G/ OEdème aigu pulmonaire cardiogénique de la
personne âgée
Il survient chez un sujet souvent « polypathologique
». La mortalité est importante au décours du premier
épisode. Le diagnostic clinique est parfois difficile chez ces
patients. Il est porté devant le contexte
général et la connaissance des antécédents du
patient, associés aux résultats d'un traitement probabiliste
initial et des examens complémentaires. Le dosage du BNP est d'un grand
intérêt [2, 9].
10.6 Diagnostic différentiel
Toutes les causes de dyspnée aiguë peuvent
être évoquées. Le diagnostic différentiel se pose
surtout avec les formes atypiques, sans expectoration ni râles
crépitants ou chez le sujet âgé [2]. Le
caractère brutal, l'orthopnée, ultérieurement l'aspect
radiologique, et surtout la réponse au traitement diurétique sont
généralement des arguments décisifs [18,
20].
10.6.1 Crise d'asthme
Il n'y a que dans les formes de pseudo-asthme cardiaque que la
confusion est possible. Souvent, le diagnostic est facile. Les
antécédents d'asthme bronchique sont connus. Le soulagement
partiel de l'essoufflement par un dérivé nitré d'action
rapide ou le furosémide est un élément décisif en
faveur de l'asthme cardiaque, d'autant plus qu'il n'y a pas
d'antécédents.
10.6.2 Embolie pulmonaire
Le plus souvent, l'embolie pulmonaire pure se manifeste,
lorsqu'elle est grave, sous forme de détresse respiratoire sans anomalie
auscultatoire, sans anomalie radiologique en particulier parenchymateuse ou
pleurale et surtout dans les circonstances anamnestiques bien
différentes.
Il n'y a que dans les formes d'embolie pulmonaire survenant
à titre de complication d'une cardiopathie que le diagnostic est
difficile. Classiquement, une embolie pulmonaire doit être
recherchée à titre systématique chez les sujets dont les
manifestations fonctionnelles de la cardiopathie s'aggravent brutalement ou de
façon rapidement progressive sans circonstance déclenchante
évidente. C'est dans ces circonstances que la scintigraphie pulmonaire
ou l'angiographie pulmonaire prendront toute leur valeur en cas de doute
diagnostique.
Une attention toute particulière doit toutefois
être portée sur la possibilité de l'existence d'un «
oedème pulmonaire d'hyperperfusion » (l'oedème est
localisé dans un territoire peu ou pas occlus) ou un «
oedème pulmonaire de reperfusion » (l'oedème est
localisé dans des territoires préalablement occlus,
secondairement reperfusé) [25].
10.6.3 Broncho-pneumopathie chronique en
évolution
Dans ces cas, le tableau clinique est fort différent
avec une anamnèse de bronchopneumopathie chronique, d'hippocratisme
digital et de cyanose. La radiographie du thorax est différente.
10.6.4 Pneumopathie infectieuse
Il est rare qu'elle simule un oedème pulmonaire. Le
principal problème est la frontière entre les infections
pulmonaires sévères et l'OAP lésionnel lié à
ces infections. OEdème
10.6.5 OAP non cardiogéniques
Ils sont parfois difficiles à distinguer des
oedèmes aigus cardiogéniques. Ils surviennent en
général dans un contexte infectieux ou toxique. La pression
capillaire pulmonaire n'est pas augmentée. Les diurétiques sont
ici moins efficaces. Leur traitement nécessite de toutes les
façons une prise en charge par un service de réanimation
(Tableau I).
L'installation d'un OAP lors d'une phase de transfusion
sanguine relève en général d'une étiologie
cardiaque. Lorsque ce OAP post-transfusionnel ne répond pas au
traitement classique, il faut penser à la possibilité d'un TRALI
(transfusion related acute lung injury) ou oedème pulmonaire
lésionnel post-transfusionnel. C'est un oedème survenant au
décours d'une transfusion sanguine ou après un intervalle libre
de quelques heures (généralement une à deux heures
après une transfusion, et toujours dans les six heures suivant la
transfusion). La symptomatologie est indistinguable de celle des OAP
lésionnels d'autres origines. La survenue de cet oedème est
attribuée à la présence d'anticorps anti-HLA de classe I
et/ou d'anticorps
anti-granulocytes dans le plasma de donneurs préalablement
sensibilisés, en particulier les femmes multipares
[44J.
Tableau I : Comparaison entre oedème
pulmonaire hémodynamique et lésionnel (Modifié
d'après [28, 35, 45J)
|
OAP HEMODYNAMIQUE
|
OAP LESIONNEL
|
Anamnèse
|
Notion d'insuffisance cardiaque gauche
|
Etiologie du SDRA ; absence d'insuffisance cardiaque gauche
|
Membrane alvéolo-capillaire
|
Intacte
|
Lésée
|
Radiographie pulmonaire
|
OEdème périhilaire ; Aspect homogène
|
OEdème périphérique ; Aspect
hétérogène
|
Liquides de LBA*
|
Protéines basses ou normales
|
Protéines élevées
|
Echocardiographie
|
Cavités gauches dilatées ; Hypocinésie
|
Cavités gauches normales ; Hypercinésie
|
Cathétérisme droit
|
Débit cardiaque bas (Index cardiaque <
3,5l/min/m2) ; PAPO = pression capillaire élevée
(>18mmHg) ; HTAP post capillaire
|
Débit cardiaque élevé (Index cardiaque >
3,5l/min/m2) ; PAPO basse (< 15mmHg) ; HTAP pré
capillaire
|
Evolution
|
Pas d'évolution vers la fibrose pulmonaire
|
Evolution possible vers la fibrose pulmonaire
|
* Lavage broncho-alvéolaire
11. TRAITEMENT CLASSIQUE DE L'OAP
CARDIOGENIQUE
La prise en charge médicale doit être la plus
précoce possible. Elle permet d'anticiper sur les complications et
détermine le pronostic immédiat. La mise en oeuvre du traitement
de l'OAP cardiogénique intègre la bonne compréhension des
mécanismes physiopathologiques, des étiologies, des
éventuels facteurs favorisants ou déclenchants, du traitement en
cours et du type de cardiopathie sous jacente.
Le traitement de l'OAP hémodynamique est symptomatique
(oxygène, dérivés nitrés, diurétiques...) et
étiologique (normalisation de la pression artérielle,
revascularisation coronaire, réduction d'un trouble du rythme ...)
Les deux orientations du traitement symptomatique
correspondent aux composantes de sa physiopathologie. Il s'agit d'abaisser la
pression capillaire pulmonaire et de corriger les anomalies de
l'hématose. Le premier objectif est obtenu par des médicaments
tandis que le second fait appel à l'oxygénothérapie, voire
à l'assistance ventilatoire. Les bénéfices des deux
aspects du traitement sont liés car l'hypoxémie secondaire
à l'oedème pulmonaire aggrave la dysfonction myocardique causale.
L'échec de ce traitement traduit en général une
dysfonction myocardique sévère avec insuffisance circulatoire
aiguë [38, 46J.
Le pronostic précoce est lié non seulement au type
de cardiopathie sous-jacente mais aussi à la réversibilité
du facteur déclenchant.
11.1 Objectifs thérapeutiques
Les buts du traitement d'un patient en détresse
respiratoire aiguë sur un OAP cardiogénique sont :
> Assurer une hématose correcte ;
> Réduction rapide de la pression capillaire pulmonaire
;
> Réduire l'oedème pulmonaire ;
> Diminuer la précharge du ventricule gauche en
diminuant le retour veineux ;
> Renforcer la contractilité myocardique ;
> Diminuer les résistances artérielles
systémiques et faciliter l'éjection
ventriculaire gauche ;
> Rechercher et si possible traiter le facteur
déclenchant éventuel ;
> Préciser l'étiologie de la maladie
cardiologique sous-jacente et la traiter ; > Prévenir l'apparition de
nouveaux épisodes aigus.
11.2 Moyens thérapeutiques
Ils peuvent être regroupés en 5 entités :
oxygénothérapie, diminution de la précharge, diminution de
la post-charge, inotropes positifs et les autres moyens.
11.2.1 Oxygénothérapie
> Oxygénothérapie classique
Elle corrige l'hypoxémie aux conséquences
délétères sur la fonction myocardique. Elle doit
être administrée à fort débit, 6 à 15 l/min,
par sonde nasale ou par un masque facial. Elle doit permettre de maintenir une
saturation oxymétrique du pouls (SpO2) supérieure à 92%
[2, 9, 19, 20, 46].
> Ventilation non invasive au masque en pression
positive
L'utilisation de la ventilation non invasive avec maintien
d'une pression positive continue dans les voies aériennes (CPAP =
continuous positive airways pressure) dans l'OAP cardiogénique
est récente. La CPAP est un type de ventilation au cours duquel le
patient respire spontanément avec un niveau constant de pression
positive en inspiration comme en expiration [2, 47, 48]. La
CPAP accroît l'oxygénation et les paramètres ventilatoires
dans tous les types d'OAP [47, 48, 49]. Chez les patients
ayant une fonction systolique gauche préservée, le
bénéfice hémodynamique résulte de la
réduction du volume télé-diastolique du ventricule gauche
(précharge) [49] Elle est indiquée en
présence d'un oedème pulmonaire cardiogénique chez un
patient conscient, hypoxémique malgré une
oxygénothérapie nasale (débit = 8 l/min). Elle est
appliquée à l'aide d'un masque facial étroitement
appliqué et étanche au travers duquel une
oxygénothérapie est délivrée en pression positive
(généralement de l'ordre de 10mm d'eau).L'hypercapnie n'est pas
une contre-indication. Elle nécessite une surveillance attentive du
patient pour détecter des signes de mauvaise tolérance et
d'éventuelles complications (barotraumatisme,
nécrose cutanée, distension gastrique, inhalation
bronchique). Elle permet une diminution du taux d'intubation au cours de l'OAP
[2, 9, 19, 20, 46, 47, 48].
La non invasive pressure support ventilation (NIPSV)
est un autre système de ventilation mécanique sans intubation au
cours duquel un certain volume d'air est délivré au cours des
phases inspiratoires, à travers un masque nasal ou facial [48,
50]. Dans une étude randomisée, Masip et al. ont
montré que la NIPSV permet d'obtenir des résultats
supérieurs à l'oxygénothérapie conventionnelle
[50].
> Ventilation mécanique ou ventilation
invasive
En cas de troubles de conscience (score de coma de Glasgow
< 9), de mauvaise réponse au traitement, dans les oedèmes
pulmonaires graves avec hypoventilation alvéolaire (hypercapnie
réfractaire) ou en cas de choc cardiogénique, le recours à
une intubation endotrachéale pour ventilation mécanique est
nécessaire. Elle permet une meilleure ventilation alvéolaire
grâce à une augmentation de la ventilation globale et à un
rétablissement de la liberté des voies aériennes par des
aspirations. Elle diminue les besoins en oxygène de l'organisme (mise au
repos des muscles respiratoires) tout en augmentant les apports en
oxygène. Les effets hémodynamiques induits par la ventilation
mécanique sont avant tout la conséquence de l'augmentation de la
pression intrathoracique (PIT). Celle-ci exerce, dans le contexte de l'OAP, des
effets bénéfiques à la fois sur les pressions de
remplissage et sur la fonction ventriculaire gauche. L'augmentation de la PIT
réduit la précharge ventriculaire gauche consécutivement
à la diminution du retour veineux systémique et du volume sanguin
intrathoracique [18, 38]. Son indication doit être
évaluée au cas par cas et sa poursuite rediscutée de
façon régulière en cas de sevrage difficile
[2].
11.2.2 Diminution de la précharge
> Diurétiques de l'anse : furosémide,
bumétanide
L'utilisation « traditionnelle » des
diurétiques de l'anse, en général le furosémide
a pour but de diminuer la congestion pulmonaire et d'augmenter la
diurèse des patients. Diurétiques d'action rapide, ils
agissent par déplétion liquidienne et
vasodilatation. Ils entraînent une diminution rapide de
la pression capillaire pulmonaire avec amélioration symptomatique, avant
la survenue de l'effet diurétique survenant aux alentours de 20 minutes
[2, 17, 18]. Par ailleurs, ils entraînent une diminution
du retour veineux. En raison d'une absorption intestinale réduite et
aléatoire au cours de l'insuffisance cardiaque, les diurétiques
doivent être administrés par voie intraveineuse directe aux doses
minimales de 40 à 60 mg de furosémide (en moyenne 1mg/kg) et 2
à 4 mg de bumetamide. En l'absence d'amélioration rapide, ces
doses peuvent être répétée au bout de 15 minutes.
Chez les insuffisants cardiaques, avec fonction rénale anormale
(créatininémie = 150mmol/l), l'élimination urinaire des
diurétiques est réduite : une augmentation des doses est
nécessaire avec le risque de toxicité de la molécule.
Indépendamment de la fonction rénale, l'insuffisance cardiaque
induit une résistance à l'effet natriurétique des
diurétiques de l'anse dont le mécanisme est encore mal compris.
L'association de l'acétazolamide pour son action au niveau du tubule
proximal ou d'un thiazidique pour son action au niveau du tube distal pourrait
partiellement pallier cette défaillance [46].
Un apport en potassium (KCl) pourra être fait afin de
palier l'effet hypokaliémiant des diurétiques de l'anse. Compte
tenu des effets secondaires potentiels des diurétiques chez des sujets
âgés, en particulier en cas de dysfonction diastolique
(hyponatrémie, hypokaliémie, aggravation des troubles de la
fonction rénale), ils doivent être maniés avec
pondération [2].
Les diurétiques de l'anse entraînent
également une augmentation de la production rénale de
prostaglandines vasodilatatrices. Cet effet bénéfique est
antagonisé par les inhibiteurs des prostaglandines, comme les
anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Ceux-ci doivent
être évités autant que possible [51].
> Dérivés nitrés : trinitrine,
dinitrate d'isosorbide
Les dérivés nitrés ont des effets
cardiovasculaires généraux et régionaux qui les rendent
particulièrement adaptés au traitement de l'OAP
cardiogénique. Au niveau de la circulation générale, les
faibles concentrations sériques de dérivés nitrés
(au décours d'administration sublinguale) entraînent une
relaxation du muscle lisse
vasculaire, responsable d'une vasodilatation
prédominant dans le territoire veineux. La veinodilatation est
responsable d'un stockage de sang périphérique, en particulier
dans le territoire vasculaire splanchnique. Il en résulte une
réduction télédiastolique des pressions et des volumes
intracardiaques (diminution du retour veineux). Aux plus fortes concentrations
(au cours d'une perfusion intraveineuse), les dérivés
nitrés provoquent une vasodilatation des gros troncs artériels
avec réduction de la pression artérielle et des
résistances vasculaires systémiques [38, 46]. On
oublie enfin très souvent, que les dérivés nitrés
sont un excellent traitement de l'oedème aigu hypertensif : ils baissent
la pression aortique centrale beaucoup plus que ne le suggère la
pression artérielle au brassard, notamment, chez le sujet
âgé [18]. Par la diminution du volume et de la
pression ventriculaire comme par la vasodilatation artérielle, les
dérivés nitrés réduisent la demande en
oxygène du muscle myocardique. Au niveau de la circulation coronaire,
les dérivés nitrés provoquent une dilatation des vaisseaux
de conductance épicardiques, indépendante du débit et de
l'endothélium. Les dérivés nitrés favorisent la
perfusion des zones ischémiques en n'altérant pas le
mécanisme autorégulateur et en permettant la dilatation de la
circulation collatérale. Ils ont également un effet antispastique
[46].
Ils sont particulièrement efficaces en cas de
ventricule dilaté, car de faibles variations du volume
télédiastolique peuvent entraîner des réductions
importantes de la pression télédiastolique. Ils peuvent
même réduire ou faire disparaître une fuite mitrale
fonctionnelle, consécutive à la dilatation de l'anneau mitral
[38]. A l'inverse, sur un coeur peu dilaté à
fonction systolique relativement conservée, ils peuvent provoquer un
désamorçage de la pompe ventriculaire gauche, par
réduction trop importante du volume télédiastolique. Ceci
implique une grande prudence en cas de dysfonction diastolique [9, 18,
38]. Une pression artérielle systolique inférieure
à 100 mmHg contre-indique leur utilisation.
Les dérivés nitrés sont
généralement administrés par voie intraveineuse continue
à la seringue électrique. L'administration peut-être
précédée d'une injection en bolus, soit d'une
administration par voie sublinguale, dinitrate d'isosorbide
(Risordan® comprimé 5 mg, 10 mg, 20 mg) ou en spray,
trinitrine (Natispray® 0,15 mg ; 0,30 mg). Les posologies de
nitroglycérine (Lénitral® 15 mg/10ml, 3 mg/2ml)
sont de
l'ordre de 1 à 3 mg/heure, et de dinitrate d'isosorbide
(Risordan® injectable 1mg/ml) de l'ordre de 2,5 à
7,5mg/heure.
Dans une étude randomisée, Cotter et al.
[52] ont comparé l'efficacité et la
sécurité du furosémide et des dérivés
nitrés à différentes doses. En cas de tension
artérielle normale ou élevée, l'administration
intraveineuse répétée de dinitrate d'isosorbide en bolus
(3mg, renouvelée toutes les 5 minutes) associé à une
faible dose de furosémide (40mg) semble plus efficace que le
furosémide à haute dose (80 mg, éventuellement
renouvelés toutes les 15 minutes) associé à une faible
dose de dinitrate d'isosorbide (1mg/heure, augmentée de 1mg/heure tous
les 10minutes). L'efficacité semble plus marquée en terme de
réduction des ischémies aiguës et de recours à la
ventilation mécanique.
Les sydnonimines, dont le chef de file est la molsidomine
(Corvasal®), ont des effets vasodilatateurs proches de ceux des
dérivés nitrés et peuvent être utilisés comme
alternative. Ils ne nécessitent pas de métabolisme pour
libérer du NO dans la cellule musculaire lisse. A ses effets
vasodilatateurs, la molsidomine ajoute un effet antiagrégantplaquettaire
direct [46].
> Morphine et opioïdes
La morphine diminue l'angoisse, la douleur, réduit le
travail respiratoire, et diminue la consommation en oxygène du myocarde.
De plus, elle diminue la vasoconstriction artérielle et veineuse
d'origine sympathique ; ce qui réduit la précharge et la
congestion pulmonaire. Elle doit être administrée aux doses de 5
à 10mg par voie sous-cutanée ou en bolus intraveineux, sous
stricte surveillance respiratoire en raison du risque majoré de
dépression. Elle est à proscrire devant toute manifestation
d'hypoventilation alvéolaire [2, 18, 35, 38, 51].
11.2.3 Diminution de la post-charge
> Les vasodilatateurs artériels :
dihydralazine, nicardipine
Ils peuvent être utilisés en cas d'oedème
aigu hypertensif. Ils diminuent les résistances vasculaires
systémiques et sont donc contre-indiqués en cas d'hypotension
artérielle ou de choc cardiogénique.
> Les vasodilatateurs mixtes : nitroprussiate de
sodium, inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine
Ils associent à une action vasodilatatrice veineuse une
action vasodilatatrice artériolaire, responsable d'une augmentation du
volume systolique. Ils peuvent être utilisés s'il existe une
hypertension artérielle associée. Le nitroprussiate de sodium est
assez difficile à utiliser, aux doses variant de 0,2 à 2
ug/kg/min ; posologie à augmenter de façon très
progressive sous surveillance tensionnelle sans dépasser 4 ug/kg/min.
Les inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine
(IEC) ont été proposés au cours de l'OAP hypertensif. En
administration sublinguale, leur début d'action est inférieur
à 10 min, avec un effet maximal en 30 min [53]. Par
voie intraveineuse, ils permettent une diminution rapide de la tension
artérielle diastolique et de la pression capillaire pulmonaire
[2]. Les vasodilatateurs mixtes utilisables per os (IEC) sont
rarement utilisés du fait de leur action retardée.
11.2.4 Inotropes positifs
> Inotropes vasopresseurs : dobutamine,
dopamine
La dobutamine augmente la contractilité du myocarde
(effet bêta-1) et diminue la post-charge ventriculaire gauche (effet
bêta-2) [19, 38, 51]. La dopamine (précurseur de
la noradrénaline), à faible dose, augmente la perfusion
rénale et l'excrétion hydrosodée [51].
Leur utilisation ne doit pas être systématique mais
réservée aux cas de dysfonction systolique du ventricule gauche,
notamment en cas d'hypotension artérielle, de choc cardiogénique
et d'inefficacité des traitements précédents [18,
19, 35, 38].
> Inhibiteurs des phosphodiestérases :
amrinone, milrinone, enoximone
Ces médicaments combinent l'action inotrope positive
à l'action vasodilatatrice mixte. Ils sont responsables d'une
augmentation du débit cardiaque, d'une augmentation de l'index
cardiaque, du volume d'éjection systolique, d'une diminution des
pressions pulmonaires, alors que la pression artérielle et la
fréquence
cardiaque sont peu modifiées. De ce fait, la
consommation en oxygène du myocarde est moins augmentée, ce qui
n'est pas négligeable en cas de cardiopathie ischémique
[18, 38, 51].
Néanmoins, ces produits restent peu maniables et
l'administration simultanée de dobutamine et de trinitrine aboutit
généralement aux même résultats [18,
51].
11.2.5 Autres moyens
> Digitaliques : Lanatoside C, digoxine
L'indication des digitaliques d'action rapide dans le
traitement de l'OAP n'est pas systématique. Ils sont utilisés en
cas de troubles du rythme supraventriculaire (flutter ou fibrillation
auriculaire), uniquement après oxygénothérapie, ECG et
sous contrôle de l'ionogramme sanguin.
L'amiodarone est une alternative à la digoxine dans le
traitement des troubles du rythme supraventriculaire, en particulier la
fibrillation auriculaire.
> Anticoagulants
L'anticoagulation préventive des complications
thrombo-emboliques est systématique. Elle reposera sur une
héparinothérapie intraveineuse ou sous-cutanée.
L'anticoagulation efficace n'est pas systématique. Elle est
indiquée en cas de cardiopathie à fort potentiel
emboligène (oreillette gauche dilatée, arythmie complète
par fibrillation auriculaire, anévrysme ventriculaire gauche)
[19].
> Assistance circulatoire (hémodynamique) par
contre-pulsion par ballonnet intra-aortique
Elle est parfois nécessaire en cas d'insuffisance
mitrale, de choc cardiogénique et rupture septale post-infarctus. Elle
précède souvent une angioplastie. Elle permet une
amélioration de la perfusion viscérale (par
élévation de la pression aortique moyenne) et myocardique (par
élévation de la pression aortique diastolique) et facilite la
vidange ventriculaire gauche par diminution de la post-charge
[38].
11.3 Prise en charge symptomatique
Le traitement symptomatique doit être instauré au
domicile du patient et/ou pendant le transport dans une unité de soins
intensifs cardiologiques ou en réanimation polyvalente. L'objectif
immédiat est de maintenir un niveau d'oxygénation et de perfusion
systémique satisfaisants.
11.3.1 Prise en charge
pré-hospitalière
Le traitement préhospitalier, réalisé par
une équipe du SAMU ou du SMUR au domicile du patient, consistera une
fois le diagnostic posé, à asseoir le patient au bord du lit,
jambes pendantes, et à faire une injection rapide d'un diurétique
d'action rapide, en intraveineuse directe (IVD), furosémide 20mg, ou
bumetamide 0,5mg. La dose à injecter est variable en fonction de
l'état hémodynamique du patient. L'action diurétique n'est
sensible qu'après 15 à 30min. Chez les patients sous
diurétiques avant la crise, une dose plus élevée est
nécessaire. Certains auteurs proposent un dérivé
nitré par voie sublinguale ou en spray, en particulier si le patient
à une douleur thoracique. D'autres proposent le captopril sublingual en
complément du traitement diurétique et nitré avec de
très bons résultats [9].
L'amélioration clinique est habituellement rapide et
permet un transfert dans de bonnes conditions. Le transport se fait en
ambulance médicalisée. Le patient, en position demi-assise avec
jambes pendantes, est mis sous oxygénothérapie nasale à
fort débit (6l/min). Une voie veineuse périphérique et une
sonde urinaire sont mises en place ; la pression artérielle et la
fréquence cardiaque sont surveillées ; un
électrocardiogramme est fait. Une nouvelle injection de
diurétique est réalisée si l'état le
nécessite. Enfin, en fonction de l'état du patient, les
dérivés nitrés en perfusion intraveineuse à la
seringue électrique autopousseuse (1 à 2 mg/h de
nitroglycérine, ou 2 à 4 mg/h de dinitrate d'isosorbide) pourront
être mis en place [9].
D'autres thérapeutiques pré-hospitalières
peuvent être entreprises en cas de résistance aux premiers soins :
injection de morphine en IVD lente ou en souscutanée; garrots veineux
tournants sur la racine des 3 membres sur 4 (rotation toutes les 15min)
[8, 18, 38].
11.3.2 Prise en charge hospitalière
Après un inventaire rapide du malade avec confirmation
du diagnostic, les mesures générales doivent être
entreprises avec prélèvement sanguin pour gazométrie et
biochimie sanguine conventionnelle. Une radiographie pulmonaire et un
électrocardiogramme doivent être réalisées, au
meilleur des cas au lit du malade et si possible un échocardiogramme.
Le traitement entrepris dans la phase
préhospitalière est poursuivi et complété par un
traitement anticoagulant [8, 19]. Ce traitement sera
adapté à la gravité de l'oedème aigu du poumon,
à l'existence d'un facteur déclenchant et à son
étiologie. Deux cas de figure peuvent se présenter : soit
l'oedème est de gravité moyenne, soit il est grave.
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