UNIVERSITE SAINT JOSEPH FACULTE DE
MEDECINE INSTITUT DE PSYCHOMOTRICITE
Vécu de guerre, PTSD, mémoire et
attention : étude comparative chez des enfants âgés
entre 8 et 12 ans
Note de recherche en psychomotricité EL
HASROUNY RACHELLE
Sommaire
Page
Introduction 4
I- Méthodologie de la recherche.
~~~~~..~~~~~~~~~~~~~ 6
Problematique~~~~~~~~~~.~~~~~~~~~~~~~~~~~~~6
Hypothèses~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~...12
Outils~.~~~~~~~~~~~~~~~..~~~~~~~~~.~~~~~~16
a- Les questionnaires~~~..~~.~~~~~~~~~~~~~~~~~.16
b- Les tests et les subtests~~~..~~~~~~~~~~~~~~~~~ .16
Échantillonnage ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~...19
Résultats. ~~~~~~~~~ ~~~~~~~~~~~~~~~~~ ~~ 22
A- Les questionnaires~~~~~. ~~ .~~~~~~~~~~~~~~~~22
B- Les tests et les subtests~~~~~~~. ~~~~~~~~~~~~~~~23
1. Analyse de variance~ ~~.~ ~~~~~~~~~~~~~~~~~ 23
a. Attention et mémoire, groupe expérimental et
groupe témoin~~~~~.24
a.1. Selon le groupe~ ~~ ~~~~~~~~~~~~~~~~~ 24
a.2. Selon le sexe~~. ~..~~~~~~~~~~~~~~~~ ~~24
b. Attention et mémoire, groupe expérimental
~~~~~.~~~~~~.25
b.1. Selon le groupe~~~~~.~~~~~~~~~~~~~~.~~.25
b.2. Selon le sexe~~. ~~~..~~~~~~~~~~~~~~~~ 25
2. Corrélation des variables dépendantes~ ~~
~.~~~~~~~~~~26
a. Groupe experimental~~~~~~~.~~..~~~.~~~~~~~~26
b. Groupe temoin~~~~~~. ~~~~~ ~~~~~~~~~~~.27
3. Analyse des protocoles individuels~~.
~~~~~~~~~~~~~27
a. Attention selective~~~~. ~~~~~~~~~~~~~~~~~27
b. Attention soutenue~~~~. ~~~~~~~~~~~~~~~~~27
c. Attention auditive~~~~. ~~~~~~~~~~~~~~~~~.28
d. Attention visuelle~~~. ~~~~~~~~~~~~~~~~~~.28
e. Memoire visuelle~~~. ~~~~~~~~~~~~~~~~~~ 29
f. Memoire auditive~~~~. ~~~~~~~~~~~~~~~~~ 29
Analyse et synthèse~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~..~~30
Conclusion 36
Bibliographie 37
Annexes. 41
- - Liste des tableaux
- - Questionnaires en arabe
Introduction
Parmi les problèmes qui se posent à nous au
Liban, le premier est celui de la guerre, ou la situation de guerre que les
enfants ont vécue pendant plusieurs années. Parmi eux, des
enfants ont directement vécu les bombardements, les affrontements
armés, les fuites et exodes dramatiques, etc. Des enfants qui survivent
à des évènements horribles n'en sortent
inévitablement pas intacts. Aucun être humain ne reste sans
réaction à la vision des êtres humains blessés,
tués ou terrorisés, ou à l'écoute des bombes qui
s'explosent tout près de lui. Certes, la survenue d'un
évènement traumatique dans la vie d'un enfant ou d'un adolescent
est une aventure complexe.
La guerre empéche l'enfant de vivre sa condition
d'enfant et le prive des éléments qui devaient participer
à son développement. « Des troubles se manifestent par un
ensemble de signes dont certains sont pathognomoniques d'un syndrome de stress
post-traumatique PTSD tels les reviviscences de l'évènement
traumatique, cauchemars, sursauts, angoisse, phobies, repli relationnel, des
troubles psychosomatiques. Selon leur âge, les symptômes
post-traumatiques peuvent transparaître dans le comportement, et leur
souffrance se manifester de diverses façons comme : agitation motrice,
trouble de l'attention, etc. Parfois, ils l'expriment sous forme de jeux ou de
comportements répétitifs ». (Bailly, 1999).
Cependant, les chercheurs intéressés à
comprendre l'impact de la guerre n'ont pas exclu l'impact possible de
l'exposition à des évènements traumatiques sur les
conditions de la santé mentale des personnes. Les troubles de la vie
d'après-guerre et les changements qui vont ébranler le sort de
ces enfants aux différents niveaux - économique, social, familial
- menacent de mettre en danger leur développement à long terme et
leur apprentissage. Les enfants pendant et après les guerres,
reçoivent rarement l'attention et l'assistance nécessaires pour
faire face à ce qu'ils ont vécu et pour les aider dans leur
rétablissement de leur futur développement (Machel, 1996).
L'évènement traumatique vient bouleverser la
personnalité dans son présent, dans son futur et même dans
son passé.
Au niveau intellectuel et scolaire, Heuyer (1948) note que le
niveau mental est peu touché par les incidences de la guerre. En
revanche, le niveau scolaire des enfants qui ont été victime de
guerre a nettement baissé.
En neuropsychologie infantile, une vraie corrélation
existe entre ces deux aspects, affectif et cognitif, pour aboutir à un
bon cheminement développemental de l'enfant. Il est essentiel
d'évaluer au moins sommairement la personnalité de l'enfant pour
comprendre l'importance des composantes affectives qui peuvent moduler voire
modifier l'efficience de ses fonctions cognitives.
Les fonctions exécutives recouvrent de processus
impliqués dans la régulation et le contrôle du
comportement. Plus précisément, elles entrent en oeuvre dans des
situations non routinières qui nécessitent l'élaboration,
l'exécution et l'évaluation d'un plan (et éventuellement,
sa correction) afin d'atteindre un but particulier (Censabella, 2007). Elles
englobent des notions variées, telles que supervision attentionnelle,
flexibilité, inhibition, planification, mémoire de travail,
résolution de problèmes, génération
d'hypothèse, raisonnement abstrait, estimation cognitive, ou encore
programmation, contrôle, et initiation du comportement.
Dans ce présent travail, nous nous intéressons
à étudier le lien qui pourrait entre certaines fonctions
exécutives (l'attention et la mémoire) et le vécu de
guerre des enfants libanais âgés entre 8 et 12 ans.
I- Méthodologie de la recherche
Nous tentons dans cette recherche à répondre
à la question suivante : Jusqu'à quel point, le vécu de la
guerre du juillet 2006, peut-il avoir des répercussions actuelles sur
les capacités attentionnelles et mnésiques des enfants du Sud du
Liban, appartenant à la tranche d'âge 8-12 ans ?
Problématique
En réalité, la guerre au Liban est une situation
à laquelle on ne pourra jamais échapper. En juillet 2006, le
dernier conflit armé israélo-libanais, qui a duré
trente-et-un jours, a laissé un bilan dramatique de pertes humaines et
matérielles. Comme toutes les guerres, cette violence extrême nous
a laissé des séquelles socio-psychologiques, économiques
et environnementales, ainsi que la haine, le non-respect, la peur de l'autre ou
de l'avenir, la difficulté à négocier, etc.
Des enquêtes sur les types des évènements
liés à la guerre, ainsi que les actes de violence
personnalisée, pouvant avoir des conséquences différentes
sur la santé mentale des enfants et des jeunes, étaient
essentiels, en gardant à l'esprit que les réponses à de
tels incidents de l'exposition peuvent se manifester dans une gamme de doux
à de graves troubles psychologiques, ou bien à une absence totale
de troubles (Baker & Shalhoub- Kevorkian, 1999).
Toute guerre peut être considérée comme un
ensemble d'épisodes stressants, causant des troubles psychologiques,
neuropsychologiques, comportementaux, cognitifs, langagiers, moteurs,
neurologiques, etc. Le syndrome le plus mis en évidence parmi ceux-ci
est le syndrome du stress post-traumatique, connu surtout par le PTSD. Comme
définition, cet état de stress post-traumatique a
été décrit après la guerre de Vietnam, et
appelé au début « la névrose de guerre ». C'est
une réaction à un traumatisme physique ou psychique, une
scène à laquelle on a assistée ou on a subie. Il y a un
intervalle libre avant l'apparition du trouble. Le patient va présenter
des flash-back des traumas, des troubles du sommeil, états de vigilance,
etc.
Selon le DSM IV, ce trouble atteint 0.5 à 2 % de la
population ; les femmes sont plus atteintes que les hommes. On peut avoir une
rémission totale et sans rechute. Le diagnostic du PTSD selon ce
même manuel est le suivant :
- Le sujet a été exposé à un
évènement traumatique.
- La reviviscence de ce trauma.
- Évitement persistant des stimulis associés au
traumatisme et émoussement de la réactivité
générale.
- Présence de symptômes traduisant une activation
neurovégétative : irritabilité ou accès de
colère, insomnie ou hypersomnie, difficultés de concentration,
hypervigilance, réaction de sursaut exagérée.
Il existe une relation de cause-à-effet entre la guerre
et les manifestations stressantes. Selon McNally (1993), Saight et al. (1996),
parmi les facteurs qui provoquent le stress posttraumatique chez les enfants,
la guerre a été associée avec le taux le plus
élevé. Malgré cela, nous n'attardons pas beaucoup sur la
présence du PTSD chez les enfants sélectionnés pour cette
recherche, et nous ne considérons pas que ces derniers soient
psychopathologiques, car ces derniers ont vécus la guerre depuis quatre
ans et demi ; même si la question de la durée des symptômes
est aussi assez controversée.
Les différences dans les rapports sur la gravité
des symptômes à long terme peuvent éventuellement
s'expliquer par un certain nombre de facteurs qui diffèrent selon les
études, notamment la gravité initiale à court terme des
symptômes, le milieu psychosocial après le traumatisme, et la
continuité des perturbations (Jones & Kafetsios, 2002 ;
Kuterovac-Jagodic, 2003). Ce qui répond à la
réalité du terrain du Sud du Liban, où un danger permanent
persistait, ainsi que plusieurs attaques ont survenu après le
cessez-le-feu, et des bombes à fragmentation existaient toujours.
Nous trouvons certains auteurs affirmant que les effets des
expériences de guerre sont persistants (Elbedour, ten Bensel, &
Bastien, 1993 ; Stein, Comer, Gardner & Kelleher, 1999). Tandis que
d'autres suggèrent également qu'une fois la guerre
terminée, il y a une diminution naturelle des symptômes
post-traumatiques (Laor et al. 1997 ; Punamaki et al., 2001).
Parmi des enfants irakiens âgés de 4 à 8
ans, réfugiés en Suède, 21,4 % souffrent d'un PTSD, tandis
que 30,9 % présentent un PTSD incomplet. La prévalence du PTSD
est fortement liée à la gravité de l'exposition : 37,5 %
chez les enfants sévèrement exposés contre 11,5 % chez les
enfants faiblement exposés. L'étude de suivi témoigne de
la stabilité de l'affection : deux ans et demi plus tard, la
prévalence du PTSD est de 20,6 % (Almqvist & al., 1997).
Par ailleurs, des inégalités sont à noter
dans la persistance des troubles. Kessler et al. (1995) trouvent une
durée moyenne du PTSD évoluant entre trois et cinq ans selon que
les victimes ont pu ou non disposer d'un traitement médical, et une
symptomatologie toujours présente pour un tiers d'entre elles
après dix ans de l'évènement.
Dans le méme esprit, une étude d'investigation
des symptômes traumatiques (Stein & al., 1997) observe que chez 43,3%
des sujets présentant un PTSD, ce dernier est dû à une
expérience traumatique remontant à plus de dix ans. En plus, une
étude menée sur Détroit indique que 26 % des victimes
récupèrent en moins de six mois, 40 % en moins d'un an, et qu'un
tiers d'entre elles présentent l'affection à cinq ans. La
durée du PTSD est significativement plus longue chez les femmes et chez
les victimes directes (Breslau & al., 1998).
Le PTSD des enfants dépend davantage de ce traumatisme
individuel que d'un effet de contagion des symptômes parentaux, notamment
maternels (Ahmad & al., 2000). Les plus fréquents symptômes
d'après-guerre, notés dans une étude menée
auprès de 40 enfants (3-12 ans) du Haut-Karabagh après
l'installation d'un cessez-le-feu (entre 1994-1996), sont la peur de
l'obscurité et des avions (43.2%), la peur des bruits forts (27%), les
pleurs fréquents (24.32%). D'autres symptômes sont moins
fréquents, comme l'irritabilité (13.5%), l'agressivité,
l'angoisse de séparation, les cauchemars et le réveil en sursaut
(16.2%), et l'asociabilité et le comportement de retrait (10.5%).
Au Liban, des recherches antérieures menées au
cours des phases de plusieurs types de conflit prolongé, classent
l'exposition à la guerre comme suit : la perte d'un parent, la
séparation, les blessures physiques, les bombardements, les
enlèvements, la démolition de la maison, et le
déplacement (Macksoud & Aber, 1996 ; Derkarabetian,
1984 ; Macksoud, 1992 ; Cheminenti et al., 1989 ; Assal & Farrell, 1992 ;
Fayyad et al., 2001).
Des observations cliniques (Zohrabian, 2006) auprès
d'enfants libanais ayant vécu la dernière guerre de juillet 2006
ont mis en relief :
1- une angoisse de séparation excessive
2- une hyperactivité
3- une agressivité importante
4- une incapacité à exprimer les
émotions
5- une asociabilité
6- un évitement de toute nouvelle situation.
Dans le cadre d'une étude auprès des enfants du Sud
du Liban, qui ont vécu la guerre de juillet 2006, des classes d'EB5, les
résultats étaient les suivants (Bouchedid, 2008) :
- 84.1% : Je comprends tout ce qui est dit à moi.
- 79.9% : Je suis presque toujours à l'heure et n'oublie
pas ce que je suis censé faire - 76.1 : Je suis suffisamment bien dans
les classes de mathématiques
- 65.3 % : Je fais toujours mes devoirs à temps.
- 63.6 % : J'oublie souvent de faire des choses. L'école a
été facile pour moi.
- 60.9% : je fais beaucoup de soucis avant quelque chose nouvelle
que je démarre. - 47.8% : La plupart du temps, je cours plutôt que
je marche.
- 43.1% : Je ne peux pas attendre des choses qui viennent, comme
les autres enfants peuvent.
- 35.0% : Je saute d'une activité à une autre.
- 26.8 % : des enseignants se plaignent que je ne peux pas rester
assis, et il est difficile pour moi d'obtenir de bonnes notes.
- 24.9% : J'ai répété une année
à l'école.
- 20.4% : En raison de mes problèmes d'apprentissage,
je reçois une aide supplémentaire, ou que je suis dans une classe
spéciale à l'école. Je ne peux pas garder ma concentration
sur quelque chose
- 15.4 % : À un moment donné, j'ai eu des
problèmes de langage.
- 10.6 % : La lecture a été difficile pour moi.
Cependant, différents types de traumatismes sont
liés de façon différentielle aux conséquences sur
la santé mentale. Certains, comme la guerre, peuvent avoir un effet nul
ou modéré sur la santé mentale des enfants, ou bien
peuvent avoir des effets dévastateurs. A ce jour, seulement quelques
études ont essayé d'évaluer l'impact d'un
évènement spécifique sur la symptomatologie et
l'ajustement de l'enfant (Macksoud & Aber, 1996).
Heuyer (1948) groupe les conséquences de la guerre en
trois grandes catégories : les conséquences intellectuelles et
scolaires, les conséquences affectives, et la délinquance
infantile et juvénile. Au niveau intellectuel et scolaire, Heuyer note
que le niveau mental est peu touché par les incidences de la guerre. En
revanche, le niveau scolaire des enfants qui ont été victimes de
guerre a nettement baissé.
Concernant ce qui nous intéresse des séquelles,
les individus qui ont vécus une guerre présentent des
altérations cognitives allant des déficiences dans le
fonctionnement global de la mémoire, à des difficultés
plus spécifiques. Il est difficile de savoir si des mécanismes
communs peuvent tenir compte de ces diverses difficultés cognitives
(Moore, 2009). Une étude, en 2002, effectué au département
de psychologie de « Hebrew University » à Jérusalem, a
évalué le fonctionnement cognitif après dix jours
d'exposition à la guerre. Quarante-huit survivants ont été
évalués pour des symptômes de stress post-traumatique,
d'anxiété, de dépression, et de dissociation
immédiate et retardée de la mémoire, de l'attention, de
l'apprentissage et du QI (Psychiatry research, vol. 110, 2002).
Puisque chaque enfant vit les situations différemment,
selon son caractère et son histoire personnelle, des dissemblances dans
la sévérité des critères pourraient engendrer des
différences dans les résultats des tests cognitifs.
Selon Censabella (2007), les fonctions exécutives sont
tout un ensemble de processus dont la fonction principale est de faciliter
l'adaptation de la personne aux exigences et fluctuations soudaines de
l'environnement et, en particulier, aux situations nouvelles.
En effet, les retentissements post-guerre ont
été associés à des troubles cognitifs impliquant la
mémoire et l'attention. L'association entre la déficience
cognitive et les symptômes est inconnue, mais cette corrélation
peut entrainer une dégradation du traitement des souvenirs traumatiques.
A noter que la guerre peut causer des manifestations comme
l'anxiété, dont les aspects cognitifs ont été
largement étudiés (Eysenck, 1997), mettant en évidence ses
effets sur les capacités de mémoire de travail (Ikeda, 1996), et
sur les ressources attentionnelles (Sarason, 1988).
Les personnes souffrant d'une atteinte du système
exécutif rencontrent, au quotidien, des difficultés à
s'adapter sur le plan familial, social et professionnel et à
gérer des situations nouvelles. Les altérations qu'elles
présentent peuvent toutefois survenir chez des personnes sans
lésion cérébrale mais dans une moindre mesure.
Des liens sont trouvés entre l'attention et la
mémoire : les processus attentionnels interviennent entre la
mémoire sensorielle et la mémoire à court terme, de
travail. Pour notre présente étude, nous choisissons d'explorer
uniquement deux fonctions cognitives : l'attention et la mémoire, qui
sont liés entre elles.
En effet, il reste inconnu si les déficiences
cognitives sont considérées des caractéristiques d'un
vécu traumatique aigu. Très récemment, dans une
enquête, les fonctions neurocognitives ont été
examinées chez des individus exposés à un seul traumatisme
(n = 21), d'autres ayant un PTSD aigu (n = 16), ainsi qu'un groupe d'individus
jamais exposés à un traumatisme (n = 17). Un certain nombre de
déficits dans les domaines cognitifs de la mémoire, des
ressources attentionnelles, des fonctions exécutives et de la
mémoire de travail, était trouvé dans le groupe ayant
reçu un diagnostic de stress post-traumatique aigu et non parmi les
autres groupes (Lagarde G, 2010).
Hypothèses
1- Les enfants qui ont vécus la guerre de juillet 2006,
pourraient avoir des difficultés au niveau de l'attention
(sélective, soutenue, auditive, visuelle).
Tout comme l'apprentissage constitue probablement un
mécanisme central lors de la récupération de fonctions
après une lésion ou un trauma, l'attention constitue le
pré-requis à un apprentissage adéquat (Moskovitch,
1994).
L'attention est un pré-requis à toute autre
fonction cognitive. D'après William James (1890), « l'attention est
la prise de possession par l'esprit, sous une forme claire et vive, d'un objet
ou d'une suite de pensées parmi plusieurs qui semblent possibles. Elle
implique le retrait de certains objets afin de traiter plus efficacement les
autres. » L'attention est un système complexe et
hiérarchisé comprenant plusieurs fonctions impliquées dans
un vaste réseau neuroanatomique.
Posner (1971 ; 1987) distingue globalement quatre composantes
attentionnelles :
- L'alerte correspond à l'état
général d'éveil de la personne et à sa disposition
à traiter et à réagir aux stimulations extérieures.
Deux types d'alertes peuvent être distingués : alerte tonique et
alerte phasique.
- L'attention sélective correspond au processus
permettant de sélectionner et de traiter un stimulus ou une classe de
stimuli particuliers parmi l'ensemble des stimulations de l'environnement. Ces
processus impliquent donc l'inhibition des réponses aux stimulis non
pertinentes pour la tache en cours. On distingue les capacités
d'attention sélective sur matériel auditif et sur matériel
visuel.
- L'attention soutenue et la vigilance permettent de maintenir
un niveau attentionnel suffisant pendant une période de temps assez
longue. On distingue la vigilance de l'attention soutenue par la
fréquence d'apparition des stimuli. Dans une tache de vigilance, les
stimuli
sont rares et il y a peu d'informations à traiter,
à l'inverse dans une activité d'attention soutenue, un traitement
beaucoup plus actif est nécessaire.
- L'attention divisée correspond à la
capacité à repartir ses ressources attentionnelles entre
plusieurs taches ou sources d'informations.
Des survivants qui ont des hauts niveaux d'exposition à
la guerre, ont montré une déficience d'attention et de rappel
immédiat de l'information, ainsi qu'un QI faible. Ils n'ont pas
montré, cependant, une dépréciation de rappel verbal et de
l'apprentissage. Donc, un QI plus faible et une baisse d'attention sont
associés au vécu d'un trauma. Une faible attention peut avoir un
rôle dans l'élaboration des souvenirs traumatiques (Brandes, D. ;
2002).
Bien que les résultats soient équivoques, les
études sur des adultes ont signalé des problèmes cognitifs
chez des personnes après un trauma, en particulier dans les zones de
concentration, de l'apprentissage et de la mémoire. En revanche, la
fonction cognitive indexée par les performances neuropsychologiques par
des instruments standardisés n'a pas été largement
évaluée chez des enfants (Michael D. ; 2002).
2- Le vécu de la guerre israélo-libanaise du
juillet 2006 a des répercussions actuelles sur la mémoire
(à court terme, à long terme, auditive, visuelle) des enfants
âgés entre 8 et 12 ans.
La mémoire est l'ensemble des systèmes
biologiques et psychologiques dont les fonctions sont : l'intégration
(l'enregistrement, la fixation, l'inscription) de données, leur
rétention (stockage, conservation), leur restitution (rappel,
utilisation). Elle est ce qui autorise la persistance du passé dans
l'instant présent, ce qui assure pour l'individu la continuité du
monde, de son histoire et de sa personnalité.
Tulving (1995) suggère l'existence de cinq
systèmes de mémoire principaux : la mémoire à court
terme, et quatre systèmes de mémoire à long terme : la
mémoire procédurale, les systèmes de représentation
perceptive, la mémoire sémantique, et la mémoire
épisodique.
· La mémoire à court terme concerne tous
les processus cognitifs qui permettent le stockage d'infirmations verbales et
visuo-spatiales durant quelques secondes. L'intégritéde cette
mémoire est néanmoins fondamentale car elle sous-tend le
développement du
vocabulaire, du calcul, et des capacités de raisonnement
et est donc nécessaire au bon déroulement des apprentissages
scolaires.
· La mémoire à long terme est un
système qui maintient une information pendant les périodes allant
de quelques minutes à plusieurs années.
· La mémoire procédurale est le
système de mémoire qui est impliqué dans l'apprentissage
d'habiletés perceptivo-motrices et cognitives ainsi que dans le
conditionnement. Il s'agit d'un système où les connaissances ne
s'expriment que par l'action.
· Les systèmes de représentation
perceptive renvoient à l'acquisition et au maintien de connaissances
relatives à la forme et à la structure des mots, des objets, etc.
en l'absence de toute connaissance concernant leurs propriétés
fonctionnelles et associatives
· La mémoire sémantique rend possible
l'acquisition et le maintien des connaissances générales sur le
monde.
· La mémoire épisodique permet à
une personne de se souvenir et de prendre conscience des
évènements qu'elle a personnellement vécus dans un
contexte spatial et temporel particulier. Cette connaissance concerne non
seulement ce qui s'est passé, mais également où et quand
cela s'est passé (le contexte). Cette mémoire serait donc le
support de notre histoire individuelle.
En fait, le développement psychologique et le
développement cognitif se font en parallèle ; chacun selon des
exigences et des conditions indispensables. Ainsi, chaque interruption pendant
un stade du développement perturbait le cheminement de tout le processus
évolutif des enfants.
Des écrits suggèrent également que le
traumatisme subi pendant l'enfance, peut avoir un impact durable sur le
développement cognitif, moral, ainsi que sur la personnalité, les
relations
sociales et les capacités de faire face (Arroyo & Eth,
1985; Terr, 1983; Pynoos & Nader, 1988 ; Sack et al., 1993).
L'après-guerre est lié à des
problèmes de traitement automatique et à une altération de
la mémoire exécutive. Des dysfonctionnements observés dans
la flexibilité mentale pourraient avoir un impact négatif sur le
traitement cognitif de la mémoire traumatique, empêchant ainsi la
récupération (Kanagaratnam P. et Asbjornsen A. ; 2007).
En général, la personne souffrant de PTSD ne
peut pas raconter l'événement traumatisant de manière
complète et cohérente, ceci notamment parce que le cerveau a une
difficulté fondamentale à l'intégrer avec les autres
événements de la vie passée : Les souvenirs ordinaires
s'estompent avec le temps, tandis que les souvenirs d'événements
traumatisants gardent toute leur intensité, même après
plusieurs années. C'est pourquoi le traumatisme paraît toujours
être un événement récent. Les éléments
rappelant le traumatisme peuvent favoriser l'apparition des symptômes du
PTSD, flashbacks, pensées intrusives et cauchemars. (
www.psychom.ch ; avril 2011)
Outils
Nous avons utilisé pour cette étude deux
questionnaires ainsi que deux tests et quatre subtests.
a- Les questionnaires
Les deux questionnaires ont pour objectif d'identifier d'une
part, les enfants ayant vécu la guerre de juillet 2006, et de
sélectionner parmi eux, ceux qui présentent des symptômes
de PTSD d'autre part.
- Le premier questionnaire : Questionnaire sur les
Evènements de la Guerre QEG réduit (Stuvland, 1992), est
constitué de 10 questions permettant de savoir si les enfants ont
été exposés à des évènements
stressants ou traumatiques pendant la guerre. Le QEG initial est formé
de 24 questions qui décrivent des situations et des
évènements que les enfants ont pu subir ; ceux-ci doivent
répondre en cochant les cases Oui et Non, selon les cas.
- Le second questionnaire : PCLS, l'échelle de stress
post-traumatique (Weathers, 1993), constitué de 27 questions,
évalue la sévérité des symptômes de PTSD
selon les critères diagnostiques du DSM-IV, suite à un
épisode de vie stressant. Nous avons utilisé la version
destinée aux civils en temps de guerre, tandis qu'il y a une autre
version destinée aux militaires. Ce questionnaire évalue
également les trois dimensions théoriques du trouble : la
répétition, l'évitement et l'hyperactivité
neurovégétative. Le sujet évalue l'intensité de
chaque item par rapport à l'évènement traumatique sur une
échelle de « pas du tout " à « très souvent
".
A noter que le questionnaire fut traduit en arabe. (Cf. annexe
1)
b- Les tests et les subtests
La récolte des données sur les variables
traitées dans notre recherche, sera effectuée après la
passation des tests suivants :
Variable
|
Tests
|
|
|
Attention sélective
|
Test de Stroop
|
Attention soutenue
|
Test d'attention concentrée : d2
|
Attention visuelle
|
Subtest de barrage des visages et du chat (NEPSY)
|
Attention auditive
|
Subtest des couleurs (NEPSY)
|
Mémoire visuelle (à court et à long
terme)
|
Mémoire des visages (NEPSY)
|
Mémoire auditive (à court et à long
terme)
|
Mémoire des prénoms (NEPSY)
|
Une brève présentation de chaque test et subtest
nous semble indispensable pour une meilleure compréhension de la suite
de la recherche :
- Le test de Stroop est utilisé pour
l'évaluation de l'attention sélective. 3 planches sont
disponibles : la planche 1 contient des mots de couleurs écrit en encre
noire, la planche 2 contient des rectangles de couleurs, la planche 3 contient
des noms de couleurs écrits en encre de couleur. Planche par planche, la
tâche du sujet est soit de lire, soit de dénommer les couleurs le
plus rapidement possible. L'examinateur mesure le nombre de mots lus ou de
couleurs déterminées, pendant la durée de 45 secondes.
- Le test d'attention concentrée d2 est utilisé
pour l'évaluation de l'attention soutenue. Il consiste à barrer
sur 14 lignes, tous les « d " assortis de deux traits, au milieu de
distracteurs « d » ou « p » assortis d'un, trois ou quatre
traits. L'épreuve dure 4 minutes 40s, à raison de 20 secondes par
ligne.
- Le subtest de barrage (NEPSY) évalue l'attention
visuelle. Il consiste à observer des images et barrer les cibles aussi
rapidement et précisément que possible.
- Le subtest des couleurs (NEPSY) nous informe sur l'attention
auditive. L'enfant doit adapter sa réponse à des stimuli
similaires ou contrastes. En premier, il doit prendre un carré rouge
à chaque fois qu'il entend le mot « rouge ". Puis, la
deuxième étape consiste à mettre un carré rouge
quand il entend « jaune ", un carré jaune quand il entend «
rouge ", et un carré bleu quand il entend « bleu ". Ce test
évalue les capacités de vigilance et le maintien de l'attention
sélective auditive.
- La mémoire des visages (NEPSY) nous informe sur la
mémoire visuelle, à court et à long terme. Ce subtest
demande de l'enfant de reconnaître parmi trois, un visage
présenté auparavant. Il y a un rappel immédiat et un
rappel différé après 30 minutes.
- La mémoire des prénoms (NEPSY) est
utilisée pour l'évaluation de la mémoire auditive. Cela
demande de l'enfant d'apprendre en trois essais les prénoms de huit
enfants dessinés. Ce test évalue la capacité à
retenir des prénoms d'enfants après trois essais d'apprentissage.
Il y a un rappel libre et un rappel différé au bout de 30
minutes.
Échantillonnage
D'après « The psychological conditions of
children and youth in Lebanon, after the July 2006 war », les
sociétés libanaises exposées à la guerre de juillet
2006 étaient distribués en trois zones, selon les degrés
d'exposition. Pour la recherche actuelle, est considérée comme
une population-mère celle appartenant à la Zone 1, qui
était la plus exposée aux violences israéliennes
quotidiennes.
Dans le cadre de cette recherche qui étudie les
troubles de la mémoire et de l'attention, chez les enfants qui ont
vécus la guerre du juillet 2006, nous allons choisir, en adoptant la
technique de l'échantillonnage sélectif, qui demande une
combinaison les deux critères suivants :
1- Des enfants appartenant à la tranche d'âge 8-12
ans,
2- Des enfants qui ont vécus la guerre du juillet 2006.
(d'après le questionnaire utilisé)
Comme justification pour le choix du premier critère :
Levin et al. (1991) montrent que les fonctions exécutives se
développaient bel et bien entre 6 et 12 ans, ce qui correspond
globalement au développement des lobes frontaux et que les changements
développementaux semblaient opérer par stades. Peu de changements
étaient observés au-delà de 13 ans. Par rapport à
l'age et au sexe, plusieurs études n'ont rapporté aucune
différence importante d'age (Cooley-Quille et al, 1995 ; Richters,
1993), et d'autres études n'ont pas réussi à trouver des
différences significatives entre les sexes à tous les niveaux
d'exposition à une guerre (Bell & Jenkins, 1993), bien qu'il y ait
indications que les hommes semblent être plus directement exposés
à la violence que les femmes (Fitzpatrick & Boldizar, 1993; Singer
et al, 1995).
Le deuxième critère est indispensable, pour
éviter de tomber sur des enfants vivant actuellement dans la
région concernée, et qui n'étaient pas là-bas
pendant la guerre, ou bien la guerre n'a pas laissé un impact sur
eux.
Dans le but de délimiter la population, sur le terrain,
l'école de l'Annonciation de Rmeich fut choisie, puisqu'elle appartient
à la zone 1 déjà définie auparavant et son public
appaiient à plusieurs villages de cette région. L'accord
était facilement confirmé, et 170 élèves appaienant
à la tranche d'âge 8-12 ans (classes EB3 - EB6) ont répondu
au questionnaire.
Pratiquement, la passation des questionnaires était
collective. Chaque enfant remplissait son propre questionnaire. En cas de
besoin, l'enseignant ou l'assistante sociale apportait, une aide individuelle
aux plus jeunes enfants. L'établissement a décidé que nous
pourrons rencontrer les enfants seulement pendant les séances de sport,
d'arts, d'informatique et de religion ; alors, le surveillant a organisé
un horaire. En plus, le CDI était le lieu de passation des tests, un
lieu calme dans lequel nous avons utilisé une table, deux chaises et un
radiocassette.
49 enfants ont été sélectionnés
comme ayant vécu la guerre et ce d'après le Questionnaire sur les
Evènements de la Guerre QEG. Parmi ces 49 enfants, 24 ne
présentant pas un PTSD alors que 25 ont des manifestations de
symptômes post-traumatiques et ce d'après les résultats du
questionnaire PCLS.
Age
|
Elèves qui ont un vécu de guerre sans PTSD
|
Elèves ayant des symptômes du PTSD
|
Total
|
Filles
|
8 ans
|
2
|
2
|
22
|
9 ans
|
3
|
3
|
10 ans
|
3
|
3
|
11 ans
|
2
|
2
|
12 ans
|
1
|
1
|
Garçons
|
8 ans
|
3
|
2
|
27
|
9 ans
|
5
|
3
|
10 ans
|
2
|
4
|
11 ans
|
1
|
3
|
12 ans
|
2
|
2
|
Total
|
24
|
25
|
49
|
Tableau 1 : répartition de la population
En effet, notre étude différencie le groupe de
sujets ayant subi la guerre d'un groupe de sujets contrôles. En
général, on utilise un groupe témoin et un groupe
expérimental afin d'observer l'effet de la modification de nos variables
pour finalement obtenir des liens. Une comparaison des résultats des
tests administrés sera effectuée. En réalité, le
Liban ne possède pas encore des normes pour toutes les épreuves
de l'examen psychomoteur.
Nous avons respecté les règles de la
répartition des sujets entre le groupe expérimental et le groupe
contrôle. Puisque cette guerre est supposée être bien un
facteur causal, alors la logique voudrait que cet évènement se
manifeste plus significativement dans le groupe expérimental que
dans le groupe de contrôle. Alors, ce dernier doit
appartenir à un mohafazat qui n'a pas
étéexposé à la guerre de juillet 2006,
ni attaqué par les bombardements israéliennes. Une école
de mohafazat Mont-Liban a été sélectionnée, le
collège des soeurs du rosaire, à Mansourieh. Et, le groupe
d'enfants choisi est appareillé en âge et en sexe, avec
l'échantillon expérimental reparti auparavant.
Résultats
I- Les questionnaires
Les enfants caractérisés comme ayant vécus
la guerre, se répartissaient comme suit :
Graphe 1 : Réponses du QEG
Une variation irrégulière est remarquable entre
les situations de guerre que les enfants ont subies : les enfants qui n'ont pas
des symptômes du PTSD présentent des taux plus
élevés d'exposition à des évènements
stressants. En effet, les élèves qui ont des symptômes de
stress post-traumatique sont eux qui avaient vécu des situations ou ils
ont pensé qu'ils vont être tués (56%), ceux qui
étaient forcés de quitter leurs villages et ceux qui avaient
pensé qu'ils vont être morts de froid (52%). Tandis que les
élèves qui ont subi les autres situations n'ont pas
manifesté le PTSD.
Les résultats concernant les symptômes du PTSD,
en pourcentage sont les suivants :
- 86.9 % se sentent très bouleversé lorsque quelque
chose les rappelle la guerre.
- 78.3 % sont perturbés par des souvenirs, des
pensées ou des images en relation avec la
guerre, sont perturbées par des rêves
répétés en relation avec cette guerre, et ont des
difficultés à se souvenir de parties importantes de
la guerre.
- 73.9% se sentent comme si leur avenir était en quelque
sorte raccourci, et ont des difficultés pour s'endormir ou rester
endormis.
- 69.5% ont des réactions physiques, lorsque quelque
chose leur a rappelé la guerre, perdent d'intérêt dans des
activités qui habituellement leur faisaient plaisir, ont des
difficultés à se concentrer, sont en état de super-alarme,
sur la défensive ou sur ses gardes, et se sentent énervés
ou sursautent facilement.
- 65.2% brusquement agissent ou sentent comme si la guerre se
reproduisait, et se sentent distant ou coupé des autres personnes.
- 52.2 % évitent de penser ou de parler de la guerre ou
évitent des sentiments qui sont relation avec elle, et évitent
des activités ou des situations parce qu'elles leur rappellent la
guerre, et se sentent irritables ou ont des bouffées de
colère.
- 30.4 % se sentent émotionnellement
anesthésié ou incapable d'avoir des sentiments d'amour pour ceux
qui sont proches d'eux.
II- Les tests et les subtests
1. Analyse de variance
Après cela, une étude comparative,
effectuée à l'aide d'une analyse de variance entre les
résultats de l'échantillon du vécu de guerre, de celui
ayant des symptômes du PTSD et de l'échantillon contrôle, a
été faite pour chaque tranche groupe, pour chaque variable et
pour chaque sexe.
On considère que l'intervalle de confiance est 95%
alors que le risque d'erreur est 5%. Si p<5%, on conclut l'existence de la
différence significative, et si p>5%, c'est impossible de conclure
l'existence d'une différence.
Les quatre tableaux qui suivent montrent les scores des deux
groupes d'enfants et des deux sexes, dans les six épreuves. Les
résultats sont donnés en termes de moyennes, avec les
écarts-types.
a- Attention et mémoire, groupe expérimental
et groupe témoin
a.1. Selon le groupe
Les résultats ont montré qu'il y a une
différence significative entre les deux groupes, pour l'attention
sélective [F (1 ; 96) = 96.8 ; p<0.05], l'attention soutenue [F (1 ;
96) = 4.7 ; p<0.05], l'attention auditive [F (1 ; 96) = 13.2 ; p<0.05],
et la mémoire auditive [F (1 ; 96) = 80.5 ; p<0.05].
Des différences non significatives apparaissent entre les
deux groupes au niveau de l'attention visuelle [F (1 ; 96) = 0.01 ; p n.s.], et
la mémoire visuelle [F (1 ; 96) = 1.3 ; p n.s.].
Groupe
Variable
|
Groupe expérimental
|
Groupe témoin
|
|
Ecart type
|
Moyenne
|
Ecart type
|
Attention sélective
|
12.9
|
5.3
|
25.4
|
7.1
|
Attention soutenue
|
95.4
|
23.8
|
105.6
|
23
|
Attention auditive
|
100.9
|
11
|
109.2
|
11.7
|
Attention visuelle
|
29.9
|
8.4
|
29.7
|
5.7
|
Mémoire auditive
|
12.2
|
4.1
|
20.8
|
5.2
|
Mémoire visuelle
|
23.3
|
3.4
|
24.4
|
2.5
|
|
Tableau 2 : moyenne et écart-type des 2 groupes au niveau
mémoire et attention
a.2. Selon le sexe
Les résultats ont montré qu'il y a de
différence significative entre les sexes pour les deux groupes, au
niveau de l'attention auditive [F (3 ; 94) = 5.8 ; p <0.05], la
mémoire auditive [F (3 ; 94) = 28.3 ; p<0.05], l'attention
sélective [F (3 ; 94) = 34.5 ; p <0.05], et la mémoire
visuelle [F (3 ; 94)= 4.3 ; p<0.05). Cependant, il n'existe pas de
différences significatives au niveau de l'attention soutenue [F (3 ; 94)
= 1.5 ; p n.s.], l'attention visuelle [F (3 ; 94) = 1.2 ; p n.s.],
Groupe
Variable/ sexe
|
Groupe expérimental
|
Groupe témoin
|
Moyenne
|
Ecart type
|
Moyenne
|
Ecart type
|
Attention sélective
|
Filles
|
13.1
|
6
|
27.4
|
6.7
|
Garçons
|
12.75
|
5.35
|
23.78
|
7.1
|
Attention soutenue
|
Filles
|
96.3
|
22.4
|
105.95
|
13
|
Garçons
|
97.25
|
22
|
105.4
|
28
|
Attention auditive
|
Filles
|
105.1
|
11.2
|
107.5
|
11.8
|
Garçons
|
98.4
|
17.5
|
110.6
|
11.7
|
Attention visuelle
|
Filles
|
32.1
|
4.85
|
28.8
|
5.7
|
Garçons
|
28.05
|
10.05
|
30.1
|
5.6
|
Mémoire auditive
|
Filles
|
12.3
|
3.6
|
19.4
|
4
|
Garçons
|
12.45
|
4.75
|
21.9
|
5.8
|
Mémoire visuelle
|
Filles
|
22.1
|
3.75
|
23.5
|
2.1
|
Garçons
|
23.8
|
2.75
|
24.4
|
2.8
|
Tableau 3 : moyenne et écart-type entre les sexes des 2
groupes au niveau mémoire et attention
b. Attention et mémoire : groupe
expérimental, sans PTSD et avec PTSD
b.1. Selon le groupe
Les résultats ont montré qu'il n'y a aucune
différence significative entre les enfants du groupe
expérimental, au niveau de l'attention auditive [F (1 ; 47) = 2.7 ; p
n.s.], l'attention visuelle [F (1 ; 47) = 2.3 ; p n.s.], l'attention
sélective [F (1 ; 47) = 0.7 ; p n.s.], l'attention soutenue [F (1 ; 47)
= 0.1 ; p n.s.), la mémoire visuelle [F (1 ; 47) = 0.5 ; p n.s.], et la
mémoire auditive [F (1 ; 47) = 0.2 ; p n.s.].
Groupe
Variable
|
Vécu de la guerre sans PTSD
|
Symptômes de PTSD
|
Moyenne
|
Ecart type
|
Moyenne
|
Ecart type
|
Attention sélective
|
11.7
|
5.4
|
12.96
|
4.9
|
Attention soutenue
|
97.6
|
17.4
|
95.4
|
27
|
Attention auditive
|
104.2
|
9.8
|
99.2
|
11.5
|
Attention visuelle
|
31.9
|
7.5
|
28.2
|
9
|
Mémoire auditive
|
12.67
|
4.3
|
12.08
|
4
|
Mémoire visuelle
|
23.2
|
2.9
|
23.9
|
3.8
|
Tableau 4 : moyenne et écart-type entre les enfants avec
et sans PTSD au niveau mémoire et attention
b.2. Selon le sexe
Les analyses de variance ont montré que les
performances différent de façon significative entre les
garçons et les filles des deux groupes au niveau de l'attention auditive
[F (3 ; 45) = 3.2 ; p <0.05], de l'attention visuelle [F (3 ; 45) = 1.6 ; p
n.s.], l'attention
sélective [F (3 ; 45) = 0.5 ; p n.s.], l'attention
soutenue [F (3 ; 45) = 0.8 ; p n.s.], la mémoire visuelle [F (3 ; 45) =
2.7 ; p n.s.], et la mémoire auditive [F (3 ; 45) = 0.1 ; p n.s.].
Groupe
Variable/ sexe
|
Vécu de la guerre
|
Symptômes de PTSD
|
Moyenne
|
Ecart type
|
Moyenne
|
Ecart type
|
Attention sélective
|
Filles
|
12.7
|
6.8
|
13.5
|
5.2
|
Garçons
|
13
|
6.1
|
12.5
|
4.6
|
Attention soutenue
|
Filles
|
91.7
|
15.8
|
100.9
|
29
|
Garçons
|
100.9
|
19
|
93.6
|
25
|
Attention auditive
|
Filles
|
105.2
|
10.4
|
105
|
12
|
Garçons
|
102.3
|
10.3
|
94.5
|
7.2
|
Attention visuelle
|
Filles
|
33.3
|
4.5
|
30.9
|
5.2
|
Garçons
|
30
|
9
|
26.1
|
11.1
|
Mémoire auditive
|
Filles
|
12.4
|
3.7
|
12.2
|
3.5
|
Garçons
|
13
|
5
|
11.9
|
4.5
|
Mémoire visuelle
|
Filles
|
21.9
|
3.3
|
22.3
|
4.2
|
Garçons
|
23.9
|
2
|
23.7
|
3.5
|
Tableau 5 : moyenne et écart-type entre les sexes chez
les enfants avec et sans PTSD au niveau mémoire et attention.
2. Corrélation des variables dépendantes
Une matrice de corrélation a été
réalisée pour chacune des populations à partir des
variables mesurées. Plus le coefficient est proche des valeurs
extrêmes -1 et 1, plus la corrélation entre les variables est
forte.
a. Groupe expérimental
D'abord, nous avons analysé les corrélations,
variable par variable ; ce qui a permis de montrer une forte corrélation
entre l'attention sélective et l'attention auditive, entre l'attention
soutenue et celles visuelle et auditive. Ainsi que l'attention soutenue et la
mémoire visuelle sont fortement corrélées. Toutes les
corrélations trouvées sont positives, donc, lorsque le score de
l'une croit, le score de l'autre croit aussi.
|
Attention soutenue
|
Attention auditive
|
Attention visuelle
|
Mémoire auditive
|
Mémoire visuelle
|
Attention sélective
|
-0.167
|
0.309*
|
0.068
|
0.164
|
-0.045
|
Attention soutenue
|
|
0.297*
|
0.317*
|
0.225
|
0.293*
|
Attention auditive
|
|
|
0.130
|
0.182
|
-0.144
|
Attention visuelle
|
|
|
|
0.186
|
0.215
|
Mémoire auditive
|
0.089
|
Tableau 6 : corrélation entre les variables chez le groupe
expérimental
Cette table de corrélation confirme que les enfants qui
ont une bonne attention sélective ont aussi une bonne attention
auditive, et vice versa. Ainsi qu'une faible attention soutenue est
associée à une faible attention auditive, attention visuelle, et
de même à une faible mémoire visuelle.
b. Groupe témoin
Par rapport au groupe témoin, l'étude des
intensités de liaison entre les variables étudiées, ne
montrait aucune corrélation significative. Puisque les coefficients
trouvés sont différents de zéro, les variables ne sont pas
complètement indépendantes.
|
Attention soutenue
|
Attention auditive
|
Attention visuelle
|
Mémoire auditive
|
Mémoire visuelle
|
Attention sélective
|
0.094
|
-0.205
|
0.048
|
-0.19
|
0.113
|
Attention soutenue
|
|
0.232
|
0.086
|
-0.075
|
0.136
|
Attention auditive
|
|
|
-0.08
|
0.116
|
0.047
|
Attention visuelle
|
|
|
|
0.254
|
0.116
|
Mémoire auditive
|
|
|
|
|
0.146
|
Tableau 7 : corrélation entre les variables chez le groupe
témoin
3. Analyse des protocoles individuels
L'analyse des protocoles individuels permet de repérer
les similitudes tout en prenant en compte la variabilité des
réponses à l'intérieur de chaque population. Cette analyse
montre que les enfants ayant des scores normaux constituent plus que la
moitié de l'échantillon (73% et plus), au niveau de toutes les
variables, et par rapport aux deux groupes. Ceux qui ont obtenu des scores
pathologiques dans le groupe expérimental (10 enfants) constituent le
double de ceux du groupe témoin (5 enfants).
a. Attention sélective
|
Groupe expérimental
|
Groupe témoin
|
Fréquence
|
Pourcentage
|
Fréquence
|
Pourcentage
|
Normal
|
40
|
81.6 %
|
43
|
87.8%
|
Limite
|
4
|
8.2 %
|
5
|
10.2%
|
Pathologique
|
5
|
10.2%
|
1
|
2%
|
Total
|
49
|
100
|
49
|
100
|
Tableau 8 : différences interindividuelles pour
l'attention sélective
Un chiffre surprenant apparait dans ce tableau : 10.2 % des
enfants du groupe témoin ont obtenu des résultats limites, ce qui
est un taux supérieur à celui du groupe expérimental
(8.2%). Toutefois, 10.2 % des enfants du groupe expérimental ont des
résultats pathologiques alors que 2 % uniquement pour le groupe
témoins, ce qui va avec notre hypothèse.
b. Attention soutenue
|
Groupe expérimental
|
Groupe témoin
|
|
Pourcentage
|
Fréquence
|
Pourcentage
|
Normal
|
40
|
81.6%
|
46
|
93.9%
|
Limite
|
9
|
18.4%
|
2
|
4.1%
|
Pathologique
|
0
|
0
|
1
|
2%
|
Total
|
49
|
100
|
49
|
100
|
|
Tableau 9: différences interindividuelles pour
l'attention soutenue
Au niveau de l'attention soutenue, aucun enfant du groupe
expérimental n'a eu un score pathologique, tandis qu'un seul enfant
témoin était pathologique. En plus, le nombre des enfants ayant
des scores limites était plus élevé dans la population
expérimentale.
c. Attention auditive
|
Groupe expérimental
|
Groupe témoin
|
|
Pourcentage
|
Fréquence
|
Pourcentage
|
Normal
|
45
|
91.8 %
|
41
|
83.7%
|
Limite
|
4
|
8.2 %
|
8
|
16.3%
|
Pathologique
|
0
|
0
|
0
|
0
|
Total
|
49
|
100
|
49
|
100
|
|
Tableau 10 : différences interindividuelles pour
l'attention auditive
Le pourcentage le plus important est celui concernant la
normalité de l'attention auditive des enfants qui ont vécu la
guerre, en comparaison avec celui des enfants du groupe témoin. Ce
dernier présente un pourcentage plus élevé au niveau des
scores limites.
d. Attention visuelle
|
Groupe expérimental
|
Groupe témoin
|
Fréquence
|
Pourcentage
|
Fréquence
|
Pourcentage
|
Normal
|
43
|
87.8%
|
38
|
77.6%
|
Limite
|
3
|
6.1%
|
10
|
20.4%
|
Pathologique
|
3
|
6.1%
|
1
|
2%
|
Total
|
49
|
100
|
49
|
100
|
Tableau 11 : différences interindividuelles pour
l'attention visuelle
Les scores normaux et les scores pathologiques sont plus
notables dans le groupe expérimental ; tandis que la fréquence
des scores limites est plus grande dans le groupe témoin. Cette variable
a eu la plus basse fréquence des scores normaux, parmi les autres, et la
plus haute fréquence des scores limites.
e. Mémoire visuelle
|
Groupe expérimental
|
Groupe témoin
|
Fréquence
|
Pourcentage
|
Fréquence
|
Pourcentage
|
Normal
|
42
|
85.7%
|
43
|
87.8%
|
Limite
|
5
|
10.2%
|
5
|
10.2%
|
Pathologique
|
2
|
4.1%
|
1
|
2%
|
Total
|
49
|
100
|
49
|
100
|
Tableau 12 : différences interindividuelles pour la
mémoire visuelle
Seule la mémoire visuelle discrimine les deux groupes,
puisqu'ils ont des résultats comparables pour cette variable.
f. Mémoire auditive
|
Groupe expérimental
|
Groupe témoin
|
Fréquence
|
Pourcentage
|
Fréquence
|
Pourcentage
|
Normal
|
36
|
73.5%
|
42
|
85.7%
|
Limite
|
13
|
26.5%
|
6
|
12.3%
|
Pathologique
|
0
|
0
|
1
|
2%
|
Total
|
49
|
100
|
49
|
100
|
Tableau 13 : différences interindividuelles pour la
mémoire auditive
Là, apparaissent le pourcentage le plus bas des scores
normaux du groupe expérimental, et le pourcentage le plus
élevé des scores limites.
Analyse et synthèse
Après avoir présenté quantitativement les
différents scores obtenus dans des tableaux bien
détaillés, il serait intéressant de faire dans ce qui suit
une analyse qualitative de ces derniers, afin de mieux cerner les effets et de
les mettre en relation afin de pouvoir vérifier ou infirmer les deux
hypothèses.
Tout d'abord, nous relevons à partir de nos
observations au cours de la passation que le test peut engendrer une certaine
confusion et anxiété chez les enfants. Il demande en effet, une
concentration de leur part ainsi qu'une facilité à accepter
l'examinateur et à entrer avec lui en relation, afin de réaliser
les exercices aisément. A noter que les enfants du groupe
expérimental posent plus de questions comme « Est-ce que c'est
noté ? Pourquoi tu fais ces jeux ? Pourquoi tu ne rencontres pas toute
la classe ? », surtout que nos rencontres étaient dans un cadre
scolaire. Ces derniers stressaient du chronomètre et de la demande d'une
certaine rapidité. En plus, les enfants qui ont vécu la guerre,
prenaient plus de plaisir à exécuter ce qui est demandé,
et à découvrir des choses nouvelles. Tandis que les enfants
témoins n'exprimaient pas leur ressenti vis-à-vis des tests, et
semblaient être habitués à se concentrer sur des exercices
cognitifs.
Le faible effectif et la grande variabilité
interindividuelle sont caractéristiques de ces deux populations. Ainsi,
comme nous l'avons annoncé précédemment, afin d'aller au
delà des résultats moyens, nous avons mené une analyse des
protocoles individuels, visant à mettre en évidence la
cohérence et les différences interindividuelles. Mais, nous
tenons à rappeler que ce faible effectif est la conséquence
directe de quelques précautions : même institution pour chaque
population afin de limiter la variabilité, même région,
...
D'une manière générale, les
résultats montrent des différences significatives au niveau du
sexe et du vécu de la guerre. Nous notons qu'en ce qui concerne la
variable sexe, les différences significatives n'ont pas
été considérables pour toutes les épreuves. En
plus, il n'y a pas de différences entre les enfants qui ont le PTSD et
ceux qui n'ont pas le PTSD, au niveau de l'attention et la mémoire. Ce
qui veut dire que le fait d'avoir vécu un traumatisme garde des effets
et séquelles cognitives telles que la mémoire et l'attention
même s'il n'y a pas une persistance de stress post-traumatique. Le
vécu des mêmes évènements traumatiques, a
donné des résultats semblables dans les tests et les subtests
passés.
Nous n'avons pas mis en relief les variations par rapport
à l'age, puisque l'examen des résultats montre, pour les deux
populations, une progression générale des moyennes avec l'age,
qui peuvent correspondre à l'évolution et au développement
des fonctions exécutives. Les résultats infirment la
théorie suivant laquelle les enfants qui ont tardivement vécu une
guerre ont moins de difficultés et sont moins atteints par les
conséquences de la guerre, et que ceux qui ont précocement
vécu la guerre ont plus de dégâts. Donc, tous ces enfants
qui ont vécu la guerre entre l'age de 4 et 8 ans, en 2006, ont eu la
même intensité de dommages.
Plus spécifiquement, nous pouvons dire que notre
première hypothèse est vérifiée : l'attention des
enfants ayant vécu la guerre de juillet 2006 est plus
altérée que celle des enfants témoins. Cette atteinte se
généralise à la capacité attentionnelle
sélective, soutenue et auditive, mais non pas pour celle visuelle.
Au niveau de l'attention sélective, les enfants du
groupe expérimental montrent des difficultés à ignorer des
éléments et de porter leur attention uniquement sur d'autres
éléments exigés. Cette sélection demande un certain
effort mental, et est considéré comme un filtre qui permet
d'éviter la surcharge du système mental (Broadbent ; 1958). Afin
d'être bien perçues, les informations doivent être
sélectionnées une à une. Ce qui se trouve
déficitaire chez les enfants qui ont vécu la guerre, puisqu'ils
n'arrivent pas à négliger des éléments et à
focaliser leurs attentions sur les renseignements données. En
conséquence, les enfants se distraient par l'autre stimulus, et ils
n'ont pas la capacité d'inhiber la procédure automatique de la
lecture des mots (Stroop), et de focaliser leur attention sur une cible
particulière, qui est la couleur de l'encre. Cette focalisation se rend
possible grace à des processus de sélection et d'activation de
l'information cible et grace à l'inhibition de l'activation des
informations potentiellement perturbatrices du traitement focal.
L'intégrité de certains processus inhibiteurs
est donc nécessaire au bon fonctionnement de l'attention
sélective ; et alors, nous remarquons chez les enfants qui ont
vécu la guerre, le processus d'inhibition mentale, qui est une fonction
exécutive, est également défaillante.
Au niveau de l'attention soutenue, le test d2 met en
évidence un effet de fatigabilité ou une fluctuation
attentionnelle, chez les enfants qui ont vécu la guerre. Ces derniers,
en situation de guerre, leur attention était partagée entre la
tache qu'ils effectuent et entre ce qui peut se
passer à l'extérieur, et, après le
cessez-le-feu, ils étaient habités par la guerre et
préoccupés par ce qui peut arriver à tout moment à
eux-mêmes, à leurs collègues et leurs membres de leur
famille. Dans ces conditions, ils n'étaient pas habitués à
se concentrer totalement sur ce qu'ils exécutaient, et leurs attentions
sont profondément affectées. Donc, les facteurs
d'insécurité et la pensée aux évènements
violents immédiats que les enfants doivent faire face, perturbent leurs
capacités d'attention sur les taches proposées.
Une étude de l'aspect temporel des relations entre
motivation et attention soutenue, nous parait d'un intérêt majeur
pour une meilleure compréhension des difficultés
rencontrées par les élèves qui ont vécu la guerre,
et surtout les filles. Ils sont plus attentionnés à leurs soucis
personnels qu'aux demandes de l'autre. Plusieurs facteurs entrent en jeu,
pouvant diminuer la motivation : le stress personnel, l'instabilité de
l'environnement,... Nos nombreuses gratifications étaient
évaluées comme très motivantes pour les enfants ayant
vécu la guerre.
L'enfance est considérée comme étant une
période sans contraintes sociales et économiques, marquée
par l'apprentissage et le jeu. Les enfants sont passés dans une
période de temps, pendant et après la guerre, durant laquelle les
lieux spécifiques aux jeux étaient détruits, les parents
avaient peur de les laisser jouer dehors comme ils veulent, les enfants
eux-mêmes étaient anxieux de ce qui peut se passer à
n'importe quel moment (bombes, attaques aériennes, .). Ce qui a
limité leur manipulation des jeux pour quelques semaines ou mois.
Puisque le danger faisait partie de leur vie quotidienne, l'imprévu
quasi-quotidien rendait difficile la projection de ces élèves
dans l'avenir, et les empêche de planifier et de donner de sens et de
l'intérêt aux taches cognitives et à l'éducation.
Au niveau de l'attention auditive, chez le groupe
expérimental, il y avait beaucoup de comportements sans rapport avec la
tache durant le subtest des couleurs, comme des mouvements des doigts et des
mains, des tremblements, des hésitations, ... ce qui tend à
confirmer un problème de l'attention et d'impulsivité, en plus
d'un excès d'angoisse dü à la rapidité, que les
enfants ont mentionné.
Au niveau de l'attention visuelle, la normalité obtenue
chez le groupe expérimental, confirme que les enfants sont capables de
conserver leur attention quand la charge cognitive augmente, et de conserver
toutes les caractéristiques dans leur mémoire de travail. Tandis
que
nous trouvons que les filles ayant vécu la guerre, ont
plus de difficultés à ce niveau. Nous remarquons que les enfants
du groupe témoin ont obtenu plus des scores limites.
La réalisation d'une tâche cognitive
nécessiterait une mobilisation importante et un hyper-effort, pouvant
entraîner une sensation de fatigue. Le maintien d'un niveau de
performance suffisant au cours d'une épreuve ferait donc appel à
un effort supplémentaire. Nous pourrons également envisager que,
à partir d'un certain seuil de stress, l'enfant n'a plus la
possibilité de compenser ses déficits attentionnelles. Mais, nos
résultats ne montrent pas des différences significatives, chez
les enfants qui ont plus des symptômes de stress posttraumatique. Ce qui
peut montrer que la guerre est en elle-même un épisode stressant,
même si le nombre des symptômes n'aboutit pas à un
diagnostique pathologique de PTSD.
Ainsi, la deuxième hypothèse stipulant que les
enfants qui ont vécu la guerre de juillet 2006 ont des
difficultés au niveau de la mémoire auditive et visuelle, est
également quasivérifiée. En effet, tous les
résultats prouvent que l'exposition à la guerre a un effet
perturbant sur la mémoire auditive plus que sur la mémoire
visuelle.
Le subtest de la mémoire visuelle semble être
plus facile que le subtest de la mémoire auditive pour les enfants des
deux groupes. La reconnaissance et la mémoire des visages commencent
à émerger dès la petite enfance. Cependant, les
stratégies employées par les jeunes enfants pour identifier des
visages inconnus sont les détails tels que des traits saillants, le type
de coiffure et les lunettes. Ce qui n'est pas déficitaire chez notre
groupe expérimental.
Le subtest des prénoms évaluant la
mémoire auditive est une tache d'association de paires visuoverbales. Se
souvenir de visages et de prénoms fait partie des expériences
quotidiennes des enfants, tandis que c'est aussi complexe et implique la
formation d'associations intermodales entre des informations visuelle et
sémantique. Il fait appel à l'apprentissage, à l'attention
active, à la planification stratégique et à l'aptitude
à récupérer ce qui a été appris après
un certain délai. Il demande aussi une facilité d'accès
aux informations stockées en mémoire à long et à
court terme. De ce fait, des faibles performances à cette tache
apparaissent chez les enfants qui ont vécu la guerre, ce qui nous
renseigne sur l'inorganisation
des stratégies et de la planification. Nous discernons
qu'un chiffre non négligeable des enfants témoins a eu un score
limite pour ce subtest.
Les chercheurs suggèrent que les déficits
d'encodage ont un effet nocif sur le système de se souvenir à
court terme. Les enfants de notre groupe expérimental manifestent autant
de déficits dans la capacité de prendre de nouvelles informations
mais pas dans la capacité à conceptualiser et à manipuler
des informations précédemment encodées.
Incapables d'intégrer les souvenirs traumatiques, les
enfants de la guerre semblent avoir perdu la capacité d'assimiler de
nouvelles expériences. Les choses se passent donc comme si leur
personnalité est arrêtée définitivement à un
certain point, et ne pouvait plus s'accroître par l'adjonction ou
l'assimilation d'éléments nouveaux (Janet, 1904). Tous ces
enfants qui vivent un trauma semblent arrêtés dans
l'évolution de la vie, ils sont accrochés à un obstacle
qu'ils n'arrivent pas à « franchir ». Le stress est autant un
moyen de perturber l'attention ou au contraire de focaliser l'attention sur des
évènements passés. Leur esprit n'est pas disponible
à l'écoute, à la mémorisation, au désir
d'apprendre et de reproduire. Nous le comprenons : ils sont soucieux, inquiets,
déstabilisés, déstructurés, apeurés,
angoissés, appréhensifs au sujet de tout, de leur vie, des
autres, du monde alentour.
Un des premiers concepts de Janet qui est tombé en
abandon est son modèle de l'économie mentale. Selon ce
modèle, le trauma occasionne une instabilité dans les niveaux
psychologiques et trouble toujours la tension psychologique, la capacité
de diriger l'énergie et la concentration vers un acte canalisé et
créative, comme la mémoire des prénoms.
L'expérience que les enfants ont vécue dans leur enfance,
revenait en mémoire ; et quand la mémoire leur est ravivée
par quelques évènements, c'est là que les symptômes
réapparaissaient et que la personne souffrait de difficultés
mentales dus à l'influence de ces remémorations.
D'autres chercheurs soulèvent la possibilité que
les troubles de mémoire survenant chez certaines personnes ayant le PTSD
pourraient découler notamment de troubles d'attention soutenue ou
sélective (Wolfe & Schlesinger, 1997). Il devient donc important de
contrôler ces variables lors de mesures du niveau de mémoire. Ce
qui correspond à la corrélation trouvée entre l'attention
soutenue et la mémoire visuelle.
L'insuffisance mnésique peut être liée
à une inhibition intellectuelle avec un certain
désintérêt, et peut aussi recouvrir un problème
attentionnel, renvoyant à une anxiété ou au stress.
A noter que les épreuves utilisées pour
l'évaluation de la mémoire, impliquent la mémoire
sémantique et non pas la mémoire épisodique.
Par contre, quelques enfants peuvent avoir le stress
post-traumatiques et utiliser le déni comme mécanisme de
défense. Selon Yehuda et ses collègues (1995), ce ne serait pas
l'âge des participants qui expliquerait les différents
résultats, mais le temps écoulé entre le traumatisme et
l'expérimentation. Un enfant qui est soumis à un stress intense
et répété, ne va pas opérer ces différents
contrôles sur lui-même comme un enfant élevé sans
stress continu.
Selon certains chercheurs (Nixon et al., 2004), les troubles
de mémoire sont fortement associés à l'intensité et
au type d'expérience traumatisante plutôt qu'à la
symptomatologie du PTSD. Donc, même si les symptômes du PTSD sont
peu nombreux chez quelques enfants, leurs mémoires sont très
affectées. Les symptômes ne sont donc pas apparents de
manière constante et sont propres à chaque sujet. Il est tout
à fait possible qu'une personne en état de stress
posttraumatique, réponde adéquatement et intelligemment à
des questions qui lui sont posées à propos de son vécu, de
ses perceptions, ~
Conclusion
Les fonctions exécutives désignent un ensemble
assez hétérogène de processus cognitifs de haut niveau
permettant un comportement flexible et adapté au contexte. Suite aux
résultats des enfants ayant vécus la guerre, déjà
analysés, et en les comparant à ceux des enfants qui n'ont pas
vécu la guerre, nous trouvons que toutes ces fonctions se trouvent
altérées chez eux. En effet, en cas de vécu de guerre, les
séquelles sont sévères et caractérisés par
une grande diversité : la diminution des ressources attentionnelles et
mnésiques.
Donc, suite à l'atteinte de l'attention et de la
mémoire qui sont les éléments essentiels à tout ce
que nous faisons dans notre vie, nous pouvons conclure que la guerre a un
impact dangereux sur la totalité des aspects de la vie de ces enfants.
Globalement, le groupe expérimental reste à surveiller.
Il est vrai que le vécu de la guerre entraine sur le
plan cognitif une baisse de l'efficience des fonctions exécutives mais,
les symptômes qui apparaissent suite à cette baisse de
l'efficience ne sont pas les mémes chez tous les enfants.
L'intensité des symptômes diffèrent selon le degré
et la durée d'exposition à la guerre, les symptômes du
PTSD, ainsi que le temps après la guerre qui est 4 ans, ~
Ce travail effectué a permis de répondre
à notre problématique, mais notre vérification reste
toujours non constante car tout dépend de plusieurs paramètres.
Une multifactorialité des causes peut biaiser notre
interprétation. Et, parce que l'enfant est plus perméable aux
influences de son environnement, il faudra considérer le contexte
familial, éducationnel, socioculturel et scolaire dans lesquels il
évolue ; surtout que dans notre pays, malheureusement, la guerre est une
réalité qui risque d'exister toujours. Alors, la permanence et la
succession des conflits reconnus par les enfants du Sud du Liban, et les
déclenchements brutaux des évènements agressants, mettent
ces derniers dans un prolongement traumatique.
Les études dans ce domaine sont encore peu
développées et beaucoup de données restent à
analyser. Ces données, encore limitées, ouvrent toutefois des
perspectives de recherche très prometteuses. La guerre est la plus
difficile question à résoudre, surtout dans notre pays.
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