Introduction
Contexte
Le Burkina Faso fait partie des Pays Pauvres Très
Endettés (PPTE). Son Indice de Développement Humain (IDH),
publié annuellement par le Programme des Nations Unies pour le
Développement (PNUD), le classait 177e sur 182
pays1 en 2009. Son économie est essentiellement basée
sur l'agriculture, qui reste soumise aux aléas climatiques. De ce fait,
la production intérieure fluctue au gré des conditions
climatiques. Le pays a été secoué, la décennie
passée, par deux crises alimentaires. La première crise, survenue
en 2005, avait pour cause principale l'invasion des espaces agricoles par les
criquets pélerins. La seconde crise alimentaire (2008) quant à
elle, avait pour principale cause la baisse de l'offre mondiale de produits
alimentaires.
Ces crises se sont traduites par une montée des prix
des produits agricoles. Selon l'Organisation des Nations Unies pour
l'Alimentation et l'Agriculture (FAO)2, l'inflation est due aux
changements climatiques, à l'accroissement de la demande pour la
production de biocarburants, à la sécheresse, à la hausse
des prix de l'énergie et à la hausse de la demande interne des
pays exportateurs. A ces crises alimentaires, s'ajoute la crise
financière (crise des sub-primes), née aux États-Unis et
qui s'est propagée à l'économie réelle. Cette
crise, survenue en 2008, s'est transmise aux économies des partenaires
financiers de l'économie américaine. Ces chocs combinés,
en l'espace d'une décennie, posent de sérieux défis aux
responsables de la politique économique du Burkina Faso.
Quelle politique de stabilisation faut-il mettre en oeuvre pour
atténuer les effets récessifs de ces chocs exogènes sur
une économie?
Au regard de ces crises survenues, l'État
burkinabè a reconsidéré sa fonction de stabilisation de
l'économie. Ainsi, des mesures d'urgence ont été prises
dont l'annulation des taxes sur les produits essentiels importés.
1Rapport mondial sur le développement humain
2009, PNUD
2Voir "Soaring food prices : facts, perspectives,
impacts and actions required" FAO, 2008.
Problématique
Depuis les années 1991, l'État burkinabè
s'est engagé dans un vaste programme de réforme de
l'économie. Ces réformes se sont traduites par des mesures de
libéralisation de l'économie et du commerce, conditions
favorables au développement de l'initiative privée. Malgré
ces reformes, le secteur privé reste embryonnaire. En effet, la
proportion d'emplois dans le secteur privé formel est de 13%3
contre 12,7%4 dans le public. L'État dispose
traditionnellement de trois grands instruments de financements de ses
dépenses : la politique monétaire, la politique fiscale et
l'endettement.
Depuis 1994, avec la création de l'UEMOA, la politique
monétaire, désormais conduite par la BCEAO, n'autorise plus le
financement monétaire du déficit public. Quant à la
politique d'endettement, la crise d'endettement a montré les limites de
l'usage de cet instrument. Ainsi le gouvernement burkinabè a de plus en
plus tendance à manipuler l'instrument fiscal pour financer les
conditions d'une croissance auto-entretenue. L'exemple récent est
l'instauration de la Taxe de Développement Communal (TDC)5en
Février 2010 dont l'objectif est de doter les autorités
municipales de ressources pour financer les activités de
développement au niveau des communes. Il s'en est suivi de mouvements de
grève de la part des populations dans plusieurs villes du Burkina
Faso.
Les recettes fiscales servent au financement des
dépenses publiques qui auraient un effet multiplicateur sur le revenu
national. Or, le montant et la structure des taxes et des impôts
perçus par le gouvernement ont des effets sur l'économie
entière. Lorsqu'une taxe est introduite, les agents économiques
sont obligés d'ajuster leurs comportements et ils consommeront des
quantités différentes du bien taxé qu'en absence de
taxation. Cet ajustement entraîne une réduction de
bien-être6. Si le gouvernement burkinabè souhaite
accroître les recettes fiscales par l'augmentation des taux d'imposition
ou par l'élargissement de l'assiette fiscale (Taxe de
Développement Communal par exemple), quels sont les effets attendus sur
l'économie?
La question centrale qui se pose est donc la suivante : quels
sont les impacts économiques des politiques fiscales sur les
variables "objectifs" de la politique économique au Burkina Faso?
3Annuaire Statistique 2008, INSD, Burkina Faso
4Annuaire Statistique 2008, INSD, Burkina Faso 5"La taxe
est assise sur les véhicules à moteur immatriculés au
Burkina Faso et sur les véhicules de même nature,
non soumis au régime de l'immatriculation, en
circulation effective sur le territoire national", Code des Impôts,
Direction Générale des Impôts(2009), Burkina
Faso 6Voir Anderson, 2003, p.274 pour plus de détails
Objectifs de l'étude
Cette section définit et précise les objectifs
poursuivis par cette étude.
L'objectif général de cette étude est
d'évaluer les impacts des politiques fiscales sur l'économie
burkinabè. Il s'agira particulièrement d'évaluer les
effets des choix actuels en matière de fiscalité, d'anticiper les
effets probables de l'introduction de nouvelles taxes, dans le but
d'améliorer la prise de décision en matière de
fiscalité au Burkina Faso. De manière spécifique, il
s'agira de :
· établir les relations techniques entre la
structure fiscale et les variables objectifs de la politique
économique;
· simuler les effets de la politique fiscale suivie et
envisagée par le gouvernement sur l'économie du Burkina Faso;
· proposer des mesures de relance de l'activité
économique qui serviraient à l'élaboration de la
Stratégie de Croissance Accélérée pour le
Développement Durable (SCADD).
Hypothèses de recherche
Pour atteindre ces objectifs, les hypothèses de recherche
suivantes ont été définies : Hypothèse1 un
allégement fiscal atténue les effets des chocs exogènes
sur l'économie burkinabè.
Hypothèse2 un accroissement des taux de taxation des
intrants agricoles se traduit par une baisse de la production agricole.
Démarche méthodologique
La demarche adoptée dans ce mémoire comporte
trois grandes articulations : une recherche documentaire, la construction d'une
matrice de comptabilité sociale et d'un modèle de simulation. La
simulation des impacts des politiques économiques répond à
une méthodologie particulière. Les développements
théoriques et les applications de ces méthodes sont nombreux.
Ainsi, une recherche documentaire sur le sujet est indispensable et permettra
d'élaborer une revue de littérature. La modélisation en
équilibre général se fonde sur la structure des
échanges entre les agents économiques sur les différents
marchés de l'économie à une date donnée. Cette
structure peut être résumée dans une matrice de
comptabilité sociale (MCS). Dans cette étude, il sera construit
une MCS à partir des données de la comptabilité nationale
du Burkina Faso. L'effet de la modification d'une variable de l'économie
est rarement isolé. Il est donc important de considérer dans
l'analyse, toutes les interactions existant entre les agents au sein de
l'économie. Ainsi, l'évaluation des impacts de la politique
fiscale sur l'économie burkinabè nécessite-t-elle la
spécification des relations existant entre les différents
secteurs et du comportement des marchés de façon
générale. Le modèle de simulation utilisé dans ce
mémoire est un Modèle d'Équilibre Général
Calculable (MEGC).
Ainsi, le chapitre 1 propose un examen du cadre
théorique et empirique des effets économiques des politiques
fiscales. Cette analyse identifie l'analyse en équilibre
général comme étant une approche qui permettrait
d'atteindre l'objectif général de ce mémoire. Il
conviendrait d'examiner la structure de l'économie du Burkina Faso
(Chapitre 2) qui orientera la construction d'une Matrice de Comptabilité
Sociale (MCS), outil indispensable de l'analyse en équilibre
général. La construction du modèle de simulation (MEGC)
est dès lors possible et fera l'objet du chapitre 3. Le chapitre 4
fournit les interprétations des principaux résultats et propose
un ensemble de recommandation en vue d'améliorer la prise de
décision.
Impacts des politiques fiscales sur l'économie
burkinabè: Simulation à l'aide d'un MEGC
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