3.1.3 La coopération des acteurs
favorise la participation locale
Ceci étant, la création et distribution de
revenus peut dépasser la dichotomie emplois
salariés/propriétaires. La participation locale exprime sous
d'autres formes, comme le développement des activités gravitant
autour du tourisme. La vente de biens et services locaux aux exploitants
touristiques représente une opportunité nouvelle pour les
prestataires. En tant qu'activité de services, le tourisme a besoin d'un
ensemble de prestations connexes pour fonctionner. Le transport de passagers,
la restauration, l'hébergement, la fourniture d'équipements ou
l'artisanat sont autant de d'exemples de d'activités de support ou
complémentaires au tourisme. La participation locale peut de ce fait
s'exprimer par ces canaux périphériques au tourisme en tant que
tel. Une étude réalisée par la Banque Mondiale en 2003
(voir Annexe 4) fait état de l'origine des sources d'approvisionnement
des biens consommés par un hôtel de la capitale. Sur les 51
produits cités, 37 sont soit directement produits sur place soit
importés puis distribués par des réseaux de vente locaux
(73%). L'essentiel des produits d'alimentation utilisés par
l'établissement sont ainsi fournis par des producteurs locaux, comme la
viande, le poisson, le café ou le lait par exemple. De même, la
plupart des fournitures de base sont issus de l'économie locale. Dans ce
cas, il s'agit de biens dont la production ou l'entretien ne requièrent
que peu de qualifications - menuiserie, matériaux de construction,
vaisselles, draperies, etc. Seuls les biens à technique de production
plus élaborée sont finalement exclus du circuit économique
local, et de ce fait non rémunérateur pour les acteurs locaux.
Cette tendance à l'utilisation des ressources locales
se retrouve aussi dans la filière des hébergements
écotouristiques - ou écolodges. Si Madagascar représente
un terrain propice au développement de ce genre d'établissements,
le type de prestations proposé peut cependant notablement varier selon
les endroits. Respectant les principes écotouristiques, la construction
des écolodges se fait souvent avec des matériaux et une main
d'oeuvre locale, ce qui offre un double avantage : d'une part les
coûts d'investissements sont réduits, et d'autre part la
participation locale est forte, impliquant un ensemble d'acteurs dans le
projet, créant la synergie décrite dans le cercle vertueux de
Wunder. Ces établissements s'adressent par ailleurs à un
marché de niche très porteurs ; un soutien du Gouvernement
aux investissements favoriserait d'autant plus le développement des
écolodges et des activités périphériques.
De plus, une gamme variée de services liée
à l'écotourisme émerge avec son expansion. Il peut s'agir
d'activités de loisirs ou d'activités traditionnelles. Ainsi, les
politiques de valorisation des ressources peuvent être
l'opportunité de développer de nouvelles activités
créatrices de revenus et respectueuses de l'environnement. Plusieurs
centres de plongée ont vu le jour ces dernières années,
notamment dans des zones protégées et dédiées
à ce type de loisirs. Cette démarche amorce aussi un changement
des modes d'exploitations de ressources et la définition de nouveaux
cadres institutionnels [Chaboud, Méral et Andrianambinina, 2004]. La
création de l'association FINIMANO à Anakao (Sud-Ouest) a permis
la définition de zones protégées dont la pratique de la
pêche traditionnelle est limitée voire interdite, laissant la
place à une valorisation des écosystèmes marins par la
plongée sous-marine et la mise en place d'une unité locale de
surveillance, assurant le respect des règles. Cet accord est le fruit de
la collaboration entre hôteliers et communautés locales, et est
scellé par son inscription dans la dina. Bien que cette
initiative n'ait pour l'instant induit que de faibles changements, notamment
dans les pratiques traditionnelles, les conséquences existantes sont
allées dans le sens du développement et de l'intégration
des populations locales. En outre, cette distribution de pouvoir entre les
membres d'une communauté mène aussi à une meilleure
cohésion sociale et un renforcement des relations de confiance, ce qui
favorise un respect des règles établies. Le développement
d'un capital social communautaire, par la volonté d'impliquer chaque
membre, doit conduire à un renforcement du groupe et de
l'efficacité de la coopération [Ballet, Sirven et
Requiers-Desjardins, 2007].
Si la participation locale est souvent appuyée par les
initiatives écotouristiques (hypothèse 1), il est vrai que les
changements socio-économiques ne sont pas toujours aussi forts
qu'espérés (hypothèse 2). Deux principales raisons peuvent
expliquer cette tendance. Tout d'abord, le niveau de revenus
générés par les activités écotouristiques
n'est guère assez élevé pour représenter une
incentive suffisante à l'abandon des modes de production les
plus destructrices et ainsi à faire de la biodiversité un capital
économique durable. Ensuite, la jeunesse des activités
écotouristiques n'incite pas encore les acteurs locaux à
abandonner leurs modes de production traditionnelles. Dans un contexte de
survie, ils ne sont pas prêts à devenir dépendants d'une
activité dont le succès à long terme n'est pas encore
garanti. Les changements socio-économiques se faisant à plus long
terme, les revenus de l'écotourisme doivent donc bien se
présenter comme un complément aux revenus traditionnels, et un
moyen, à plus long terme, d'amener les populations locales à
mieux valoriser leurs ressources naturelles et à abandonner leur vision
court-termiste.
Le succès en demi-teinte du modèle vertueux de
Wunder n'est pas exclusivement lié à son aspect économique
et à la lenteur des changements d'attitudes. Il tient aussi
l'adéquation de la population active disponible aux postes
créés.
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