La promotion de la lecture et de la culture suivrait, dans le
cadre du projet de restructuration, le concept de « troisième lieu
» et le modèle anglo-saxon. Les enquêtes ethnologique et
quantitative de 201076 étaient d'ailleurs axées sur
les étudiants et l'espace de la BNUT (notamment l'espace digital), et,
comme nous l'avons noté, non sur une confrontation entre les
différents publics et leur rapport aux collections, aux ressources
numériques et à la bibliothèque. L'étude
menée ces dernières semaines démontre au contraire la
nécessité de promouvoir les collections de la BNUT et
d'acquérir aussi de nouveaux livres, tant dans le magasin que dans la
salle de consultation, car ils sont considérés comme
désuets par les usagers, afin qu'ils ne soient plus invisibles et
cachés dans les rayons du magasin.
Les ressources de la bibliothèques doivent donc
être adaptées aux différents usagers ainsi qu'à
leurs différents degrés de spécialisation, afin de ne pas
figer ces publics dans des carcans prédéfinis, mais aussi tenir
compte des usagers potentiels, pour leur donner la possibilité de
devenir « réels ». « Les services étaient
proposées, jusqu'à présent, parce qu'ils étaient
considérés comme bons, plutôt que parce qu'il
répondait à une demande de la population »77 : il
est ainsi que le sociologue français remet en cause les missions
traditionnelles de la bibliothèque.
Le projet de restructuration de la BNUT met en cause son
organisation et propose une promotion de la lecture et de la culture assez
ambitieuse, bien qu'occultant et n'insistant pas assez, sur le rapport
lecteur-collections, sur la proposition d'une innovation dans la politique
d'acquisition pratiquée actuellement etc. Ce qui peut être
compréhensible, étant donné les difficultés
budgétaires dans laquelle se situe actuellement la bibliothèque.
Mis à part ces réserves, le projet de promotion de la lecture
s'appuie principalement sur le renforcement de l'image de la
bibliothèque et dans la bibliothèque :
· Utilisation des techniques de guérillas
marketing, des autocollants par terre, ou des écritures sur les miroirs
et des post-it qui promeuvent des noms d'écrivains. Pour renforcer la
présence de la bibliothèque dans la ville, mener des campagnes
périodiques de communication ;
· construction d'une tour de livres dans la rampe
d'accès qui mène aux différents services de la
bibliothèque, afin de promouvoir les collections de la BNUT ;
· développement du web 2.0, qui permettrait
d'exporter la médiathèque dans le reste des services de la
bibliothèque et dans la ville : création d'un cercle des lecteurs
sur le web, installation multimédia autour du livre et de la lecture,
projection des derniers livres consultés sur Amazon etc.
Pour ce qui concerne la promotion de la culture, la BNUT
prévoit la construction d'une médiathèque au niveau de
l'auditorium, dotée d'une entrée autonome et d'horaires
différents de la bibliothèque, car
76 GIAVINA-CASPETTIN Maddalena, Luoghi da leggere,
cit.
77 POISSENOT Claude, Penser la nouvelle
bibliothèque, [en ligne]
<http://penserlanouvellebib.free.fr/ >. Consulté le 29 mai
2011
adaptée à un public diversifiée. Elle
offrirait :
· ouverture le soir, afin d'héberger des
concerts, cours de danses etc, toujours sur le modèle des Idea Store
londoniens, par la construction de partenariats avec les différents
instituts culturels de la ville ;
· prêt de nouveaux supports : CD, CD-ROM, DVD
etc
· développement des ressources numériques et
du web 2.0 : blogs, wikis dédiés aux lecteurs de la
bibliothèque, projection de films etc.
· vidéoprojection de nuages de tags
déposés par les publics sur le site de la
médiathèque.
Ce projet de restructuration complet dresse une image de la
BNUT comme bibliothèque du futur. Par contre, au-delà de la
promotion de la lecture et de la culture auprès des différents
publics, la BNUT ne doit pas oublier les fondements de ses missions, dont le
premier point est la conservation. La salle des manuscrits vit en ce moment des
heures difficiles : retard dans la digitalisation des manuscrits par rapport
aux autres bibliothèques italiennes, présence de catalogues
imprimés obsolètes78 budget insuffisant pour la
restauration des manuscrits, pour leur conservation dans le dépôt,
présence d'un tas de sable dans la salle d'étude des manuscrits,
dû à la pluie, porte d'entrée cassée et
fermée à l'aide d'un ruban... La BNUT doit donc penser à
consolider ses bases, fragiles actuellement, et ne pas oublier ses
premières missions, afin de satisfaire tous ses publics et son
personnel.
Pour ce qui concerne l'étude présente, les
étudiants universitaires de la BNUT sont un public inobservable sans une
confrontation avec les autres publics, qu'ils soient actifs occupés,
désoccupés ou chercheurs, puisque leur relation permet de
comprendre quels sont aujourd'hui les besoins de la bibliothèque. Les
enquêtes quantitatives et qualitatives nous ont permis d'observer que les
usagers, selon leur typologie et leur centre d'intérêt, ont des
attentes distinctes des politiques d'accueil : les plus
spécialisés désirent plus d'aide de la part des
bibliothécaires, plus d'accès et de visibilité des
collections, plus de postes de lecture individuels, quand les autres
désirent avoir un accès plus intensifié à internet
et des salles de groupe.
L'enquête démontre aussi que la typologie des
publics étudiants est elle-même clivée en deux publics,
"réels '' et "potentiels" et il faut donc par ailleurs veiller à
ne pas figer les publics dans un groupe distinct, puisqu'il sont amenés
à évoluer. Autre constat important : la BNUT doit agir non
seulement auprès des différents services à la base des
politiques d'accueil de son établissement (salle d'enregistrement et des
périodiques, salle de consultation et salle de prêt-distribution),
mais aussi penser à ses collections, qui nécessitent une
véritable politique de conservation et d'acquisition, difficile en ce
moment à cause des coupures ministérielles. Les ressources
numériques sont, certes, un secteur porteur pour la bibliothèque,
mais elle ne doit pas, parallèlement à ce développement
indispensable, oublier ses collections et la conservation de son patrimoine. Le
futur de la BNUT est donc résolument orientée vers les
bibliothèques du « troisième lieu », mais elle doit
penser à adapter ce modèle aux besoins spécifiques de ses
publics et à ne pas se focaliser seulement sur le public étudiant
et non étudiant, même si les autres publics sont minoritaires,
sous peine de chasser définitivement ce public, et de brouiller ses
missions initiales, de devenir en somme non plus une Bibliothèque
Nationale, mais une bibliothèque municipale.
78 D'ailleurs le désherbage n'existe pas à la
BNUT, à cause du DL, mais est aussi appliqué sur les livres hors
DL, ce qui suscite des problèmes d'acquisition et d'espace pour le
rangement des livres.