VI - COMMENTAIRES ET DISCUSSIONS
Notre travail est une étude prospective, descriptive et
analytique qui a porté sur 50 cas d'oedème aigu pulmonaire
cardiogénique (OAP). Les patients ont été colligés,
conformément aux critères d'inclusion, du 1er mars
2003 au 31 décembre 2004 dans le service de Réanimation et
Urgences et le service de Cardiologie << A >> de l'Hôpital du
Point << G >> (HPG). Nous avions pour but d'étudier la prise
en charge diagnostique et thérapeutique de l'OAP cardiogénique.
Les résultats obtenus nous ont conduit aux commentaires et discussions
suivants.
1. LIMITES ET DIFFICULTES
1.1 Limites
Les limites de notre étude, au regard de nos objectifs ont
été:
> La limitation du plateau technique ;
> La non réalisation de la radiographie du thorax
chez certains patients (état de santé critique, problèmes
financiers, décès précoce), exclus de notre
échantillon;
> L'impossibilité d'avoir un bilan biologique en
urgence ;
> La situation géographique du HPG, limitant la taille
de notre échantillon et allongeant le délai de prise en
charge;
> Le lieu d'étude, excluant tous les OAP survenus dans
les autres services.
1.2 Difficultés
> Le déficit de certaines informations, lié au
manque de matériel de surveillance ;
> L'interprétation en urgence des clichés
radiographiques ;
> L'absence de kit d'urgence dans les différents
sites.
2. RESULTATS
2.1 Données
épidémiologiques
2.1.1 Fréquence hospitalière de l'OAP
cardiogénique
Notre étude nous a permis de retrouver une
prévalence de 1,52% #177; 3,39.
Nos résultats sont superposables à ceux
retrouvés par Bétala au Cameroun [3] qui trouve
1,1%.
L'oedème aigu du poumon occupe également une
place non négligeable parmi les urgences cardio-pulmonaires (OAP
cardiogénique sans radiographie du thorax, OAP lésionnel,
urgences hypertensives, insuffisance cardiaque congestive, IDM,
cardiomyopathies, péricardites, AVC, embolie pulmonaire, crises
d'asthme, infections broncho-pulmonaires, pleurésies, pneumothorax...).
En effet, par rapport aux autres urgences cardio-pulmonaires, nous retrouvons
un taux de 9,59% #177; 4,10 d'OAP cardiogéniques en Réanimation,
1,83% #177; 1,02 en Cardiologie << A >> et 3,68% #177; 1,62 aux
Urgences.
2.1.2 Service ayant réalisé le traitement
initial
La prise en charge initiale a été
réalisée dans les 3 sites de notre étude. Les Urgences et
la Réanimation ont reçu chacun 38% des patients (n = 19) et la
Cardiologie << A >> 24% (n = 12).
2.2 Données
socio-démographiques
2.2.1 Age
L'âge moyen de nos patients était de 53,72 #177;
2,58 (IC 95% [52,84 ; 55,73]). Les extrêmes étaient 15 et 90 ans.
La tranche d'âge la plus représentée était la
tranche 60-69 ans avec 32% des cas (n = 16). 50% #177; 13,85 de nos patients
ont plus de 60ans.
Ceci nous permet d'affirmer que bien que les
différentes tranches d'âge soient concernées par l'OAP
cardiogénique, elle demeure une pathologie de la personne
âgée.
Notre âge moyen est inférieur à celui
obtenu par Bétala au Cameroun [3] qui trouve 63,22
#177; 2,33 ans (IC 95% [62,38 ; 65,32]). De plus, il affirme que 64,8% #177;
12,73 de ses patients avaient plus de 60 ans. L'her en France [2]
trouve 54% de patients avec plus de 70 ans. Rabacal au Portugal
[54] retrouve un âge moyen de 68,4 #177; 6,4 ans (IC 95%
[67,08 ; 71,82]). Crane en Angleterre [55] retrouve un
âge médian de 77 ans. Dans une étude américaine sur
la pathogénie des OAP hypertensifs [36] aux Etats-Unis,
Gandhi retrouve un âge moyen de 67 #177; 13 ans.
Ces chiffres pourraient s'expliquer par le bas niveau
socio-énonomique et par une espérance de vie moindre au Mali (48
ans), comparativement à celle des pays occidentaux (77 ans aux
Etats-Unis ; en France, 74,9 ans pour les hommes et 81,2 ans pour les femmes)
[56].
2.2.2 Sexe
Le sexe masculin était prédominant, avec 56% de
nos patients (n = 28). Le sex ratio était de 1,27 en faveur des hommes.
L'exposition des hommes au tabac pourrait expliquer nos résultats.
La prédominance masculine est confirmée par
Bétala [3] qui trouve un sex ratio à 1,16 en
faveur du sexe masculin. Rabacal [54] trouve un sex ratio de
2,14 en faveur des hommes. Crane [55] retrouve une
distribution égale entre les deux sexes.
2.2.3 Ethnie
Les bambara représentaient 38% (n = 19) de notre
échantillon (ethnie majoritaire à Bamako et dans la population
générale), suivis par les peulh et les malinké avec 18%
chacun.
2.2.4 Structure de provenance
70% (n = 35) de nos patients venaient directement de leur
domicile, tous à bord d'un véhicule de transport commun. Aucun de
nos patients n'a eu à emprunter une ambulance médicalisée.
Seuls 28% de nos patients, venant tous d'une structure sanitaire, ont
emprunté une ambulance non médicalisée.
2.3 Profils cliniques
2.3.1 Etiologie
L'HTA a été la principale étiologie (50% ; n
= 25), suivie par les cardiomyopathies (18% ; n = 9) et l'IDM (14% ; n = 7).
Nos résultats s'écartent de ceux de la
littérature qui font des cardiopathies ischémiques la
première cause d'OAP hémodynamique [8, 9, 54,
57]. Fiutowski en Pologne [57] affirme que 41% des
cas d'OAP sont dus à des cardiopathies ischémiques (25%
liés à un IDM et 16% à un angor instable), 29% à
l'HTA, 9% aux pathologies valvulaires, 8% liés à une pneumopathie
et 4% à une fibrillation auriculaire paroxystique. Les étiologies
de l'OAP cardiogénique retrouvées par Rabacal [54]
sont les suivantes : 77,2% de cas de cardiopathies ischémiques
dont 59% chroniques, 13,6% de cardiopathies hypertensives et 9,0% de
valvulopathies mitrales. Dans l'étude « Consensus » regroupant
des patients en classe NYHA 4, l'insuffisance cardiaque était d'origine
ischémique dans 74% des cas, 19% étaient des cardiopathies
hypertensives et 26% des cardiopathies non ischémiques
[1].
A Bamako, l'HTA représenterait à elle seule
18,3% de l'ensemble de la pathologie cardio-vasculaire [62].
Cette prépondérance pourrait expliquer la première place
occupée par l'HTA dans notre série. Dans une étude
multicentrique menée en Guinée Conakry [58],
45,9% des patients hypertendus avaient une insuffisance cardiaque. De plus,
dans la série de Bétala [3], 81,5% des patients
étaient connus hypertendus. Ces chiffres obtenus à Conakry et
à Yaoundé, comparés à ceux de Bamako, tendent
à prouver que l'HTA est la principale pathologie cardiovasculaire
rencontrée en Afrique sub-saharienne et aussi la première cause
d'OAP cardiogénique.
Le faible taux d'IDM pourrait s'expliquer par les
résultats de l'étude MONICA [59] selon lesquels
60% des décès par IDM surviennent en dehors d'une structure
hospitalière et 3 décès sur 4 surviennent avant la
24ème heure. Ne disposant pas de SAMU, ni du plateau
technique permettant au minimum une thrombolyse, plusieurs cas d'IDM seraient
alors méconnus.
2.3.2 Facteurs de risque cardio-vasculaires
L'HTA et le tabac ont été les facteurs de risque
les plus fréquents avec respectivement 70% (n = 35) et 38% (n = 19) des
cas. La moitié de nos patients avaient plusieurs facteurs de risques
associés.
La prédominance du couple HTA - tabac est confirmée
par Bétala au Cameroun qui trouve respectivement 81,5% et 44,4%
[3].
2.3.3 Facteurs déclenchants
Nous avons retrouvé chez nos patients les principaux
facteurs déclenchants décrits par L'her [2],
Stainier [9] et Cohen-Solal [18].
La poussée hypertensive (48% ; n = 24) et la non
compliance aux traitements antérieurs à l'épisode aigu
(écart de régime [20% ; n = 10] et arrêt du traitement [10%
; n = 5]) ont été les principaux facteurs déclenchants. La
poussée ischémique était incriminée chez 10% (n =5)
de nos patients. Plusieurs patients (17) avaient plus d'un facteur
déclenchant associé.
Bétala [3] rapporte une
prédominance de l'arrêt du traitement (37%), suivi par la
poussée hypertensive (13%) ; la poussée ischémique
n'étant incriminée que dans 1,85% des cas.
2.3.4 Evaluation clinique à
l'entrée
Dès réception de nos patients, nous avons
évalué le score de Glasgow, recherché les signes
fonctionnels, physiques et généraux relatifs à l'OAP
cardiogénique. Les différentes constantes physiologiques
suivantes ont été mesurées : pression artérielle,
pouls, fréquence respiratoire, la saturation pulsée en
oxygène et la température. Seuls (80%) de nos patients (n = 40)
ont eu une mesure de leur SpO2 à l'entrée.
2.3.4.1 Score de Glasgow
Le score de Glasgow médian était 13 avec des
extrêmes à 5 et 15. 52% de nos patients (n = 26) avaient un score
entre 13 et 15. 94% de nos patients avaient un score supérieur à
10 à l'entrée.
2.3.4.2 Données du monitorage à
l'entrée
> Les valeurs de la PAS oscillaient entre
60 et 260 mmHg avec une moyenne de 152,70 #177; 6,05 mmHg (IC 95% [151,82 ;
156,11]). 74% de nos patients (n = 37) avaient des chiffres de PAS
supérieurs à 140 mmHg. 14% (n = 7) avaient quant à eux des
chiffres inférieurs à 100 mmHg.
> La PAD moyenne était de 79,60
#177; 5,23 mmHg (IC 95% [78,72 ; 82,05]) avec des extrêmes à 40 et
140 mmHg. 58% des patients (n = 29) avaient une diastolique supérieure
à 90 mmHg.
> Une tachycardie supérieure
à 100 battements/min était présente chez 82% de nos
patients (n = 41). Les extrêmes étaient 54 et 150 pulsations/min.
La moyenne était de 108,72 #177; 2, 60 pulsations/min (IC 95% [107,84 ;
111,59]).
> La fréquence respiratoire
oscillait entre 11 et 47 cycles/min. La moyenne était de 31,50 #177;
1,15 cycle/min (IC 95% [30,62 ; 33,03]). 96% de nos patients (n = 48) avaient
une polypnée supérieure à 19 cycles/min.
> La SpO2 variait de 71 à 92%. La
moyenne était à 84,40 #177; 0,85% (IC 95% [83,52 ; 86,93]). Une
SpO2 entre 80 et 96% était retrouvée chez 87,5% de nos patients
(n = 35). La courbe de dissociation de l'hémoglobine nous a permis
d'avoir une approximation de la pression partielle en oxygène (PaO2).
Nous avons ainsi conclu à une hypoxémie chez tous nos patients,
avec des chiffres oscillant entre 35 et 80 mmHg. 72,5% de nos patients (n = 29)
avaient une PaO2 comprise entre 50 et 59 mmHg.
> La température moyenne
était de 37,63 #177; 0,12°C (IC 95% [36,75 ; 39,31]). Les
extrêmes étaient 36°C et 39,3°C. 74% de nos patients (n
= 37) étaient apyrétiques. 22% étaient fébriles (n
= 11), nous faisant penser le plus souvent à une infection
intercurrente.
2.3.4.3 Caractères de la
dyspnée
Tous nos patients étaient dyspnéiques. La
majorité (68%) d'entre eux avait des signes de détresse
respiratoire aiguë (tirage, battement des ailes du nez, geignement,
respiration abdominale). La polypnée inspiratoire superficielle à
type d'orthopnée avec détresse respiratoire aiguë a
été le mode le plus rencontré (46%). Le
déclenchement de l'épisode aigu a été
nocturne dans 68% des cas (n = 34) et vespérale dans 22% (n = 11).
Buff aux USA retrouve une prédominance matinale
[60].
2.3.4.4 Signes fonctionnels
La dyspnée et l'expectoration étaient
présentes chez tous nos patients (100% ; n = 50), suivies par la toux
(98% ; n = 49), l'anxiété (84% ; n = 42) et l'hypersudation (78%
; n = 39). Seuls 24% (n = 12) de nos patients se plaignaient de douleurs dont
11patients de douleurs thoraciques. L'expectoration était mousseuse
blanchâtre dans 52% des cas (n = 26), saumonée chez 42% (n = 21)
et hémoptoïque dans 6% (n = 3).
La dyspnée associée à la toux avec
expectoration mousseuse, anxiété et hypersudation
représentait le profil clinique le plus rencontré, avec 66% des
cas (n = 33).
Les autres signes étaient représentés par
les signes généraux suivants : céphalées, troubles
visuels, vertiges, hémiparésie, hémiplégie,
dysarthrie, nausées, vomissements, anurie, givres urémiques,
incontinence urinaire, cardiothyréose, goitre, arthrite, fracture du
fémur et hémorroïdes.
2.3.4.5 Signes physiques cardio-pulmonaires
Les bruits du coeur étaient réguliers chez 70%
de nos patients (n = 35). Le souffle d'IM était présent chez 38
patients (76%). Il était isolé dans 34 cas et associé
à d'autres souffles chez 4 patients. Un bruit de galop a
été perçu chez 25 patients (50%) dont 23 galops
protodiastoliques B3 et 2 galops présystoliques B4. L'éclat de B2
était entendu au foyer pulmonaire chez 10 patients (20%) et aortique
chez 2 patients (4%).
Les râles crépitants étaient présents
chez 46 patients (92%). 6 patients (12%) avaient des sibilants, mimant parfois
un asthme bronchique.
2.4 Profils paracliniques
Une radiographie du thorax a été
réalisée chez tous nos patients. Certains patients ont
effectué un ECG, une échographie cardiaque et un bilan
biochimique minimum. Nous n'avons réalisé aucun
cathétérisme cardiaque car non disponible dans notre pays.
2.4.1 Données radiographiques
Les anomalies fréquemment retrouvées
étaient la redistribution vasculaire vers les sommets (100% ; n = 50),
la cardiomégalie (96% ; n = 48), les opacités hilifuges en ailes
de papillon (58% ; n = 29), et le flou périhilaire (22% ; n = 11).
L'index cardio-thoracique le plus représenté était la
classe V2 (0,55-0,59) avec 31 cas (62%), suivie par la classe V3 (0,60-0,64)
avec 16 patients (32%).
La redistribution vasculaire vers les sommets associée
aux opacités nodulaires bilatérales en ailes de papillon et
à une cardiomégalie a constitué le profil radiographique
le plus souvent observé (56% ; n = 28).
2.4.2 Données
électrocardiographiques
42 patients (84%) avaient réalisé un ECG. Les
principales anomalies étaient l'HVG (83,3% ; n =35), la tachycardie
sinusale (54,7% ; n =23) et les troubles de la repolarisation (52,3% ; n
=22).
2.4.3 Données
échocardiographiques
23 de nos patients avaient réalisé une
échographie cardiaque après accalmie de l'épisode aigu. La
cardiomyopathie dilatée à fonction systolique
altérée était de loin l'anomalie la plus rencontrée
(65,2% ; n = 15), suivie par les troubles de la cinétique septale (43,4%
; n = 10), la cardiomyopathie dilatée à fonction systolique
conservée (17,4% ; n = 4) et les troubles de la relaxation du VG (17,4%
; n = 4). 20 patients avaient une cardiomyopathie décelée
à l'échographie.
En croisant ces données avec les patients ayant une
HTA, nous constatons que 3 patients (60%) avaient une altération de la
fonction systolique et 2 d'entre eux (40%) une dysfonction diastolique avec
fonction systolique conservée. Nos chiffres se rapprochent ainsi de ceux
de Gandhi et al. [36] qui démontre qu'en cas d'OAP
hypertensif, une insuffisance cardiaque diastolique est
retrouvée dans près de la moitié des cas, soit 47,36%.
2.4.4 Données biochimiques
Nos conditions de travail ne nous permettaient pas d'avoir un
bilan biochimique à orientation cardiologique en urgence. En effet,
l'ionogramme sanguin, la numération formule sanguine, le dosage des
enzymes myocardiques et la créatininémie ne pouvaient pas
être réalisés en urgence dans notre hôpital. La
gazométrie et le dosage du BNP [39, 40, 41] dont la
valeur pronostique est connue ne sont pas réalisables au Mali.
2.5 Profils thérapeutiques
La prise en charge préhospitalière n'a
été effective que chez un seul patient, bien que peu
adaptée. Ne disposant pas de kit d'urgences, l'ordonnance était
remise aux accompagnants. Ceci constituait un second facteur de retard dans la
prise en charge thérapeutique. Le troisième facteur de retard
était relatif aux conditions financières des patients et
accompagnants.
2.5.1 Thérapeutiques
médicamenteuses
Le furosémide a été administré
chez tous nos patients (100% ; n = 50), suivi par
l'oxygénothérapie nasale (masque et lunette) à fort
débit (74% ; n = 37), les antihypertenseurs (62% ; n = 31), les
salicylés comme antiagrégant plaquettaire (56% ; n = 28), les
antibiotiques (54% ; n = 27). Seuls 46% (n = 23) de nos patients ont
reçu un dérivé nitré, dont 36% (n = 18) par voie
sublinguale et 10% (n = 5) par voie transdermique. Les dérivés
nitrés par voie injectable n'ont pas été
administrés car non disponibles au Mali. La digoxine et les
corticoïdes ont été administrés respectivement chez
28% (n = 14) et 24% (n = 12).
Le furosémide, les dérivés nitrés
et l'oxygène ont été administrés respectivement
chez 100%, 59,3% et 24,4% des patients dans la série de Bétala
[3]. Dans l'étude de Fiutowski en Pologne
[57], les principales drogues administrées
étaient les diurétiques (89%), suivies par les antibiotiques
(84%) et l'aspirine (81%).
Dans notre série, l'administration de furosémide
et d'oxygène semble être associée à un taux
élevé de guérison (14 guérisons versus 5
décès ; p = 0,48). Par contre, l'administration de
furosémide, d'oxygène et du dinitrate d'isosorbide par voie
sublinguale s'associe à un taux de guérison moindre (9
guérisons versus 4 décès ; p = 0, 53). Ce constat
pourrait laisser croire à un effet antagoniste des dérivés
nitrés dans la prise en charge des OAP cardiogéniques. L'absence
de dérivés nitrés injectables dans notre contexte pourrait
expliquer ce fait car les dérivés nitrés per os ont un
effet retard et moindre par rapport à la forme injectable. Ceci plaide
en faveur de l'acquisition et de l'introduction des dérivés
nitrés injectables dans la liste des médicaments essentiels puis
dans notre stratégie de prise en charge. De plus, l'observation n'est
pas statistiquement significative car nos probabilités sont nettement
supérieures au seuil de signification p = 0,05.
Crane [55] affirme que moins de 70% des
patients ont reçu les dérivés nitrés. Dans cette
même étude, l'utilisation des dérivés nitrés
était associée à une augmentation du taux de
guérison. Rabacal [54] recommandait déjà
l'utilisation des dérivés nitrés en première ligne
dans le traitement de l'OAP cardiogénique dès 1993, lorsque la PA
le permettait. En Pologne [57], les dérivés
nitrés injectables étaient moins utilisés chez les
patients décédés (52% versus 78% ; p <
0,00001).
Bien que la supériorité des vasodilatateurs
nitrés sur le furosémide ait été récemment
démontrée [52], il est clair que ces deux
thérapeutiques ne doivent pas s'opposer mais se compléter
[2, 18, 38, 46, 52].
2.5.2 Type de soluté
Seuls 4 (8%) de nos patients n'ont pas reçu du
sérum glucosé 5% (dextrose 5%) à l'entrée.
2.5.3 Thérapeutiques non
médicamenteuses
Nous avons eu recours à une aspiration pour
libérer les voies aériennes supérieures chez 18% de nos
patients. Une intubation trachéale a été effectuée
chez 12% des patients (n = 6) et 4% (n = 2) de ceux-ci ont été
mis sous assistance respiratoire (5 décès ; 83,33%).
Par ailleurs, le nombre de décès chez les patients
intubés est très élevé en comparaison avec le taux
de 27% cité par L'her [2].
2.6 Evolution
Elle a été spectaculaire chez certains de nos
patients, avec régression rapide des symptômes. Toutefois, des
complications et des décès ont été très
souvent rencontrés.
2.6.1 Complications
19 de nos patients (38%) ont présenté des
complications. Le choc cardiogénique et la fibrillation auriculaire ont
été les complications le plus souvent rencontrées avec
respectivement 6 cas chacun. Nous avons observé une relation
signifiacative entre l'existence des complications et les décès
(p = 0,0001) :7 patients avaient 2 complications et ont eu une survie
nulle ; 6 patients ayant une seule complication sont
décédés. Les 6 autres patients avec complication unique
ont eu une évolution favorable. L'insuffisance rénale aiguë
et l'arrêt cardio-respiratoire ont suivi avec 5 cas chacun. Nous avons
aussi observés 2 cas d'hyperkaliémie et 2 cas de
pleurésie.
2.6.2 Durée du séjour à
l'hôpital
32% de nos patients (n = 16) ont séjourné
à l'hôpital pendant 7 à 9 jours. Les extrêmes
étaient de 3 heures et 24 jours. 72% de nos patients (n = 36) sont
sortis de l'hôpital avant le 10e jour d'hospitalisation.
2.6.3 MortalitéNous avons eu
13 décès, soit 26% de notre effectif.
Le taux de mortalité est très variable selon les
séries hospitalières. L'her évoque un taux de 16 à
20% [2], Bétala rapporte 18,5% de décès
dans les 24 premières heures [3]. Fiutowski obtient un
taux de 21% [57]. Notre taux est proche de celui de Crane qui
trouve 26,2% [55]. Dans une étude portant sur les
thrombolyses au cours de l'IDM à Dakar [61], Ndongo
retrouve 25% de décès chez les patients ayant
présenté un OAP.
Malgré toutes nos insuffisances dans la prise en charge
des OAP cardiogéniques, notre taux de mortalité est comparable
à celui des autres équipes. Toutefois, ce taux pourrait
être revu à la hausse si nous avions pris en compte tous les
patients chez qui il avait été suspecté un OAP
cardiogénique mais décédés avant la
réalisation d'une radiographie du thorax. Ce fait nous amène
à prendre des mesures rapides pour améliorer notre pratique afin
d'avoir une gestion des cas plus efficace et plus consensuelle.
2.7 Protocole de prise en charge de l'OAP
cardiogénique
L'insuffisance du plateau technique ne nous permet pas une
prise en charge optimale de l'OAP cardiogénique tel que décrit
dans la littérature. Cela nous a conduit à proposer un protocole
de prise en charge adapté à notre contexte.
Ce protocole comprend trois grandes étapes :
1) Orientation diagnostique devant un OAP
cardiogénique
Cette étape souffre du délai entre
l'épisode aigu et la réalisation des examens
complémentaires, au premier rang desquels nous trouvons la radiographie
du thorax. Leur accessibilité devrait être renforcée dans
les situations d'urgence.
2) Prise en charge hospitalière de l'OAP
cardiogénique : traitement symptomatique
L'absence de dérivés nitrés injectables
au Mali représente la principale entorse à cette seconde
étape. Comme substitut, malgré le délai d'absorption lent
par rapport à la voie injectable, nous préconisons l'utilisation
des dérivés nitrés per os chez tous les patients ayant un
OAP cardiogénique, en s'assurant que la pression artérielle soit
= 100 mmHg.
3) Prise en charge hospitalière de l'OAP
cardiogénique : traitement étiologique
Le plateau technique nous amène également à
cette étape à réadapter les protocoles de prise en charge
des étiologies de l'OAP.
|