2.3 Matrice de comptabilité sociale
Cette section est consacrée à la construction
d'une MCS du Burkina Faso.
2.3.1 Le circuit économique
Il est souvent commode de décrire l'économie
d'un pays à l'aide d'un circuit. Le circuit économique illustre
l'ensemble des flux monétaires existant entre les différents
secteurs institutionnels, constituant ainsi, une première approche
simplifiée d'une économie. Le circuit distingue deux types de
flux:
· les flux passant par un marché : il s'agit par
exemple des dépenses de consommation des ménages sur le
marché des biens et services, dépenses qui constituent une
composante des recettes des activités productives. Les activités
productives acquièrent des facteurs de production sur le marché
des facteurs, lequel marché rémunère les
propriétaires des facteurs, c'est-à-dire les ménages.
· les flux hors marché : constitués pour
l'essentiel des transferts entre les agents. Par exemple
le reste du monde octroie des ressources aux ménages
(les transferts des migrants), des
prêts et des dons à l'État et
l'entrée nette de capitaux alimente le compte d'accumulation. Toute
dépense d'un agent constitue une ressource pour un autre agent de sorte
que la dépense totale d'un agent est égale à ses
ressources. Il n'y a donc pas de fuite dans un circuit économique. La
MCS épouse l'idée du circuit économique, celle de
reconstituer l'ensemble des paiements entre les différents agents dans
une matrice.
2.3.2 Du circuit économique à la matrice de
comptabilité sociale
La MCS est une traduction des flux du circuit en une matrice
en attribuant des valeurs numériques pour chaque catégorie de
paiements identifiée dans le circuit. La MCS est une matrice
carrée, ou chaque ligne et chaque colonne désigne un
«compte». Chaque case du circuit économique représente
un compte dans la MCS. La lecture de la MCS peut se fait des colonnes vers les
lignes9 : chaque cellule de la matrice représente un flux de
dépense en provenance d'un compte en colonne concernée vers un
compte en ligne. Par exemple, les exportations constituent une dépense
pour le reste du monde sur le marché des biens et services. Dès
lors, la valeur des exportations sera renseignée à l'intersection
entre la colonne «reste du monde»et la ligne «biens».
9Elle peut également se faire des lignes vers
les colonnes mais cette fois ci la lecture se fait en termes de revenus.
Impacts des politiques fiscales sur l'économie
burkinabè: Simulation à l'aide d'un MEGC 27
2.3.3 Description de la matrice de comptabilité
sociale
Cette section propose une lecture détaillée de
la MCS et fournit une méthodologie de renseignement des valeurs de
chaque cellule de la matrice ainsi que les sources des informations. Les
opérations concernant chaque compte sont ainsi
répertoriées :
les activités et les biens
La MCS fait une distinction entre les
<<activités>> et les <<biens>>. La raison de
cette séparation tient au fait qu'un seul bien peut être l'output
de plusieurs <<activités>> et réciproquement une
seule activité peut avoir plusieurs output. Les
<<activités>> représentent les entités qui
produisent les biens et services en combinant des facteurs de production et des
intrants. Ces activités se procurent les consommations
intermédiaires sur le marché des biens et services, ce qui
correspond à l'intersection entre la première colonne (C1) et la
deuxième ligne (L2). A l'issu du processus de production, les
activités rémunèrent les facteurs de production (L3 - C1)
: versement de salaires pour la main d'oeuvre, des intérêts et des
profits pour le capital. L'ensemble de ces versements n'est rien d'autre que la
valeur ajoutée de l'activité. L'offre globale (L8-C2) des biens
et services est constituée par la production locale (L1-C2) qui est le
fait des <<activités>> et les importations (L7 - C2).
L'État y intervient en collectant des taxes indirectes (L5 - C2) sur le
marché domestique et des tarifs à l'importation. La demande
globale pour chaque bien ou service, quant à elle, provient de la
consommation finale des ménages (L2 - C4), de la consommation publique
(L2 - C5), de la formation brute de capital (L2 - C6) et la demande
étrangère (L2 - C7). La MCS base2007 du Burkina Faso comprend
neuf activités productives et neuf produits. Initialement construite
avec 18 activités, la MCS a été agrégée en
neuf activités dans le but de réduire l'étendue des
paiements. En effet, les activités ayant une <<faible>>
contribution à la valeur ajoutée nationale, peuvent constituer
une source d'erreur lors des simulations puisse qu'il s'agira dans ce cas d'un
<<bruit>> qui perturbera la structure de l'économie.
Si la construction de la MCS se limitait aux deux comptes
décrits ci-dessous, elle sera identique à la matrice
input-output. L'utilité de la MCS est celle de dépasser la
matrice input-output en intégrant d'autres informations notamment celles
relatives au compte des secteurs institutionnels, au compte d'accumulation et
aux transactions sur le marché des facteurs.
les secteurs institutionnels domestiques
Les ménages sont les détenteurs des facteurs de
productions et reçoivent par conséquent le revenu des facteurs
de production (L4 - C3). Ils bénéficient également des
transferts
Impacts des politiques fiscales sur l'économie
burkinabè: Simulation à l'aide d'un MEGC 28
de l'État (L4 - C5), constitués principalement
par les prestations sociales, et du reste du monde(L4 - C7), sous forme de
transferts des migrants à leurs familles d'origine.
Simultanément, les ménages s'acquittent des taxes perçues
par l'État (L5 - C4), et paient des biens et services pour la
consommation finale (L2 - C4). Le compte d'accumulation enregistre la
différence entre les revenus et les dépenses (L6 - C4). Ainsi le
ménage accumulera si son revenu excède ses dépenses et
désépargnera dans le cas contraire.
La MCS du Burkina Faso, base 2007, distingue quatre
catégories de ménages selon la situation financière
(pauvre et non pauvre) et le milieu de résidence (rural, urbain). Cette
désagrégation est très importante dans la mesure oil elle
permettra de mesurer les impacts différenciés des politiques
fiscales sur le bien-être des ménages en fonction de la
localisation et le niveau de vie.
L'Etat tire ses revenus des transferts du reste du monde (L5
- C7), il s'agit par exemple des dons intergouvernementaux, des prêts et
l'aide publique, et des recettes fiscales collectées sur les
différents marchés et auprès des secteurs institutionnels.
La consommation publique (L2 - C5) et les transferts sociaux aux ménages
(L4 - C5) constituent les principales utilisations de ce revenu. L'écart
entre les revenus et les dépenses représente le solde
budgétaire (L6 - C5).
La MCS base 2007 du Burkina Faso désagrège le
secteur «Etat» en distinguant les différentes types de
prélèvements effectués du compte courant. L'objectif de
cette étude étant la simulation des impacts de la politique
fiscale sur les agrégats macro-économiques du Burkina Faso, cette
séparation des impôts et taxes du compte courant de l'État
favorisera une compréhension approfondie des impacts des impôts
selon leurs types. Un tarif douanier n'aura certainement pas le même
impact sur une économie qu'une taxe sur la valeur ajoutée ou un
impôt sur le revenu des ménages. Cette MCS comprend ainsi cinq
catégories de taxes selon la définition retenue par la
comptabilité nationale, et consignées dans le Tableau Ressources
Emplois du Burkina Faso:
· les taxes indirectes sur les revenus des
activités
· la TVA et les autres taxes sur les produits
· les taxes directes sur les revenus des ménages
· les taxes sur les importations
· et les taxes sur les exportations.
Accumulation et Reste du monde
Suivant les contraintes d'équilibre de la MCS
précisées ci-dessus, le montant des investis- sements,
composé de la formation brute de capital fixe et de la variation de
stocks, doit égaliser la valeur de l'épargne. Concernant le
compte d'épargne, la MCS distingue l'épargne
Impacts des politiques fiscales sur l'économie
burkinabè: Simulation à l'aide d'un MEGC 29
privée (L6 - C4) de l'épargne publique (L6 -
C5). La différence entre l'épargne domestique et l'investissement
représente l'entrée nette de capitaux du reste du monde, ou
encore la balance courante(L6 - C7).
Les sources des données, données
nécessaires à la construction de la MCS, sont les comptes
nationaux du Burkina Faso élaborés par l'INSD10 pour
l'année 2007. Les comptes utilisés ici sont : (i)le Tableau des
Opérations Financières de l'État (TOFE), (ii) le Tableau
des Ressources -Emplois (TRE), (iii) le Tableau des Comptes Économiques
Intégrés (TCEI), (iv) la matrice Qui à Qui (QQ).
Les ajustements de la MCS
Le TRE est la principale source d'information de la MCS. Pour
ce faire, les légères différences aux niveaux de certains
postes entre le TRE et le TCEI sont ajustées en privilégiant les
informations consignées dans le TRE. Les corrections territoriales
représentent un poste qui corrigent pour les achats directs des non
résidents à l'intérieur du Burkina Faso et les achats
directs des résidents à l'étranger qui ne passent pas par
le circuit du commerce international. Pour les achats des non résidents
à l'intérieur du Burkina Faso, il faut retrancher cette
consommation de celle des ménages résidents à
l'intérieur et l'imputer au poste des exportations. Il s'agit en
réalité d'une exportation de biens et services. A contrario, les
achats directs des résidents à l'extérieur du Burkina Faso
sont considérés comme étant des importations des
ménages résidents à l'intérieur. La consommation
des ménages augmente du même montant. L'équilibre de la MCS
est assuré par l'augmentation équivalente des importations.
L'analyse de l'évolution des agrégats
macro-économiques permet de comprendre la structure de l'économie
du Burkina Faso, qui s'avère indispensable dans la construction du
modèle. A travers ce chapitre, une compréhension d'ensemble de la
structure de l'économie du Burkina Faso se dégage : il s'agit
d'un pays agricole, pauvre, dépendant de l'aide extérieure et
soumis fréquemment aux chocs exogènes. La mise en relation des
différentes interactions économiques entre les agents dans un
circuit dépense-revenu a été réalisée
à la section 3 de ce chapitre. La MCS du Burkina Faso base 2007, la plus
récente possible, est ainsi construite et se retrouve en Annexe de ce
rapport. Elle résume la structure d'ensemble de l'économie du
Burkina Faso. Elle peut servir à la réalisation de multiples
simulations quitte à appliquer de légères modifications en
apportant des informations complémentaires en fonction de l'objectif
visé par la cherche. Dans ce mémoire, cette MCS servira de base
aux simulations des impacts des politiques fiscales. Le modèle EGC,
modèle de simulation, sera calibré sur cette MCS. La description
de ce modèle fera l'objet du chapitre 3.
'°Institut National de Statistique et de la
Démographie
Impacts des politiques fiscales sur l'économie
burkinabè: Simulation à l'aide d'un MEGC 30
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