1.2.
Ecologie et importance des contreforts
De fait les contreforts se rencontrent fréquemment en
forêt ombrophile sempervirente et semi-sempervirente, sous climat chaud
et à forte pluviosité. Mais on en trouve aussi dans les
forêts caducifoliées, les forêts sèches et en Inde,
dans les « forêts de mousson ».
Dans les régions plus sèches, les contreforts se
rencontrent dans les forêts galeries où l'humidité
édaphique compense probablement l'humidité atmosphérique.
Ceiba pentadra, avec ses grands contreforts, peut même
être observé dans des paysages de formations herbeuses de
Côte d'Ivoire, Cameroun et Burkina Faso. Elle est le plus souvent
plantée près ou dans les villages.
Dans les forêts de montagne, les contreforts n'existent
qu'à basse altitude. Ainsi, au Mexique, dans les forêts humides de
montagne de la Sierra Madre Orientale, la présence d'arbres à
contreforts marqués n'a pas été observée au-dessus
de 1000 m (Puig, 2001).
En Guyanne on rencontre des arbres à contreforts aussi
bien sur les pentes et les sommets des collines que dans les bas-fonds,
Virola surinamensis, fréquent sur sols hydromorphes, est
épaulé de puissants contreforts. Il en est de même de
Pterocarpus officinalis.
De nombreux auteurs (Schnell, 1970 cité par Puig,
2001), ont observé que les arbres à contreforts ailés sont
plus fréquents sur sols argileux que sur sols sableux.
Selon Schnell (op. cit.), deux hypothèses principales
sont avancées pour expliquer le déterminisme des
contreforts :
- L'origine de ces structures génétiquement
fixées pourrait être en relation avec les conditions du milieu.
Ce point de vue fait référence au
caractère utile de ces structures qui auraient permis la fixation de
l'arbre par sélection naturelle au cours de l'évolution
phylogénique.
Selon un argument généralement avancé,
les contreforts augmenteraient le volume de la rhizosphère et
donneraient une plus grande assise et une plus grande stabilité aux
arbres de grande taille, en particulier sur les sols argileux où ils
sont plus fréquents.
De tels arbres résisteraient mieux aux vents. Ainsi,
les individus possédant des contreforts se seraient maintenus et
auraient prospéré, contrairement aux autres.
De même, Richards (1996), cité par Puig (2001),
estime que les contreforts ont une fonction similaire à celle des
racines échasses, celle d'accroître la résistance des
arbres aux forces des vents et de la gravité. Ces structures agiraient
comme des haubans ou câbles de résistance permettant aux troncs de
faire face à ces contraintes.
- La deuxième hypothèse stipule que des
mécanismes biochimiques induiraient l'apparition d'un contrefort
à la base du tronc chez des espèces qui possèdent
héréditairement une tendance à produire ces extensions.
Dans ce cas, des causes physiologiques et écologiques
expliqueraient leur présence.
Ainsi, nous constatons que les arbres pourvus de contreforts
ne possèdent pas de racine principale, mais présentent des
racines horizontales, superficielles, divergentes et traçantes qui
sont sous-jacentes aux contreforts et les prolongent en surface, parfois
jusqu'à plusieurs dizaines de mètres du tronc.
Les solutions minérales puisées dans le sol par
ces racines transiteraient par les contreforts selon des trajets
privilégiés qui stimuleraient le cambium : ce serait
l'activité intense du cambium qui entrainerait la formation de
contreforts sur ces trajets privilégiés.
Schnell (1970), cité par Trochain (1980),
suggère que le développement des contreforts est un
caractère héréditaire chez certaines espèces et
qu'il est lié à l'environnement dans le cadre des faits
biochimiques et non dans le cadre des conditions mésologiques que les
théories actuelles n'ont pas réussi à mettre en
évidence.
Trochain (1980) cite également, Palienne (1969), qui
soutient que « la différence entre contreforts
tempérés et contreforts tropicaux est de degré et non de
nature ». L'action enzymatique de la B-glycérophosphate
privilégiant le développement des racines latérales doit,
selon lui, se déclencher au moment où la croissance des racines
pivotantes est contrariée par leur pénétration dans les
horizons pédologiques désaturés ou hydromorphes.
Le mécanisme ainsi amorcé prend une ampleur
telle que la croissance des racines latérales devient
prépondérante et affecte les tissus de la base du tronc,
provoquant ainsi le développement des contreforts.
Quelle que soit l'hypothèse adoptée, il reste
à expliquer pourquoi la présence des contreforts est une tendance
innée chez certaines espèces des forêts tropicales humides,
contrairement à la majorité des grands arbres des forêts
tempérées. Il convient aussi de se demander pourquoi toutes les
espèces peuplant une station marécageuse ou une pente ne sont pas
étayées par des puissants contreforts.
D'autre part, les contreforts sont considérés
comme des défauts de structure lors d'abattage des arbres, c'est
pourquoi l'abattage des arbres à contreforts et empattements doit se
faire au-dessus de leur départ car il n'y a pratiquement pas de tronc
au-dessous. La trace au sol de ces arbres est une étoile sans partie
centrale (pivotante) ou aux bras plus ou moins flexueux et plus ou moins
divariqués (Trochain, 1980).
Figure 1 : Bases de troncs des arbres à
contreforts
L'observation attentive de ces contreforts ou accotements
fournit de précieuses indications pour aider à l'identification
d'une essence.
Schématiquement nous pouvons donc observer leur nombre
approximatif ; leur disposition simple (ex. Eribroma oblongum ou
eyong, Nesogordonia ou kotibé) ou ramifiée (ex.
Piptadeniastrum africanum ou Dabéma ; leur direction,
droite (ex. Pterocarpus soyauxii ou padouk) ou sinueuse
(Microberlinia bisulcata ou zingana, Guibourtia
tessmannii ou bubinga) ; la hauteur à laquelle ils
s'élèvent et la distance moyenne, sur le sol, à laquelle
ils plongent en terre (le tronc de l'arbre étant bien souvent
rétréci entre ces contreforts ou accotements) ; leur profil,
droit (Pterocarpus soyauxii ou padouk), concave (Afzelia ou
doussié) ou convexe (Ceiba pentandra ou fromager) ; leur
épaisseur moyenne, épais (Entandrophragma angolense ou
tiama, Entandrophragma utile ou sipo, Afzelia ou
doussié, Erythrophleum ou tali), minces (cas de contreforts ou
accotements « aliformes » : Pterocarpus soyauxii
ou padouk, Piptadeniastrum africanum ou dabéma) (Letouzey,
1972).
C'est ce qui prouve que la présence des contreforts et
leur forme constitue un caractère spécifique pour
déterminer une espèce.
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