Conclusion générale et
recommandations
En somme, nous retenons que le niveau de vie des
ménages influence positivement et indirectement l'assistance
médicale de qualité aux soins obstétricaux au Tchad. Ce
résultat infirme l'approche économique selon laquelle
l'accès aux soins obstétricaux est fortement
corrélé avec le niveau de pauvreté. En effet,il est clair
que ce sont les femmes vivant dans les ménages les plus aisés qui
sont les plus ouvertes à la modernité, ce qui les expose à
l'utilisation rationnelle des ressources afin d'avoir accès aux soins
obstétricaux de qualité.
Face à la mortalité maternelle et infantile
encore élevée dans la plupart des pays africains en
général et au Tchad en particulier, une attention
particulière mérite d'être accordée aux causes de ce
phénomène qui ne cesse de prendre de l'ampleur et qui est
pourtant évitable ou peut tout au moins être amoindri. Pour A.
Prual (1999), « Une étude réalisée en 1985 par l'OMS
avait montré que 99 % des décès maternels survenant dans
les PED (pays en développement) étaient évitables,
même dans le contexte actuel.». En effet, ces décès
maternels peuvent être évités par un suivi de la grossesse
depuis la conception jusqu'à l'accouchement et surtout dans le
post-partum immédiat16. D'où l'intérêt de
promouvoir l'assistance des soins obstétricaux. Or les statistiques
disponibles montrent une non assistance de plus en plus préoccupante des
soins obstétricaux en Afrique en général et au Tchad en
particulier. Par ailleurs, la plupart des études concernant les soins
obstétricaux, se sont focalisées sur les disparités
offre/demande, urbain/rural en la matière. Seulement, il est
indispensable d'aller au-delà de cette problématique afin de
comprendre les causes de la « non assistance médicale aux soins
obstétricaux » notamment les raisons pour lesquelles certaines
femmes ayant effectué au moins une consultation prénatale ne
bénéficient pas d'une assistance qualifiée pendant
l'accouchement. Cette étude vient donc en partie combler la lacune
concernant la disposition parcellaire de la documentation expliquant
l'accès aux soins obstétricaux dans un contexte de
pauvreté au Tchad.
La question de recherche est celle de savoir dans quelle mesure
la pauvreté constitue un obstacle à l'accès aux soins
obstétricaux au Tchad ?
16 Les études ont montré la plupart des
décès maternels surviennent dans cette période.
L'objectif principal de cette recherche est d'établir
la relation qui existe entre la pauvreté et l'accès aux soins
obstétricaux afin de mettre à la disposition de tous les
intervenants en matière de santé de la reproduction des
informations pertinentes pour améliorer l'accès aux soins
obstétricaux au Tchad.
De façon spécifique, il était question de
:
~ Mesurer le niveau d'accès aux soins obstétricaux
au Tchad;
~ Mesurer le niveau de pauvreté au Tchad ;
~ Mesurer l'impact de la pauvreté sur l'accès aux
soins obstétricaux au Tchad.
Dans le but de faire des recommandations pertinentes pour
faciliter l'accès aux soins obstétricaux par une
amélioration de niveau de vie des ménages au Tchad.
Les analyses descriptives ont révélé en
dehors de l'âge à l'accouchement, une association très
significative entre les facteurs prédisposants notamment le niveau de
vie, le niveau d'instruction, l'ethnie, le milieu de socialisation de la femme
d'une part, les facteurs facilitants en l'occurrence la région de
résidence, le milieu de résidence d'autre part et l'assistance
médicale aux soins obstétricaux.
Au niveau multivarié explicatif, les variables
déterminantes dans l'explication de l'assistance médicale aux
soins obstétricaux sont le niveau de vie du ménage dans lequel
vit une femme, le milieu de résidence, la région de
résidence, le niveau d'instruction et la religion chrétienne. Les
résultats des analyses par milieu de résidence nous ont permis de
constater qu'en milieu urbain, seuls le niveau de vie, le niveau d'instruction,
le milieu et la région de résidence expliquent l'accès aux
soins obstétricaux de qualité tandis qu'en milieu rural ce sont
le milieu de socialisation, le niveau de vie qui ont une influence
significative sur l'accès aux obstétricaux.
Les hypothèses vérifiées et partiellement
vérifiées sont les suivantes :
~ H1 : Nous supposons que, toute chose
égale par ailleurs, les chances de la femme de
recourir aux soins obstétricaux diminuent sensiblement
avec la pauvreté du ménage ;
~ H2 : L'impact de la pauvreté du
ménage sur le recours aux soins obstétricaux est
plus marqué en milieu rural qu'en milieu urbain ;
~ H3 : L'impact de la pauvreté du
ménage sur le recours aux soins obstétricaux est plus
important chez les femmes sans niveau d'instruction que chez
leurs congénères de niveau secondaire ou plus ;
~ H4 : L'impact de la pauvreté du
ménage sur l'accès aux soins obstétricaux est plus
marqué chez les femmes musulmanes et les adeptes de
religions traditionnelles que chez leurs congénères
chrétiennes : partiellement vérifiées.
~ H5 : Les femmes des ethnies Gorane Arabe,
Ouaddaï, Baguirmi-Kanembou ont plus
de difficultés d'accéder aux soins
obstétricaux que leurs congénères des ethnies Sara et
MayoKebbi-Tandjilé : partiellement vérifiées.
Les analyses descriptives ont montré des associations
très significatives avec la
quasi-totalité des variables explicatives en
général et la principale variable explicative qui est la
pauvreté des ménages en particulier sur l'accès aux soins
obstétricaux excepté l'âge de la femme
Quant aux analyses explicatives, elles ont montré que
certaines associations observées au niveau des analyses descriptives ne
sont pas des relations directes. En ce qui concerne la prise en charge
médicale de la grossesse et de l'accouchement, nous remarquons que les
caractéristiques socio-économiques, socio-culturelles,
socio-démographiques et les caractéristiques de la grossesse et
de l'accouchement en sont des facteurs déterminants.
Par ailleurs, les caractéristiques
socio-économiques expliquent la plus grande partie de la variation dans
le recours médical. Enfin, les caractéristiques de la grossesse
et de l'accouchement déterminent cette assistance médicale. En
effet, les visites prénatales et la qualité des services de SMI
influencent significativement le recours aux soins obstétricaux.
Sans prétendre à l'exhaustivité, cette
oeuvre, à l'image de toute oeuvre humaine, comporte quelques
imperfections. Au nombre des limites, on pourrait noter la nature du
phénomène étudié et la source des données
utilisées pour son traitement. En effet, la mortalité maternelle
fait partie des huit Objectifs du Millénaire pour le
Développement (OMD), donc c'est un phénomène social qui
mérite plus d'attention ; par conséquent elle nécessite
une approche qualitative dans le traitement des informations relatives à
la prise en charge médicale de la grossesse et de l'accouchement. Aussi,
nous ne pouvons pas savoir si le ménage dans lequel vit une femme
enceinte au moment de l'enquête correspond à celui
oü
elle vivait lors des précédentes grossesses.
Cette étude n'a pas la prétention d'avoir atteint totalement les
objectifs qu'elle s'est fixée. Certains d'entre eux mériteraient
de faire l'objet de recherches plus approfondies avec des données autres
que celles des EDS. En effet, celles-ci ne sont pas faites
spécifiquement pour une étude visant à mettre en relation
la pauvreté et l'accès aux soins obstétricaux.
Par ailleurs, au regard de l'influence positive et directe de
la pauvreté des ménages sur l'accès aux soins
obstétricaux, il est urgent de revoir les politiques de population afin
de transformer en action concrète l'intensification des programmes de
réduction de la pauvreté. Les dits programmes devraient
réserver la part belle aux parturientes, aux femmes enceintes. La
principale limite de cette étude pourrait être attribuable au
manque des informations sur certains aspects qualitatifs relatifs à la
perception de la grossesse et de l'accouchement d'une part et à la
disponibilité des services des soins obstétricaux et aux
possibilités de les accéder d'autre part. Mais au-delà de
cette limite, l'étude est rendue possible par la disponibilité
des données de qualité acceptable fournies par l'Enquête
Démographique et de Santé du Tchad de 2004.
Au terme de ce travail, nous n'avons pas la prétention
d'avoir abordé à fond tous les facteurs susceptibles d'influencer
les comportements thérapeutiques des femmes qui sont multiples et de
plusieurs ordres. Mais d'une manière générale, nous disons
que les caractéristiques socio-économiques (le niveau de vie, le
milieu de résidence et la région de résidence) et les
caractéristiques socio-culturelles déterminent l'assistance
médicale à la grossesse et à l'accouchement au Tchad. Les
femmes vivant dans de ménage de niveau de vie élevé,
celles du Sud, celles vivant à N'djaména et dans les autres
grandes villes ont tendance à plus recourir à une assistance
médicale aux soins obstétricaux que leurs homologues vivant dans
des ménages de faible niveau vie, celles du Nord et du centre, celles
vivant en milieu rural et ayant été socialisées en milieu
rural. Elles sont les plus concernées par les recommandations.
Enfin, nous estimons que la quasi-totalité des nos
hypothèses a été vérifiée même si
certains résultats semblent contrastés et appellent un
approfondissement de l'étude en prenant en considération des
aspects qui, pour des raisons diverses, n'ont pas pu être pris en compte
ici. Des études devraient notamment être orientées vers les
recherches des facteurs explicatifs des disparités observées par
région de résidence.
Nous ne pouvons pas terminer ce travail sans formuler quelques
recommandations. Compte tenu des limites ci-dessus, nous suggérons ce
qui suit pour les études ultérieures :
Aux chercheurs, d'approfondir l'analyse en tenant compte non
seulement de l'aspect quantitatif (approche monétaire) et qualitatif
(approche par le confort) mais aussi celui lié aux perceptions
socio-culturelles des populations rurales, en ce qui concerne la construction
de l'indicateur de pauvreté fondé sur le niveau de vie.
Concrètement, il s'agit, avant toute étude basée sur le
niveau de vie, d'interroger (par une enquête) les populations vivant en
milieu rural pour cerner leur point de vue, en terme de niveau de vie et
d'organiser une enquête pour mettre en relation la pauvreté et
l'accès aux services des soins de santé modernes.
Aux décideurs politiques, nous suggérons de :
> La lutte contre la pauvreté dans le sens de
l'amélioration des conditions de vie des ménages, en
général et en particulier en milieu rural et dans les
régions les plus pauvres, doit constituer un objectif politique
prioritaire pour favoriser l'accès aux soins obstétricaux ;
> Construire les centres de santé dans les zones
rurales ;
> Former et déployer équitablement sur le
terrain le personnel qualifié ;
> Faciliter l'accès aux services de santé de
qualité sur tout le territoire ;
> Favoriser l'éducation et l'alphabétisation des
femmes en âge de procréer ; > Améliorer l'utilisation
des ressources affectées au secteur de santé.
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