Ecotourisme: une amélioration de la contribution de la pratique touristique dans les PED ? Exemple de Madagascar( Télécharger le fichier original )par Mathieu Meyer Sup de Co Reims - Master en Management 2010 |
2.1.2 Passer de la conservation à la valorisation du patrimoine en faisant des aires protégées des zones motrices de développementLe pays connaissant une longue tradition de conservation par création de réserves naturelles, ou d'aires protégées en général, il peut être légitime de se questionner sur l'efficacité de la mise en place de tels programmes. A qui profitent-t-elles ? Comment un processus de privation peut-il devenir profitable aux populations exclues de facto ? Les premières mesures de conservation, au sens strict et rigide, relève certainement plus d'une réaction rapide à un état d'urgence de dégradation inquiétante de l'environnement plus qu'à une véritable volonté de rejeter localement tout activité humaine. L'assouplissement des politiques allant dans ce sens, la protection des écosystèmes vise plutôt une exploitation raisonnée et durable des ressources. L'Accord du Durban, ratifié lors du Ve Congrès mondial sur les parcs en 2003, définit les aires protégées comme un vecteur de « synergie entre la conservation, le maintien des systèmes de support de vie et le développement durable », grâce « un engagement ferme, pour inscrire les aires protégées dans les objectifs généraux du développement, avec l'appui des secteurs public, communautaire et privé ». Cela signifie que la préservation de l'environnement ne doit pas être antagoniste au développement, mais bien se mettre au service de celui-ci, par le biais d'initiatives impliquant les communautés qui peuplent les régions concernées. Les politiques d'aménagement du territoire malgache sont comparables à celles connues en France dans les années 1960. La création des Parcs Nationaux Régionaux (PNR) français et des Réserves Naturelles (RN) malagasy révèlent un même engagement national pour la préservation et la valorisation du patrimoine naturel. La définition-même des PNR, en tant que « territoire à l'équilibre fragile, au patrimoine naturel et culturel riche et menacé, faisant l'objet d'un projet de développement fondé sur la préservation et la valorisation du patrimoine » (décret n° 94-765 du 1er septembre 1994), ne rappelle-t-elle pas le cas malgache ? Comment les PNR ont-ils contribués au développement des régions environnantes ? La clef du succès de cette stratégie semble résider dans un mot : proximité, à la fois géographique et organisationnelle. Cet aspect est essentiel pour que les liens entre acteurs -communautés locales, gestionnaires des parcs, pouvoirs publics ou même visiteurs- puissent se créer et se renforcer. Plus ces acteurs se sentent proches, parce qu'impliqués dans un projet commun, parce qu'organisés dans la réalisation d'objectifs définis ensemble ou respectueux d'une même ligne de conduite, plus la synergie émanant de cette coopération sera bénéfique pour chacun et se présentera comme une réelle alternative aux activités moins respectueuses de l'environnement [Angeon, Boisvert et Caron, 2007]. L'adoption du Plan d'Action Environnementale en 1990, avec la coopération des IFI, va dans le sens de la proximité et de la coopération, prolongeant encore le lien entre besoin de sauvegarde et développement de populations. Son application, exécutée par Madagascar National Parks (ex. ANGAP), comporte trois phases : la création d'aires protégées, leur gestion, et leur promotion et exploitation. Cette articulation en étapes successives pose bien le problème : comment pouvoir préserver l'atout majeur de Madagascar, sa biodiversité, sans pour autant exclure et priver les populations qui en dépendent si fortement, malgré leur comportement prédateur ? En effet, si la création des aires protégées garantie certes la conservation du capital biologique présent à l'intérieur de celles-ci, le problème de la dégradation des ressources naturelles par les cultures n'est en rien abordé. Rien n'empêche la déforestation à l'extérieur de ces zones, car la source du problème réside bien dans les stratégies agricoles. Les environs du parc national de Zombitse Vohibasia (Sud du pays) est représentatif de la pression existante exercée sur ces zones protégées. Les limites du parc sont immédiatement visibles : d'un côté, d'immenses arbres verdoyants dessinent les contours d'une forêt primaire, contemplant l'étendue de prairies qui la bordent, où le bétail passe ses journées à paître. Pourtant, malgré cette pression des populations locales, le taux de déforestation dans cette zone était pratiquement nul entre 1988 et 1997 -date de la création du parc. L'engagement d'ONG, comme WWF19(*), a su sédentariser les populations locales en leur assurant une sécurité foncière et régulant l'exploitation des ressources naturelles, notamment par l'établissement de sanctions graduelles [Casse, Nielsen, Ravaivoson et Randrianamarivo, 2005]. Bien que cette initiative ne soit qu'un exemple, elle souligne le fait que les populations locales sont bien la clef de la conservation du capital écologique de l'île. Et pour se faire, la préservation passe par deux axes complémentaires : la modification des stratégies d'exploitation des ressources naturelles et la proposition d'alternatives viables à cette agriculture agressive. C'est à ce niveau-là que les phases 2 et plus encore 3 du Plan Environnemental (PE2 et PE3) prennent une dimension tout à fait intéressante. Après la création d'aires protégées, l'étape PE 2 a vu la mise en place d'un cadre juridique de dévolution de la gestion de ces zones à destination des communautés locales. La loi GELOSE entre dans cette optique. Il s'agit, au moins théoriquement, de donner aux populations locales une opportunité de gérer leur environnement, et ainsi de créer un empowerment des communautés, de les impliquer dans la dynamique de changement. Cette initiative s'inscrit dans une démarche bottom-up, où l'action des communautés (bottom) converge vers un objectif plus global de préservation (up). Il s'avère que l'écotourisme soit un choix d'activité vers lequel les communautés locales tendent fréquemment. En ces termes, le développement de l'activité écotouristique symbolise en fait le produit des nouvelles responsabilités attribuées au niveau local : gestion durable et responsable des ressources naturelles et développement de projets de planification et d'aménagement du territoire [Lapeyre, Andianambinina, Requier-Desjardins et Méral, 2007]. Il n'est donc pas étonnant de s'apercevoir que la plupart des réserves aient choisi l'écotourisme comme activité de valorisation du capital écologique protégé. * 19 World Wide Fund of Nature |
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