III.2.3. La diffusion technologique
L'arrivée de certaines technologies nous a
été signalée comme faisant partie des causes du
déboisement et de la dégradation de l'environnement dans le
Département de Toma. En effet, si autrefois la chasse et les battues se
faisaient au gourdin, l'introduction du fusil de chasse par les anciens
combattants a été une véritable révolution dans les
méthodes de chasse. Grâce à ce nouvel outil, un individu
pouvait abattre, à lui seul, le gibier que tout un village mettait des
jours à traquer. C'est ainsi que progressivement, les grands
mammifères carnassiers et herbivores ont totalement disparu de la
région.
D'un autre côté, l'introduction, dans les
années 1965-1970, de la charrette et de la culture attelée et,
aujourd'hui, des tracteurs continue d'avoir un impact sérieux sur
l'environnement. Du point de vue de l'organisation sociale traditionnelle du
travail, dans la société san, la coupe du bois pour les
besoins domestiques (cuisines et jardins potagers) est attribuée aux
femmes qui collectent généralement en brousse le bois mort et le
transportent sur leurs têtes avec un outil appelé gian en
langue san. Le chargement de cet outil est fonction, d'une part, de la
capacité de chaque femme à porter une charge plus ou moins lourde
et, d'autre part, de la distance à parcourir pour arriver à
domicile. De nos jours, la charrette et le vélo ont remplacé cet
ancien moyen de chargement du bois.
Photo 3 : Un gian Photo 4 : Photo 5 : Femme
Photo 6 : Un
Technique de gian transportant du bois
chargement de
sur la tête avec un gian
charrette
Cliché KI J.P., Toma, le 10/08/2010.
Cliché KI J.P., Toma, le 10/08/2010.
Cliché KI J.P., Sien, le 18/08/2010.
Cliché KI J.P., Sien, le 26/08/2010.
Les nouvelles technologies ont non seulement permis de
transporter une plus grande quantité de bois, mais ont également
introduit de nouveaux acteurs que sont les hommes dans la coupe du bois. Nous
reviendrons sur ce point dans le chapitre IV. Et si le nombre de charrettes, il
y a une vingtaine d'années, était réduit, aujourd'hui,
dans la plupart des villages du Département de Toma, on compte une
à deux charrettes par concession.
III.2.4. Les traditions culturelles de feux de brousse
La société san, comme tant d'autres du
monde, vit au rythme de fêtes coutumières suivant le cycle des
activités agricoles. Parmi ces fêtes culturelles se trouve la
fête traditionnelle du feu de brousse qu'on appelle
tèdiè : chaque année, dans chaque village
san, le feu est rituellement mis à la brousse à la fin
des récoltes (novembre-décembre) par un chef coutumier,
responsable de cette fonction coutumière du feu de brousse. Ce rituel de
tèdiè ouvre également la saison des flûtes
qui s'arrêtera avec l'hivernage suivant. A l'occasion, tout le village
prépare du dolo et de la nourriture : c'est la fête. Le
jour du tèdiè, ainsi que le lendemain, le village
organise une battue pour traquer le gibier. Ce rituel du
tèdiè a pour conséquence l'embrasement de la
nature, chaque année, par les feux de brousse malgré les
sensibilisations des agents des eaux et forêts. Selon les responsables
coutumiers, les feux de brousse ont traditionnellement pour rôle
d'éloigner les fauves, les reptiles et les esprits mauvais qui
rôdent autour du village.
Ces traditions culturelles de feux de brousse, comme nous les
désignons, révèlent que la coupe du bois n'est pas le seul
facteur important de déboisement. Elles montrent également qu'une
part du déboisement peut être liée à la culture d'un
peuple. Dans ce cas, le déboisement lui-même devient un trait
culturel dont la société aura de la difficulté à
s'en défaire malgré ses conséquences négatives sur
l'environnement et sur la société elle-même fortement
ancrée dans ses traditions.
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