a) Un faible montant d'IDE :
En 2006, Le stock d'IDE chinois ne représentaient que
0,6% de la totalité du stock d'IDE mondial, avec une somme totale pour
le stock d'IDE chinois de 90,6 milliards de dollars. Ces investissements
restent comparativement faibles par rapport au reste du monde, mais sont parmi
les meilleurs des pays en voie de développement. Toujours en 2006 les
flux d'IDE chinois étaient les quatrièmes plus importants parmi
les pays en voie de développement, tandis que le stock d'IDE
était le sixième le plus important parmi ces même pays.
Dans cette perspective, la Chine passe pour une grande puissance parmi les pays
émergents mais reste bien loin derrière les pays
développés. De plus, les flux d'IDE chinois ne
représentent en moyenne que 0,3% du PIB chinois pour une période
s'étendant de 2000 à 2006. En comparaison, le Portugal sur la
même période connaissait un ratio de 3,7%29. Avec ces
données, il est alors difficile de comprendre comment la Chine peut
menacer les autres firmes multinationales avec un stock d'IDE aussi faible. On
pourrait en effet croire, en se basant sur ces données, que les firmes
chinoises ne représentent pas une grande menace et ne peuvent augmenter
la pression concurrentielle sur les marchés internationaux avec des
moyens financiers aussi faibles. Or comment alors expliquer le succès de
certaines grandes firmes chinoises et une réelle augmentation de la
pression concurrentielle sur les marchés depuis l'arrivée de
firmes multinationales chinoises ? En effet, ces chiffres bien
qu'intéressants doivent être remis dans un contexte précis.
La Chine commença à enregistrer des IDE tout récemment
avec l'ouverture de l'économie chinoise en 1979. Ces IDE en 1979 ne
s'élevaient qu'à 450 millions de dollars, car
28 L'ensemble des chiffres suivants vient de deux
rapports: Survey on current conditions and intention of outbound investment
by Chinese enterprises, April 2010, by the China Council for the Promotion
of International Trade, the European Commission, and the United Nations
Conference on Trade and Development (UNCTAD), et China's Outward Direct
Investment: chapter 3, OECD Investment Policy Reviews: China 2008, OECD
2008.
29 Etudes économiques de l'OCDE :
Portugal, Juin 2008, OCDE 2008, volume 2008/2009.
soumis à une forte régulation politique qui
craignait de voir le peu de capitaux que possédait le pays s'en aller
investir des projets présents sur les marchés étrangers.
Durant les années 80 et 90, les flux d'IDE restent très faibles
et fortement inférieurs à la moyenne mondiale. Malgré une
libéralisation de l'économie chinoise et un assouplissement des
procédures administratives, il faut attendre les années 2000 en
Chine pour constater une réelle augmentation des flux d'IDE. On comprend
dès lors, que l'analyse du stock d'IDE n'est pas suffisante pour
analyser l'expansion des firmes multinationales chinoises. Il faut
s'intéresser aux flux d'IDE qui évoluent chaque année, et
qui augmentent continuellement depuis les années 2000 de façon
spectaculaire.
Il est vrai que les flux d'IDE chinois bien que faibles,
connaissent depuis les années 2000 une augmentation
régulière. Entre 2000 et 2006, les flux d'IDE chinois
augmentaient en moyenne de 7 milliards de dollar par an, ce qui correspond
à une augmentation de 116% par an en moyenne (voir tableau
II.A.1).
TABLEAU II.A.1 : Flux d'IDE chinois
|
1982-1989 (moyenne)
|
1990-1999 (moyenne)
|
2000-2006 (moyenne)
|
Montant (en millions de dollars)
|
453
|
2 323
|
6 938
|
Part dans le stock
mondial d'IDE (%)
|
0,4
|
0,8
|
0,8
|
Place mondiale
|
22
|
22
|
23
|
Part dans le PIB (%)
|
0,1
|
0,3
|
0,3
|
Source: OCDE
L'entrée de la Chine en 2001 à l'OMC aida au
décollage des IDE chinois qui atteignent alors cette même
année 6,9 milliards de dollars. Entrée à l'OMC qui
s'accompagne du début de la politique d'aide du gouvernement aux IDE
chinois en 2004. Ces deux phénomènes permettent alors de
comprendre cette rapide expansion qui permit à la Chine en 2006
d'atteindre un flux d'IDE de plus de 17 milliards de dollars (voir
graphique II.A.1, page suivante).
Graphique II.A.1 : Flux d'IDE chinois de 1982 à
2006
20
18
16
14
12
10
4
8
6
2
0
Flux d'IDE chinois de 1982-2006 (en milliards de dollars)
Flux d'IDE chinois
Source : OCDE, Ministère du Commerce Chinois, et la
Conférence des Nations Unies sur le Commerce Et le Développement
(CNUCED).
Ainsi, l'observation des flux d'IDE nous permet d'obtenir une
vision plus claire de la situation actuelle des IDE chinois que l'analyse des
stocks d'IDE. Cette analyse des flux d'IDE permet de comprendre l'augmentation
de la pression concurrentielle sur les marchés internationaux depuis
l'arrivée de firmes multinationales chinoises puissantes au début
des années 2000. L'entrée à l'OMC fut en effet un
déclencheur réel de l'augmentation des IDE chinois. Cependant
l'effet de cette entrée sur la dynamique des IDE chinois reste
comparativement faible face à l'instauration par le PCC d'une politique
d'aide à l'investissement extérieur : le « Going Global
» en 2004. La libéralisation du régime permit une
augmentation très forte des IDE chinois, même si ces derniers
restent encore faibles par rapport au reste du monde. Ainsi, même si les
IDE chinois ont augmenté et ont permis une augmentation de l'offre sur
les marchés, il reste à analyser l'impact de la crise de 2008 sur
la dynamique des IDE chinois et les perspectives possibles dans
l'évolution de cette même dynamique.
Après une analyse macroéconomique des IDE
chinois, il est intéressant de les étudier sous un angle
microéconomique. Parler d'investissements oblige à parler des
acteurs à l'origine de ces investissements. Or en Chine, la grande
majorité des entreprises à l'origine d'investissements vers
l'extérieur sont des entreprises d'Etat, malgré une augmentation
récente du nombre d'entreprises chinoises privées sources d'IDE.
Il n'est alors pas forcement intéressant d'étudier la forme des
entreprises qui émettent des IDE (entreprises d'Etat, entreprises
semi-privées, entreprises privées), mais de s'intéresser
aux montants que ces entreprises émettent en moyenne. Il est vrai que
regarder « l'uniformité » de l'investissement permet de se
faire une idée sur le poids de ces entreprises émettant des IDE.
En effet, les entreprises émettrices d'IDE émettent-elles toutes
le même montant d'IDE ? Ou alors, derrière un montant global d'IDE
se cache une grande disparité d'émission avec des entreprises
« championnes » et d'autres plus en retraits ? Selon un rapport
datant de 2010 du « China Council for the Promotion of International Trade
», la distribution des IDE par entreprise est loin d'être uniforme
et de grandes disparités existent entre les entreprises chinoises
(voir graphique II.A.2).
Graphique II.A.2 : Echelle des IDE chinois
20%
12%
6% 1%
61%
Investissement compris entre 1 et 5 millions de
dollars
Investissement compris entre 5 et 10 millions de
dollars
Investissement compris entre 10 et 100 millions de
dollars
investissement supérieur à 100 millions de
dollars
Investissement inférieur à 1 million de
dollars
Source: China council for the promotion of international
trade.
Depuis ce graphique, nous nous apercevons que 61% des
entreprises chinoises qui émettent des IDE le font pour un montant
inférieur à un million de dollars et qu'à peine 1% des
entreprises chinoises émettent des IDE pour un montant supérieur
à 100 millions de dollars. Ces données permettent de confirmer
l'hypothèse de l'existence de « grands champions » parmi les
firmes chinoises émettrices d'IDE, qui sont à l'origine de la
grande majorité des IDE (exemple de Lenovo,
Petrochina, Haier, Hawei...). Et d'autres
firmes, qui représentent en réalité la
majorité des entreprises émettrices d'IDE, qui sont plus en
retrait et qui disposent de moyens financiers beaucoup plus faibles. Cette
configuration de la répartition des IDE parmi les entreprises chinoises
montre que bons nombres d'entreprises chinoises émettrices d'IDE ne sont
pas réellement dynamique dans leur stratégie d'expansion à
l'international. Cette grande majorité des entreprises chinoises emploie
de faibles moyens qui limitent leurs projets, en effet 93% d'entre elles ne
réalisent pas des IDE supérieurs à dix millions de
dollars. Il existe donc un gouffre séparant l'immense majorité
des entreprises chinoises qui réalisent des investissements nettement
inférieurs à 10 millions de dollars, tandis que 7% d'entre elles
réalisent des investissements au-delà de 10 millions de dollars
(voir plus de 100 millions de dollars). Les entreprises chinoises
réalisant des IDE sont loin d'être uniformes entre elles, alors
que 7% d'entre elles réalisent des investissements pouvant rivaliser
avec les grandes firmes multinationales, la grande majorité est encore
« hors course ». Ceci permet alors de relativiser l'impact de
l'entrée des firmes multinationales chinoises sur les marchés
internationaux. A l'heure actuelle, une minorité d'entre elles est
capable de véritablement rivaliser avec les plus grandes multinationales
mondiales alors que l'autre majeure partie ne s'investit que timidement sur les
marchés extérieurs. Cette majorité des entreprises, on
peut supposer, ne voit dans les marchés extérieurs une
activité complémentaire à leurs revenus. Ces
dernières refusent encore de réellement s'aventurer dessus, pour
des raisons diverses, intéressantes à analyser.
Ainsi, l'arrivée des firmes multinationales chinoises
sur les marchés internationaux n'a eu qu'un impact limité sur
l'augmentation de l'offre. A part pour une infime partie d'entres elles, les
entreprises chinoises restent encore « frileuses » à
s'aventurer sur les marchés extérieurs. Ceci permet alors
d'expliquer la faiblesse des IDE chinois, malgré une croissance rapide
des ces derniers depuis les années 2000.
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