2.2.1.2. Mouvements de résistance nés du
contexte de guerre
- Mai-Mai de Bunyakiri
La bataille engagée entre les populations de Rutchuru et
Masisi a eu entre autres comme effet, le déplacement des populations.
Pendant ce temps, le mouvement « Katuku »
connaissait une expansion vers Nyamaboko ; ufandu (Masisi) et Walowa (Walikale)
dans la lutte contre « l'occupation rwandaise » de leurs terres. Une
tranche des populations en déplacement (exclusivement Hutu et Nyanga)
s'étaient déplacées vers Bunyakiri en véhiculant
l'idéologie de lutte contre l'occupation des espaces par les rwandais
»49 en plein expansion. Ils ont ainsi convaincu les Batembo
à s'organiser militairement pour faire face à l'ennemi commun.
L'entreprise fut ainsi réalisée surtout que certains Batembo
combattaient dans les rangs de Katuku. C'est le cas de Damiano,Mussambo,
Mukoko, Padiri et les autres.
A partir de 1996, ce groupe a pris corps comme mouvement de
résistance pour s'opposer à l'occupation rwandaise entretenue par
l'AFDL.
49 Il s'agit ici des populations congolaises
d'expression rwandaise qualifiées de rwandais par d'autres groupes
ethniques
L'avènement de RCD va marquer un tournent
décisif dans l'évolution de ce mouvement car il va devenir un
véritable allié du Gouvernement de Kinshasa avant son
intégration totale dans l'armée régulière à
l'issue l'Accord global et inclusif de 2001.
Un ancien administrateur de Mai- Mai Bunyakiri déclare ce
qui suit :
« Notre évolution a connu 3 étapes. Dans le
1er temps, il y avait des exactions des Hutu contre les autochtones.
Les jeunes s'étaient organisés par les contrer
avec le mouvement Katuku venu du Nord- Kivu en guerre contre les Hutu et TUTSI
(MAGRIVI) les premiers jeunes mobilisés prétendaient agir pour le
compte du chef Moroba (on parlait de Katuku Ka Muroba). Dans le
2ère temps, les Hutu sont arrivés pourchassés
par les Tutsi. Les jeunes ont solidarisé avec les nouveaux venus hutu en
échange des fusils et munitions. L'attaque a été
dirigée vers les tutsi devenus l'ennemi commun.
C'est ainsi qu'ils ont changé le nom : au lieu de
Katuku on a parlée de combattants mai-mai. Le 3e temps c'est
l'entrée de l'AFDL, le mouvement a pris l'appellation Forces
Armées de Libération (FAL) puis Forces armées de
Libération de Bantous ( FALBA). Après avoir été
formé au mouvement Katuku et chez les mai-mai Kasidiens, Padiri Bulenda
est venu formalisé les Mai-Mai de Bunyakiri devenus une force militaire
contre l'AFDL, le RCD »50.
La genèse de ce mouvement est marquée par des
influences, des contagions d'idéologie et de pratique, et surtout du
contexte historique. La rencontre avec le mouvement Katuku et les guerres de
l'AFDL et du RCD
50 Récit obtenu d'un administrateur au sein du
Mouvement mai-mai de Bunyakiri en date du 15/04/2009 à Bukavu.
ont favorisé la création et l'émergence du
mouvement de résistance Mai-Mai Bunyakiri.
Le Leadership du mai-mai Bunyakiri était, au
début essentiellement militaire. Les activités liées aux
combats étaient primordiales : entraînements, rituels mystiques,
combats, etc. Plus tard, il a été mis sur pied une administration
pour s'occuper des affaires politiques et judiciaires au sein du mouvement.
Toutefois, le leadership dominant état militaire, et incarné par
Padiri Bulenda.
- Simba Mai-Mai
Ce mouvement de résistance se réclame les
mêmes origines que le Mai-Mai Bunyakiri. Il s'agit d'un cas type de
dégénérescence recomposition après les tensions
internes.
Il est important de souligner qu'après la
réunification, le mouvement de résistance Mai- Mai Bunyakiri
s'est inscrit dans le processus, et a opté pour la transformation
politique. Nombreux leaders militaires ont obtenu des grades supérieurs
dans l'armée après le brassage, et certains leaders civils ont
accédé aux postes politiques. A titre illustratif, nous pouvons
citer Mr. Padiri Bulenda devenu Général de brigade, Anselne
Enerunga nommé Ministre de l'environnement.
Les insatisfactions et frustration issues de la
récompense inégalement répartie et
précédée par des divergences internes vont motiver
quelques éléments de troupes et leaders politiques à
retourner dans les zones de combat (maquis). A ce propos, nous pouvons retenir
les déclarations de deux commandants rencontrés à Miti en
Territoire de Kabare.
« Nous étions tous avec Padiri. Mais, il y avait
déjà des conflits entre les gens, notamment les
Barongeronge et les Batembo. Le Général Padiri n'a
favorisé que ses
frères pour obtenir des grades supérieurs et des
postes politiques. Malgré le sacrifice consenti, nous comme d'autres,
véritables combattants, avons été lésés.
Nous sommes rentrées dans la forêt car il
était caché beaucoup d'armes et de munitions »51
La mutinerie du colonel Mutebusi et sa dissidence avec le
Général Laurent Nkunda va de nouveau alimenter le prétexte
d'une réorganisation militaire avec pour but de chasser l'ennemie
commun, le tutsi qui de reprendre les armes pour l'occupation du Congo.
Le chef militaire de ce mouvement précise ceci :
« Nous avons commencé longtemps avec le
Général Padiri mais après la réunification, nos
rivaux du RCD ont changé de vareuse dans le CNDP. En 2007, ils ont
tenté de conquérir Goma. La même année nous avons
décidé de créer simba Mai-Mai pour sauvegarder les
intérêts du pays ».52
Le leadership de ce mouvement est caractérisé
par une instabilité permanente mais aussi une juxtaposition de deux
branches dirigeantes : une direction militaire et une direction civile. Ayant
pris naissance à Bunyakiri, les originaires de cette contrée se
réclament chef du mouvement pendant que, leurs voisin Bashi (chefferie
de Ninja ; Groupement de Kalonge, Miti, etc.) ont pris le devant.
En plus, la direction civile, dont la plupart des cadres
résident à Bukavu, ne jouit pas d'une influence notable sur la
branche armée devenue bicéphale. Ces divergences ont conduit
à l'indentification desdits leaders civils qui vivaient dans la
clandestinité, et surtout leur arrestation : un prêtre de la
Paroisse de Chimpunda du nom de Roger
51 Propos recuilli dans un entretien avec deux chefs
des troupes de Simba Mai- mai à Bunyakiri (Territoire de Kalehe) le 06
février 2009.
52 Témoignage recueilli auprès du chef
militaire de Simba Mai-Mai lors de son séjour à Bukavu en date du
8 mars 2009.
Masirika et l'ancien Bourgoumestre de la commune de Bagira, Mr
Basirwa furent mis aux arrêts. Le leader militaire reconnu de ce
mouvement se nomme Monsieur Bitu dit Général.
- Mai -Mai Kirikicho
La génère de ce mouvement se situe dans le
même contexte que ceux de Bunyakiri et Simba Mai -Mai. Monsieur
Kirikicho, le chef militaire de ce mouvement était commandant dans les
rangs de Mai- Mai Bunyakiri. Après la réunification du pays, il a
été intégré dans l'armée
régulière, les F.A.R.D.C., et affecté au Nord- Kivu.
Mécontent de son grade et surtout son lieu d'affectation car il avait
souhaité rester au Sud -Kivu, il s'est décidé de regagner
certaines éléments de ses troupes restées à
Bunyakiri pour défendre les populations contre les exactions des FARDC.
Il installe ainsi ses troupes à Ufamando, Ziralo et Bunyakiri. Son
mouvement a eu une influence considérable au Nord- Kivu,
précisément à Walowalwanda (walikale) et à Massisi
(ufamando) où ses troupes ont fait faces aux FARDC et aux
éléments du CNDP de Laurent Nkunda. Le mouvement se
réclame une certaine vaillance à cause de son extension sur les
Provinces du Nord et du Sud Kivu, d'une part, et de la paternité d'un
mouvement réputé du Nord-Kivu, à savoir Mai -Mai Kifuafua.
Ce dernier opérait au Sud-Kivu ( Kabare et Kalehe) jusqu'en 2009.
Ayant pour base Bunyakiri, ce mouvement Mai- Mai a connu un
leadership stable à cause du charisme de son chef militaire, Mr
Kirikicha. A l'instar d'autre, il n'avait pas une organisation politique avant
la conférence de Goma.. La branche politique créée
après la conférence de Goma n'a pas réussi jusqu'ici
à intégrer la structure générale du mouvement ni
à l'influencer.
- PARECO/SUD-KIVU ( Patriotes Résistants du
Congo)
Ce mouvement est également une émanation des
dissidences et mécontentements du sein du foyer Mai -Mai de Bunyakiri,
et surtout du souci de créer un regroupement de tous les groupes mai-mai
pour faire face au CNDP de Laurent Nkunda. Ses origines remontent vers les
années 2007. Sa particularité est d'avoir crée un
mouvement politico-militaire en s'inspirant des expériences de
l'A.F.D.L.R. et du R.C.D. et dans le même contexte le CNDP. Ce mouvement
de résistance a opéré au Sud-Kivu ( en Territoire de
Kalehe surtout) et au Nord-Kivu. Il a bénéficié du
soutient du Gouvernement de Kinshasa. L'objectif était de constituer un
rapport de force vis-à-vis du CNDP mais aussi de créer un
interlocuteur valable en cas de négociation qui associerait les
mouvements politico-militaires. Cependant, l'activité politique a
été quasiment absente, car, outre la défense des espaces
occupés dans la chefferie de Kalehe, ce mouvement a été en
guerre contre les F.D.L.R. et autres mai-mai qui avaient refusé d'entrer
dans la coalition.
Le PARECO n'a pas connu la destabilisation de son leadership
incarné par Mr Rutabura Sala piele. La branche politique a
été effective à la Conférence de Goma.
- Mai -Mai Shikito(53)
Ce mouvement est né en 1998 après l'occupation
politique du Sud-Kivu par les forces du R.C.D. Ses origines remonteraient
à la fois du contagion à l'élan nationaliste contre «
l'envahisseur tutsi » camouflé par le R.C.D. et la défense
des populations contre les exactions menées sur elles par les autres
mouvements de résistance (Mai-Mai) et les F.D.L.R. Nous retenons des
propos du chef militaire de ce mouvement ce qui suit :
53 Shikito (mot lega) signifie en swahili «
shina ya kitongo ». kitongo est une rivière qui prend sa source
vers Kitumbo dans le Territoire de Mwenga. Shikito serait le lieu de provenance
du chef militaire mais aussi le VyP EROKIEllaDEqDESIRtègI.
« Quand on a connu les agressions
étrangères, on s'est retrouvé maltraité. Les «
frères »54 des autres groupes armés et les Hutus
des F.D.L.R. nous prenaient pour la cible. Les sages ont été
fâchés par ces injustices, raison pour laquelle ils
réunirent les jeunes pour créer une force locale. Les faits
déplorés sont notamment les viols, les pillages des
bétails, le déplacement des habitants, l'interdiction
d'accès aux carrés miniers.
En 2003, on s'est rallié à d'autres mouvements
pour le brassage. On été marginalisé dans l'octroi des
grades et autres avantages. On s'était désolidarisé pour
retourner dans la forêt et lutter aux côtés de nos
populations »(55).
L'unicité de la direction a été un
facteur favorable à la stabilité du leadership. Les aspects
politiques n'ont pas été pris en compte jusque peu avant la
conférence de Goma.
- Mai- Mai Kapopo
Ce mouvement de résistance déclare des origines
proches dans la continuité des idéologies mulelistes à
cause des accointances entre son chef militaire et le foyer de
résistance de Fizi. En réalité, il est né du conte
de guerre dans un processus ambivalent de contagion- dissidence -
recomposition.
L'initiative de créer ce mouvement Mai-Mai commence
pendant le règne politique du RCD à l'Est du territoire national.
Elle résulte des frustrations et mésententes dans l'ancien
mouvement Mai Mai de Fizi évoluant à Fizi et du prétexte
de l'occupation étrangère des terres du Kivu par les forces
étrangères.
54 Le mot « frère » exprime tout
simplement les compatriotes engagés dans les autres mouvements
mai-mai.
55 Entretien avec le chef militaire de Mai-Mai Shikito
dit Général Richard MUKUMANYA en date du 7 avril 2009 à
Bukavu.
Outre le fait que ce mouvement s'est occupé
essentiellement de l'action militariste, il a traversé de moments de
turbulences dans sa de direction. Des dissidences régulières
auraient été enregistrées. La composante politique a vu le
jour au lendemain de la conférence de Goma à l'Instar d'autres
mouvements ci -haut décrits.
- Mai -Mai Ny'ikiriba
Né dans la plaine de la Ruzizi, spécialement sur
les hauts et moyens plateaux d'Uvira, ce mouvement se situe dans le
prolongement des anciens groupes armés. Il a une connotation tribalo-
ethnique car le but principal était de protéger le terroir. Il
s'agit ici de la continuité de l'idéologie de méfiance
entre les Bafulero et les Banyamulenge. Ainsi, ce mouvement de
résistance s'est créé à la suite d'une «
menace » persistante entre ces deux peuples voisins ; les Banyamulenge
étant accusés de tuer les populations Fuliro et Uvira à
cause de leur positionnement favorable au sein du R.C.D.
Il sied de souligner que l'ancien chef militaire de cette
contrée, Monsieur Nakabaka a été intégré
dans l'armée régulière avec le grade de colonel. Il en est
de même pour d'autres originaires du Territoire d'Uvira comme Monsieur
Nakiriba. Bénéficiant du soutien communautaire, Monsieur Nakiriba
chef militaire de ce mouvement va, au lendemain des l'Accord de Sun City et le
processus de brassage, reprendre les armes au motif de protéger les
siens contre les tutsi et bouter dehors les « envahisseurs rwandais
».
Le Mai- Mai ny'ikiriba a connu un leadership stable et
efficace à la suite de son intégration dans les
communautés villageoises qu'il prétendait défendre.
Cependant, ses relations avec les F.N.L.56 a, par moment,
effrité ses assises communautaires. Une branche politique sans
56 FNL ( Forces Nationales de Libération du
Burundi) est un mouvement rebelle de la République voisine du Burundi
qui a mené une lutte armée contre les institutions politiques au
Burundi avant comme après les élections pluralistes. Elles ont
longtemps commis des atrocités contre les populations civiles dans la
pleine de la RUZIZI.
influence remarquable a été créée
pour représenter le mouvement à la Conférence de Goma.
- Mudundo 40
C'est aussi l'un des mouvements qui est né pendant la
rébellion du R.C.D. Son chef militaire, Monsieur Odilo Kurhengamuzimu a
été influencé par les Mai- Mai Bunyakiri où il
aurait servi comme militaire. La forme localiste ou ethno-tribale que prenaient
les autres groupes Mai- Mai faussé à créer une
résistance pour la tribu shi dont il est issu. Il aurait ainsi
bénéficié du soutien total de sa communauté en
hommes de troupes, munitions et armes et soutien logistique et financier. Un
ancien Mai- Ma, actuellement Lieutenant colonel des FARDC a
déclaré avoir été le 1er à
créer une branche armée à walungu le 15/8/1998
après la prise de Bukavu par les forces du R.C.D. Il soutient aussi que
c'est en 1999 que Monsieur Odilo a débuté son mouvement à
walungu, bénéficiant du soutien de sa
communauté.(57).
Le mouvement, Mudundu 40 a été soumis au
processus de brassage en 2002. L'insatisfaction récoltée par son
chef militaire l'a poussé à quitter l'armée
régulière où il avait le grade de colonel. Il s'est ainsi
résolu de retourner dans le maquis pour reprendre la résistance
armée contre le Gouvernement.
Les conflits internes au sein de ce mouvement n'ont pas
facilité l'efficacité du leadership. Le chef militaire a
été accusé d'alliance avec le RCD, acte
considéré abonnable dans un contexte de résistance
populaire contre les forces étrangères. C'est ce qui a
entraîné des dissensions voire le désengagement des
combattants. La branche politique clandestinement opérante dans les
milieux religieux, politiques et de la société civile s'est
disloquée suite aux abus du chef militaire. La réorganisation
proprement
57 Entretien avec un colonel de la 10e RM,
ancien Mai-mai non originaire du Sud-Kivu et ex-rebelle contre le régime
de Mobutu au Congo-Brazaville.
dite s'est faite à la veille de la conférence de
Goma motivée par le souci de positionnement politique.
|