Place des questions d'environnement dans les journaux télévisés de RTNC1 et de Numerica

1.2.6. Modèle de John Dimmick

Le modèle de John Dimmick considère l'entreprise de presse comme un système engagé dans des relations intrants-extrants avec son environnement^46(*). Pour lui, le sélectionneur n'est pas une entité isolée, mais un système complexe. Ce système dit de sélection a un double rôle : repérer les événements dans leur environnement d'une part et les transformer en nouvelles d'autre part.

En fait, le modèle de Dimmick apporte une nouveauté dans la théorie de gatekeeping. Dans les modèles précédents (celui de White par exemple), la sélection des nouvelles était supposée être effectuée par un individu : le Rédacteur en chef. Chez Dimmick, par contre, l'instance de décision ou de sélection des nouvelles, ce n'est pas le journaliste en tant qu'individu, mais plutôt l'organisation de presse en tant que système. Par la mise en oeuvre de critères de sélection, l'organisation opère ainsi un tri dans le flot des événements pour ne retenir que ceux qui sont susceptibles de satisfaire aux exigences du fonctionnement organisationnel.

A propos des contraintes auxquelles sont soumis les journalistes dans le traitement des informations, Gregory Derville partage l'avis de Dimmick quand il écrit : Le journaliste n'est donc pas dans la position de celui qui « explore » le monde et qui y désigne, de sa propre initiative, en toute autonomie et en toute objectivité, des éléments significatifs  qu'il promeut en nouvelles. Il participe plutôt à un système contraignant qui lui impose certains comportements^47(*).

Selon Dimmick, chaque niveau de sélection appelle à des décisions importantes de la part des sélectionneurs. Seulement, reconnaît-il, ces décisions sont souvent teintées d'incertitude. Aussi, pour réduire cette incertitude, le sélectionneur doit-il impérativement se soumettre à la logique systémique de son entreprise.

Il appert que ce modèle s'inscrit dans une dynamique systémique où les sélectionneurs ne sont pas des monades ou des électrons libres, mais plutôt des éléments d'un ensemble. Les décisions qu'ils prennent reflètent bien la politique de leur entreprise. Ce modèle est avantageux, car il permet de mieux comprendre l'importance et l'articulation des actions individuelles et organisationnelles successives de sélection tant des événements que des nouvelles dans une entreprise de presse^48(*).

En fait, le modèle de Dimmick semble s'inspirer de la théorie systémique sans pour autant exploiter toute la richesse de cette dernière. Il est de même timide quant à l'influence des facteurs économiques sur le choix des événements et le traitement des nouvelles.

Tels sont les différents modèles théoriques sur la sélection des informations en communication de masse. Il existe bien d'autres modèles dont nous n'avons pas fait mention ici. Le choix porté sur ces derniers, on ne le dira jamais assez, se justifie par le fait qu'ils répondent mieux aux préoccupations de notre recherche. Ils rendent compte du processus de production des nouvelles dans un organe de presse. Un processus long et complexe, soumis aux différentes contraintes organisationnelles et aux influences multiples.

Ces modèles décrivent non seulement les différentes étapes parcourues par un événement avant d'être diffusé, mais aussi les différents niveaux de prise de décision des sélectionneurs quant au maintien ou au rejet de la nouvelle. Le sélectionneur joue ici le rôle du portier (gatekeeper). Il contrôle l'accès de l'information dans un organe de presse. Il laisse passer certains événements et en rejette d'autres. C'est ce qui justifie le fait qu'un organe de presse peut privilégier une catégorie d'informations et marginaliser une autre. N'est-ce pas ce privilège et cette marginalisation que nous avons évoqués dans notre hypothèse.

Deux de ces cinq modèles présentés répondent mieux aux préoccupations de notre étude. C'est le modèle de White et celui de Dimmick.

Le modèle de White, à cause de la simplicité de sa structure et de l'unicité du centre de décision dans le traitement des nouvelles (tout tourne auteur du Rédacteur en chef qui choisit et rejette les nouvelles à sa guise). Aussi parce qu'il fonde la sélection des événements sur le jugement de valeur du sélectionneur. D'après cet auteur, l'on ne peut collecter et diffuser que ce que l'on juge et considère soi-même comme une nouvelle. Mais, ce jugement ou cette conception de la nouvelle, ajoute Dimmick, relève moins du goût individuel du journaliste sélectionneur que de la logique générale de l'entreprise à laquelle il appartient. Ainsi, dans un organe de presse, chaque nouvelle diffusée reflète les décisions qui sont prises tout au long de ce processus dans l'entreprise de presse en tant que système^49(*).

Ce chapitre a consisté non seulement à cerner les concepts contenus dans le sujet, mais aussi à présenter le cadre théorique de l'étude.

Les concepts `Environnement' et `écologie' ont été définis de manière scientifique. Le premier comme cadre biophysique de l'homme et le second comme ensemble des interactions entre les espèces vivantes et leur milieu de vie. La télévision a été définie comme un ensemble de procédés servant à transmettre à distance les sons et les images correspondantes. Quant au journal télévisé, il est un programme d'information, par excellence, de la télévision, animé ou non par un présentateur.

Concernant le cadre de référence, nous avons recouru au traitement de l'information en communication de masse. Il en ressort que la décision du sélectionneur consistant à privilégier certains événements au détriment d'autres influe directement sur le contenu de l'information.

Le premier chapitre étant brossé, nous allons passer au deuxième chapitre consacré à la présentation du champ de notre étude, à savoir les chaînes de télévision RTNC1 et Numerica.

* ⁴⁶ WILLETT, Gilles, Op.Cit, p.448.

* ⁴⁷ DERVILLE, Gregory, « Le journaliste et ses contraintes », in Les Cahiers du journalisme, p.154.

* ⁴⁸ WILLETT, Gilles, Op.Cit., p.451.

* ⁴⁹ Ibidem, p. 452.