V.4 NOUVEAUX CONCEPTS DE LA MALNUTRITION
Quoique les tableaux cliniques de la malnutrition soient bien
connus, sa physiopathologie n'est pas toujours bien cernée. Les radicaux
libres ont été impliqués dans la pathogenèse de la
malnutrition. On sait actuellement qu'un apport insuffisant de certains
nutriments peut influencer la croissance de l'enfant sans même provoquer
une quelconque manifestation clinique (43). La notion de
malnutrition pluri carentielle, initialement proposée il y a plus de 5
ans par les auteurs latino-américains et oubliée lors de la
« période protéine » resurgit donc.
Le terme de malnutrition protéino-énergétique n'est plus
d'actualité. Actuellement il est reconnu que plus de 40 nutriments sont
essentiels à la santé. Ces nutriments sont divisés en 2
groupes selon leur réponse à une carence.
Les nutriments de type 1
Ce sont des nutriments fonctionnels ; il s'agit de fer,
sélénium, iode, cuivre, calcium, thiamine, riboflavine,
pyridoxine, niacine, acide folique, cobalamine, vitamines A,D,E,K.
- Ils sont stockés dans l'organisme,
- leur concentration est réduite en cas de carence,
- Ils présentent des signes spécifiques de
carence,
- Ils n'entraînent pas de défaut de
croissance,
- Leur concentration est variable dans le lait maternel.
Les nutriments de type 2
Ce sont des nutriments de croissance ; il s'agit de
produits azotés, acides aminés essentiels, potassium,
magnésium, phosphore, souffre, zinc, sodium, chlore.
- Ils ne sont pas stockés dans l'organisme,
- leur concentration reste stable dans les tissus,
- il n'y a pas de signes spécifiques en cas de
carence,
- le défaut de croissance est le trait dominant,
- leur concentration est faible dans le lait maternel.
Des deux formes extrêmes de malnutrition que sont le
marasme et le kwashiorkor, ce dernier est le plus létal
(24).
Divers mécanismes ont été
proposés comme étiologies principales du kwashiorkor, incluant le
déficit alimentaire en protéine, la présence d'aflatoxine
dans les aliments et une diminution de la synthèse des protéines
cellulaires renforcée par l'infection (44). Il y a
environ vingt ans, Golden et al proposaient la théorie des radicaux
libres. Cette théorie propose que le kwashiorkor survient d'un
excès de lésions nuisibles résultant à la
génération de réactions oxydatives des radicaux libres
suffisants pour dépasser les capacités antioxydatives de
l'hôte. L'hypothèse la plus documentée concerne le
déséquilibre entre la production de radicaux libres et les
mécanismes de défense. La forme oedémateuse de la
malnutrition de l'enfant ou de l'adulte n'est pas causée par un
déficit en protéine; un tel concept peut aboutir à une
erreur thérapeutique fatale dans sa prise en charge. Dans le
kwashiorkor, le déficit porte probablement sur un ou plusieurs
nutriments de type 1, particulièrement ceux intervenant dans la
protection antioxydante (45). Il existe un stress oxydatif
dans le kwashiorkor; ce stress provient principalement de l'infection, de
l'ingestion d'aflatoxine et d'endotoxines bactériennes et d'une
croissance insuffisante des intestins. Dans le kwashiorkor, à cause de
l'altération de la membrane cellulaire, il ya une diminution du
potassium intra cellulaire tandis que le sodium intra cellulaire est
augmenté. On ne sait pas encore par quel mécanisme le stress
oxydatif cause l'oedème (44).
Chez les enfants marasmiques, le système antioxydant
est altéré, avec un stress oxydatif élevé
(46). Le taux de glutathion des globules rouges,
l'activité du glutathion peroxydase et le taux de sélénium
sérique sont faibles chez ces enfants (47).
Un stress oxydatif peut survenir, dû à un excès de
production d'oxydants, une diminution d'antioxydants ou une combinaison des
deux. Le paraxonase est un composant qui est connu pour retarder l'oxydation de
lipoprotéine cholestérol de faible densité;
l'activité antioxydante de la lipoprotéine cholestérol de
haute densité est largement due à la paraxonase; la leptine est
une hormone secrétée par les adipocytes et qui joue un rôle
dans l'homéostasie de l'énergie du corps en contrôlant les
apports alimentaires; le total peroxyde est un marqueur du stress oxydatif. Les
enfants marasmiques ont un taux de paraxonase, de leptine sériques et
d'activité antioxydante totale significativement bas comparé
à celui des enfants normaux; par contre leur taux de total peroxyde
plasmatique est élevé. On a donc un stress oxydatif
élevé et une diminution des défenses anti oxydantes. Le
marasme est dû à un déficit en nutriments de type 2.
En conclusion, dans les deux formes extrêmes
de malnutrition que sont le kwashiorkor et le marasme, il existe un stress
oxydatif élevé et une diminution des défenses anti
oxydantes, comparés aux enfants en bonne santé. Le stress
oxydatif jouerait un rôle dans le développement de la malnutrition
ou alors il résulterait d'effets délétères du
déficit alimentaire en micronutriments. Le kwashiorkor est dû
à un déficit en nutriments de type 1, tandis que le marasme est
dû à un déficit en nutriments de type 2
(48,46).
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