c) Les entreprises privées :
Les entreprises privées représentent une partie
encore infime des firmes multinationales chinoises le plus souvent pour des
raisons politiques et de discriminations (plus ou moins officielles), cependant
ces dernières augmentent par le nombre et risquent de devenir dans un
avenir proche de sérieux concurrents pour les entreprises d'Etat. C'est
à partir de 2004 avec la révision constitutionnelle que la
propriété privée est finalement reconnue comme inviolable
à condition que cette dernière ait été acquise
légalement, ce qui a permis l'accélération du
développement de ces dîtes entreprises privées chinoises.
Ces dernières occupent aujourd'hui un rôle dominant dans
l'économie chinoise (2/3 du
23 La mine de Chambishi jouie d'une mauvaise
réputation. Les travailleurs y ont les salaires les moins
élevés et des conditions de travail plus dangereuses qu'ailleurs.
En 2005, une usine d'explosifs appartenant à la NFCA explose et
en 2006, cinq employés meurent après de violentes protestations.
Phillipa Jones, 2009, Research China Network.
24 Cet indice lancé en 1999 est le fruit d'une
coopération étroite entre l'indice du Dow Jones et le SAM
(Sustainability Asset Management) qui évalue les entreprises les plus
performantes en terme de RSE.
Produit Intérieur Brut de la Chine en 2003-2004), mais
ces dernières sont encore très rares à avoir atteint un
stade de développement suffisant pour se lancer dans des
stratégies d'expansion. Cependant certaines firmes multinationales
chinoises commencent à devenir de grands groupes reconnus comme :
Lenovo (?\u24819zèW?\u26377LOEÀOEö
\u21496éi : Liánxidng jítuán
yöuxiàngongsi) après le rachat de la branche PC d'IBM
en 2005,
Suntech Power (\u23578è®ú° :
Shàngdé) qui est le plus gros producteur mondial de
modules solaires en silicium et qui depuis 2005 est cotée au New York
Stock Exchange25, et ZTE (\u20013'?
\u-28646'ÊêMOEÒ?\u26377LOEÀOEöéi :
Zhongxing Tongxìn Güfèn Yöuxiàn Gongsi)
entreprise spécialisée dans les réseaux de
télécommunication et leader dans ce secteur, elle est
présente en France depuis 2006 avec l'installation d'un centre technique
à Poitiers et elle installe en 2009 à Boulogne-Billancourt le
siège de sa division Europe et Amérique du Nord. Ces rares
entreprises encore à l'heure actuelle connaissent un véritable
succès et sont désormais de sérieux concurrents pour les
autres firmes multinationales. Ce succès peut s'expliquer par
différents facteurs autant économiques que politiques,
sociologiques...
Ces entreprises chinoises privées ont
bénéficié tout d'abord de l'ouverture des
frontières par l'arrivée d'une expertise étrangère
(des entreprises étrangères ainsi que des cadres, des
ingénieurs) et en même temps de l'envoi d'étudiants des les
universités étrangères, comme l'actuel PDG et fondateur de
Suntech Power le docteur Zhengrong Shi (\u26045é{ê? :
Shi Zhèngróng) qui obtint en 1992 son doctorat en
génie électrique à l'université de Nouvelle-Galles
du Sud d'Australie, avant de fonder sa société en 2001. Cette
ouverture permit une acquisition d'un « savoir-faire » qui manquait
alors aux entreprises d'Etat chinoises et qui a permis aux entreprises
privées (plus souples et non sensibles à l'expérience
dirigiste) de se réformer afin de lutter face à la concurrence
mondiale. Ensuite l'absence d'aide politique et d'un réel lien avec le
PCC permit à ces entreprises de jouir d'une meilleure réputation
que les entreprises d'Etat chinoises au moment de leur implantation dans des
pays étrangers, cette absence d'inquiétude permet à ces
dernières d'éviter de nombreuses barrières lors de leur
expansion, comme c'est le cas pour la société ZTE qui
signa des contrats avec Vodafone, Telus, et France
telecom et
25 Le New York Stock Exchange (la bourse de New York
en français) date de 1792 après la signature de « l'accord
de Buttonwood », elle est la plus grande place boursière du
monde.
put, par la suite, s'implanter sur les marchés
britanniques, canadiens et français. Cette accumulation de points
positifs permet alors de comprendre le succès fulgurant de ces
entreprises qui apparaissent vers le début des années 1990 voir
2000 pour certaines, cependant ces dernières sont encore peu nombreuses
du au fait d'une discrimination encore présente en Chine du secteur
privé.
Ces entreprises privées qui se veulent
indépendantes du pouvoir central ne font pas les affaires du PCC qui
désire conserver la main sur l'économie du pays le plus longtemps
possible, et ce malgré des ouvertures incontestables du régime.
Les entreprises privées même si elles sont indépendantes du
pouvoir, doivent obéir aux lois chinoises et donc passer par les
commissions d'évaluation des projets d'IDE (l'AEDE et le
ministère du commerce de la république populaire de Chine), elles
voient ainsi leurs projets ralentis, voir refusés. Ainsi malgré
une indépendance vis-à-vis du régime en place, leurs
projets d'IDE passent forcement par un filtre politique, le PCC utilise alors
ce filtre pour pénaliser ces entreprises privées lorsqu'elles
sont en concurrence avec une entreprise d'Etat sur un même marché
ou un même contrat d'exploitation... Face à cette concurrence
déloyale et pour éviter les discriminations, certaines
entreprises privées s'enregistrent aux chambres du commerce de la
République Populaire de Chine en tant qu'entreprises « collectives
» : se sont les « chapeaux rouges »26. Elles
attendent alors la disparition des discriminations pour pouvoir retourner vers
le secteur privé, mais ces inégalités existent
malgré l'entrée de la Chine à l'OMC. Ces
inégalités empêchent le secteur privé non de devenir
la norme en Chine (60% de la production industrielle) mais de pouvoir grossir
et se développer, aujourd'hui encore la Chine fait la différence
au sein des entreprises privées entre les entreprises
individuelles (moins de huit employés) et les entreprises
privées (plus de huit employés). Ce sont ces entreprises
de plus de huit employés que Pékin surveille et cherche à
contrôler la croissance pour éviter qu'elles ne « fassent
trop vite de l'ombre » aux entreprises d'Etat.
Ainsi, au travers de l'histoire et de l'actualité nous
pouvons comprendre le lien étroit qui unit le politique à
l'économie en Chine. Ce lien doit être pris en compte pour pouvoir
mieux analyser par la suite les stratégies d'expansion des firmes
multinationales
26 Françoise LEMOINE, Op cit.,
p.27.
chinoises. Ces entreprises qu'elles soient d'Etat,
semi-privées ou privées doivent toutes passer d'une
manière ou d'une autre par le PCC pour pouvoir s'implanter à
l'étranger. L'influence du gouvernement même si elle peut
être plus ou moins forte selon la forme de l'entreprise n'est jamais
totalement nulle et influence les choix stratégiques des dirigeants de
ces dernières. A l'avenir, on pourrait s'attendre à une
libéralisation de plus en plus grande des autorités chinoises, et
donc en corrélation une augmentation du poids des firmes multinationales
chinoises privées. Cependant cette libéralisation si elle a lieu
se fera lentement et au rythme décidé par le PCC. Sinon, un
retournement très violent de la conjoncture en Chine pourrait au
contraire pousser le gouvernement à faire machine arrière, afin
de pouvoir mieux protéger ses propres intérêts, et donc
à augmenter les pressions qu'il exerce déjà sur le secteur
privé en jouant la carte du nationalisme.
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