3. Problématique
Poser une problématique consiste à
préciser la position du problème en donnant la perspective
théorique qui guide la pensée mais aussi les questions
adressées aux faits empiriques observés.
Les mouvements de résistance du Sud-Kivu sont
théoriquement envisageables comme le phénomène de
mouvement social tel qu'étudié par A. Touraine (4) et
ses continuateurs (Albert Melucci) (5)et les autres. Dans cette
perspective théorique, ceux-ci s'imposent dans le système social
comme des acteurs aux logiques instrumentales en s'opposant à l'ordre
social et politique existant. Les mouvements de résistance ont
revendiqué dans un contexte de guerre le contrôle du
système d'idées en faisant prévaloir des fins «
nationalistes ». En effet, les guerres successives de 1996-2001 peuvent
être perçues comme la conséquence d'un processus politique
conflictuel pour la démocratisation de la République
Démocratique du Congo. L'émergence de ce phénomène
résistant est liée au prolongement du processus de
démocratisation et des guerres qui l'ont suivi. Dans ces conditions, ils
constituent à la fois un moyen violent d'expression des revendications
et en meme temps un vecteur des idées nouvelles dans la
société. Parlant du rapport entre les mouvements sociaux et la
démocratie, Alain Touraine précise ce qui suit :
« D'un côté, si un système politique
ne considère les mouvements sociaux que comme l'expression violente de
demandes impossibles à satisfaire, il perd sa
représentativité et la confiance des électeurs (...). De
l'autre côté, il n'y a de mouvement social que si l'action
collective se donne des objectifs sociétaux, c'est-à-dire
reconnait des valeurs ou des
4 Dans l'ouvrage La voix et le regard, Paris,
Seuil, 1978 Alain Touraine entend par mouvement social « (...) la conduite
collective organisée d'un acteur de classe luttant contre
son adversaire de classe pour la direction sociale de
l'historicité dans une collectivité concrète »
(p.103).
5 Dans la continuation de la pensée
touranienne, Alberto Melucci émet des considérations
enrichissantes sur ce qu'il convient bien d'appeler les nouveaux mouvements
sociaux. Dans « Société et changement et nouveaux mouvements
sociaux » publié dans la Revue sociologie et
société, Vol. 10, n°2, 1978, il souligne qu'un
mouvement social se définit comme une action collective indiquant la
lutte de deux acteurs pour l'appropriation de valeurs et ressources
sociales, lutte dont les modes d'expression cassent les normes
institutionnalisées dans les rôles sociaux, débordent les
règles du système politique et attaquent la structure des
rapports sociaux (Lire J. Lafargue cité plus haut, p. 106).
intérêts généraux de la
société et, par conséquent, ne réduit pas la vie
politique à l'affrontement de camps ou de classes, en meme temps
qu'elle organise et développe des conflits »
(6).
Du point de vue empirique, il s'est observé la
formation de plusieurs mouvements de résistance appelés mai-mai
sur l'étendue de la Province du Sud-Kivu. Le contexte de guerre
évoqué ci-haut a été une condition favorable
à leur existence. La genèse de ces mouvements de
résistance semble intégrée à la fois le contexte
social et le contexte historique. Ce qui est frappant c'est l'existence des
systèmes d'idées fondées sur les acquis historiques des
rebellions et autres formes de résistance ainsi que les actions
protestataires qu'elles entraînent. Les idéologies
véhiculées recèlent des contradictions et sont mouvantes
en fonction de contextes conjoncturels. Elles se fondent sur le sentiment d'une
situation d'occupation, d'envahissement, d'injustice sociale d'une part, et
propose un système d'idées nationalistes comme solution à
travers la lutte armée ou la violence politique.
Les mouvements de résistance se sont manifestés
davantage dans les sociétés rurales. Ils se sont servis des
ressources tirées de ces milieux « naturels », mais aussi ils
ont remué les germes des conflits identitaires et fonciers en latence
entre les communautés.
A travers leurs idées et actions, les mouvements de
résistance ont participé quoiqu'avec violence aux processus
politiques engagés dans le pays. Ils ont perturbé
l'équilibre des contrées occupées. Le processus de
brassage des troupes et de démobilisation mené par le
système politique semble inaugurer la fin des mouvements de
résistance.
Au regard de notre perspective d'analyse et des faits
empiriques problématisés, nous avons formulé une
préoccupation
6 A. TOURAINE, Qu'estRWWWWWWWWWW ?, Paris,
Seuil, 1994, pp.87-88.
principale consistant à savoir pourquoi persiste-t-il
des idéologies de résistance au Sud-Kivu qui ont conduit à
l'émergence de nouvelles formes de mouvements de résistance en
plein processus de démocratisation ? En plus de celle-ci, nous avons
posé trois questions secondaires à savoir :
- Quelles sont les origines des mouvements de résistance
au Sud-
Kivu ?
- Quels sont les fondements de l'idéologie de
mouvements de résistance ainsi que la nature des actions revendicatrices
exprimées ?
- Quel est le rôle du système d'idées
construit et les actions qu'il génère dans la recherche de
l'idéal démocratique ?
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