Ecotourisme: une amélioration de la contribution de la pratique touristique dans les PED ? Exemple de Madagascar( Télécharger le fichier original )par Mathieu Meyer Sup de Co Reims - Master en Management 2010 |
3 En s'intégrant plus au tissu socio-économique local, l'écotourisme répond à une double attenteLa valorisation des écosystèmes est une stratégie répandue dans les pays en développement, qui, bien souvent, disposent d'une richesse biologique suffisamment abondante pour en faire un vecteur de développement. A l'idée très actuelle et conceptuelle de gestion plus responsable des ressources naturelles vient aussi s'ajouter une ambition de valorisation économique de ce capital. Cette optique, propre à l'ensemble des activités touristiques, est abordée d'une manière relativement différente par l'écotourisme. L'intégration à une filière globale, mondiale, caractérise le fonctionnement du tourisme traditionnel, où les opérateurs privés, en aval (tour-opérateurs), contrôlent et canalisent l'essentiel de cette filière et des revenus, laissant en amont, aux acteurs locaux, qu'une infime partie des bénéfices. Aujourd'hui, 80% des revenus issus d'un voyage all-inclusive reviennent aux firmes internationales d'hôtellerie ou de transports par exemple [TIES, 2006]. Par son essence, l'écotourisme se différencie en proposant une approche plus intégratrice envers les communautés locales. La définition qu'en fait Ceballos-Lascurain (1996) rend compte des dimensions soutenues : « Voyage et visite environnementalement responsables dans des espaces naturels relativement calmes dans le but d'apprécier la nature [...], qui promeuvent la conservation, créent de faibles impacts et participent activement à l'amélioration socio-économique des populations locales. » [Ceballos-Lascurain, 1996] L'accent est porté sur deux principaux aspects, points centraux de la pensée écotouristique : la réduction de l'impact sur l'environnement et le développement des communautés locales grâce à leur intégration dans l'activité - Wunder considère l'aspect éducatif comme le troisième critère de l'écotourisme. Ce lien de proximité et de coopération entre les acteurs d'amont est à la base du « cercle vertueux » de l'écotourisme, décrit par Wunder (2000). Nous tâcherons de mettre en lumière les mécanismes qui assurent le bon fonctionnement de ce modèle. 3.1 Une redistribution notable des revenus crée un contexte favorable au développement localL'analyse de l'écotourisme se fait essentiellement en termes d'impact sur l'environnement dans la littérature universitaire. Conservation, préservation ou dégradation des ressources naturelles sont des notions récurrentes lorsque l'on aborde le thème du tourisme responsable. Mais le terme « écotourisme » renvoie cependant à d'autres champs, qui peuvent se présenter sous trois conditions [Wunder, 2000]: § Minimiser l'impact sur l'environnement (aspect écologique) § Donner au touriste une conscience écologique par la dimension éducative et sensibilisatrice de l'activité (aspect éducatif - voir partie 2.2) § Faire bénéficier au mieux les populations locales des revenus générés en les intégrant plus à la filière (aspect socio-économique) Cette dimension économique et sociale est d'autant plus centrale qu'elle concerne les retombées et mutations engendrées par l'écotourisme au sein des communautés locales. Elle porte donc sur des critères déterminants pour assurer un avenir et un succès à long terme à ce nouveau mode touristique. L'analyse économique de l'écotourisme résume fondamentalement la question de la valorisation du capital naturel. En effet, les IFI et des autres bailleurs de fonds intègrent la bonne gouvernance des ressources naturelles, par le biais de l'écotourisme et de la valorisation de la biodiversité donc, dans un cadre plus global de programmes initiateurs de développement dans des pays où le patrimoine écologique s'avère être une opportunité de croissance. 3.1.1 L'écotourisme, un moyen de valoriser économiquement une régionL'écotourisme, en tant que moyen au service du développement et non fin en soi, se base sur un fonctionnement autorégulateur qui, une fois impulsé, à la capacité, au moins théorique, de s'auto-entretenir. La conceptualisation de ce modèle est connue sous le nom de « cercle vertueux » de l'écotourisme, et fait état de plusieurs étapes (voir Annexe 2). (1) Le développement touristique en est le point de départ. Il repose sur un réseau touristique local autonome, où les acteurs locaux sont au coeur de la filière. (2) Les actions de promotion et de valorisation de la biodiversité mises en place ont pour but de générer de nouveaux revenus (Biodiversity pays for itself). (3) Cette nouvelle source de profits va modifier les modèles sociaux et économiques établis, changeant non seulement la structure des emplois mais aussi les modes de production. (4) Ainsi, les méthodes d'exploitation existantes des ressources tendent à devenir plus durable, allant jusqu'à la substitution des modes les plus dévastateurs au profit d'une conscience écologique. La biodiversité n'est plus vue comme un moyen de survie mais comme une source de revenus à plus long terme. Ce changement d'attitudes conduit aussi à protéger les ressources naturelles des menaces extérieures (exploitation minière ou pétrolière, déforestation sauvage, mauvaise conduite touristique, etc.). (5) L'ensemble de ces conduites plus responsables mène à un soutien à la protection des écosystèmes, action elle-même directement liée au développement du tourisme vert, fermant ainsi la boucle [Wunder, 2000]. La description du fonctionnement de ce cercle est cependant incomplète, car les clefs de son succès reposent sur deux hypothèses venant s'ajouter au cadre posé par ce processus. Ces dernières s'affichent comme des éléments décisifs pour rendre ce modèle efficace, et portent sur sa dimension économique. · La création et la distribution de revenus doivent être suffisamment avantageuses pour intéresser les populations locales - utilisation du terme incentives en anglais. · Ces revenus supplémentaires sont facteurs d'une dynamique de changement socio-économique, favorable à la conservation. La première hypothèse implique d'entrée une forte participation des communautés locales dans la filière touristique. En effet, pour percevoir des revenus de cette activité, elles doivent y prendre part, ce qui peut se faire à des degrés divers. Elles peuvent être totalement responsables des opérations d'amont, en tant que propriétaires des établissements par exemple, créant un tissu économique local dont la gestion, et les bénéfices, ne concerne que ces acteurs locaux. Il s'agit d'une forme de « tourisme autonome »22(*) caractérisé par des capacités d'accueil souvent réduites par des possibilités d'investissements elles-mêmes assez faibles. L'ensemble des revenus sont cependant récolté par les communautés. A l'inverse, le degré d'intégration le plus faible des populations locales dans l'économie touristique se fait par la salarisation de l'activité. Ce modèle est par exemple propre aux tours opérateurs de plus grande envergure, nationaux ou internationaux. Le développement de l'économie locale est fortement dépendant de la distribution de salaires et, de ce fait, de la capacité d'absorption des ressources humaines locales par ces entreprises. D'autres modèles, intermédiaires aux types autonome ou paternaliste23(*), existent, offrant aux communautés locales des responsabilités de gestion et des libertés d'action plus ou moins grandes, notamment par la délégation, la coopération ou les partenariats. Pour la seconde hypothèse, les revenus générés doivent cependant être suffisamment conséquents pour que les bénéficiaires les considèrent en tant que tels. Le terme incentives donne une meilleure idée de leur capacité à induire un changement dans les comportements et les attitudes. La distribution des profits du tourisme, et qui plus est de l'écotourisme, ne doit pas uniquement être une nouvelle source de revenus mais un moyen d'enclencher un développement local durable et soutenable grâce au changement socio-économique qu'elle suppose. Le caractère « significatif » des revenus ne dépend pas uniquement du degré de participation des communautés, mais aussi de leur capacité à répondre aux besoins des écotouristes. Si la demande de tourisme responsable existe et s'accroît, l'offre, quant à elle, reste à se développer. Pour profiter des revenus potentiels de cette niche touristique, les communautés locales doivent être capables d'attirer cette demande. Cela se traduit par une nécessité d'investissements en hébergement, transport ou en capital humain par exemple. * 22 Traduction libre de « autonomous tourism operation » [Wunder, 2000] * 23 Traduction libre de « paternalistic » [Wunder, 2000] |
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