2.3 Contexte économique du Tchad
Depuis les années 2000, l'économie tchadienne
vit à l'ère du pétrole. L'exploitation de cet « or
noir » a constitué le principal moteur de la croissance en 2004. Il
a permis d'enregistrer un taux de croissance record de 31.3% (FMI, INSEED,
2006). Mais après ce « boom pétrolier » le secteur a
montré des performances décevantes. Pour autant, en 2005,
l'économie tchadienne a vu son produit intérieur brut (PIB)
augmenter de 8,6%, en lien avec la reprise de l'économie hors
pétrole. Cette dernière a constitué la variable moteur de
la croissance, avec un taux de 11,6%. L'année 2006 a été
marquée par une recrudescence de la violence dans l'extrême est du
Tchad, à la frontière soudanaise. Cette violence est le fait
d'affrontements entre les forces gouvernementales et les troupes rebelles
opposées au régime. Cette situation de guerre a une influence
néfaste sur la croissance économique du pays. Ces vives tensions
militaires donnent également lieu à une situation alimentaire
préoccupante dans les camps de réfugiés mais aussi et
surtout les personnes déplacées à l'Est du pays et
accroissent l'insécurité des populations d'accueil.
En 2006, l'activité économique nationale, bien
qu'en retrait par rapport aux performances enregistrées en 2005, demeure
encore porteuse, en dépit de la récession de l'activité
dans le secteur pétrolier. Le PIB réel global est estimé
à près de 1,3% en 2006.
Actuellement, quelque 80% de la population vivant avec moins
de 1$ par jour, le Tchad se classe au 173e rang sur 177 sur
l'échelle de l'indice de développement humain du PNUD (2006).
Trois décennies de guerre civile ont freiné le
développement économique et social du pays. Elles ont en outre eu
des répercussions graves sur la situation des groupes vulnérables
et notamment les femmes et les enfants. La situation s'est
détériorée depuis le début de 2006. La violence ne
cesse de croître, se répandant même à la
région du Darfour, sur la frontière avec le Soudan, et en
République centrafricaine (RCA).
Tous les indicateurs de santé sont au rouge. Le
réseau sanitaire national est dans l'impossibilité de satisfaire
totalement les besoins de la population. La plupart des structures sont
sous-équipées et manquent de personnel qualifié.
Les allocations budgétaires aux secteurs prioritaires
pour la réduction de la pauvreté ont été encore
accrues dans la loi de finance 2004, étant donné que la
majorité des revenus pétroliers ont été
assignés à ces secteurs.
D'après la première enquête sur la
consommation et le secteur informel au Tchad (ECOSIT-I) en 1995-96, l'indice de
la pauvreté (à savoir le pourcentage de ménages dont les
dépenses annuelles sont inférieures au niveau nécessaire
pour couvrir les besoins alimentaires et non alimentaires) est estimé
à 42,3%. Si l'on utilise une définition transnationale du seuil
de pauvreté, quatre cinquièmes des neufs millions d'habitants
vivent avec moins d'un dollar par jour. Les indicateurs sociaux restent bien
au-dessous des moyennes de l'Afrique subsaharienne. Plus de la moitié
des habitants de plus de 15 ans (y compris la majorité des femmes) sont
analphabètes. L'accès à de sources
améliorées d'eau potable s'est étendu au cours des trois
dernières années mais reste néanmoins limité
à trois personnes sur neuf. Seulement 1% de la population dispose de
l'électricité et on ne compte que 550 kilomètres de routes
revêtues sur un territoire de plus de 1,2 millions kilomètres
carrés.
En l'absence de données sur l'évolution des
revenus des ménages, il est difficile d'évaluer son impact sur la
réduction de la pauvreté et sur la redistribution de cette
croissance moyenne. Cela étant, on peut raisonnablement supposer que la
récente augmentation du revenu national, entraînée par les
investissements pétroliers et les retombées dans les secteurs de
la construction et des services, bénéficie principalement aux
citadins qui vivent à N'djaména et dans les villes secondaires du
sud. En même temps, la population rurale du sud a subi les effets de la
chute des prix mondiaux du coton jusqu'en 2002.
Les faibles indicateurs sociaux du Tchad exigent des efforts
intensifs pour que l'utilisation des ressources pétrolières
permette de réduire la pauvreté, et notamment des efforts
spécifiques pour atteindre les pauvres dans les régions rurales
et isolées du pays. Le programme de réforme soutenu par le
crédit proposé, qui porte sur les dépenses publiques et
les services pour le développement humain et économique, ainsi
que la réforme du secteur cotonnier, fournit la politique et le cadre
institutionnel approprié afin d'exécuter les mesures
nécessaires pour améliorer les conditions de vie.
Il est prévu que le démarrage de la production
et des exportations de pétrole conduit à une forte
amélioration de la croissance économique avec une augmentation du
BIP réel qui atteindra 33,6% en 2004 ; 13,5 en 2005 et seulement 4,3% en
2006. Pendant la période 2007- 2020, la progression du PIB devrait
être environ de 2% par an en raison de la baisse prévue de la
production pétrolière dans la région de Doba. En revanche,
il est prévu que la croissance du secteur non pétrolier soit
soutenue et que le PIB non pétrolier augmente en moyenne
d'environ 5% par an. Ces prévisions sont relativement
prudentes dans la mesure où elles reposent sur l'hypothèse selon
laquelle aucun nouveau site pétrolier ne sera exploité.
2.3.1 Environnement économique au Tchad
L'environnement économique a été
particulièrement inhibant ces dix dernières années au
Tchad et n'a pas permis entre autres de créer des emplois, des richesses
ni des revenus, maintenant de nombreuses personnes en dehors des circuits de
production et de consommation et donc sans moyens de défenses de leurs
droits. La croissance a été très faible au cours des
dernières décennies. Jusqu'en 1999, elle a rarement
excédé plus d'un point le taux de croissance annuelle de la
population ; la croissance s'est même contractée de 0,4% en 2000
par rapport à 1999. Il va de soi que ces rythmes de croissance de
l'économie ne pouvaient créer suffisamment d'emplois pour une
population estimée à 9,3 millions d'habitants avec un taux
d'accroissement naturel de 3% correspondant à un indice
synthétique de fécondité de 6,3 enfants par femme en
âge de procréer (INSEED, 2004). Sans disposer de statistiques, on
peut toutefois considérer que le taux de chômage doit être
relativement élevé sachant que la population tchadienne comporte
une forte proportion de jeunes (les moins de 15 ans représentent 48% de
la population en 1993 et 50,3% en 1997 ; BCR , 1999 et INSEED, 2004).
L'inflation a par ailleurs été plus
préjudiciable aux pauvres qu'aux couches aisées de la population
puisqu'elle a surtout frappé les biens et services de première
nécessité : les coûts de la santé, de l'eau, des
ouvrages hydrauliques, des latrines, ainsi que les surcoûts de la
scolarisation. Les dépenses alimentaires moyennes par habitant et par an
s'élèvent à 58 297 FCFA et représentent 60% du
budget des ménages tchadiens (INSSED, 2004). Ce qui porte la
dépense moyenne par habitant aux alentours de 5 000 FCFA par personne,
c'est-à-dire hors de portée pour la majorité des familles,
dont les chefs se trouvent en chômage effectif ou déguisé
(INSEED, 2004).
L'examen des facteurs qui ont limité la croissance a
fait constater qu'ils sont de deux ordres principaux. Il y a d'abord des
facteurs liés à la faiblesse du système productif, lequel
accuse les lacunes ci-après : le système demeure figé,
basé sur l'agriculture et l'élevage dont les producteurs
travaillent de manière archaïque et les produits ne subissent
aucune transformation générant une valeur ajoutée
substantielle ; ce secteur, principale source de
croissance, n'a reçu qu'un volume fort réduit
des investissements publics ; l'entreprenariat privé est embryonnaire et
tourné essentiellement vers les activités du commerce. Il y a
ensuite des facteurs liés aux faiblesses de l'environnement
économique, macro-économique, institutionnel, légal et
réglementaire.
D'une manière générale, l'investissement
privé a été découragé par l'état
déplorable des infrastructures de transport, d'énergie et de
communication dans un pays oül'environnement physique est par
ailleurs très pénalisant. Il a également de l'absence
d'une
politique et des stratégies fiables de
développement fondées sur des mesures d'incitation et des actions
de promotion cohérentes et durables. En cette matière, la plupart
de stratégies et de réformes significatives relèvent
d'initiatives toutes récentes dans le cadre de l'IPPTE3 ou de
la SNRP4 et portent essentiellement sur l'amélioration de la
gestion des finances publiques en recettes comme en dépenses de
façon à assurer la stabilité et la
prévisibilité de l'environnement macro-économique.
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