II.3. Les impacts sur l'économie
Dans le cas de la gestion des biodéchets il est
possible de mettre en place un modèle économique durable, sur la
base du concept « cradle to cradle 31». En effet, pour
faire court, les biodéchets produits sont collectés de
manière sélective pour
être acheminés vers une unité de
traitement biologique qui va permettre la production d'énergie tout en
obtenant au final un compost de qualité. Ce compost sera ensuite
utilisé en l'agriculture comme engrais ou amendement de sol pour faire
pousser des aliments qui à nouveau se retrouveront en partie dans la
poubelle à biodéchets... Et la boucle est bouclée. Les
denrées se retrouvent successivement à l'état de produit,
biodéchet, puis ressource. C'est là un des modèles
économiques les plus durables.
En matière de création d'emplois, la
prévention des déchets et d'un point de vue plus large
l'Education Relative à l'Environnement (ERE32),
présente un formidable potentiel de développement. De plus en
plus d'initiatives associatives visant à éduquer et sensibiliser
les jeunes et les moins jeunes à la nature qui les entoure
émergent, répondant à la préoccupation croissante
des populations d'une préservation des ressources et de l'environnement.
C'est dans ce contexte de transition entre d'un coté l'idéologie
chimérique d'une croissance infinie comme vérité absolue
et de l'autre la certitude de vivre dans un monde aux ressources
limitées qu'apparaissent des initiatives intéressantes. J'en ai
retenu deux qui me semblent intéressantes :
« Terra Cycle »,
société américaine fondée en 2001 par Tom Szaky
et Jon Beyer est pour moi un exemple à suivre.
31 Cf Définition Cradle to Cradle
32 Cf Définition ERE
L'histoire de cette multinationale débute en 2001
lorsque Tom Szaky, alors étudiant, découvrit qu'un de ses amis
avait des rendements incroyables en nourrissant ses plantes, qui poussaient
à la cave sous de grosses ampoules, simplement à l'aide de «
worms poop », soit littéralement des « crottes
de vers ». Quelques mois plus tard, Tom avait
réquisitionné son garage et commençait son élevage
de vers en les alimentant des restes alimentaires de la
cafétéria. Il se mit ensuite à commercialiser le «
thé à compost » ou « percolat », vendu comme
engrais dans des
bouteilles en plastiques issues d'une célèbre
boisson gazeuse à base de cola. Des années plus tard, TerraCycle
est devenue une multinationale, basée sur la récupération
de déchets ne disposant pas de filière de recyclage. Son concept
visant à « éliminer l'idée même de
déchets » en encourageant chacun d'entre nous à devenir
acteur du recyclage, et ce grâce à la création des brigades
du recyclage, est totalement innovante et fonctionne ! Terra Cycle a ouvert une
succursale en France en 2010 et compte bien se développer à
travers toute l'Europe très rapidement.
« Vers la Terre », est l'exemple d'une
société
française, ayant basé son activité sur la
formation
et l'éducation au compostage
et plus spécifiquement au vermicompostage. Cette
technique, plus adaptée aux milieux urbains densément
peuplés, se développe d'autant plus facilement depuis
l'avènement des démarches de management environnementales. En
effet, les sociétés privées comme les partenaires publics
s'engagent de plus en plus dans des démarches transversales
environnementales à travers les « agenda 21 », certifications
« ISO 14001 », « EMAS33 », les labels
régionaux tels que « Entreprise Eco dynamique » à
Bruxelles ou la méthode du « Bilan Carbone » de plus en plus
utilisée en France et en Europe. En effet, ces approches
environnementales proposent une démarche permettant dans un premier
temps d'identifier les impacts des activités la
33 Cf Définition en Annexes - EMAS
société sur l'environnement pour ensuite mettre
en place des mesures visant à réduire ces mêmes impacts.
Concernant le volet « déchets », au sein de
sociétés de services comme on en trouve à Bruxelles, il
serait ainsi judicieux d'encourager l'utilisation du vermicomposteur. Au vu du
nombre de cafés engloutis chaque jour au sein des bureaux bruxellois, il
est évident que le filon du marc de café, de thé et de
tout autre biodéchet n'est pas prêt de se tarir...
A propos de la collecte séparée, il ne faut pas
négliger les nouveaux emplois à créer en la matière
et notamment pour les petites installations de compostage. Ainsi la collecte
séparée peut nécessiter trois fois plus de main d'oeuvre
que la collecte des déchets mixtes.
Mais c'est aussi au niveau du développement de la
filière compost que les retombées pourraient être
importantes. D'abord en terme d'image, si l'Agence Bruxelles Propreté
pouvait produire un compost de qualité, répondant aux normes les
plus strictes et surtout plébiscité par les agriculteurs,
paysagistes et autres professionnels, ce serait déjà une grande
avancée. Ensuite, au niveau financier il serait possible de
commercialiser un compost de qualité bien au-delà de la valeur
actuelle, à savoir 8€ la tonne, comme cela se pratique actuellement
! En effet, même si ce n'est pas l'objet du présent travail, une
étude sur le potentiel commercial d'un compost de qualité
permettrait de déterminer les opportunités économiques du
projet. Pour information, la vente de compost oscille entre 1€/tonne
(piètre qualité) à 0.50€/kg (vermicompost
d'excellente qualité), soit une différence de 1 à 62,5
fois !
On comprend donc, à la lecture de ces
différentes initiatives, que le secteur de la gestion et du recyclage
des déchets est en plein essor. Ce n'est d'ailleurs pas par hasard, ni
par philanthropie que certains groupes mafieux se sont intéressés
à la chose. S'il est d'ailleurs important de laisser le champ libre au
développement de certaines activités privées, il est
à mon sens impératif, et l'UE va dans ce sens, que chaque
état membre puisse conserver un niveau de contrôle
élevé sur la gestion des déchets. Tout le dilemme est de
trouver la juste mesure entre une réglementation stricte,
préservant la santé et l'environnement, et des conditions
favorables à l'émergence d'initiatives entrepreneuriales
s'inscrivant dans le cadre de l'économie sociale.
Peut-être peut-on s'inspirer de la directive cadre européenne
« emballages » et de ses conséquences sur le
développement des filières de recyclage et de tri sélectif
ayant permis la création de 70.000 emplois en europe.
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