuelle
réforme linguistique de l'enseignement élémentaire,
revient à s'interroger sur les perceptions ou considérations par
rapport à l'insertion des LN dans les enseignements de l'école
formelle. Par ailleurs, à travers les réponses collectées
au niveau des PE, les considérations des LN dans le SEF sont bonnes
voire très bonnes. En effet, soixante cinq et trente cinq pour cent (65
% et 35%) des parents interrogés estiment qu'il serait bon d'introduire
les LN dans le système d'enseignement actuel.
Cependant, notre enquête quantitative ne
décèle pas de mauvaises considérations venant des PE par
rapport à la mise en oeuvre des LN dans le SEF. Formellement, ces
acteurs socioéducatifs déclarent être consentants à
un système d'enseignement bilingue. En effet, le tableau 5 nous fait
remarquer que sur vingt répondants il n'y en a aucun qui fait preuve de
mauvaises considérations sur l'introduction de nos langues dans le
système éducatif actuel.
En somme, la majorité des parents considère
l'enseignement bilingue comme un atout pour le développement des
instances éducationnelles et socioculturelles. En effet, cette conduite
formellement exprimée par les PE dans le questionnaire est-elle toujours
le cas dans les discours formels ou/et informels de la réalité
sociale?
*Tableau 6 : Types de causes de la non-introduction des
LN dans le SEF selon les PE
Causes
|
Politique
|
Economique et
didactique
|
Multilinguisme social
|
Autres
|
Sans réponse
|
Total
|
Effectifs
|
12
|
03
|
02
|
00
|
03
|
20
|
Pourcentage
|
60%
|
15%
|
10%
|
00%
|
15%
|
100%
|
Sources : enquêtes de terrain dans
la commune de Fatick, Avril 2011.
La connaissance empirique durable et certaine sur le
système d'enseignement de la plupart des PE nous a permis
d'évaluer leurs perceptions sur les facteurs de blocage
c'est-à-dire les faits qu'ils estiment être les causes de la non
introduction des LN à l'école élémentaire formelle.
En d'autres termes, la connaissance des parents du mode de fonctionnement, des
reformes et des politiques linguistiques sur l'éducation formelle nous
permet de faire une analyse sur la vision ou la compréhension sociale
des blocages de l'enseignement de nos langue à l'école
formelle.
Selon les données de l'enquête, les
déterminants politiques, économico didactiques et multilingues
ont été signalés par les répondants. En effet, la
majorité des parents déclarent le manque de détermination
politique comme un facteur de blocage fondamental. Par ailleurs,
pusillanimité des politiques est ainsi mentionnée par
l'enquête : sur les vingt (20) PE, douze (12) soutiennent l'aspect
politique comme le premier facteur qui empêche d'introduire nos langues
à l'école. En valeur relative, ils constituent soixante pour cent
(60%) des enquêtes. Dans ce même ordre d'idée, les
illustrations faites par les parents sur la question de la
velléité politique sont sous tendues par des propos de ce genre :
« les expériences entamées ne sont jamais
arrivées à terme » ; « les politiques portent plus de
considérations aux projets d'enseignement d'un autre pays qu'à
l'introduction des langues nationales » ; « le SEF
sénégalais se fonde sur la volonté et les orientations des
bailleurs de fonds » ; « chaque année on nous parle de
l'introduction des LN dans le SEF.je pense que ça ne se produira pas car
nous vivons une nouvelle système de
colonisation »53 ; « le
gouvernement n'a pas mis les moyens » ; « depuis qu'on a lancé
l'idée ,on constate un manque de suivi de la part des autorités
» ; « si l'Etat voulait l'introduction des langues à
l'école ,il y aurait mis les moyens » ; « est ce que le
gouvernement aime ça » ; « les finalités
éducatives dépendent des décideurs
».(Enquête de terrain, commune de Fatick, Avril 2011).
Les parents interrogés dans notre enquête ayant
un niveau d'instruction élevé, moyen ou faible et même ceux
qui sont sans niveau ont conscience des blocages de l'enseignement bilingue au
Sénégal dus, selon la majorité d'entre eux à une
carence de traduction en actes concrets des projets, programmes et politiques
éducatifs. Lorsque nous analysons les propos des PE, la
responsabilité des politiques est mise en exergue par des concepts comme
: décideurs, Etat, autorité, gouvernement, bailleurs de
fonds. En effet, ces concepts mis en rapport causal avec les blocages de
l'introduction signifieraient que ces types- idéaux nommés par
les répondants, constituent en amont le noeud du problème. Pour
les parents, les acteurs ou agents cités n'ont pas su et pu s'engager
à fond afin de concrétiser les politiques théoriquement
élaborées depuis des décennies.
Ainsi, par rapport au comportement timoré des
politiques, certains PE ne manqueront pas de signaler l'influence de la
politique étrangère sur les orientations éducatives
sénégalaises. L'introduction des LN dans le système
éducatif est-elle ralentie, déconseillée ou «
interdite » par les grandes puissances qui financent en partie «
notre Education nationale » ? En tout état de cause, nous ne sommes
pas aptes à apporter une réponse à cette interrogation
dans la mesure où certaines de ces puissances interviennent même
sur la mise en oeuvre d'un enseignement bilingue au
Sénégal.54Comment comprendre donc l'intervention de
ces anciennes puissances « dèculturatrices » dans notre
politique éducative et linguistique ? En effet, nous tenterons d'y
apporter des réponses dans nos futures recherches.
Cependant, d'autres enquêtés ont axé leurs
réponses dans le domaine économico didactique et plurilingue.
Contrairement à la vision précédente, celle-ci n'est pas
très bien représentée ou prise en compte par les PE. Seul
quinze pour cent (15%) et dix pour cent (10%) soutiennent respectivement les
facteurs économiques et multilingues comme les blocages premiers
liés à ce projet d'enseignement des LN à l'école.
En valeur absolue, ils constituent seulement trois
53 Dans le souci de respecter la méthode de
transcription des réponses des enquêtés, nous nous sommes
nullement engagés à corriger certaines fautes ou erreurs
d'orthographe ou grammaticales.
54 Le projet EMILE (première édition
2010-2011) financé par World Vision dans le département de Fatick
pour l'enseignement du sérère dans certaines classes des
écoles élémentaires formelles.
(03) et deux (02) parents qui soutiennent cette thèse :
les facteurs de blocage sont à rechercher dans le comportement
économique et socioculturel de l'Etat du Sénégal.
Ainsi, le contexte de dépendance économique de
notre pays fait que le système éducatif est anéanti et ne
parvient pas en retour à se doter de moyens pour la réalisation
de ses entreprises élaborées. Ils utilisent des propos de ce type
pour justifier leur vision : « les langues
nationales qui ont été introduite l'ont été avec
beaucoup de difficultés faute de support, de matériel et de
formation continuée et de suivi » ; « parce que se serait
difficile de payer des enseignants en wolof, sérère ; peulh etc.
». (Enquêtes de terrain, commune de Fatick, Avril 2001).
En outre, selon la configuration sociographique et
sociolinguistique du pays certains la considère comme un facteur de
blocage à ne pas négliger. En effet, ces facteurs
sévissent dans l'espace intra et extra scolaire dans la mesure où
certains comportements linguistiques de la vie sociale sont transposés
dans le milieu éducatif. Ceci peut être remarqué dans les
propos suivants avancés par certains répondants : «
Certains enseignants sont mal à l'aise dans cette LN » ; «
problème de cohésion nationale ». (Enquêtes
de terrain, commune de Fatick, Avril 2001).
En somme, ces dernières remarques sont en amont
rangées dans le système de représentation sociale que les
sénégalais font des LN par rapport à une historique
linguistique marquée par la domination de la langue française. En
effet, cette situation sera prise en compte dans notre analyse et
interprétation des entretiens que nous aurions à
réaliser.
*Tableau 7 : relation entre la langue de l'ethnie et le
choix de la LN à introduire dans le SEF
Ethnie
LN
préférée
|
Sérère
|
Wolof
|
Peulh
|
Autres
|
Total
|
Sérère
|
09
|
01
|
00
|
00
|
10
|
Wolof
|
00
|
03
|
01
|
00
|
04
|
Peulh
|
01
|
02
|
02
|
00
|
05
|
Autres
|
00
|
01
|
00
|
00
|
01
|
Effectifs
|
10
|
07
|
03
|
00
|
20
|
Sources : enquêtes de terrain dans
la commune de Fatick, Avril 2011.
Nous avons dans notre recherche jugé opportun de
ressortir la relation qui existe entre langue de l'ethnie des PE et leur choix
ou préférence de la LN pour l'éducation de leurs enfants.
Dans la mesure où le facteur multilinguisme social est prononcé
comme un élément lié à la non introduction des LN
dans les programmes scolaires, il serait pertinent de mesurer et d'analyser le
comportement des sénégalais (surtout des PE) face au
plurilinguisme par rapport à l'éducation formelle. Ainsi, dans le
tableau 7 il apparait clairement que la langue maternelle ou ethnique est
primée sur toutes les autres par les répondants. En effet, sur
dix (10) PE appartenant à l'ethnie sérère, les neuf(09)
prônent pour l'enseignement de la langue sérère, trois (03)
PE de l'ethnie wolof sur quatre (04) préfèrent en premier
l'introduction du wolof et sur cinq (05) parents de l'ethnie peulh, deux(02)
recommandent la langue peulh contre deux (02) sont pour le wolof et un(01) seul
pour le sérère. En effet, la justification du choix des
enquêtés est à rechercher dans leur appartenance socio
ethnique et non dans la logique des faits. C'est que nous appellerons plus tard
la tendance à l'ethnocentrisme de la société
sénégalaise.
En effet, seul un(01) PE sérère, par ailleurs
maitre expérimentateur, donne la priorité au wolof dans la mesure
où, selon lui la langue wolof regorge des richesses techniques et
sémantiques qui rendent facile la transmission de connaissance, par
exemple les dictons et proverbes largement partagés par tous les groupes
ethniques sénégalais.
En conséquence, cet ethnocentrisme peut être
qualifié d'aveugle ou d'irrationnel dans le fait que même les
agents qui s'y adonnent n'ont, pour la plupart, pas de compétences
formelles (écriture ou lecture) sur leurs langues d'appartenance
ethnique. Le tableau suivant mettra en exergue ce que nous venons d'aborder.
*Tableau 8 : compétences en LN des
enquêtés
Capacités
|
Lire seulement
|
Ecrire seulement
|
Lire et
écrire
|
Ni lire ni
écrire
|
Total
|
Effectifs
|
02
|
00
|
13
|
05
|
20
|
pourcentage
|
10 %
|
00%
|
65%
|
25%
|
100%
|
Sources : enquêtes de terrain dans
la commune de Fatick, Avril 2011.
La compétence linguistique ou pour parler comme BOURDIEU
le « capital
linguistique »constitue un indicateur
éminent concernant la politique de promotion des langues et le sens
donné à la langue par la société où elle est
parlée. Ainsi, à travers notre enquête nous remarquons que
la société sénégalaise n'est pas en reste pour ce
qui est de l'écrire et de la lecture des LN. Notre tableau ci -dessus
montre que sur vingt (20) PE, les treize (13), soit soixante cinq pour cent
(65%) déclarent être en mesure de lire et d' écrire leur
langue maternelle. Par contre vingt cinq pour cent (25%), soit cinq sur vingt
(5 /20) des répondants ne savent ni lire ni écrire leur langue
maternelle.
Par ailleurs, le capital linguistique en LN existant chez la
plupart des PE peut s'expliquer par un contexte sociohistorique bien
déterminé. En effet, pendant les premiers moments des
indépendances et un peu plus tard dans les années 1990 avec la
redéfinition de nouvelles politiques linguistiques, le
Sénégal s'était inscrit sur les bases d'une politique
dynamique de promotion des LN. Cette politique était sous tendue par ce
qu'on appelé l` alphabétisation. Cette dernière
consiste à enseigner la lecture et l'écriture d'une langue aux
adultes et aux adolescents qui n'ont pas été scolarisés.
Cependant, au Sénégal cette alphabétisation était
aussi ouverte aux personnes instruites ou scolarisées en français
mais qui ne le sont pas en langue nationale.
C'est dans ce sillage que la quasi-totalité des PE
interrogés fait parti de la génération qui a eu à
se doter des attributs linguistiques plus soutenus que les
générations actuelles.
*Tableau 9 : information sur les programmes
d'introduction des LN dans le SEF au niveau des PE
PE
|
PE informés
|
PE non informés
|
Total
|
Effectifs
|
12
|
08
|
20
|
Pourcentage
|
60%
|
40%
|
100%
|
Sources : enquêtes de terrain dans
la commune de Fatick, Avril 2011.
L'existence des programmes ou projets d'un enseignement
bilingue ou multilingue n'a jamais été non connue par les
populations sénégalaises. La grande majorité des parents
ou des acteurs socioéducatifs est plus ou moins consciente de
l'idée sur les reformes linguistiques élaborées par l'Etat
du Sénégal. Ainsi, ce qui reste à savoir ou à
mentionner c'est la non- connaissance totale ou suffisante de ces programmes.
En effet, nos enquêtes nous ont permis de remarquer que la plupart des PE
argue avoir connu les projets mis en oeuvre par l'Etat. Par ailleurs, soixante
pour cent (60%) des PE disent être informés(être ou courant)
des programmes qui ont eu lieu en ce qui concerne l'introduction des LN dans le
SEF ,soit douze (12)sur un total de vingt(20) PE. Cependant, quarante pour
cent(40) des PE ignorent l'existence de la mise en oeuvre des programmes
d'enseignement bilingue, soit huit (08) PE sur un total de vingt (20).A
rappeler, que certains PE déclarent être au courant de ces
programmes tout en se versant dans un amalgame : ils cofondent l'introduction
des LN dans les programmes scolaires avec les programmes
d'alphabétisation que nous avons récemment explicités.
*Tableau 10 : Langue parlée dans les lieux de
travail
Langue
|
LN
|
Français
|
LN et Français
|
Total
|
Effectif
|
14
|
05
|
01
|
20
|
Pourcentage
|
70%
|
25%
|
05%
|
100%
|
Sources : enquêtes de terrain dans
la commune de Fatick, Avril 2011.
Il existe un déphasage entre la langue de
l'administration qui est l'officielle et les langues locales/nationales et
parfois dites vernaculaires qui sont communément utilisées dans
les
interactions sociales, professionnelles ou interpersonnelles
à l'enceinte de tous les secteurs et services administratifs formels du
pays (écoles, institutions judiciaires etc.).C'est dans ce sillage que
nous nous sommes intéressé à ressortir le comportement et
le choix linguistiques des sénégalais par rapport au comportement
de la langue officielle optée par l'Etat du Sénégal. A ce
titre, nous décrirons à travers le tableau 10 la relation
existante entre langue officielle et LN dans les instances administratives par
rapport aux lieux de travail. En effet, dans les données obtenues
soixante dix pour cent (70%) soit quatorze (14) sur vingt (20)
répondants utilisent les LN pour communiquer dans leur lieu de travail.
Par ailleurs, ces chiffres peuvent être illustrés clairement par
les remarques faites sur ce sujet lors de nos observations : dans un de nos
lieu d'investigation ; l'école élémentaire Darel 2 dont le
directeur faisait parti des maitres expérimentateurs des classes
bilingues (2002-2010), nous avons pu assister à trois scènes qui
mettent en exergue le problème que nous venons d'exposer :
D'abord, une réunion du corps professoral tenue en LN
plus exactement en Wolof a attiré notre attention. Même le
directeur dans notre entrevue n'a pas manqué de nous signaler le fait
dans le but de mentionner l'incontournable recours aux LN dans les lieux de
travail formel: « tu as vu toi-même tout à l'heure, on
faisait notre réunion en wolof » disait-il. (Observations sur
le terrain, commune de Fatick, Avril 2011).
Ensuite, une enseignante qui répondait au
téléphone devant ses élèves n'a pas
échappé à l'automatisme linguistique
déterminé par la langue maternelle. Nous entendîmes ces
propos : « allô !ca va. Nanga deff ? (...) mala
raw (....) Ana sèn waa keur(...) naka ligguèy
bi nak (....) ah diam rek (.....) ». (Observations sur le terrain,
commune de Fatick, Avril 2011).
Nous avons pu remarquer en fin, des discussions permanentes
entre collègues de l'école. Ainsi, les enseignants
échangeaient des propos par le biais des LN, soit en wolof, soit en
sérère.
En somme, lorsque nous poussons l'analyse de ces faits
jusqu'à son terme nous dirons que les LN sont plus
représentées et plus usitées que le français dans
les instances administratives formelles. Ainsi, au Sénégal nous
passons d'une période d'interdiction des LN à un moment de
laisser parler au sein des secteurs ou services administratifs. La
première période remonte
au temps de la colonisation et quelques années
après l'indépendance où l'usage des LN dans les lieux
formels de travail (par exemple dans les bureaux) était formellement et
symboliquement proscrit. Par ailleurs, dans le deuxième moment (de nos
jours) la ligne de démarcation qui existait entre LN et langue
officielle est franchie. Il n'existe quasiment plus de limite en ce qui
concerne l'usage d'une LN ou de la langue officielle dans les services
administratifs formels. En conséquence, l'usage exclusif du
français est noté dans des cas rares.
Selon les données obtenues, seuls vingt cinq pour cent
(25%), soit cinq sur vingt (5/20) des répondants utilisent seulement le
français dans le leur lieu de travail. En revanche, seuls cinq pour cent
(5%) des enquêtés déclarent utiliser à la fois
langue officielle et langue (s) nationale (s).
En somme, d'après nos enquêtes la langue
officielle, constitutionnellement comme medium de communication dans les
services administratifs formels, est fortement engloutie par les LN à
travers les interactions des acteurs socioprofessionnels. Ce fait s'explique
t-il par un refus de parler la langue d'autrui ? L'habitus linguistique agit-il
en permanence dans les lieux de travail ?
4.2. Synthèse générale des
résultats collectés
Cette partie constitue le moment de faire le point sur les
données du terrain afin de procéder à leur analyse et
interprétation sociologiques pour visibiliser le fait
étudié. Ainsi, dans le cadre de notre étude il nous est
important de recourir à l'herméneutique des acquis empiriques
dans le but de décoder les sens caché du fait.
Notre observation s'est faite au niveau des acteurs
socio-éducatifs (inspecteurs, enseignants, syndicalistes, parents
d'élèves, élus locaux ...) de la commune de Fatick. En
effet, ces derniers, témoins des temps forts du système
éducatif, sont mieux placés à discourir sur le
comportement lié aux politiques de non ou d'introduction des langues
nationales dans l'enseignement élémentaire formel. Pour ce faire
donc, leurs réponses seront de haute facture en ce qui concerne leur
analyse et interprétation.
En effet, les résultats obtenus sont divers et
variés. Nous pouvons même dire qu'ils sont d'ordre structurel dans
la mesure où les blocages notés s'inscrivent dans une
transversalité ; c'est-à-dire un blocage est susceptible
d'être repéré dans un ou d'autres facteurs de blocage
énoncés dans nos hypothèses .Ce qui nous a permis dans le
cadre de l'analyse de contenue de les interpréter sous forme de
thèmes.
4.2.1. De l'insuccès des classes
expérimentales
Mises en application en 2002(après les conclusions des
EGEF de 1981), les « classes expérimentales » sont des classes
bilingues consistant à l'enseignement du français et des
certaines LN d'un territoire donné. Les classes expérimentales
étaient reparties dans tous les départements du pays dont
l'objectif consistait, entre autres, à converger vers la formalisation
de l'introduction des LN dans l'enseignement élémentaire.
Selon le schéma directeur de la DPLN sur
l'expérimentation des LN dans l'enseignement élémentaire,
cent cinquante cinq (155) classes dans les onze régions du
Sénégal.55Il prévoyait également
l'introduction des cent cinquante cinq (155) tous les deux (2) ans.
Officiellement, le nombre de sites d'expérimentation fonctionnels n'est
pas connu. Mais selon un rapport de
55 Période des onze régions au
Sénégal
la Banque mondiale, il devrait y avoir quatre cent soixante
cinq(465) classes la rentrée 2006, alors que la première cohorte
devrait entre en fin de cycle primaire en juin 2008.56
En effet, elles étaient au nombre de 15 dans le
département de Fatick, (01 classe en wolof, 01 classe en mandingue ,02
classes en puular et 11 classes en sérère). Les facteurs
bloquants étaient d'ordre divers.
De la gestion politique jusqu'aux mesures d'accompagnement
didactique, via la carence communicationnelle au niveau des populations
(parents d'élève), receveuses du projet, les freins ont
été transversalement notoires.
Cependant, souligner ou décrire les contraintes
concernant le dynamisme que devraient connaître ces classes
expérimentales, point de départ pour l'introduction et la
formalisation des LN à l'école , constitue en amont le
décodage ou l'analyse des facteurs de blocages notés à ce
niveau. Ces dites classes expérimentales mises en oeuvre pour une
nouvelle relance du projet d'introduction des LN dans le primaire, ont
constitué un autre moment de banqueroute.
En ce sens, notons la confession d'un de nos
enquêtés, un inspecteur de l'éducation chargé des
classes bilingues : « là aussi c'est une
expérience qui rapidement, a été pratiquement
abandonnée même si, dans quelques zones des gens ont eu tant bien
que mal à le faire. Elle n'est plus ce qu'elle devrait être. Nous
par exemple à Fatick, nous avons pratiquement abandonné cette
année, nous avions cinq classes dans cinq villages différents qui
fonctionnaient jusqu'à l'année passée mais, en raison de
plusieurs difficultés nous avons été amenés
à les laisser tomber. Maintenant c'est fini, on a
arrêté» (P.FAYE, commune de Fatick, avril
2010.) En d'autres termes, l'expérience de ces classes qui se devaient
d'accompagner et de favoriser l'introduction formelle des LN dans le SEF, a
été bloquée, entre autres, par un manque de suivi
politico- technique voire sociopolitique.
En effet, ces propos de notre répondant signalent tout
simplement l'insuccès du programme d'expérimentation
navigué pendant huit années (2002-2010) dont l'objectif final
était l'introduction des LN dans l'enseignement
élémentaire formel.
Sous ce rapport, il est lieu de signaler que les motifs d'un tel
échec sont à rechercher dans plusieurs cadres dont les
paragraphes suivants permettront de mettre en exergue.
56Yéro DIA Abdoulaye BOUSSO et ali,
l'introduction Programme de subventions ROCARE pour la recherche en
éducation, l'introduction des langues nationales dans le système
éducatif formel : entre medium de communication et outils
d'apprentissage scolaires, éduction 2008, p37.
4.2.2. Introduire les LN dans le SEF : y a t-il une
réelle volonté politique?
En cette année, le Sénégal à
l'instar de beaucoup de pays africains, a passé cinquante ans «
sans domination coloniale ».Donc, il est libre de choisir ses orientations
socioéducatives en vue de redorer le blason de son système
éducatif et de ses identités linguistiques. A ce titre, nous ne
manquerons de nous demander si les décideurs ne s'inscrivent pas dans
une logique de perpétuation du SEF hérité à
l'organisation coloniale dont le but était en substance d'assouvir nos
capacités linguistiques en les écartant de leur mode
d'organisation éducative. Avec « une vérité de la
Palice », il convient de noter qu'au vu et au su de tout le monde
l'élite politique a maille à partir avec le système de `'
l'ex pouvoir colonial».
Par ailleurs, des « classes télévisuelles
» (1979-1984) aux « classes expérimentales » (2002-
2010), le Sénégal n'est encore parvenu à introduire
même pas une seule LN dans le système éducatif (formel) de
base. Quelle part de responsabilité ont les décideurs politiques
sur cette problématique ? A cette interrogation, nos investigations nous
permettent d'en avoir une analyse plus pertinente.
Logiquement, nous savons que si les décideurs avaient
le ferme dessein de formaliser une, des ou les LN dans le système
ça aurait été déjà traduit en acte dans la
mesure où il est incompréhensible et impossible d'avoir
mené un véridique combat pendant plusieurs décennies sans
en avoir des résultats considérables. Ainsi, l'histoire nous a
renseigné sur tant de projets et programmes de ce genre qui font retour
à la case de départ du à des conduites timorées ou
pusillanimes notées au niveau des structures sociopolitiques et
institutionnelles.
Par ailleurs, il sied de reconnaitre qu'introduire une, des ou
les LN n'est nullement irréalisable .Combien d'autres projets sont
réalisés à des fins quasiment non sociétaires ?
Un des enquêtés a pu confesser : «
il y a un manque d'engagement politique parce que sil'Etat voulait
introduire les langues, il l'aurait fait. Par exemple, il a
réalisé et inauguré la statue de la Renaissance »
(Anonyme, commune de Fatick, avril 2010).
Par ailleurs, cette carence d'engagement est analysée,
en d'autres termes comme le fruit d'un « secret d'état » qui
fait que nos langues ne peuvent être insérées dans les
programmes des écoles élémentaires formelles.
Tout compte fait, c'est l'avis d'un ancien éducateur en
retraite qui laisse entendre : « je ne sais pas pourquoi les
langues nationales ne sont pas introduites dans l'enseignement (...), peut
être c'est une raison d'Etat » (M. LY, commune de
Fatick, avril 2010.)
En d'autres termes, la « raison d'Etat »
évoquée par notre répondant, s'analyse comme une
silencieuse velléité d'engagement à l'endroit de nos
décideurs politiques dans la mesure oüces derniers ne se
donnent pas le sacerdoce de viabiliser les projets d'éducation
linguistique qu'ils murmurent depuis des décennies.
A supposer que cette interprétation soit juste, il nous
est alors permis de citer A.SYLLA57 lorsqu'il rappelle les propos d'
Iba Der THIAM ,ministre de l'éducation nationale(1983-1988) disant :
« Jean COLLIN, ancien secrétaire général de la
Présidence de la République ,considérait l'école
nouvelle comme une utopie et a bloqué le texte sur la loi d'orientation
.Il n'aimait pas la promotion des langues nationales ,raison pour laquelle il a
systématiquement saboté mon programme »(Le
Témoin ,30 juillet 1990 :2).Autrement ,les déterminants
politiques du blocage de la promotion ou de l'enseignement des LN sont à
rechercher, entre autres ,au niveau macro et micro de la configuration et de la
posture sociopolitique des différents membres de l'Etat du
Sénégal. A rappeler que c'est le sentiment nationaliste qui
devait primer sur tout, la majorité des politiques
sénégalais transpose et exige leurs déterminations
socioculturelles ou ethniques dans les intérêts nécessaires
pour le progrès.
Dans un autre sillage, la pusillanimité de l'Etat par
rapport aux facteurs de blocage de la politique d'introduction des langues
véhiculaires à l'école s'explique par le fait que le non
suivi des politiques linguistiques est une réalité bien
existante. Généralement au Sénégal, les politiques
élaborées et théoriquement bien formulées
connaissent dès leur début un enthousiasme sans faille de la part
des politiques comme de celle de la société en
générale. Mais, au bout de quelques temps se note un
ralentissement allant jusqu'à l'abandon du projet.
Rappelons certains propos de certains de nos
enquêtés : « l'Etat n'a pas du tout
suiviparce que les conclusions même de l'évaluation
(des classes expérimentales) n'ont pas été
exploitées (...) bon, il n'y a pas un engagement ferme de la part de
l'Etat, c'est vraiil y a l'option politique mais il n'y a pas d'accompagnement
». (Enquêtes, commune de Fatick Avril 2010).
57 A.SYLLA, op.cit.pp 390.
Ces propos s'inscrivant dans la même longueur d'onde
mettent en exergue la grande part de responsabilité de l'Etat
sénégalais face à ce problème socioéducatif.
Leur responsabilité se situe entre autres dans l'inexistence d'une
politique de maintien et de suivi-évaluation qui permettra de
préparer les éventuels écueils dont les
conséquences pourront éclore des sentiments d'utopie, de
scepticisme, de pessimisme ou d'irréalité à l'endroit de
la société.
En effet, cette remarque tant clamée est, par ailleurs,
sous-tendue par la passivité de l 'Etat eu égard à la
formation d'enseignants en langues nationales, à leur mobilité
professionnelle et à l'élaboration de supports didactiques.
4.2.3. Entre absence de formation de maitres en langues
nationales et faible élaboration de supports didactiques : quelle est la
responsabilité de l'Etat du Sénégal ?
Si nous partons toujours des classes expérimentales,
les facteurs de blocages de l'introduction des LN dans
l'élémentaire formel, sont à rechercher par ailleurs sur
le plan professoral et didactique. Mise en corrélation avec la
volonté politique stérile de l'Etat, la carence d'accompagnement
de ressources humaines et de matériels pédagogiques ou
didactiques, constitue un des facteurs de blocage les plus remarquables. En
d'autres termes, la politique d'introduction des LN, une fois mise
théoriquement en oeuvre, devait avoir comme substrat la formation d'un
personnel qualifié et bien équipé. Cependant, la conduite
d'une politique timorée s'est encore notée à ce stade dans
la mesure où les maitres expérimentateurs étaient
arbitrairement mis en fonction avec une quasi absence de matériels et de
supports didactiques. Nous pouvons même dire qu'ils se
débrouiller, en usant de leurs compétences discursives ou de
leurs habitus linguistiques tirés de leur socialisation, pour
transmettre des connaissances. Comment la débrouillardise peut
être au service de l'excellence ? En effet, notre analyse poussée
plus loin nous permet d'illustrer avec ces suivants propos extraits du discours
de certains de nos répondants mettant en exergue cette
problématique :
« L'Etat a mis la charrue avant les boeufs
dans la mesure où il y a une absence d'investigation préalable
pour savoir quelle langue introduire dans quelle localité », «
il y a une carence de maitres formés du fait de la non
généralisation de la formation, de son accélération
», « il ya des problèmes de supports, de matériels
didactiques(support en calcul et en lecture)d'accompagnement .Il y a des livres
au programme par exemple `'le référentiel de
compétence» traduit en wolof, en sérère...(les six
premières langues
codifiées) mais depuis que le
ministère de la structure des langues nationales a commencé
à codifier d'autres langues, il s'est posé un problèmes
d'équité( ...).On a traduit certains livres comme `'Sidi et
Rama» en mettant `'Sidi ak Rama»,et on s'est rendu compte que
c'était pas ça, on devrait prendre des textes purement locaux du
vécu quotidien des élèves
»(enquêtes de terrain, commune de Fatick, Avril
2010).
Selon les discours ci-dessus et lorsque nous poussons notre
analyse jusqu'à son terme, force nous est de dire que la politique de
l'Etat d'introduire les LN à l'école est velléitaire sur
toutes les dimensions et structures requises pour une bonne politique
éducative. Ainsi, c'est une lapalissade d'admettre que l'accompagnement
didactique ou pédagogique et technique (la formation de professionnels
en la matière) est en grande partie le rôle et le devoir de l'Etat
en l'occurrence les décideurs.
Certains de nos répondants n'ont pas manqué de
dire que : « Le gouvernement prend cette introduction à la
légère dans la mesure où les enseignants
(expérimentateurs) suivaient une formation de trois (03) jours
». (Enquêtes de terrain, commune de Factice, Avril
2011).
Ces propos s'inscrivant toujours dans la problématique
de la formation des enseignants en LN par rapport aux classes
expérimentales bilingue, permettent de répondre à
l'interrogation soulevée très haut. Evidement, l'absence de
formation sérieuse ne pourrait jamais être au service de
l'excellence.
De même, il est à noter que la politique
économique que devrait connaitre ces expériences n'est pas
été au rendez-vous.
En somme, les décideurs politiques ont en grande partie
manqué de mettre au concret les mesures d'accompagnement didactique et
technique indispensables. L'absence ou la faible dotation en matériels
d'apprentissage et en ressources humaines constitue un facteur de blocage pour
cette politique d'introduction tant clamée depuis plus de quatre
décennies. Ainsi, ces manquements sont à rechercher au niveau des
pouvoirs publics dans la mesure où leur engagement silencieux est urbi
et orbi constaté. Ainsi, restent à savoir le pourquoi et comment
de ce désengagement permanant. En effet, la pusillanimité des
politiques face à l'introduction des LN dans le SEF est-elle le fruit du
système de représentation ou de la domination symbolique de ces
dernières ? Ou bien est-elle par ailleurs, une volonté aveugle de
reproduire le système de l'oppresseur socioculturel(les
colonisateurs)?
4.2.4. La représentation sociale de la langue
officielle versus celle des LN
La domination du terrain linguistique par le français
est le fruit d'un long processus opéré par l'administration
coloniale. Depuis cette période jusqu'à nos jours, l'imaginaire
collectif sénégalais considère en somme que nos langues
sont loin d'être vecteur de promotion intellectuelle et sociale. Nos
langues sont, tout au moins, représentées par la
société comme des langues qui, en usage dans l'enseignement,
constituent un facteur de régression socio intellectuelle. La
société sénégalaise, dans son symbolisme
linguistique, a le sentiment que seulement la langue officielle et les langues
extra africaines peuvent être des médiums d'enseignement formel.
Cette croyance intériorisée en la société et
extériorisée par ellemême, est sans doute
véhiculée et manifestée par des propos de ce type :
«il ya des parents qui disaient : j'ai pas inscrit mon enfant
à l'école pour qu'il apprenne le wolof ou le sérère
», « à Fatick le problème se pose autrement ;beaucoup
d'enseignants refusent ,en tout cas on a l'impression, de parler la langue du
milieu qui est le sérère ou en tout cas ils ne font pas beaucoup
d'effort pour comprendre la langue et la parler (...) ,il y a aussi le rejet
des parents :il y en a certains qui trouvent que la promotion de leur enfant va
se faire non pas par la langue maternelle mais par la langue française
;ils se disent qu'ils n'ont rien à gagner en apprenant cette langue
»(P.FAYE, inspecteur de l'éducation chargé des
classes bilingues dans le département de Fatick)
Ces propos éclairants de certains de nos
enquêtés sont en général tirés des
écueils liés aux classes expérimentales. Ils nous
permettent de faire le point sur l'ancrage des valeurs linguistiques
occidentales dans la conscience individuelle et collective
sénégalaise. Ainsi, la représentation sociale des LN se
situe à deux niveaux : au niveau des parents d'élève et
des enseignants. Les premiers déclarent avoir détesté un
enseignement en langue maternelle. Mais lorsque nous pousser notre analyse un
peu plus loin, nous verrons que la détestation exprimée n'est
qu'une justification qui permet de taire la domination symbolique des langues
occidentales. En d'autres termes, les langues extra africaines ont
dominé les mentalités sénégalaises dans la mesure
où elles sont synonymes de promotion sociale, d'éveil et de
culture mondiale. Pour leur part, les derniers n'ont guère l'envie et le
devoir identitaire de vouloir transmettre la connaissance via nos langues. A ce
stade, sont affectés les enseignants d'un sentiment de
déculturation et de déculturés dèculturateur. En
fait, nous avons
l'impression que la clôture de la promotion
linguistique58 des LN a vue le jour au Sénégal.
Cette clôture semble y être une croyance fortifiée voire une
idéologie. Combien de fois avons-nous entendu ces suivantes expressions
lors de mes observations : « Mais boy ! Est- ce que si on
introduit les langues nationales à l'école, est-ce que ça
ne va pas appauvrir le système éducatif ? ».
(Enquête informelle, commune de Fatick, décembre 2010).
Voilà une interrogation à laquelle ceux
même qui la posent ou la suggèrent n'y apportent pas d'arguments
et preuves convaincants dans la mesure leurs dires constituent en effet, un
simple mauvais sentiment voire un sentiment utopique de haute facture.
Cette attitude de clôture en l'endroit des enseignants
se prouve par les réponses tirées d'un inspecteur de
l'éducation, sis au pole régional et de formation de Fatick (PRF)
qui confesse : « il y a un manque de volonté de la part de
certains enseignants chargés des classes bilingues du fait que d'aucuns,
à l'absence de contrôle d'inspecteurs, enseignaient seulement en
français (...) ,au Sénégal on a tenté une fois ,on
a abandonné, puis une deuxième fois et on a abandonné et
maintenant tout le monde a peur de recommencer, c'est ça... rire...
». (M.BA, commune de Fatick, Avril 2010).
Cette clôture de la promotion linguistique est
caractérisée en grande partie par la « peur de
recommencer », c'est-à-dire l'absence d'enthousiasme ou
d'audace par rapport aux politiques linguistiques mises en rapport avec
l'enseignement élémentaire formel.
Cependant, au moment de cette clôture, est notée
une certaine volonté affichée de recourir aux valeurs de la
langue de l'ethnie. Mais, il se trouve que cette volonté est
contrastée avec une trop grande référence à celles
de l'Occident. C'est ce que nous appelons le paradoxe de
l'occidentalocentrisme et de l'ethnocentrisme de la société
sénégalaise.
Par occidentalocentrisme, nous voulons montrer l'utilisation
et la légitimation permanentes des valeurs linguistiques occidentales
par la société sénégalaise. Ainsi ces valeurs qui
se présentent comme de bons prêts - à -porter ne font aucun
objet de diagnostic préalable. En fait, c'est l'attitude de concevoir
que tout ce qui est bien doit venir de l'Occident, ou tout ce qui y est venu
est bien. Il constitue le centre du monde, son dénominateur commun ou
son noyau dont le contournement est impossible. Cela revient à remarquer
que le marché
58 Nous voulons dire par cette expression que la
société sénégalaise semble clore le débat
sur la promotion de nos langues dans les secteurs éducatifs dans la
mesure où, on ne peut plus, selon certaines fausses croyances, faire
d'elles des langues de science ou de développement
socioéducatif.
linguistique est dominé par l'Occident avec ses
langues. Est-il nécessaire de rappeler les valeurs accordées
à la langue française dans et par la société
sénégalaise ? Comment comprendre l'attitude de certains individus
qui se contentent à toutes les occasions de rappeler ou de corriger
certaines erreurs ou fautes de français ? Qu'en est-il avec les fautes
commises en LN ?
Paradoxalement, l'importance tant accordée aux langues
extra sénégalaises, n'exclut pas ce que nous appelons
l'ethnocentrisme. Ce concept est différent de celui de
l'ethnicité qui peut être défini comme la manière
dont les acteurs sociaux pensent les divisions et les inégalités
sociales en termes d'appartenance et de différenciation ethniques. Dans
le sillage de notre recherche, l'ethnocentrisme désigne la conduite de
l'acteur social à faire valoir ses valeurs ethniques (linguistiques) au
détriment des autres. Cet ethnocentrisme est le plus souvent soustendu
par la langue de l'ethnie qui marque chez certains un élément de
repère ou d'identité. Au Sénégal, cet
ethnocentrisme est mis en oeuvre par concurrence ou par rivalité avec
les autres langues nationales mais se heurte (l'ethnocentrisme) face aux
langues extra africaines. Il n'est pas rare de voir, par exemple un
sérère ou un peulh s'irriter parce que son frère
ethnolinguistique ne communique pas avec lui par le truchement de leur langue
ethnique.
En effet, nous avons pu remarquer dans nos observations que
l'ensemble des enquêtés, pour discourir sur les blocages de
l'introduction des LN dans l'élémentaire formel, ne se
focalisaient que sur les valeurs de leur langue ethnique. C'est ce qui nous
permet de pousser notre analyse pour arguer que la volonté de chacun
à vouloir primer, parfois uniquement sa langue ethnique(cf. tableau 7) ,
constitue en grande partie un argument de taille pour les décideurs
politiques à consolider leurs dires mettant en exergue le plurilinguisme
comme principal obstacle sur le choix des LN à introduire dans le SEF et
pour la mise en application d'une langue sénégalaise comme langue
officielle.
Conclusion générale : perspectives de
recherches doctorales
En somme, cette étude dont l'objet consiste à
analyser les facteurs de blocage de l'introduction des LN dans l'enseignement
élémentaire formel nous a permis d'aboutir à un certain
nombre de résultats.
Rappelons que le Sénégal, à l'instar des
autres pays d'Afrique, a longtemps entrepris la bataille de la promotion
linguistique qui se traduit par un essai d'utilisation des LN comme
médium de communication sociale et outils d'apprentissage scolaire dans
l'enseignement fondamental .Cependant, cette vision, présente depuis les
indépendances dans les politiques éducatives et linguistiques de
l'Etat du Sénégal, n'est jusque là appliquée ou
traduite en actes concrets. Les motifs de cet insuccès sont d'ordres
divers dont s'est consacrée notre étude afin de les visibiliser
et de les analyser.
Notre question de recherche était de savoir : Comment
expliquer les blocages liés à l'introduction des LN dans le SEF
sénégalais, nonobstant toutes les politiques linguistiques
entreprises depuis la fin de la colonisation jusqu'à nos jours ?
Pour ce faire, nous avons, par un truchement empirique
réussi à répertorier quelques blocages majeurs parmi
lesquels il faut noter:
De prime abord, il faut reconnaitre qu'il ya une absence de
volonté à l'endroit des décideurs politique qui sont
passifs à suivre les projets ou programmes d'introduction des langues
nationales dans l'élémentaire formel. Il ya dans ce cas rien
d'autre qu'un comportement velléitaire à l'endroit des
décideurs. Cette politique timorée est due aux
représentations sociales que les sénégalais font des
LN.
Ce blocage tantôt cité constitue une
résultante de la(mauvaise) représentation sociale de nos langues
qui sont considérées comme des éléments de
régression tant dans le domaine de la promotion sociale que dans celui
du développement intellectuel. Il est également le reflet de la
reproduction de la domination linguistique favorisée par les
colonisateurs par rapport à nos langues. En conséquence, les
sénégalais ont du mal à accepter un système
scolaire linguistiquement égalitaire. Cependant, il faut rappeler que
ces représentations et cette violence détectées par
l'enquête qualitative se perdent ou ne s'affichent pas facilement
lorsqu'il s'agit d'enquête quantitative.
En effet, après l'analyse des données obtenues
il apparait que nos hypothèses de départ sont confirmées
mais il faut signaler que d'autres facteurs de blocages sont découverts.
Cependant, les blocages sont d'ordre structurel mais ils sont toujours
déterminés par les facteurs majeurs qui ont constitué nos
hypothèses.
La non- présence de nos langues dans l'enseignement
formel est interprétée comme une carence de volonté
politique qui peut être considérée comme la cause de
deuxième degré dont les représentations sociales et la
violence symbolique linguistique constituent les causes efficientes.
Cependant, il faut reconnaitre que ses deux facteurs sont
producteurs de d'autres facteurs de blocages tels que la formation de maitres
et l'élaboration de supports didactiques en LN, la désinformation
des parents d'élève par rapport aux projets d'enseignement
bi-plurilingue etc.
Par ailleurs, notre hypothèse secondaire qui consistait
à vérifier si les parents refusent ou non l'enseignement des LN
dans les programmes scolaires, s'est quantitativement confirmée dans la
mesure ou, la majorité des PE interrogés acceptent que leurs
enfants apprennent leur langue maternelle ou locale.
En fin, pour une sociologie critique rappelons que notre
étude est loin d'être scientifiquement parfaite dans la mesure
où elle décèle des insuffisances et imperfections
théoriques, méthodologiques, empiriques et
épistémologiques. Cependant, des recherches futures sont
projetées dans le but de corriger certains biais et d'intégrer
d'autres éléments qui sembleront éminents.
Dans notre perspective de recherche doctorale nous envisageons
d'étudier la dynamique et la portée pédagogique de
l'enseignement des sciences sociales en langues africaines en Afrique
subsaharienne et australe : le cas du wolof au Sénégal et du
swahili en Tanzanie. En effet, ce choix porté sur cette
problématique n'est pas parti de rien. Si nous nous donnons cet objet de
recherche c'est parce que les deux pays et les deux langues sont actuellement
dans une posture quasi particulière par rapport aux autres pays et
langues africains. Au Sénégal, plus de quatre vingt pour cent (80
%) de la population sont locuteurs en wolof, ce qui fait que ce dernier est
largement utilisé dans les services administratifs publics et
privés. Pour sa part, la Tanzanie, à l'instar de très peu
de pays africains, a opté le swahili comme langue officielle qui
commence à avoir une tournure internationale notamment grâce
à sa médiatisation.
Bibliographie générale
1- Alain GRAS, 1974, sociologie de l'éducation.
Textes fondamentaux.
2- Joseph KI ZERBO, 1990, Eduquer ou périr,
éd L'harmattan, 116p
3- Section Maison d'Afrique, Francophonie et
néo-colonialisme. Le combat linguistique dans la lutte de
libération du peuple sénégalais. Paris, Août
1979.
4- Armelle MABON, 2000, L'exemple de l'Afrique occidentale
française et du front populaire la veille des indépendances.
L'Harmattan, 196p
5- Banque mondiale, l'éducation en Afrique
sub-saharienne : pour une stratégie d'ajustement, de revitalisation et
d'expansion.
6- BELLONCLE (C), 1984, La question éducative en
Afrique noire, paris Karthala.
7- HAZOUNE, (A. T), 1988, l'Afrique, un avenir en
sursis, Paris l'Harmattan.
8- Lilyan KESTELOOT, 2004, Histoire de la lutte
négro-africaine, éd Karthala.
9- Pathé DIAGNE, 1971, Grammaire du wolof
moderne, Paris, Présence africaine.
10- Cheick Anta DIOP, 1979. Nations nègres et
cultures. De l'antiquité nègre égyptienne aux
problèmes culturels de l'Afrique noire d'aujourd'hui.
Troisième édition, TOME II, Présence Africaine.
11- Christian ROCHE, 2001, Le Sénégal à
la conquête de son indépendance 1939-1960, Editions KARTHALA,
286p.
12- Joseph KI-ZERBO, 1978, Histoire de l'Afrique noire,
HATHIER Paris, 731p.
13- René DUMONT, 1993, Pour l'Afrique, j'accuse,
Librairie PLON, 488p.
14- Cheick Anta Diop, 1960, Les fondements
économiques et culturels d'un état fédéral
d'Afrique noire, Présence africaine, 124p.
15- Muriel DARMON, 2007, La socialisation, Armand
Colin, 127p.
16- Momar. C.DIOP et Mamadou DIOUF, 1990, Le
Sénégal sous Abdou DIOUF, éditions KARTHALA ,436P.
17- CODESRIA (sous la direction de Momar Coumba DIOP), 1992,
Sénégal. Trajectoires d'un Etat ; KARTHALA ,500p
18- Tableau de bord de la situation sociale du
Sénégal, édition 2000.
19- Dominique COLAS, 1994, Sociologie politique, Presse
Universitaire de France ,564P
20- Jean-Léopold DIOUF, 2003, Dictionnaire
wolof-français et français -wolof, Edition KARTHALA ,591p
21- Gill FERREOL et ali, 1995, Dictionnaire de sociologie,
2é édition, Armand Colin, 315p.
22- BONTE et IZARD, 1991, Dictionnaire de l'ethnologie et de
l'anthropologie, QUADRIGE /PUF ,830p.
23- Gerti HESSELING, 1985, Histoire politique du
Sénégal. institution, droit et société,
éd KARTHALA, 437p.
24- El hadji Mamadou NGUER, « le français
comme langue officielle : véritable facteur de blocage au
développement du Sénégal » dans le journal AL
BICHRU, n°17, février 2008.
25- Marie DURU-BELLAT et Agnès VAN ZANTEN, 1999,
sociologie de l'école, Armand Colin ,252p.
26- Jean-Claude COMBESSIE, 2001, La méthode en
sociologie, 3e éd, La découverte, paris, 123p.
27- Raymond BOUDON, 1969, Les méthodes en sociologie,
PUF, 126p
28- Yéro DIA Abdoulaye BOUSSO et ali, «
l'introduction des langues nationales dans l'éducation formelle. Entre
medium de communication et outils d'apprentissages scolaires »,
Programme de subventions ROCARE pour la recherche en éducation /ERNWACA
research grants programme, édition 2008, 37p.
29- Emmanuel seyni NDIONE et ali, 1994, Réinventer le
présent. Quelques jalons pour l'action, éd ENDA Graf sahel
collections de recherches populaires, 131p.
30- P.BOURDIEU, 2002, Questions de sociologie, Editions
de Minuit, 269p.
31- Papa Mangoné BASAL, 1998-1999, « la crise
de l'éducation au niveau du moyensecondaire : causes et situations des
responsables. Quelles perspectives de reforme pour la ville de Saint-Louis
», mémoire de maitrise.
32- Caroline JUILLART et Louis -jean CALVET, 1995, Les
politiques linguistiques, mythes et réalités, UREF,
351pp.
33- Pascal BALANCIER et alii, 2008, Epistémologie de
la sociologie. Paradigmes pour le XXI e siècle, de boeck, sous la
direction de Marc JACQUEMEAIN et Bruno FRERE, 224pp.
Web graphie
http:// www.fr/ annees/ me 1998.htm
http://
www.Sénéweb.com
http: //www.au-Sénégal.com/ decouvry/ cart/-sen
htm
http: //
www. interieur.gouv.sn: Site
official du Ministère de l'intérieur du
Sénégal.
www.pambazuka.org/fr/categiry/features/610501
www.sudlangue.com
www.dialangue.com
Microsoft® Encarta® 2009 [DVD]. Microsoft Corporation,
2009
Table des matières
Dédicaces et remerciements
Liste des tableaux
Liste des acronymes et des abréviations
Introduction générale
|
1
|
Première partie : cadre d'analyse théorique
et démarche méthodologique
|
.. 5
|
Chapitre 1 : cadre d'analyse théorique
|
. 5
|
I-1.Construction de l'objet de recherche
|
5
|
I-2.Position du problème
|
. 12
|
I-3.Question spécifique de recherche
|
22
|
I-4.Intérêt du sujet
|
.22
|
I-5.Motivations
|
23
|
I-6.Objectifs de recherche
|
24
|
1-7.Hypothèses de la recherche
|
24
|
I-8.Analyse conceptuelle
|
26
|
1-9.Construction du modèle d'analyse
|
35
|
1-9-1. le schème causal
|
35
|
1.9.2. Le schème actanciel
|
37
|
1.9.3. Découpage conceptuel
|
38
|
Chapitre 2 : démarches méthodologiques
|
39
|
2-1.Etape exploratoire
|
.39
|
2-1.1.Etude documentaire
|
40
|
2-1-2. Les outils de collecte de données
|
40
|
2-1.3.L'enquête
|
40
|
2.2. Les entretiens
|
..41
|
2.2.1. Les entretiens semi-directifs
|
. 41
|
2.2.2. Les entretiens informels
|
41
|
2.2.3 Le questionnaire
|
.42
|
2.2.4. L'analyse de textes
|
43
|
2.3 Échantillonnage et choix des zones d'enquête
|
.43
|
2.4. Modalité de transcription et d'analyse des
données
|
44
|
2-4-1.Classification des données
|
44
|
2.4.2. L'analyse de contenu
|
44
|
Deuxième partie : présentation du champ de
l'étude
|
46
|
Chapitre 3 : présentation de la commune de Fatick
|
.46
|
3.1. Caractéristiques physiques
|
46
|
3.2. Historique et organisation de la commune
|
. 47
|
3.2.1. Aspects historiques
|
47
|
3.2.2 Organisation de la ville
|
. 49
|
3.3 Les données de la commune
|
51
|
3.3.1. Les données géographiques
|
51
|
3.3.2. Aspects démographiques
|
52
|
3.3.3. Les données socio-économiques et culturelles
.53
3.3.4. Les données éducatives avant 2008
3.3.5. Les données éducatives en 2008
Troisième partie : présentation des
résultats obtenus
|
.54 .57 59
|
Chapitre 4 : analyses et exégèses des
résultats de l'enquête
|
. 59
|
4.1. Aperçue sur l'enquête
|
59
|
4.1.1. Présentation par identification sociologique
|
59
|
4.2. Synthèse générale des résultats
collectés
|
..73
|
4.2.1. De l'insuccès des classes expérimentales
|
73
|
4.2.2. Introduire les LN dans le SEF : y a t-il une
volonté politique réelle ?
|
.75
|
4.2.3. Entre absence de formation de maitres en langues
nationales et faible élaboration de supports didactiques : quelle est
la responsabilité de l'Etat du
Sénégal ? ..77
4.2.4 La représentation sociale de la langue officielle
versus celle des LN ..79
Conclusion générale : perspectives de
recherche doctorale .82
Bibliographie générale 84 ANNEXES
I-Guide d'entretien
> Guide d'entretien- anciens
enseignants Thème 1 : blocages et politique
linguistique de l'Etat
Thème 2 : blocages et massification des langues
occidentales dans le système
d'enseignement
Thème 3 : blocages et plurilinguisme de la
société sénégalaise
Thème 4 : blocages et mesures d'accompagnement
(finance, matériels didactiques...)
> Guide d'entretien - enseignants
Thème 1 : blocages et politique linguistique de
l'Etat
Thème 2 : blocages et massification des langues
occidentales dans le système
d'enseignement
Thème 3 : blocages et plurilinguisme de la
société sénégalaise
Thème 4 : blocages et mesures d'accompagnement
(finance, matériels didactiques...)
> Guide d'entretien-inspecteurs de
l'éducation
Thème 1 : blocages et politique linguistique de
l'Etat
Thème 2 : blocages et massification des langues
occidentales dans le système
d'enseignement
Thème 3 : blocages et plurilinguisme de la
société sénégalaise
Thème 4 : blocages et mesures d'accompagnement
(finance, matériels didactiques...)
> Guide d'entretien-syndicalistes de
l'enseignement Thème 1 : blocages et politique
linguistique de l'Etat
Thème 2 : blocages et massification des langues
occidentales dans le système
d'enseignement
Thème 3 : blocages et plurilinguisme de la
société sénégalaise
Thème 4 : blocages et mesures d'accompagnement
(finance, matériels didactiques...)
> Guide d'entretien -chefs
d'établissement
Thème 1 : blocages et politique linguistique de
l'Etat
Thème 2 : blocages et massification des langues
occidentales dans le système
d'enseignement
Thème 3 : blocages et plurilinguisme de la
société sénégalaise
Thème 4 : blocages et mesures d'accompagnement
(finance, matériels didactiques...)
Questionnaire (Destiné aux parents
d'élève)
Bonjour ! Je m'appelle pape samba GUEYE, je suis
étudiant en cinquième année de sociologie à
l'université Gaston Berger de saint- Louis. Je travaille actuellement
dans le cadre de mon mémoire de Master 2 sur les facteurs de blocages de
l'introduction des langues nationales dans le système éducatif
formel. C'est le motif de la délivrance de ce questionnaire au
prés de vous. En effet, nous pensons en tant que parent
d'élève, vous êtes très bien apte à nous
fournir des éléments de réponse fiables afin que nous
puissions mieux cerner notre objet de recherche. Sur ce, nous saluons votre
volonté à participer à l'élaboration de cette
étude scientifique.
SECTION 1 : Identification sociologique
1- Nom et prénom :
2-Age :
1. 20- 30
2. 31-40
3. 41 - 50
4. 51- 60
5. 61 ou plus
3-Sexe :
1. Masculin 2. Féminin
4-Ethnie :
1. sérère
2. wolof
3. peulh
4. diola
5. mandingue
6. soninké
7. autres
Précisez
5-Religion : 1. Musulman 2. Chrétien 6-Niveau
d'étude :
1. primaire
2. secondaire
3. supérieur
4. sans niveau
5. autres
Précisez .
7-Catégorie socioprofessionnelle:
1. fonctionnaire de l'Etat 2. privé 3. Sans
activité 3. autres
Précisez
SECTION 2 : caractéristiques
sociolinguistiques
1- Quelle langue parlez-vous le plus au sein de votre famille?
2-Quelle LN59 maitrisez -vous bien ?
Wolof
Sérère
Peulh
Autres Précisez .
3-savez-vous lire dans cette langue ? OUI NON
4-savez-vous écrire dans cette langue ? OUI NON
5-Quelle LN parlez-vous le plus en dehors de chez vous ? Wolof
sérère peulh
autres
Précisez
4-Quelle langue parlez-vous au lieu de votre travail ? Wolof
sérère
Peulh autres
Précisez
SECTION 3 : connaissance des reformes éducatives
prenant en compte les LN 1-Connaissez-vous des programmes pour
l'introduction des LN à l'école ?
OUI NON
Si oui citez-en un ou plus
2-Ces programmes continuent-ils toujours d'avoir lieu ? OUI NON
NRP
Si non pourquoi ? Cochez deux raisons parmi les suivantes
59 Langue nationale
- Manque de moyens financiers
- Manque de suivi technique
- Délaissement par les populations
- Manque de volonté politique
SECTION 4 : système de représentations et
introduction des LN dans l'enseignement formel
1-Selon vous les LN60 peuvent-elles être
introduites dans le SEF61 ?
OUI NON NRP
Pourquoi ?
2-Selon vous, introduire les LN dans le SEF est-elle ?
BONNE TRES BONNE MAUVAISE TRES MAUVAISE
Pourquoi
3-Selon vous les LN ont-elles la même valeur que le
français, l'anglais ou l'arabe ? OUI NON NRP
Pourquoi ?
4-Aimeriez-vous que vos enfants apprennent une LN à
l'école ? OUI NON
5-Quelle langue souhaiteriez-vous quelle soit ?précisez
:
Pourquoi
6-Selon vous quelle est la cause efficiente de la
non-introduction des LN dans le SEF ? - Manque de volonté politique
- problème socioculturel ou multilingue
61 Système d'enseignement formel
- Cause économique et didactique
Autres
précisez
7-Qu'est ce qui justifie votre réponse
SECTION 5 : Généralités
1-Quel discours tenez-vous sur les politiques linguistiques
entreprises par le Sénégal depuis les années 1960 ?
2-Quel jugement portez-vous sur l'absence des LN dans le SEF
sénégalais ?
3-quel regard avez-vous sur le multilinguisme au
Sénégal par rapport au SEF ?
4-Selon vous quelles sont les solutions pour introduire les LN
dans le SEF ?
Je vous remercie de votre participation et de votre
patience !!!
II-Données demolinguistiques du
Sénégal
Ethnie
|
Langue maternelle
|
Affiliation linguistique
|
Population
|
Pourcentage
|
Wolofs
|
wolof
|
famille nigéro-
|
4 422
|
520
|
42,0
|
%
|
congolaise
|
|
|
|
|
|
|
|
Peuls (Fulacunda)
|
peul
|
famille nigéro-
|
1 455
|
000
|
13,8
|
%
|
congolaise
|
Sérères
|
sérère
|
famille
|
1 126
|
200
|
10,7
|
%
|
nigéro-
|
congolaise
|
Toucouleurs
|
peul (tho)
|
famille
|
833
|
800
|
7,9
|
%
|
nigéro-
|
congolaise
|
Mandingues
|
mandingue
|
famille nigéro-
|
566
|
000
|
5,3
|
%
|
congolaise
|
Peuls (Fulbe Jeeri)
|
peul
|
famille nigéro-
|
450
|
000
|
4,2
|
%
|
congolaise
|
Mancagnes
|
mancagne de l'Ouest
|
famille nigéro-
|
359
|
335
|
3,4
|
%
|
congolaise
|
Jola
|
diola fogny
|
famille nigéro-
|
339
|
610
|
3,2
|
%
|
congolaise
|
Soninkés (Sarakolés)
|
sonimké
|
famille nigéro-
|
217
|
220
|
2,0
|
%
|
congolaise
|
Lebou
|
wolof
|
famille nigéro-
|
140
|
000
|
1,3
|
%
|
congolaise
|
Futa Jalon
|
peul
|
famille nigéro-
|
100
|
000
|
0,9
|
%
|
congolaise
|
Balanta
|
balanta
|
famille nigéro-
|
82
|
841
|
0,7
|
%
|
congolaise
|
Mandjaques
|
Mandjaque
|
famille
|
70
|
200
|
0,6
|
%
|
nigéro-
|
congolaise
|
Bambara
|
bamanankan
|
famille nigéro-
|
60
|
820
|
0,5
|
%
|
congolaise
|
Capverdiens
|
kriolu
|
créole
|
55
|
000
|
0,5
|
%
|
portugais
|
Soussous
|
soussou
|
famille nigéro-
|
28
|
443
|
0,2
|
%
|
congolaise
|
Mossi
|
mòoré (mossi)
|
famille nigéro-
|
25
|
000
|
0,2
|
%
|
congolaise
|
Jahanka
|
jahanque
|
famille nigéro-
|
24
|
217
|
0,2
|
%
|
congolaise
|
Mankanya
|
mancagne
|
famille nigéro-
|
23
|
500
|
0,2
|
%
|
congolaise
|
Bainouks
|
bainouk- gunyaamolo
|
famille nigéro-
|
20 700
|
0,1 %
|
congolaise
|
Français
|
français
|
langue
|
20 000
|
0,1 %
|
romane
|
Yalunka (Jalonkés)
|
jalonké
|
famille nigéro-
|
14 375
|
0,1 %
|
congolaise
|
Konyagi
|
conhague (wamei)
|
famille
|
14 000
|
0,1 %
|
nigéro-
|
congolaise
|
Bandials
|
bandial
|
famille nigéro-
|
9 000
|
0,0 %
|
congolaise
|
Bassari
|
bassari
|
famille nigéro-
|
7 850
|
0,0 %
|
congolaise
|
Khassonkés
|
khassonké
|
famille
|
6 635
|
0,0 %
|
nigéro-
|
congolaise
|
Badyara
|
badjara (pajade)
|
famille
|
6 500
|
0,0 %
|
nigéro-
|
congolaise
|
Bediks
|
bassari du Bandeba
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famille nigéro-
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5 400
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0,0 %
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congolaise
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Créoles anglais
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créole
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créole anglais
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4 200
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0,0 %
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Papels
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papel
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famille nigéro-
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4 200
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0,0 %
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congolaise
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Zenaga
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zenaga
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chamito-
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1 896
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0,0 %
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sémitique
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(berbère)
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Portugais
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portugais
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langue
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1 700
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0,0 %
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romane
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Cobiana
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cobiana
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famille
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400
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0,0 %
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nigéro-
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congolaise
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10 496 562
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100 %
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Sources : Lois linguistiques: le
décret présidentiel no 71566 du 21 mai 1971; la loi
no 91-22 du 16 février 1991 portant orientation de l'Éducation
nationale, mise à jour du 27 mai 2009.
III-Position de la région de Fatick dans le
Sénégal
Sources : carte réalisée
par un camarade géographe
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