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Les stratégies d'expansion des firmes multinationales chinoises: facteurs économiques, facteurs politiques.

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par Geoffrey BONNEL
IEP d'Aix en Provence - Master 2011
  

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a) Un faible montant d'IDE :

En 2006, Le stock d'IDE chinois ne représentaient que 0,6% de la totalité du stock d'IDE mondial, avec une somme totale pour le stock d'IDE chinois de 90,6 milliards de dollars. Ces investissements restent comparativement faibles par rapport au reste du monde, mais sont parmi les meilleurs des pays en voie de développement. Toujours en 2006 les flux d'IDE chinois étaient les quatrièmes plus importants parmi les pays en voie de développement, tandis que le stock d'IDE était le sixième le plus important parmi ces même pays. Dans cette perspective, la Chine passe pour une grande puissance parmi les pays émergents mais reste bien loin derrière les pays développés. De plus, les flux d'IDE chinois ne représentent en moyenne que 0,3% du PIB chinois pour une période s'étendant de 2000 à 2006. En comparaison, le Portugal sur la même période connaissait un ratio de 3,7%29. Avec ces données, il est alors difficile de comprendre comment la Chine peut menacer les autres firmes multinationales avec un stock d'IDE aussi faible. On pourrait en effet croire, en se basant sur ces données, que les firmes chinoises ne représentent pas une grande menace et ne peuvent augmenter la pression concurrentielle sur les marchés internationaux avec des moyens financiers aussi faibles. Or comment alors expliquer le succès de certaines grandes firmes chinoises et une réelle augmentation de la pression concurrentielle sur les marchés depuis l'arrivée de firmes multinationales chinoises ? En effet, ces chiffres bien qu'intéressants doivent être remis dans un contexte précis. La Chine commença à enregistrer des IDE tout récemment avec l'ouverture de l'économie chinoise en 1979. Ces IDE en 1979 ne s'élevaient qu'à 450 millions de dollars, car

28 L'ensemble des chiffres suivants vient de deux rapports: Survey on current conditions and intention of outbound investment by Chinese enterprises, April 2010, by the China Council for the Promotion of International Trade, the European Commission, and the United Nations Conference on Trade and Development (UNCTAD), et China's Outward Direct Investment: chapter 3, OECD Investment Policy Reviews: China 2008, OECD 2008.

29 Etudes économiques de l'OCDE : Portugal, Juin 2008, OCDE 2008, volume 2008/2009.

soumis à une forte régulation politique qui craignait de voir le peu de capitaux que possédait le pays s'en aller investir des projets présents sur les marchés étrangers. Durant les années 80 et 90, les flux d'IDE restent très faibles et fortement inférieurs à la moyenne mondiale. Malgré une libéralisation de l'économie chinoise et un assouplissement des procédures administratives, il faut attendre les années 2000 en Chine pour constater une réelle augmentation des flux d'IDE. On comprend dès lors, que l'analyse du stock d'IDE n'est pas suffisante pour analyser l'expansion des firmes multinationales chinoises. Il faut s'intéresser aux flux d'IDE qui évoluent chaque année, et qui augmentent continuellement depuis les années 2000 de façon spectaculaire.

Il est vrai que les flux d'IDE chinois bien que faibles, connaissent depuis les années 2000 une augmentation régulière. Entre 2000 et 2006, les flux d'IDE chinois augmentaient en moyenne de 7 milliards de dollar par an, ce qui correspond à une augmentation de 116% par an en moyenne (voir tableau II.A.1).

TABLEAU II.A.1 : Flux d'IDE chinois

 

1982-1989
(moyenne)

1990-1999
(moyenne)

2000-2006
(moyenne)

Montant (en
millions de dollars)

453

2 323

6 938

Part dans le stock

mondial d'IDE (%)

0,4

0,8

0,8

Place mondiale

22

22

23

Part dans le PIB (%)

0,1

0,3

0,3

Source: OCDE

L'entrée de la Chine en 2001 à l'OMC aida au décollage des IDE chinois qui atteignent alors cette même année 6,9 milliards de dollars. Entrée à l'OMC qui s'accompagne du début de la politique d'aide du gouvernement aux IDE chinois en 2004. Ces deux phénomènes permettent alors de comprendre cette rapide expansion qui permit à la Chine en 2006 d'atteindre un flux d'IDE de plus de 17 milliards de dollars (voir graphique II.A.1, page suivante).

Graphique II.A.1 : Flux d'IDE chinois de 1982 à 2006

20

18

16

14

12

10

4

8

6

2

0

Flux d'IDE chinois de 1982-2006
(en milliards de dollars)

Flux d'IDE chinois

Source : OCDE, Ministère du Commerce Chinois, et la Conférence des Nations Unies sur le Commerce Et le Développement (CNUCED).

Ainsi, l'observation des flux d'IDE nous permet d'obtenir une vision plus claire de la situation actuelle des IDE chinois que l'analyse des stocks d'IDE. Cette analyse des flux d'IDE permet de comprendre l'augmentation de la pression concurrentielle sur les marchés internationaux depuis l'arrivée de firmes multinationales chinoises puissantes au début des années 2000. L'entrée à l'OMC fut en effet un déclencheur réel de l'augmentation des IDE chinois. Cependant l'effet de cette entrée sur la dynamique des IDE chinois reste comparativement faible face à l'instauration par le PCC d'une politique d'aide à l'investissement extérieur : le « Going Global » en 2004. La libéralisation du régime permit une augmentation très forte des IDE chinois, même si ces derniers restent encore faibles par rapport au reste du monde. Ainsi, même si les IDE chinois ont augmenté et ont permis une augmentation de l'offre sur les marchés, il reste à analyser l'impact de la crise de 2008 sur la dynamique des IDE chinois et les perspectives possibles dans l'évolution de cette même dynamique.

Après une analyse macroéconomique des IDE chinois, il est intéressant de les étudier sous un angle microéconomique. Parler d'investissements oblige à parler des acteurs à l'origine de ces investissements. Or en Chine, la grande majorité des entreprises à l'origine d'investissements vers l'extérieur sont des entreprises d'Etat, malgré une augmentation récente du nombre d'entreprises chinoises privées sources d'IDE. Il n'est alors pas forcement intéressant d'étudier la forme des entreprises qui émettent des IDE (entreprises d'Etat, entreprises semi-privées, entreprises privées), mais de s'intéresser aux montants que ces entreprises émettent en moyenne. Il est vrai que regarder « l'uniformité » de l'investissement permet de se faire une idée sur le poids de ces entreprises émettant des IDE. En effet, les entreprises émettrices d'IDE émettent-elles toutes le même montant d'IDE ? Ou alors, derrière un montant global d'IDE se cache une grande disparité d'émission avec des entreprises « championnes » et d'autres plus en retraits ? Selon un rapport datant de 2010 du « China Council for the Promotion of International Trade », la distribution des IDE par entreprise est loin d'être uniforme et de grandes disparités existent entre les entreprises chinoises (voir graphique II.A.2).

Graphique II.A.2 : Echelle des IDE chinois

20%

12%

6% 1%

61%

Investissement compris entre 1 et 5 millions de dollars

Investissement compris entre 5 et 10 millions de dollars

Investissement compris entre 10 et 100 millions de dollars

investissement supérieur à 100 millions de dollars

Investissement inférieur à 1 million de dollars

Source: China council for the promotion of international trade.

Depuis ce graphique, nous nous apercevons que 61% des entreprises chinoises qui émettent des IDE le font pour un montant inférieur à un million de dollars et qu'à peine 1% des entreprises chinoises émettent des IDE pour un montant supérieur à 100 millions de dollars. Ces données permettent de confirmer l'hypothèse de l'existence de « grands champions » parmi les firmes chinoises émettrices d'IDE, qui sont à l'origine de la grande majorité des IDE (exemple de Lenovo, Petrochina, Haier, Hawei...). Et d'autres

firmes, qui représentent en réalité la majorité des entreprises émettrices d'IDE, qui sont plus en retrait et qui disposent de moyens financiers beaucoup plus faibles. Cette configuration de la répartition des IDE parmi les entreprises chinoises montre que bons nombres d'entreprises chinoises émettrices d'IDE ne sont pas réellement dynamique dans leur stratégie d'expansion à l'international. Cette grande majorité des entreprises chinoises emploie de faibles moyens qui limitent leurs projets, en effet 93% d'entre elles ne réalisent pas des IDE supérieurs à dix millions de dollars. Il existe donc un gouffre séparant l'immense majorité des entreprises chinoises qui réalisent des investissements nettement inférieurs à 10 millions de dollars, tandis que 7% d'entre elles réalisent des investissements au-delà de 10 millions de dollars (voir plus de 100 millions de dollars). Les entreprises chinoises réalisant des IDE sont loin d'être uniformes entre elles, alors que 7% d'entre elles réalisent des investissements pouvant rivaliser avec les grandes firmes multinationales, la grande majorité est encore « hors course ». Ceci permet alors de relativiser l'impact de l'entrée des firmes multinationales chinoises sur les marchés internationaux. A l'heure actuelle, une minorité d'entre elles est capable de véritablement rivaliser avec les plus grandes multinationales mondiales alors que l'autre majeure partie ne s'investit que timidement sur les marchés extérieurs. Cette majorité des entreprises, on peut supposer, ne voit dans les marchés extérieurs une activité complémentaire à leurs revenus. Ces dernières refusent encore de réellement s'aventurer dessus, pour des raisons diverses, intéressantes à analyser.

Ainsi, l'arrivée des firmes multinationales chinoises sur les marchés internationaux n'a eu qu'un impact limité sur l'augmentation de l'offre. A part pour une infime partie d'entres elles, les entreprises chinoises restent encore « frileuses » à s'aventurer sur les marchés extérieurs. Ceci permet alors d'expliquer la faiblesse des IDE chinois, malgré une croissance rapide des ces derniers depuis les années 2000.

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