4.2 Interprétation des résultats
Nous présentons ici les principaux résultats des
simulations des politiques fiscales. Les premières hypothèses de
simulation cherchent à répondre à la question suivante :
quels sont les effets économiques d'un alourdissement de la pression
fiscale?
Le tableau 4.1 résume les impacts des
différentes politiques économiques sur les agrégats
macro-économiques du Burkina Faso. Les différentes valeurs du
tableaux sont en pourcentage par rapport à la situation de base.
2General Algebraic Modeling System
3International Food Policy Research Institute
TAB. 4.1 - Scénario 1 : Impacts sur les
agrégats
|
TVASIM
|
TASIM
|
TFSIM
|
TMSIM
|
TINSSIM
|
TQSIM
|
Absorption réelle
|
-0,2
|
-0,1
|
|
-0,1
|
|
-0,1
|
Consommation privée réelle
|
-0,3
|
-0,2
|
|
-0,2
|
|
-0,2
|
Volume d'investissement
|
|
1,1
|
|
|
|
|
Consommation publique réelle
|
-0,2
|
|
|
|
|
|
Exportations réelles
|
|
|
|
-0,1
|
|
-1,1
|
Importations réelles
|
|
|
|
-0,4
|
|
-0,6
|
Taux de change réel en PPA
|
|
|
|
|
|
0,1
|
Taux de change nominal
|
-0,1
|
|
|
|
|
|
Indice des prix des biens échangeables
|
-0,6
|
0,1
|
-0,7
|
|
|
|
Indice des prix des biens non échangeables
|
-0,1
|
-0,1
|
|
|
|
-0,1
|
Indice des prix à la consommation
|
|
-0,1
|
|
0,1
|
|
0,6
|
Terme de l'échange
|
0,7
|
|
0,7
|
|
|
|
Poids de l'investissement dans le PIB
|
|
|
|
|
|
0,2
|
Poids de l'épargne privée dans le PIB
|
|
|
0,7
|
|
-0,6
|
-0,7
|
Poids de l'épargne étrangère dans le PIB
|
|
|
|
-0,1
|
|
-0,1
|
Poids du déficit commercial dans le PIB
|
|
|
|
|
|
-0,2
|
Poids de l'épargne publique dans le PIB
|
|
|
|
0,1
|
0,6
|
1
|
NOTES :TVASIM : tva , TASIM : taxes sur produit ; TMSIM : droit
de douane
TFSIM : taxes sur capital; TINSSIM : taxes sur revenu des
secteurs ; TQSIM : taxes sur ventes de produits
Source : Nos calculs sous GAMS à partir des données
de l'INSD(2008)
L'application d'une nouvelle taxe de 10% sur le
capital4 toutes choses égales par ailleurs, alimente les
ressources de l'État de 4%. Cet accroissement de revenu autoriserait une
augmentation de l'offre de services publics. Par contre cette taxe
réduirait le revenu des ménages. Il en résulte une baisse
de bien-être des ménages. Les ménages ruraux non pauvres
sont disposés à céder 2% de leurs revenus pour
empêcher l'application de cette taxe. Par contre, les ménages
pauvres5 bénéficient de cette taxe car leur
utilité s'accroît du fait de l'accroissement de l'offre de
services publics et des transferts de l'État, alors qu'ils ne
contribuent pratiquement pas à cette taxe6. Les
ménages ruraux pauvres sont disposés à céder 1,6%
de leurs revenus pour que la taxe soit appliquée. Au niveau
agrégé, l'absorption réelle se contracte du fait de la
baisse de la consommation privée. Aussi, la part de l'épargne
privée dans le FIB se réduit alors que l'épargne publique
s'accroît (effet d»eviction). Le produit réel se
réduit faiblement. L'effet de la taxe communale de développement
serait négatif sur le FIB réel ceteris paribus mais, elle serait
favorable aux ménages pauvres.
Une hausse de 20% des taxes sur les revenus des ménages
non pauvres, toutes choses égales par ailleurs, réduit la
consommation privée et donc de l'absorption totale. L'offre de bien dans
le secteur industriel se réduit (agro-alimentaires et industries non
alimentaires). Cette réduction de l'offre est aussi constatée
dans le secteur des services. En effet, l'offre de services
4Cette taxe s'apparente à la Taxe de
Développement Communal (TDC) dont l'assiette est le capital
5Les menages pauvres representaient 46,4% de la population
burkinabè en 2003, selon l'INSD.
6Les détenteurs de capitaux sont
essentiellement constitués de ménages non pauvres.
Impacts des politiques fiscales sur l'économie
burkinabè: Simulation à l'aide d'un MEGC 45
financiers se réduit ainsi que celui des transports.
Ces résultats s'expliquent par l'arbitrage entre le travail et le loisir
effectué par les ménages. Cet arbitrage semble favorable au
loisir car l'offre de travail des ménages se contracte. Le revenu de
l'État s'accroît de 1,35%, ce qui lui permet d'effectuer des
transferts vers les ménages. Ainsi, le bien-être des
ménages pauvres s'accroît. Cette politique aurait par contre peu
de popularité car elle implique une baisse du bien-être des
ménages non pauvres. Ces derniers exigeraient un accroissement de leur
revenu pour accepter l'application de cette taxe. Au niveau
macroéconomique, on assiste à une éviction de
l'épargne privée par le secteur public. Cette politique serait
favorable aux pauvres.
Une hausse de 20% des taux de taxation des produits de
l'industrie non alimentaire (Ceteris paribus) s'accompagne un effet
inflationniste sur qui réduit la consommation. La production de
l'industrie non alimentaire se réduit ainsi que celle du secteur
agricole. Ce résultat se justifie par le fait que les biens de
l'industrie non alimentaire constituent des intrants pour les activités
agricoles. La taxation de ces produits accroît ainsi le coût de la
production agricole. La baisse de la production induirait un recul des
exportations et partant, une dégradation du solde commercial. Une hausse
des droits de douanes de 20% sur les produits alimentaires, se traduit, toutes
choses égales par ailleurs, par un accroissement de l'indice des prix
à la consommation de 10%, entrainant un recul consommation
privée. Ce résultat est en adéquation avec
l'hypothèse selon laquelle tous les biens sont normaux. Du coté
des producteurs, la hausse des droits douanes entraînant une
réorientation partielle de la demande nationale vers les biens locaux,
autorise un accroissement de la production domestique, mais la consommation
totale des ménages se réduit globalement. Selon la fermeture
macroéconomique retenue, l'investissement en volume est fixé et
ce sont les taux d'épargne qui s'ajustent de façon
endogène pour générer une épargne suffisante pour
financer l'investissement. Il ya une éviction de l'épargne
étrangère par celle publique .En ce qui concerne l'État,
ses revenus s'accroissent du fait de l'accroissement des recettes
douanières. Finalement, cette politique entraîne une
légère baisse du PIB. Ces simulations montrent l'existence d'un
effet ambigu d'un alourdissement de la pression fiscale sur
l'économie.
Le scénario 2 recherche une réponse à la
question suivante : la politique fiscale est-elle en mesure de réduire
les effets des chocs externes? Pour ce faire, nous supposons une hausse de 50%
des prix à l'importation des produits alimentaires et une réponse
de l'État se traduisant par exemple par un désarmement douanier
complet sur les biens alimentaires. Le tableau 4.2 reproduit les impacts d'une
crise combinée avec la réponse du gouvernement. La crise a pour
effet une hausse des prix à l'importation (PWSIM) et la réponse
se traduit par un désarmement douanier complet sur les produits
alimentaires (TMSIM). L'effet de la crise sur
les agrégats économiques est
résumé par la première colonne alors que le
désarmement douanier, en absence de crise, aurait produit le
résultat consigné dans la colonne 2. La dernière colonne
du tableau est le résultat de la crise auquel l'État a
tenté une correction.
TAB. 4.2 - scénario 2 : Crise et réponse de
l'État
|
PWMSIM 50%
|
TMSIM annulation
|
TOTALSIM
|
Absorption réelle
|
-2,1
|
0,6
|
-1,6
|
Consommation privée réelle
|
-3,4
|
0,9
|
-2,7
|
Exportations réelles
|
-1,4
|
0,4
|
-1,2
|
Importations réelles
|
-7,5
|
2,4
|
-6,1
|
Taux de change reel en PPA
|
4,5
|
|
4,4
|
Indice des prix des importations
|
6,3
|
|
6,3
|
Indice des prix des biens échangeables
|
4,3
|
|
4,3
|
Indice des prix des biens non échangeables
|
-0,1
|
|
-0,1
|
Indice des prix à la consommation
|
2,2
|
-0,5
|
1,7
|
Terme de l'échange
|
-5,9
|
|
-5,9
|
Poids de l'investissement dans le PIB
|
-0,1
|
0,1
|
|
Poids de l'épargne privée dans le PIB
|
0,4
|
-0,1
|
0,4
|
Poids de l'épargne étrangère dans le PIB
|
-0,6
|
0,6
|
-0,1
|
Poids du déficit commercial dans le PIB
|
-0,7
|
0,2
|
-0,5
|
Poids de l'épargne publique dans le PIB
|
0,2
|
-0,4
|
-0,2
|
Poids des importations dans le PIB
|
-0,1
|
-0,3
|
-0,4
|
Source : Nos calculs sous GAMS à partir des données
de l'INSD(2008)
La hausse de 50% des prix à l'importation des produits
alimentaires s'apparente aux effets de la crise alimentaire de 2008. Cette
accroissement entraine, ceteris paribus, une hausse des prix de
l'absorption7 des produits agricoles de 3% et ceux de l'industrie
alimentaire de 7%. Ce qui implique une hausse de l'indice des prix à la
consommation de 2%. Les produits domestiques deviennent plus compétitifs
que leurs concurrents étrangers sur le marché domestique. Il
s'ensuit une baisse des demandes d'importation de 36% des produits de
l'industrie alimentaire et de 68% des produits agricoles. Suivant
l'hypothèse de mobilité des facteurs, certains producteurs se
réorientent partiellement vers les nouvelles activités
attractives. Ce pourquoi on assiste à une baisse de l'offre de produits
de l'industrie non alimentaire ainsi qu'une réduction de l'offre
domestique de services marchands. La production domestique de biens agricoles
augmente ainsi que celle de produits de l'industrie alimentaire. Par ailleurs,
la réorientation des certaines activités vers le marché
local entraîne un léger recul des exportations mais une
réduction significative des importations, ce qui justifie la
réduction du déficit externe. De plus, la hausse des prix
à l'importation dégrade les termes de l'échange de 6%.
Pour les ménages, on assiste à une baisse de leur
bien-être due à l'inflation et la baisse du niveau de
l'activité. Le bien-être est approché par la variation
équivalente définie comme
7Les prix de l'absorption sont constitués des
moyennes arithmétiques des prix des biens domestiques et des biens
importés.
Impacts des politiques fiscales sur l'économie
burkinabè: Simulation à l'aide d'un MEGC 47
étant la disposition maximale des ménages à
recevoir permettant d'annuler la perte d'utilité due à la hausse
des prix.
Sur le marché du travail, l'offre de travail des
ménages se réduit8. Par contre, la hausse des prix des
denrées alimentaires rend les secteurs agricole et agro-alimentaire plus
attractifs. La demande de travail de ces derniers augmente mais diminue pour
les autres secteurs9. Il en résulte un léger
accroissement du chômage. Globalement, on assiste à une baisse du
PIB et un accroissement du chômage malgré la baisse du
déficit externe de 6%.
L'État répond par un désarmement douanier
complet sur les produits alimentaires importés dans le but d'extirper la
crise. Ce paragraphe décrit et analyse les différents impacts sur
les revenus des agents et le bien-être des ménages. Comment les
politiques fiscales, définies plus haut, influencent le revenu des
agents?
On s'intéresse d'abord à l'impact sur le revenu
des entreprises et de l'État. Le graphique 4.1 fournit les
différents impacts de la hausse des prix à l'importation des
produits alimentaires (en rouge), suivi d'une annulation des droits de douanes
(en bleu).
FIG. 4.1 - Impact sur les recettes de l'État et des
entreprises
L'inflation importée réduit le revenu
réel des entreprises et de l'État pour les raisons ci-dessus
explicitées. La production de biens alimentaires augmente certes,
étant donnée la réorientation de la demande locale vers
les produits alimentaires domestiques, mais les activités de production
utilisant les produits alimentaires comme intrants constatent une baisse de
leurs productions et de leurs revenus. In fine, le produit réel global
se réduit, le prix des exportations demeurant inchangé, les
termes de l'échange se détériorent de 2,4%.
La réponse du gouvernement, le désarmement
douanier, réduit ses recettes douanières mais augmente le revenu
des entreprises (ceteris paribus). L'effet net est une baisse des revenus
8L'arbitrage entre le travail et le loisir serait ici
en faveur du loisir.
9La raison de cette baisse tient au fait que le
facteur travail est mobile et se dirige vers les secteurs les plus
productifs
de l'État10 et une atténuation de
l'effet de la crise pour les entrepreneurs. Qu'en est-il des consommateurs?
Le graphique 4.2 représente le niveau de la variation
compensatrice suite à l'augmentation des prix à l'importation des
produits alimentaires et au désarmement douanier.
FIG. 4.2 - Impact sur le bien-être des ménages
d'un choc négatif avec correction par l'État
En termes de variation de bien-être, on constate que les
ménages ruraux réclamerons une compensation plus
élevée pour rester indifférents face à la hausse
des prix des produits alimentaires importés. Les menages ruraux
supportent plus les effets du choc externe. Il leur faut un accroissement de 4%
de leur revenu pour qu'ils retrouvent le même niveau d'utilité. Si
une telle compensation n'est pas envisagée, ils supporterons les
coûts de cette hausse des prix, coûts qui restent supérieurs
à ceux que paieront les ménages urbains.
L'allègement fiscal constitue un contre-poids aux chocs
exogènes affectant l'économie du Burkina Faso. Il réduit
l'effet négatif du choc. Ce qui confirme notre première
hypothèse de recherche : l'allègement fiscal atténue les
effets des chocs récessifs sur l'économie. Dès lors, la
politique fiscale peut constituer un instrument puissant de stabilisation de
l'économie dans le cas du Burkina Faso.
|
|