MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE
REPUBLIQUE DU MALI
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UNIVERSITE DE BAMAKO UN PEUPLE - UN BUT - UNE
FOI
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°
FACULTE DES SCIENCES JURIdiQUES ET POLITIQUES
(FSJP)
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°
MEMOIRE DE FIN DE CYCLE
?
THEME :
« LE POUVOIR DECISIONNEL DES CHEFS RELIGIEUX
TRADITIONNELS DOGON AUX DEPENS DES LOIS ET REGLEMENTS EN
VIGUEUR.»
![](Le-pouvoir-decisionnel-des-chefs-religieux-traditionels-Dogon-aux-depens-des-lois-et-reglements-e1.png)
Présenté et soutenu par :
Amadou SANGARA
Pour l'obtention du diplôme de maîtrise en sciences
juridiques.
Option : Droit privé
(carrière judiciaire)
Promotion : 2002-2006
Membre de
jury : Sous la
direction de :
Prof. Amadou KEITA Dr Daniel TESSOUGUE
Date de soutenance :
Le 12 juillet 2007
REMERCIEMENTS.
Nous remercions d'abord Dieu, de nous avoir permis de finir ce
travail de mémoire dans sa bénédiction et dans sa
grâce.
Nous remercions également le décanat et le corps
professoral de la Faculté des Sciences
Juridiques et Politiques
(FSJP), particulièrement notre directeur de
mémoire Docteur Daniel TESSOUGUE, pour sa qualité humaine
remarquable mais aussi, pour ses conseils pédagogiques exemplaires et
pour sa disponibilité infaillible, nous lui exprimons notre profonde
gratitude.
Egalement sont à remercier, particulièrement
Moussa Sangara et son épouse Aïssata, Sana Guindo et sa famille,
Andogoly Guindo et sa famille, la famille Dolo à Médina-coura,
Amadou Sagara et son épouse Djénèba Dolo, Nantimé,
Nouh, Seydou, Andiè, Amayoko Seydou Adè, Emmanuel et leurs
familles, qu'ils trouvent ici l'expression de notre sincère
reconnaissance.
A tous nos oncles, tantes, frères, soeurs et amis qui
nous ont soutenu tant matériellement que moralement.
Enfin, nos remerciements vont à l'endroit de tous ceux
sans oublier personne qui nous ont accompagné et soutenu dans la
réalisation de ce mémoire.
Nous remercions infiniment tous et toutes pour leur sens
élevé de solidarité et pour la sincérité
à laquelle ils nous ont témoigné.
MERCI !
DEDICACES.
Amadou Sangara :
Je dédie ce mémoire à mon père
Ogokongo (Souleymane Sangara), Prêtre de Arou (Tuogou),
décédé en juin 2005 et à ma mère
Aïssata dite Yaïguerè Telly qui, m'ont donné la chance
d'aller à l'école, d'aboutir à ce résultat que
voici et d'être ce que je suis présentement.
Egalement, je dédie ce mémoire à Monsieur
Nouhoum Koné et à son épouse Sabine koné qui m'ont
tout donné et qui ont tout fait pour moi et, sans lesquels ce
mémoire n'aurait été ce qu'il est aujourd'hui.
Bref, je dédie ce mémoire, à tous les
défenseurs du panafricanisme et ambassadeurs des traditions noires
africaines et en particulier de la tradition dogon qui oeuvrent inlassablement
pour la perpétuation de nos valeurs culturelles séculaires.
Et à tous les traditionalistes de quelle que
nationalité qu'ils soient, soucieux ou persuadés de la
nécessité de concilier tradition et modernité.
SOMMAIRE.
Remerciements i
Dédicaces ii
Première partie
Le pouvoir des chefs religieux dogon 5
Chapitre I : Statut et autorité des
chefs religieux dogon 7
Section I : Classification sociale des
chefs religieux dogon 7
Section II : L'autorité des chefs
religieux dogon 9
Chapitre II : Points de divergence entre
l'autorité traditionnelle et l'autorité de l'Etat 14
Section I : Différence de forme
14
Section II : Conflits de compétence
19
Deuxième partie
La cohabitation des deux autorités : autorité
traditionnelle et autorité publique 23
Chapitre I : La tradition dogon, consolide
les dispositions relatives aux citoyens 25
Section I : Complémentarité_
autorité traditionnelle et autorité publique 25
Section II : L'autorité des chefs
religieux dans un contexte intercommunautaire démocratique 30
Chapitre II : Conciliation indispensable
entre tradition et modernité 34
Section I : Capacité d'adaptation au
changement 35
Section II : La persistance de la tradition
38
INTRODUCTION.
La région occupée par le peuple dogon est
située au centre-est de la république du Mali. Elle occupe une
zone tampon à la frontière sud-est, entre le
Mali et le Burkina Faso.
Elle est rattachée à la
5e région administrative
(Mopti) du Mali, dont elle occupe toute la
moitié Est, avec de gros centres semi-urbains tels Bandiagara,
Bankass, Douentza et
Koro.
Adossés à la roche ou construits sur le plateau
rocheux, les villages Dogon sont, nichés au pied de la falaise en
bordure du haut plateau de Bandiagara, et face à une vaste plaine qui
s'étend vers le sud.
Ce sanctuaire de la falaise de Bandiagara inscrit au
patrimoine mondial de l'UNESCO, d'une superficie de 4
000 km2, est un site mixte à la fois, culturel
et naturel réparti entre les trois régions naturelles du pays
Dogon:
- Le plateau, les falaises et la plaine du
Seno-Gondo;
Le pays dogon est une des zones les plus anciennement
peuplées d'Afrique de l'Ouest; ses populations ont été au
cours des siècles les témoins des différents troubles qui
ont marqué le territoire.
Le plateau et la falaise de Bandiagara ne sont pas
occupés par une population homogène mais par une mosaïque de
communautés descendant des différentes vagues de migrations qui
sont arrivées dans ce refuge idéal pour mieux se protéger
contre les guerres et les famines.
Plusieurs recherches et enquêtes ont
dévoilé les analogies entre ces villages et ceux du sud de la
Mauritanie, datant du 1er Millénaire établissant ainsi un lien
entre ces populations. Lien patent pour les constructions de pierre de
textiles, etc., qui peut s'expliquer par cette migration Nord-Sud ou qui
peut-être le reflet d'un même stade de développement.
Ces « Dogon » aux multiples
dialectes ont su vivre ensemble depuis plusieurs siècles sans qu'ils
aient eu de grands problèmes autres que des guerres sporadiques, ce qui
leur a donné une certaine cohésion.
Cette histoire commune, les similitudes culturelles et
l'unité du territoire ont permis de les regrouper en une ethnie
« Dogon ». Ces populations nouvelles, qui se sont
superposées aux autochtones, ont à peu près divisé
le territoire du plateau entre l'Ouest et le Sud-Est.
Le peuplement dogon se rattache à deux principales
arrivées de populations.
La première migration est descendue très
tôt du Nord avant le X è siècle, venant de l'empire du
Ghana.
Quittant leur pays en guerre et en proie à la
désertification, les animistes Soninké appelés aussi
Wakoré vont se diriger vers le Niger, source d'eau
constante, rejoignant d'anciennes villes Djenné ou en fondant de
nouvelles: Goundam, Dia et surtout
Djenné-Djenno avec l'aide des
autochtones Bozo, IX è Siècle.
Non loin de là, selon Monteil
aurait été fondé un royaume Nono, autre
branche Soninké, sous la conduite d'une reine qui occupera toute la
région Nord et Ouest du plateau de Bandiagara :
Pignari, Leogelou,
N'Duleri.
Dans ces régions aujourd'hui les habitants se disent
d'origine Nononké ou Djénnéké d'ethnie
Sâman.
Cette première migration n'est pas très bien
connue de la plupart des Dogon, ce qui explique le fait que lors des grandes
cérémonies traditionnelles, les griots n'en font pratiquement pas
allusion quand ils font l'éloge des dogons ou décrivent le
parcours historique du peuplement dogon.
La seconde migration, beaucoup mieux connue, serait venue du
Mandé à la suite de persécutions religieuses ou pour fuir
le commerce des esclaves. De sérieuses présomptions laissent
penser qu'une première vague de migrants malinké serait
arrivée de Yatenga dès le X è
siècle; Elle serait à l'origine des Kibsi.
La migration principale du Mandé, celle des quatre
familles dogon qui peupleront la falaise et le plateau, daterait du XII
è siècle. Les étapes et la chronologie de ce long voyage,
sont déclamées lors des cérémonies et participent
au mythe fondateur commun qui unit tous les dogons, ce mythe dogon varie
suivant les régions.
Les quatre clans de migrants qui étaient arrivés
au pied de la falaise devront se battre pour le territoire avec les
différents occupants dont les Tellems1(*) qu'ils vont absorber ou faire
fuir puis, selon la tradition, ils se sépareront à
``kan'' pour fonder chacun leurs propres villages.
De nos jours, nous pouvons retrouver des descendants des
Tellems, une minorité dans les confins de la frontière entre le
Mali et le Burkina; Lors d'une cérémonie annuelle
organisée à l'intention de toute l'ethnie Tellem, ils viennent
jusqu'à Iréli pour les festivités, comme
pour témoigner des liens étroits existants entre Dogons et
Tellems.
Les dogons vont occuper le plateau et la plaine en
élaborant au cours des siècles, afin de continuer la
lignée, une vie religieuse très codifiée et une vie
sociale basée sur la hiérarchie des générations.
Ces dogon-Mandé, ayant adopté les rituels locaux
sans peine car tous étaient animistes, vont résister aux
poussées venues de toutes parts, tant celle de l'empire musulman
songhoï, qui rayonnait depuis sa capitale Gao sur toute la région
de Tombouctou et du Hombori, que celle des voltaïques. Ceux ci exerceront
une forte influence sur les rites, apportant par exemple les
sociétés de masques qui n'existaient pas chez les Tellems, la
métallurgie et leur langage, ce qui fera classer le dogon
``toro'' parmi les langues voltaïques.
Selon la tradition les quatre faces de la
toguna ou case à palabre ou le « grand
abri » représentent les quatre familles fondatrices
dogons. Dans chaque prière, dans la construction du grenier, de la case
habitée, on constate la présence du nombre quatre inspirée
sans étonnement et incontestablement des quatre clans venus du
Mandé.
Egalement les quatre points cardinaux de l'univers sont
déjà connus, et sont intégrés dans la pratique de
certains rites ou cérémonies et cela bien avant le contact avec
l'extérieur ou la colonisation.
La connaissance des étoiles et le calcul du vent
témoignent de l'existence de la boussole traditionnelle. Aussi est-il
intéressant de noter que généralement les
cérémonies de prière ou d'imploration des esprits-dieux
sont précédées toujours de la représentation ou de
l'évocation du nom de ces quatre points cardinaux, qui sont entre autres
nommés et reconnus comme suit (en tôrô-sô):
Dou (l'Est), Mouyonron (l'Ouest),
Natangan (le Nord), Teingourou (le Sud.)
L'organisation sociale chez les dogons, repose sur une
classification bien définie. Et ainsi, chez les dogons, les chefs
religieux traditionnels sont la sommité dans l'organisation sociale. Ils
détiennent des pouvoirs très importants et énormes. Leur
champ d'action est très étendu et multiforme.
La vie quotidienne dans la société dogon est
organisée en fonction d'une hiérarchisation très
codifiée, la religion est étroitement associée à
des personnes précises et au rang social qu'elles occupent.
La société dogon est patriarcale,
composée d'un ensemble de familles ou clans. La base de cette
société est la famille étendue, groupée sous
l'autorité d'un patriarche.
Le chef religieux traditionnel est l'homme le plus
âgé du village ou celui qui a été choisi par les
divinités ou les ancêtres. Il n'existe pas un chef religieux pour
chaque localité, aussi les chefs ont-ils plusieurs
« circonscriptions »?
Contrairement au chef de village, dont la fonction se transmet
du père au fils aîné, le chef religieux est choisi par
plusieurs villages qui sont des descendants d'un même clan ou qui ont une
origine commune.
Le chef religieux le plus élevé en grade est
celui du clan Arou, du village du même nom. Son pouvoir spirituel est
totalement indépendant du pouvoir temporel, c'est à dire de la
politique menée par le village.
Mais auparavant, avant l'arrivée du colonisateur, les
chefs disposaient aussi d'une réelle autorité politique.
Aujourd'hui, en ce qui concerne les affaires du village, le
pouvoir politique est exercé par le chef du village et le pouvoir
spirituel par le Prêtre mais, les décisions qui dépassent
le cadre du village sont prises par le chef religieux.
Les zones de compétence de l'un et de l'autre ont en
fait tendance à se chevaucher mais, de nos jours encore la parole du
chef spirituel a plus de valeur que celle du chef temporel.
Le pouvoir décisionnel des chefs religieux
traditionnels ou encore autorités traditionnelles, présente dans
un certain nombre de domaines des différences aux textes. Mais aussi, on
constate des complémentarités ou compatibilités dans
beaucoup d'autres domaines entre l'autorité traditionnelle et
l'autorité publique ou les textes.
En effet, ce sujet sera traité en deux
parties :
La première partie parlera du pouvoir
des chefs religieux dogon. Quant à la deuxième partie,
elle étudiera la cohabitation des deux autorités :
autorité traditionnelle et autorité publique.
PREMIERE PARTIE.
Le pouvoir des chefs religieux dogon.
Dans la société dogon, les pouvoirs du hogon ne
sont pas illimités et ne donnent pas tous les droits. Ils doivent
compter avec la puissance des prêtres qui, sont aussi des chefs
spirituels traditionnels, véritables maîtres de décision
dans leur domaine propre : « Maître de la terre », «
Maître du couteau » ou sacrificateur.
Les prêtres dogons prédisent l'avenir à
partir des traces laissées la nuit par les chacals ou renards sur des
portions de sol quadrillées, la veille bien auparavant. Cette pratique
religieuse permet aux chefs religieux dans la prise de décisions,
d'êtres conscients ou avertis tout au moins des avantages ou
inconvénients qui pourraient résulter ou assortir d'une
décision et le tollé que pourrait susciter une décision
prise sans précaution.
Tout au long de l'analyse de cette première partie deux
points retiendront notre entière attention qui, sont respectivement le
statut et l'autorité des chefs religieux dogon en chapitre
premier et les points de divergence entre l'autorité
traditionnelle et l'autorité de l'Etat en chapitre
deuxième.
CHAPITRE PREMIER.
Statut et autorité des chefs religieux dogon.
Il est important de souligner ici que, dans la mesure
où la presque totalité des dogons partagent la même
origine, il n'y a pas une très grande différence du point de vue
forme entre les chefferies religieuses traditionnelles, leur
caractéristique est pratiquement la même, même si
l'autorité, la notoriété de certains, sont plus visibles
et plus notables.
On va envisager successivement dans ce chapitre premier :
en premier lieu la classification sociale des chefs religieux dogon
(Section I) et, en second lieu l'autorité de ces chefs
religieux (Section II).
Section I: Classification sociale des chefs religieux
dogon.
Le chef religieux est choisi en fonction de sa capacité
à diriger, sa sagesse vis-à-vis de la tradition, sa droiture, en
un mot en fonction de sa caractéristique d'un homme plus ou moins
parfait.
Certains chefs religieux traditionnels plus ou moins
populaires sont pris ou choisis par le conseil des anciens en fonction de leur
âge; le plus âgé du clan est automatiquement choisi comme
chef religieux.
La classification sociale des chefs religieux dogon fait
ressortir deux points essentiels à savoir l'importance sociale de ces
derniers (Paragraphe I) et leur qualité d'auxiliaires de
l'administration (Paragraphe II.)
Paragraphe I: L'importance sociale des chefs religieux
dogon.
Les chefs religieux traditionnels ne sont pas élus ou
nommés par les individus du moins par les populations mais, choisis par
les divinités ou culte des ancêtres qui, ont été
sollicitées en la matière.
Nous, nous sommes rendus au cours de notre voyage
d'étude sur le terrain à Arou, où, réside le hogon
le plus élevé en grade de tout le <<pays
dogon>>, et nous l'avons rencontré, ce qui a confirmé
le bien fondé de ces témoignages sur le pouvoir de
décisions, la fonction ou le statut des chefs religieux
traditionnels.
D'après le témoignage du hogon de Arou le
système religieux se présente comme suit: au sommet il y a le
hogon principal, il est le cerveau du système religieux et le chef
spirituel, il est l'image incarnée du respect que le dogon, en
particulier le Arougown c'est à dire le ressortissant du clan
Arou2(*), accorde à
sa civilisation, sa culture, sa religion en un mot à sa tradition.
C'est lui qui a autorité pour toutes les questions
religieuses dans les tribus dogon « animistes »
dans la région est. Son pouvoir est soutenu par les différentes
divinités ou culte des ancêtres qui régissent la religion
traditionnelle dogon. Ensuite il y a les prêtres, qui sont au nombre de
trois, viennent successivement des villages de Tuogou
(Ogokongo), et Youga-piri
(Ogogênè et Ogopanrion); Ils représentent
l'axe central, sinon un des piliers incontournables dans le système
religieux, dans la mesure où se sont eux et uniquement eux qui sont
habilités à effectuer les différents sacrifices religieux.
Leur fonction est multiple et diversifiée; puisqu'ils sont les
maîtres de cérémonies lors de l'investiture et des
funérailles du hogon spirituel.
Viennent enfin les chefs de ``wagum'' et les hogons d'un
certain nombre de villages dont les plus notoires sont ceux des villages de
Damasongo et de Nombori (clan Arou.) Aux yeux
des populations tous ces intervenants sont considérés comme
étant de fidèles serviteurs à leur tradition
ancestrale.
Les affaires qui ont trait à la coutume et à la
religion traditionnelle sont du seul ressort du hogon principal de cette
même zone.
Paragraphe II: Les chefs religieux auxiliaires de
l'administration.
A l'époque d'avant la colonisation, les chefs religieux
traditionnels étaient considérés comme étant
à la fois les chefs coutumiers et administratifs et, ils jouissaient
d'une très grande renommée, et les relations à
l'extérieur des frontières de la tribu étaient presque
inexistantes à cette époque hormis, les quelques pactes de non
agression mutuelle, le bon voisinage oblige.
A cette période, la vie sociale était
régie par des règles coutumières rigoureuses, sous la
tutelle et le contrôle permanent du chef coutumier et administratif.
Avec la colonisation et par la suite, les
évènements ont fait que les fonctions coutumière et
administrative ne soient plus concentrées sur un même individu.
Actuellement les grands dignitaires religieux qui sont
chargés des pouvoirs exécutifs sont nommés à vie.
De plus en plus de nos jours, les grands dignitaires religieux dogons,
interviennent régulièrement dans des affaires du ressort de
l'administration, et cette intervention généralement
subordonnée à la gravité ou encore à l'urgence des
cas.
Par exemple en cas de crime, délit de vol, d'agression,
il n'est pas rare de voir ou d'entendre parler, des autorités
traditionnelles, aider les autorités publiques qui sont
compétentes ou qui connaissent ces genres de cas à mettre la main
sur leurs auteurs qui ont, ainsi violé les vertus locales ou
traditionnelles de la communauté.
Egalement pour la collecte des impôts ou tout autre
service public, il est fréquent de voir les chefs religieux inciter
leurs subordonnés à s'acquitter ou à remplir pleinement
leurs obligations citoyennes.
Ce qui est frappant dans tout ça et non des moindres
c'est que les chefs religieux traditionnels dogon ne dénient aucunement
l'autorité publique, pourtant l'Etat a du mal à s'imposer, dans
une zone où la coutume ou la loi tribale a plus de force que celle
votée à Bamako.
« Cependant il est un fait avec lequel il faut
compter c'est que rarement les habitudes séculaires ne peuvent
être bousculées à coups de lois ou de règlements.
Les réalités sociales tracent des sillons pour le
développement économique et culturel par une confrontation
pacifique des civilisations afin de changer progressivement la nature des
choses 3(*)»
En effet, notons particulièrement que bien avant la
colonisation les sociétés traditionnelles étaient
déjà régies par des principes généraux
établis avec l'accord et l'apport des populations.
C'est ainsi que le Mandé d'où sont originaires
également, presque tous les Dogon, Soundjata
Keita après avoir triomphé de
Soumakourou Kanté lors de la bataille
de Kirina en 1235 a établi les
principes généraux qui vont désormais régir la
société du mandé. Ces principes embrassaient tous les
secteurs et toutes les composantes de la société du
Mandé.
Les droits et devoirs du citoyen
mandéka sont détaillés, la division de la
société en classe dont chacune des classes est affiliée
à un domaine déterminé et qui lui est propre, donc
à chacun sa place et sa classe sociale. Les principes sociaux doivent
êtres respectés par tous sans exception, ceux qui ne les
respectent pas, sont punis conformément aux dispositions applicables en
la matière.
Section II: L'autorité des chefs religieux
dogon.
La célébrité ou le pouvoir spirituel du
chef religieux d'Arou est visiblement manifeste, car Arou est l'unique clan
dont la tenue du chef spirituel est constituée d'un bonnet rouge et d'un
costume blanc.
Egalement, la maison du chef religieux est crépie en
rouge et blanc ; la couleur rouge symbolise la force du royaume, et
signifie à l'étranger sa puissance spirituelle ou rituelle. La
couleur blanche symbolise l'hospitalité, la patience, la
tolérance et l'entre aide.
Contrairement à ce que beaucoup pourraient laisser
entendre sur les religions traditionnelles, le dogon a foi en un seul dieu,
l'unique Ama.
Cependant il a donné la possibilité aux hommes
de l'approcher en s'adressant à différents intermédiaires
placés sous le contrôle et la supervision des chefs religieux
traditionnels.
Les chefs traditionnels, qui sont plutôt des chefs
religieux, sont associés au serpent; leur autorité est
liée à la terre. Le chef religieux est maître du village et
de la brousse des hommes, des animaux et de tous les végétaux.
Le plus grand prêtre du lèbè au
« pays dogon » est celui de «Arou.»
Prêtre de binru; pour avoir ce titre, il faut passer par
une initiation qui consiste à avoir une certaine prédisposition,
à accueillir la communication des ancêtres par la manifestation
d'un rite de possession. Le prêtre binru est toujours de sexe masculin.
Comme le chef spirituel, il est fondamentalement lié au cycle
végétal, on lui présente les semences avant de les enfouir
en terre, de même que les prémices avant les récoltes.
En outre les chefs sont astreints à des interdits
très stricts. Le titre de chef religieux comporte un certain nombre
d'interdictions allant de l'impossibilité de contact avec une femme en
état de règles à l'interdiction de consommer certains
aliments tels que la viande de chèvre ou encore le Fonio. Aussi un chef
ne marche jamais pied nu, si le hogon marche pied nu, l'on dit que la terre
devient rouge, ce qui est symbole d'infertilité et les récoltes
ne donneront pas bien.
Ainsi la ``terre'' sanctionne l'inattention des citoyens
envers leur chef caractérisé par le fait que celui-ci ait
marché pied nu alors qu'il devait bénéficier d'une
attention particulière de la part de ses subordonnés ou
concitoyens.
Le chef religieux ne fait son apparition publique
principalement qu'à l'approche de l'hivernage à l'occasion de la
prestigieuse fête religieuse annuelle organisée pour rendre
hommage aux ancêtres protecteurs qui n'ont ménagé aucun
effort dans la réussite de la saison pluvieuse écoulée et
sont adorés pour la bénédiction de la saison qui s'annonce
vers l'horizon.
Tous les ressortissants où qu'ils soient se rendent
là-bas (à Arou) pour les festivités dans la mesure du
possible. Même les Moronaba (Mossi) du Burkina viennent
lors de cette célébration annuelle des rites. D'ailleurs
d'après les témoignages de traditionalistes ces
Moronaba seraient même d'origine du clan Arou, donc
auraient des liens ancestraux très proches ou de parenté avec les
Dogon.
Deux situations expliquent cet état des faits d'abord,
les chefs religieux dogons sont les garants des valeurs ancestrales
(Paragraphe I) ensuite, la force obligatoire de leurs décisions
(Paragraphe II).
Paragraphe I: Les chefs religieux garants des valeurs
ancestrales.
Les chefs religieux traditionnels effectuent l'essentiel ou
presque la totalité du travail religieux ou coutumier au nom, et dans
l'intérêt des populations.
Le respect de l'autre, du culte des ancêtres est
primordial et obligatoire. Les divinités priment sur tout même sur
les hommes car celles-ci représentent l'ensemble des ancêtres
morts et des dieux ou esprits protecteurs, bienfaiteurs, garants de la
tradition et du bien être de la communauté, des dieux
témoins des temps anciens, maîtres du présent, espoirs du
futur c'est à dire qu'ils ont la destinée de la communauté
entre leurs mains.
Les chefs religieux voyagent exceptionnellement de
façon officielle, ils ne voyagent pas sur n'importe quelle destination
et non plus par n'importe quel chemin ou encore n'importe quand. Ils sont
sensés posséder d'énormes pouvoirs sur les eaux, ils ont
le secret du contrôle des pluies. Il arrive dès fois que les
leaders religieux interromprent les pluies pendant un lapse de temps
très court pour rappeler aux populations qu'ils existent des
autorités supérieures qui veillent au respect strict des
principes de la vie communautaire et de la religion traditionnelle, qu'il ne
faut pas ignorer ou sous estimer celles-ci. Notons que c'est une pratique
très ancienne, léguée par les générations
successives. Ainsi les citoyens amènent des sacrifices qu'on donne aux
ancêtres à travers les divinités compétentes en la
matière.
C'est un impôt que doivent effectuer les citoyens,
qu'ils soient de prêt ou de loin concernés. Mais pendant ces
dernières décennies on assiste dès fois à la
pratique d'interruption des pluies par des particuliers, qui ont
également pu posséder ce genre de pouvoirs et font subir des
souffrances aux populations qui voient leurs cultures ruinées sous leurs
yeux, car la pluie est perturbée, voire même empêchée
de tomber au moment crucial de l'hivernage. Dans ce cas d'espèce, une
fois les dieux (punitifs) de la pluie sollicités, si l'auteur de cet
acte ignoble ne se précipite pas pour « détacher
la pluie » sens plus près du mot en dogon, avant que ces
divinités n'entrent en scène, sinon après la peine sera
inévitablement la mort. Il n'existe rien, aucun individu, aucune
autorité, qui puisse annuler ou empêcher l'application de cette
peine, même pas les chefs religieux car ayant donné
préalablement tout leur accord aux esprits concernés et
d'accepter le verdict, qui n'est d'ailleurs pas un verdict prononcé,
quel qu'en soit le sacrifice c'est à dire quel qu'en soit le rang social
ou la personnalité du criminel. La condamnation à mort n'est pas
approuvée dans la société dogon, ce qu'il faudrait
préciser ici est que cette condamnation est du seul ressort des
divinités qui ne font simplement qu'appliquer les principes et
protéger les innocents contre les malfaiteurs ou ennemis de la
société. Tout le processus est supervisé par les plus
hautes autorités pour assurer son bon et plein aboutissement.
Dans la société dogon le mot d'ordre est «
Ensemble préservons notre dignité, sauvons notre honneur
» car pour le dogon l'honneur est l'essence de la vie pour un homme,
il est un des éléments prépondérants de la
qualité humaine qu'un homme doit préserver de façon intime
dans le courant de sa vie. Par ailleurs, dans cette société,
comme dans toute autre société, la collaboration entre vieux et
jeunes est privilégiée et recommandée, car ici nul n'en
doute de la nécessité de coopération entre ceux
catégories centrales, de la vie communautaire. « Si vous
voulez sauver des connaissances et les faire voyager à travers le temps,
disaient les vieux initiés dogon, confiez-les aux
enfants ». C'est pour signifier de l'importance et de la
nécessité de collaboration et d'écoute entre vieux et
enfants.
Amadou Hampaté Ba dans un
discours à l'UNESCO, n'a-t-il pas dit la fameuse formule,
intégralement « En Afrique, un vieillard qui meurt est une
bibliothèque qui brûle.»
Les vieux doivent être approchés sans condition
par les jeunes afin de perpétuer la tradition. Ainsi, dans le domaine de
l'initiation aux masques cette collaboration entre anciens et jeunes, est bien
visible et pratique.
En effet, à l'approche des grandes
cérémonies religieuses traditionnelles, les autorités
traditionnelles à travers leurs sages, qui sont des
délégués et compétents en la matière,
décident en rassemblant tous les jeunes hommes ayant relativement le
même âge, du moins l'âge de la puberté, en tout cas
tous ceux qui conviennent aux critères coutumiers
prédéfinis, et qui devront s'isoler dans la brousse pendant
quelques jours en compagnie des initiateurs aux masques. Permettant ainsi
l'initiation de ces jeunes aux nombreuses techniques de danse des masques, aux
mystères ou secrets des masques et éventuellement au langage tant
mystifié des masques qu'on appelle en dogon
(Sigssô4(*).)
En effet, le pouvoir décisionnel des chefs religieux
traditionnels est l'un des garants de la stabilité de notre
système républicain actuel et, de la consolidation ou
préservation de la paix sociale.
Paragraphe II: La force obligatoire des décisions
des chefs religieux.
Lorsque les chefs religieux sont sollicités ou
lorsqu'ils interviennent dans des affaires, les décisions qu'ils rendent
sont des décisions sages et simultanément irrévocables,
dans la mesure où ils n'interviennent qu'en dernier ressort.
Quand les chefs religieux dogon rendent une décision cela
trouve, qu'au préalable les citoyens ont été
consultés à travers le conseil des ancêtres ou du village
composé de tous les chefs de famille et des chefs
héréditaires ou à travers les
délégués de tous les villages originaires du clan, car
plusieurs villages forment une ``confédération''. Les
décisions sont toujours prises dans l'intérêt commun de la
communauté.
La société dogon est composée de nobles
et d'hommes de caste. Le mariage ou les relations sexuelles entre les deux
classes sont formellement interdits. Ceux qui portent atteintes à ces
interdits sont punis et sanctionnés conformément aux principes
établis en la matière. Si une personne de la classe noble commet
un acte sexuel avec une autre de la classe caste, elle perd automatiquement son
titre de noble, et par conséquent devient homme de caste. Si d'autre
part, le fautif ne déclare pas son acte sous prétexte de n'avoir
été vu par aucun individu, s'il perdure dans cette voie il
encourt la folie ou pour le pire la mort. Généralement ceux qui
sont accusés de ces actes préfèrent quitter leur village
d'origine, pour s'installer loin ailleurs.
En cas de commission d'une simple faute, les condamnations
généralement infligées sont, les amendes, la confiscation
des biens, à défaut, la personne condamnée doit effectuer
un travail d'intérêt commun, pratique qui est d'ailleurs le cas
aussi devant les autorités étatiques.
Lors des grands travaux qui entrent dans le cadre de
l'entretien de la cour royale et de tous les autres services tout le monde doit
y participer. Chacun participe à l'entreprise sans que un ordre soit
donné. Le champ communautaire qui est affilié au chef religieux
est, cultivé et récolté par la population, et dont les
céréales récoltées serviront à recevoir les
invités lors des différentes cérémonies religieuses
traditionnelles et également à nourrir le chef et sa famille.
Mais également, lors des travaux importants tous les
villages originaires ou les ressortissants du clan doivent envoyer leurs
représentants ou à défaut envoyer leur contribution
pécuniaire ou matérielle. L'irrespect ou l'inapplication des
décisions rendues ou des sanctions prononcées par le chef
religieux, la transgression de certains codes de bonne conduite
prédéfinis par la communauté entraînent chez leurs
auteurs des conséquences, souvent très lourdes. Entre autres,
crier sur un plus âgé ou interrompre sa langue ``sa parole'',
fréquenter un lieu qui est, interdit au public sauf à des
initiés, s'habiller de façon inadéquate ou se mettre nu en
public, voler, mentir ou porter atteinte à une personne, agresser sans
raison, la violation d'un pacte ancestral par exemple :
pénétrer un lieu sacré, transgression alimentaire. La
violation des principes qui régissent le comportement des hommes envers
la nature visible, couper un arbre en lieu sacré, ne pas participer
à l'accomplissement de rites de purification de la brousse ou d'un
fétiche, et les êtres non visibles qui représentent un
pacte de paix dans l'usage commun de l'espace terrestre :
pénétrer en des lieux où vivent les jinnadji ou
jinnu5(*) sans prononcer les
mots de protection.
CHAPITRE II.
Points de divergence entre l'autorité
traditionnelle et l'autorité de l'Etat.
L'autorité traditionnelle présente, dans un
certain nombre de domaines des différences avec l'autorité
publique.
L'autorité de l'Etat étant une autorité
publique, elle prend toutes les décisions relatives à la gestion
des affaires publiques et dispose du pouvoir de coercition pour assurer le
respect des décisions prises.
Pour le bon fonctionnement des institutions étatiques
et le respect des libertés et restrictions des citoyens, la
prévalence et l'existence de l'autorité de l'Etat sont,
indispensables.
L'autorité étatique tient son pouvoir que
d'elle-même. En dehors de son consentement aucun autre pouvoir ne peut
s'imposer à elle.
En outre, l'autorité étatique est dotée
de la personnalité morale et de la souveraineté.
La personnalité morale conduit au fait que l'Etat se
distingue des gouvernants c'est à dire les décisions prises par
ceux-ci sont imputables à l'Etat seul.
Un Etat est dit souverain lorsqu'il ne tient son pouvoir que
de lui-même et n'est soumis à aucune autre autorité
supérieure. Le principe d'autorité de l'Etat signifie que si
c'est ne que cette dernière « il n'y a pas d'actes
semblables faits par les particuliers ».
Dans ce chapitre nous évoquerons des différences
de forme entre ces sortes d'autorité (Section I) et les
conflits de compétence entre elles (Section II.)
Section I: Différences de forme.
Il n'est pas étonnant de constater que du fait
même de la nature de ces deux autorités, inévitablement
elles présentent des différences de forme.
Que ce soit un litige du foncier (terrain, domaine, champ
cultivé ou libre), un litige successoral ou encore du vol, de
l'agression ou d'une atteinte à la personne, bref de n'importe quel
litige résultant de la gestion des rapports sociaux ou communautaires
entre individus, les chefs traditionnels connaissent tous ces litiges en
premier lieu et donc inévitablement aux dépens des
autorités étatiques compétentes en la matière.
Mais au niveau local, il faut noter que le chef religieux
intervient en dernier ressort. L'expérience a prouvé qu'en tout
cas sur le terrain essentiellement que seule une décision rendue par les
autorités traditionnelles arrive pour le moins à être
reconnue par les parties opposées ou belligérantes.
Ces différences se focalisent essentiellement dans le
domaine du foncier (Paragraphe I) et dans le règlement des
litiges (Paragraphe II).
Paragraphe I: Dans le domaine du foncier.
Dans le domaine foncier l'autorité traditionnelle
exerce, le pouvoir sur la terre à cause de son droit de 1ere occupation
tandis que la seconde, l'autorité politique (l'administration
générale, collecte des impôts, défense du
territoire.)
Généralement l'autorité politique
respecte les droits de la dite 1ere occupation à cause du pacte
d'alliance qui le lie au génie du sol.
Les Dogon quand ils vinrent s'installer sur le plateau et la
falaise, il leur a fallu de combattre les Tellems qui occupaient et qui
vivaient déjà sur les lieux afin, de les déloger des
surfaces qu'ils occupent.
C'est ainsi que lors de grandes cérémonies
religieuses les griots font l'éloge des dogons comme étant un
peuple combatif, fier, digne et intègre qui ne recule guère
devant l'obstacle ou le danger.
Aussi pour s'installer sur ce terroir il a fallu aux Dogons de
rendre harmonieux le paysage et la terre afin de consacrer le pacte d'alliance
et de l'honorer.
L'autorité traditionnelle aura plus de facilité
à accéder à l'acquisition des terres pour ses besoins
personnels. Cependant ce principe est souvent mis en cause par certains qui,
à cause de leur tyrannie, remettent en cause les principes de la
1ère occupation, ce qui ne va pas sans conséquences.
Les droits fonciers coutumiers se reposent sur quatre
principes fondamentaux: ils sont collectifs, inaliénables, sacrés
et transmissibles.
Ils sont collectifs, car dans la société
traditionnelle la terre appartient à toute la collectivité
c'est-à-dire le village, la famille, la tribu, le clan si non pas
à un seul individu.
Ils sont inaliénables parce que la terre ne peut faire
l'objet d'aucune transaction commerciale, vente ou gratuit.
Ils sont sacrés car dans la société
traditionnelle assimilée à une divinité, elle abrite aussi
les ancêtres. A ce titre que des sacrifices lui sont rendus.
C'est à ce titre que Henri
Labouret déclarait: « la terre est l'objet
d'un culte chez les populations agricoles c'est à dire l'immense
majorité des noirs. Une tribu qui s'installe dans un pays fait alliance
avec la terre non pas avec la planète mais avec l'esprit de ce
territoire déterminé.»
Ils sont transmissibles, car dans la société
traditionnelle la terre se transmet de génération en
génération afin de garantir la survie du groupe parental. Par
conséquent dans la société traditionnelle la
théorie des terres vacantes et sans maître est inopérante
car la terre appartient à une collectivité.
La mutation importante est liée à
l'arrivée du colonisateur français, qui en s'installant par la
force à introduit de nouveaux instruments de gestion qui ont
fondamentalement bouleversé la vision domaniale et foncière des
sociétés traditionnelles.
La terre jusque là collective, sacrée,
inaliénable et transmissible devient un bien négociable
susceptible d'appropriation privée.
Paragraphe II: Dans le règlement des litiges.
Pratiquement, dans la société dogon les chefs
religieux traditionnels sont incontournables en matière de
règlements ou de résolutions des litiges ou conflits locaux.
Dans certains cas sur un problème
déterminé, quand même une décision aurait
été prise par l'Etat, son application dans la
société dite traditionnelle pose, souvent problème.
En effet, ici nous voulons énumérer un certain
nombre de faits ou cas réels qui se sont déroulés et pour
certains très récemment, dans lesquels cas l'affaire a
été portée devant la justice, la justice a
été rendue et de fortes mises en garde ont été
faites au(x) perdant(s) ou au(x) débouté(s) mais, force est de
reconnaître que dans la majorité des cas, le conflit ne
s'éteint pas, même si l'Etat déploie sur place ses
représentants chargés de veiller sur la pleine application du
verdict.
Cela témoigne hélas d'un certain mépris
de l'autorité de l'Etat dont, ce dernier en est le principal coupable,
car ne se rapprochant pas depuis longtemps d'avantage de ses citoyens ou dans
certains cas en ne tenant pas compte des vertus locales fondées sur des
principes souvent dérogatoires avec ce que nous appelons les textes
fondamentaux de la nation qui embrassent pourtant tous les secteurs ou domaines
de notre société. Par exemple: quand une personne `X' tue un
proche `P' à `Y', la loi interdit à `Y' de venger `P' sur `X'
car, selon la loi nul ne doit se faire justice soi-même.
Egalement, dans la tradition dogon, on donne une grande valeur
au pardon. On l'accorde même à celui qui a fait le plus de mal. Et
la vengeance est considérée comme un réflexe regrettable.
On dit qu'un homme qui peut se contenir ne se venge pas; elle n'est ni
admirée ni mise en valeur. On laisse à un homme le droit de se
venger s'il a subi un tord. S'il pardonne, c'est bien; mais même s'il ne
pardonne pas, on ne peut non plus le lui reprocher.
Depuis l'indépendance ces populations dites
traditionnelles n'ont qu'une vision négative des autorités
étatiques. Selon elles, l'Etat ne s'est résolu qu'à la
seule vocation punitive ou répressive des citoyens. Et que ce dernier
n'a pu démontrer qu'il n'était qu'arrogant voire répressif
ou indifférent à leurs égards et à toutes leurs
préoccupations majeures.
Prenons par exemple le cas foncier un problème
récurant en société dogon; nous avons recueilli des
témoignages, mais également nous avons, nous personnellement
été témoins de nombreux cas litigieux que nous ne nous
hasarderons pas à citer nommément les parties ou villages en
conflit.
Dans lesquels cas, l'Etat ayant intervenu en sa qualité
de gardien de la paix sociale, n'a pu apporter de solutions durables aux
crises. Comme, si pour dire que l'Etat ne peut solutionner
unilatéralement tous les litiges et que pour certains cas d'entre eux,
le concours des autorités traditionnelles est primordial, même si
ce cas de figure paraît inadmissible pour certains.
Par contre, renversement de situation, si c'est une
autorité traditionnelle qui intervient, nous constatons que le conflit
est pour le moins géré ou résolu de façon
coutumière car, c'est entre frères ou parents.
Cela n'est pas fortuit ou banal que ça car
l'autorité traditionnelle a une arme que l'Etat n'a pas, en fait les
autorités traditionnelles envoient aux belligérants ou utilisent
les cousins qui sont de plusieurs catégories et qui sont en effet, une
sorte de médiateurs.
Egalement, ces personnes sont déléguées
par une ou des chefferies traditionnelles avec la ou lesquelles au moins une
des parties belligérantes à un lien clanique ou tout autre lien
d'amitié ou de collaboration. Ou, si tout simplement le conflit ou le
litige se déroule dans le ressort de compétence d'une
autorité traditionnelle quelconque.
Aussi, la création du poste de
médiateur de la
république par l'Etat en 1997 entre,
dans le cadre de la préservation des droits et intérêts des
particuliers face à l'Etat, c'est une initiative remarquable, pour le
moins ambitieux.
Il y a également un autre mécanisme de
prévention et de résolution des différends. Cela si les
belligérants affirment êtres d'accords pour procéder par
cette voie de règlements, un mécanisme ou moyen de
résolution très court, une pratique que l'on appelle localement
en dogon Binru Kaïyi ou Binru N'yèyi6(*).
Pratique par laquelle les parties en conflit ou litige, l'une
après l'autre, conjurent sur ce rite, chacune se proclamant être
véridique ou si c'est une chose, être le propriétaire
légitime; bien sûr que chacune est consciente du fait qu'il ne
pourrait y avoir deux vérités à la fois sur une même
affaire ou chose.
Chacune des parties, généralement il y a deux et
rarement plus, avance ses preuves qu'elle juge fondées et
concrètes dont seul le binru est capable de déceler les zones
d'ombre ou celles de vérité. Simultanément chaque camp
jure d'être puni conformément aux principes du binru kaïyi,
s'il s'avérait qu'il a dit faux ou a été de mauvaise foi
et que si les esprits consultés arrivaient à lui donner tord,
généralement la peine encourue est la mort.
Comprenez que, ce ne sont pas des coups que lui
asséneront les hommes mais une punition discrète des esprits
consultés qui sont, supposés être des esprits
véridiques et juges.
Il faudrait souligner que quand même les dites parties
en litige sont composées de plusieurs individus, chacune choisie dans
son camp un individu qui lui représentera lorsque le moment de Binru
kaïyi sera venu.
Egalement il est signifié aux parties que la
décision qui sera issue de cette sorte de jugement est
irrévocable quel qu'en soit le verdict. Il est supposé que le
premier des représentants des deux camps qui décédera le
premier lieu, est le perdant et qui a tord suppose-t-on et cela jusqu'à
nos jours personne n'a pu démontrer le contraire.
Ici la formule est unique et sans équivoque que, la
vérité finie toujours par triompher le mensonge.
Pour la plupart des dogons malgré l'existence de
nombreux mécanismes de prévention et de résolution mis en
place par l'Etat, cette pratique de « Binru Kaïyi »
est la plus équitable, la plus sûre, la plus concrète et la
plus impartiale des systèmes de recherches de vérité.
Par ailleurs il est évident que dans une
localité ou un pays lorsqu'une chose ou méthode `A' est plus
prisée qu'une autre chose ou méthode `B', à défaut
d'êtres sur le même pied d'égalité sur ce terrain,
elles sont manifestement, l'une supérieure à l'autre du fait du
choix de l'acteur.
Pour expliquer le ras-le-bol ou l'indifférence de ces
dites populations locales envers l'Etat, nous avons décidé
d'élucider le cas du tourisme et celui de la cohabitation agriculteurs
et nomades éleveurs principalement. Le secteur du tourisme est l'un des
secteurs en pleine croissance de nos jours et qui rapporte
énormément de devises à l'échelle nationale. Mais
les populations visitées, pour le cas qui nous intéresse le
«pays dogon», voient à longueur de journée
comme de saison se succéder les touristes dans leurs villages et sites,
ont l'impression d'être exploitées et épargnées du
partage du « gâteau » et se plaignent de ne pas en
profiter pleinement des retombées financières.
Bien sûr, il faut le dire tous les acteurs dans ce
secteur ont leur responsabilité dans cet état des choses, y
compris les populations elles qui se disent exploitées et
lésées pour des raisons qui ne semblent pas faire l'objet de
notre sujet.
Mais nous estimons que l'Etat doit prendre ses
responsabilités afin de donner aux populations concernées une
image gagnant-gagnant du secteur du tourisme. Aide ou redistribution des
ressources que nous jugeons même si, elle existe est, insuffisante par
rapport à l'attente escomptée des populations.
Dans la cohabitation entre agriculteurs, dogon et
éleveurs ou nomades Peuhl, les contentieux sont multiples et très
fréquents surtout sur la plaine et s'accusent fréquemment
d'être l'instigateur.
Pour les agriculteurs, à presque totalité dogon
quand les affaires liées à ce domaine sont portées devant
une autorité publique, ils dénotent toujours une certaine
passivité ou partialité de la part de celle-ci, ce qui
témoigne de leur perplexité quant à la réelle
volonté de celle-ci de vouloir résoudre les litiges d'une
manière durable. Ils se sentent largement défavorisés dans
cet état des faits par rapport aux éleveurs. Un motif
supplémentaire pour les premiers de manifester leur désarroi
envers l'Etat et, ses autorités.
Section II: Les conflits de compétence entre ces
deux autorités.
Il y a un certain conflit de compétence entre
l'autorité traditionnelle et l'autorité de l'Etat dans la mesure
où dans un certain nombre de cas l'autorité traditionnelle, une
fois saisie d'une affaire, fait tout pour solutionner à son ressort,
l'affaire. Et l'autorité étatique même si elle est
indirectement au courant de l'affaire comme elle ne peut pas s'auto saisir dans
les tous les cas n'a naturellement pas le choix que de se tenir à
l'écart.
Les conflits de compétence ou devons-nous dire le
conflit de compétence qui peut exister entre l'autorité des
leaders religieux et les textes ou autorités gouvernementales n'en est
rien qu'un conflit de fait car en principe tous les deux côtés
s'accordent et sont soucieux des idéaux de justice, du bien être
social et de la paix sociale, bref de tous les maux qui constituent notre
société, mais les avis ou les moyens d'actions divergent si elles
ne se contredisent pas.
Pour le dogon, le chef religieux traditionnel incarne
l'unificateur, l'impartial mais aussi le chef spirituel auquel il accorde son
entière confiance et sa pleine dévotion.
Quel qu'en soit la complexité ou l'embarras d'une
affaire, une réponse leur est apportée. Tous les sujets ou cas
trouvent ici leur issu en tout cas pour le moins qu'on puisse dire, ce qui ne
peut en rien empêcher l'Etat à affirmer sa primauté ou son
autorité s'il le faut.
Les deux points qui seront mis en lumière ici
sont : les chefs religieux, sont des acteurs de proximité
(Paragraphe I) et l'affirmation de la primauté de l'Etat
(Paragraphe II.)
Paragraphe I: Les chefs religieux traditionnels acteurs de
proximité.
Les chefs religieux dogon étant les premiers
responsables de la société dans laquelle ils vivent, sont les
premiers ou du moins les privilégiés, quand il y a lieu de
solliciter l'intervention d'une autorité dans tel ou tel cas ou
situation.
Inutile de jouer aux sourds ou aux aveugles pour les
pessimistes de la réalité des faits, plus concrètement de
l'existence d'un réel pouvoir de décisions des chefs religieux
traditionnels, hautement reconnu et approuvé par les populations
locales, car cet état de fait est un fait concret donc, constatable sur
le terrain.
En matière successorale, la plupart des cas ou des
affaires sont solutionnées sur place c'est à dire par les
chefferies traditionnelles. Les intéressés dans ces genres de cas
préfèrent ne pas porter leurs affaires devant les
autorités politiques ou administratives étatiques, estiment-ils
ces autorités publiques ne prennent pas toujours nécessairement
en compte les pratiques d'ordre local ou coutumier auxquelles ils sont
intimement liés.
Egalement, la succession s'opère sous une forme
pouvons-nous affirmer contradictoire aux dispositions et textes existants en la
matière. Exemple, cas de décès d'un chef de famille, les
héritiers ou successeurs sont les frères directs ou de la famille
étendue du défunt et non ses plus proches, épouse(s),
enfant(s) comme le prévoit la loi. Ici la succession suit des normes
coutumières aux dépens des textes républicains.
Localement soutient-on que c'est pour éviter de se
chamailler pour un héritage et également pour éviter, la
division ou la dislocation de la famille uniquement sur la succession d'un
être cher perdu, çà serait là déranger son
sommeil, son repos dans sa nouvelle vie à l'au-delà.
Ne voyons donc pas, cette pratique comme une atteinte aux
droits des proches du défunt (épouse(s), enfant(s)), car
pratiquement dans la majorité des cas le mariage en lui-même a
été célébré dans les normes
coutumières sans la participation quelconque de telle ou telle
autorité administrative ou politique.
Les chefs religieux traditionnels sont réputés
êtres des individus très sages, discrets, respectables et
respectés par tous, par conséquent la population adhère
à l'idée selon laquelle ces chefs ne rendent aucunement des
décisions hâtives ou imprécises.
Notons particulièrement qu'en matière
coutumière, les tribunaux de première instance et les justices de
paix à compétence étendue sont complétés par
des assesseurs de la coutume des parties. N'est-il pas intéressant de le
souligner, ces assesseurs ont voix délibérative.
Cette mesure opérée par l'Etat est salutaire car
celui-ci ne pouvait se permettre d'ignorer pour le bon fonctionnement de ses
institutions, les coutumes locales gages de tout équilibre social.
Seulement ces populations locales sont réticentes à
adhérer aux systèmes dits modernes instaurés par l'Etat,
systèmes qui les ont pris de court et sur lesquels elles sont
évidemment moins informées ou mal informées.
Mais de nos jours, progressivement le fossé s'amenuise
entre ces deux tendances. Ainsi, nous pouvons dire que les décisions des
chefs religieux traditionnels ne contredisent pas pour autant les lois et
règlements de la république.
Car de nos jours au Mali les sociétés
traditionnelles ignorent la majorité des institutions
républicaines existantes ou du moins les méconnaissent. Cela
n'est pas fortuit, car depuis des décennies l'Etat n'a manifesté
aucune volonté de sensibiliser ces sociétés ou populations
qui sont pour autant un des piliers majeurs de développement dans une
société.
L'Etat n'est sollicité que et cela est peu
fréquent que quand les problèmes dépassent des
frontières de ces sociétés et impliquent, des parties
hétérogènes c'est à dire de localités
différentes ou lointaines.
Mais notons quand même, que cet acte peut être
interprété comme un geste d'ouverture ou de reconnaissance,
opéré par les autorités traditionnelles à travers
leurs chefs à l'endroit des autorités étatiques. Et pour
démontrer, aux défenseurs de l'idée selon laquelle il ne
peut y avoir de pouvoir décisionnel sous quelle que forme que ce soit
autre que celui de l'Etat que ces dites sociétés ne sont et sont
loin d'être des hors-la-loi.
Paragraphe II: L'affirmation de la primauté de
l'Etat.
L'Etat primant sur tout, son autorité étant une
règle qui s'impose à tous, dans les faits celle-ci rencontre des
obstacles. Pour bien énumérer cette situation, prenons
principalement le thème tant évoqué de
l'émancipation de la femme, un sujet cher à l'Etat et sur lequel
il compte asseoir son autorité mais, mal compris ou mal
interprété voire tabou pour les secondes, à savoir les
autorités traditionnelles.
Dans ces sociétés la femme est et doit rester ce
qu'elle est entendez par-là, une femme de ménage, une
éducatrice des enfants.
Ce que trouve comme idées, archaïques voir hors
contexte, notre Etat républicain à travers ses textes, Etat qui
se veut égalitaire et qui entend voir tous ses citoyens sur le
même pied d'égalité.
Malgré cette conception de la femme dans nos
sociétés traditionnelles, les choses évoluent positivement
pour celle-ci. Actuellement il n'est pas étonnant de rencontrer au
« pays dogon » des femmes accéder à certaines
professions ou fonctions locales (Maire, Enseignement, animation
socioculturelle...etc.)
Et la femme est en même temps victime de nombreuses
brimades liées essentiellement, à la persistance de la coutume et
de la tradition dans le droit de la famille.
Notre Constitution aux allures progressistes et modernes
s'engage à défendre les droits de la femme et de l'enfant, alors
que les conditions de la femme dans une société
foncièrement traditionnelle restent encore à améliorer. En
fait le droit malien de la famille est basé sur une conception
inégalitaire des rapports entre époux.
On pourrait à volonté multiplier
l'évocation des textes (du code du mariage au code successoral, etc.)
par lesquels notre société ou en tout cas notre
législateur, sous le joug des pesanteurs de la tradition et des
coutumes, n'est pratiquement pas parvenu à élaborer dans certains
domaines des lois qui se soustraient à la difficile conciliation entre
tradition et modernité.
D'autre part, le mariage est une institution à laquelle
l'Etat s'intéresse, les parties n'ont pas la libre disposition de tous
les droits. Celui-ci campe sur la pleine réglementation du mariage ce
qui ne va pas sans poser de problèmes, car dans les
sociétés traditionnelles, en l'occurrence dans la
société dogon le mariage dans la plupart des cas ne, tient pas
compte des dispositions légales existantes en la matière. Par
exemple, dans la société dogon, généralement le
consentement de l'une ou de l'autre partie n'est pas toujours effectif et n'est
pas une condition sine quo non de la validité du mariage, car l'on
suppose, seul le consentement du futur époux suffit pour conclure le
mariage.
Tandis que, selon l'article 16-2 de la Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme « le mariage ne peut être
conclu qu'avec le libre et plein consentement des futurs époux
».
Dans ces milieux nul ne conteste que l'homme est, le chef de
famille et a une large autonomie quant à l'exercice de la puissance
paternelle, des pratiques que trouve dérogatoires aux textes, l'Etat,
qui se veut soucieux du respect de l'équilibre social ou familial.
Cela montre à quel point les sociétés
traditionnelles à travers leurs chefs ont du poids au Mali mais sont
sous le contrôle vigilant de l'Etat, car celui ne veut permettre ou
tolérer un libertinage quelconque de la part de ses sujets ou
entités.
DEUXIEME PARTIE.
La cohabitation des deux autorités :
l'autorité traditionnelle et l'autorité publique.
L'expression pourrait paraître erronée voire
détestable à certains. En effet, concrètement quand nous
parlons du pouvoir décisionnel des chefs religieux traditionnels aux
dépens des lois et règlements en vigueur, cela il ne faudrait pas
le comprendre par le sens stricte des termes.
Car les décisions prises par les chefs traditionnels ne
sont pas pour autant contraires aux dispositions des lois et règlements,
dans la mesure où ces chefs ne rendent les décisions
qu'après concertation des différents intervenants dans le
système, également les décisions sont rendues au nom de
toute la communauté et dans l'intérêt général
de celle ci.
Ces sociétés sont des sociétés
religieuses traditionnelles plusieurs fois séculaires, si d'aventure il
y a une contradiction ou du moins une incompatibilité entre celles-ci et
les autorités publiques, cette contradiction n'est pas pour autant
manifeste et visible; même si certaines habitudes ou pratiques existantes
dans ces sociétés doivent évoluer et nécessiter une
certaine amélioration et un certain changement.
A défaut d'êtres uniformes ou égalitaires,
ces deux catégories d'autorité doivent et cela dans
l'intérêt des deux camps, cohabiter pour éviter une
quelconque confrontation ou bras de fer qui peut être fatal pour notre
société. Il est important de noter que depuis longtemps les
autorités gouvernementales ont su respecter l'ordre dogon et ce dernier
persiste.
Dans cette seconde et dernière partie de notre sujet
nous soulignerons principalement le fait que la tradition dogon consolide les
dispositions relatives aux citoyens (Chapitre I) et qu'une
conciliation est indispensable entre tradition et modernité
(Chapitre II) afin de pérenniser les acquis
démocratiques.
CHAPITRE PREMIER.
La tradition dogon, consolide les dispositions
relatives aux citoyens.
En société dogon, rien, n'est vraiment
distraction simple. Nous pouvons dire que le profane n'existe pas ici, tout est
religieux, tout a un but, tout a un sens. La tradition est la grande
école de la vie, dont recouvre et concerne tous les aspects.
Elle peut paraître chaos à celui qui n'en
pénètre pas le secret et dérouter l'esprit
cartésien habitué à tout séparer en
catégories bien définies.
En elle, en effet, spirituel et matériel ne sont pas,
dissociés. Passant de l'ésotérique à
l'exotérique, la tradition dogon sait se mettre à la
portée des hommes, leur parler selon leur entendement et se
dérouler en fonction de leurs aptitudes.
Elle est tout à la religion, à la connaissance,
à la science de la nature, à l'initiation de métier,
à l'histoire, au divertissement et à la récréation,
tout point de détail pouvant toujours permettre de remonter
jusqu'à l'unité primordiale.
Aujourd'hui dans la société Dogon l'on rencontre
des chefs religieux traditionnels de plus en plus animés d'un esprit
d'ouverture, toue chose qui facilite le contact, les rapports avec le monde
extérieur.
Ce chapitre sera axé sur la
complémentarité_ autorité traditionnelle et
autorité publique (Section I) et sur l'autorité des
chefs religieux dogon dans un contexte intercommunautaire démocratique
(Section II.)
Section I: Complémentarité entre
autorité traditionnelle et autorité publique.
Dans la société dogon, les principes sociaux, il
faut le préciser sont sous le contrôle et la supervision des chefs
religieux traditionnels ou du moins ces derniers veillent sur le strict respect
et sur l'application correcte de ces principes.
Dans la hiérarchie des normes qui est un classement des
règles juridiques dans un ordre hiérarchisé, il est
clairement énoncé que les normes de droit inférieur
doivent êtres conformes aux normes de droit supérieur. Par exemple
la loi doit se conformer à la Constitution, qui est la norme
suprême placée au sommet de la hiérarchie des normes dans
un Etat.
Ainsi, la pyramide de la hiérarchie des normes se
présente comme suit: Au sommet se situe la Constitution. Viennent
ensuite les traités ratifiés qui n'ont une autorité
supérieure à celle des lois que s'ils sont publiés et
appliqués par l'autre partie.
On trouve à un troisième niveau les
règlements autonomes ou d'application de la loi, les ordonnances
à valeur réglementaire prises par le Gouvernement mais non encore
ratifiées par le Parlement.
Au pied de l'échelon se trouvent la notion de coutume
et la jurisprudence.
Pour la matière qui nous intéresse ici, la
coutume est, « une règle reconnue par tous et
résultant en un moment donné d'un ensemble de comportements
répétés, constants et clairs7(*) ».
La coutume constitue une source du droit à condition de
ne pas aller à l'encontre de la loi. Il est clair que dans le principe
la coutume ne doit déroger aux lois et aux règlements, donc ne
doit pas être contraire à ces derniers.
Au Mali ici il y a sans doute une multitude d'ethnies donc
naturellement il y a évidemment une multitude de coutumes, distinctes
les unes des autres dans leur pratique.
De là si l'Etat prenait le risque de laisser à
toutes ces coutumes la liberté d'action ou la libre pratique, il s'en
sortirait probablement, pas et l'unité du pays serait ou peut être
menacée, car le Mali est ``Un Peuple-Un But-Une Foi'', comme le
témoigne notre devise nationale.
L'Etat a bien vu de ne pas tomber dans ce piège qui
dressait devant lui, en uniformisant les dispositions c'est à dire les
règles de gestion de la société malienne dans son
ensemble, par l'élaboration des textes applicables à tous les
citoyens sans exception de coutume ou d'ethnie.
Pour autant, les lois et règlements ne doivent
s'immiscer dans la pratique de la coutume qui est en quelque sorte le miroir
des religions traditionnelles ou de la tradition tout simplement afin
d'éviter d'éventuelles confrontations avec celle-ci.
Les lois et les règlements sont le fruit de la
colonisation, en effet, dès leur indépendance dans les
années 1960, les Etats francophones d'Afrique en l'occurrence le Mali,
se sont doté de règles inspirées de celles
françaises. C'est ainsi que la Constitution du Mali, est largement
inspirée de la Constitution française du 04 octobre 1958.
En effet, pétri dans le monde des traditions et des us
et coutumes, malgré (ou à cause) son contact avec l'occident, le
législateur malien a produit des textes hybrides à cheval entre
la tradition et la modernité. Cette situation a, par exemple pour le cas
de la femme d'une part accordé d'immenses droits et faveurs à la
femme jusque là considérée comme être
inférieur et d'autre part, elle a consacré un anachronisme criard
qui défavorisait la même femme.
La démocratie est connue et pratiquée dans la
société dogon depuis fort longtemps, ce que confirme cette
citation de Aimé Césaire dans
*Discours sur le colonialisme*(Présence africaine), en
parlant des sociétés africaines précoloniales
''S'étaient des sociétés communautaires, jamais de
tout pour quelques-uns; S'étaient des sociétés pas
seulement ante capitalistes, mais aussi anticapitalistes.''
Ainsi, nous pouvons affirmer que même de nos jours dans
certaines zones certains de ces traits des sociétés
précoloniales n'ont pas totalement disparus. Mais, malgré
l'évolution rapide des habitudes et comportements, il serait impossible
de faire table rase du passé sinon ça serait suicidaire
culturellement parlant.
Les droits de l'Homme existent et sont respectés dans
les sociétés traditionnelles, principalement dans la
société Dogon depuis la nuit des temps et nous ne cesserons de le
répéter, l'autorité traditionnelle incontestablement
complémentaire avec celle étatique.
Ainsi, au niveau même, des autorités publiques la
coordination est un des principes recommandés sinon exigés dans
la prise de décisions.
Pour mieux expliquer la complémentarité entre
ces tendances nous mettrons l'accent sur la coordination dans la prise de
décisions dans les autorités traditionnelles comme c'est le cas
au niveau des autorités étatiques (Paragraphe I) et
les zones dans lesquelles il y a concordance entre elles (Paragraphe
II.)
Paragraphe I: Autorités traditionnelles:
coordination dans la prise de décisions.
Chez les Dogon l'organisation sociale est telle que rien n'a
été négligé, la prise des décisions par les
chefs religieux s'effectue dans une chronologie bien soignée et bien
déterminée, aucune étape n'est brûlée, aucune
erreur n'est admise.
Le hogon d'une zone pour prendre une décision
importante, envoie un message, dans le sens large du terme car le message n'est
pas en soi un écrit mais constitué par des signes rituels que
seuls les initiés peuvent déchiffrer.
Pour transmettre un message d'un village à un autre,
d'une zone à une autre, le chef religieux fait appel aux griots ou
crieurs publics. Ces derniers sont les messagers, les conseillers du chef, et
sont également les mobilisateurs de foule en temps de divers travaux
collectifs ou encore dans les champs de bataille dans le temps. Ils
embellissent l'histoire, les circonstances pour leur maître pour qu'il
soit très fier du passé glorieux de ses ancêtres mais
également de sa propre personnalité. Ils sont les
détenteurs de l'histoire et sont souvent qualifiés de
médiateurs.
Dans le passé et aujourd'hui encore, les griots sont
sollicités dans la résolution des crises : raisonner des
individus, des villages en conflit ou en litige. Ils sont sous
l'autorité du chef religieux et sont au service de celui-ci.
La toguna ou « abri
de la parole », est le lieu privilégié pour les
débats et décisions importantes. Elle appartient aux hommes d'un
même lignage, à l'exclusion des femmes. C'est le lieu de la
parole, de la discussion des affaires du village par les ancêtres qui y
passaient leur journée à y donner des conseils aux jeunes gens et
à rendre des jugements.
Tous ceux-ci entrent dans le cadre de la transmission des
savoirs des anciens aux jeunes qui sont les futurs représentants de la
tradition.
Dans la société dogon les femmes n'entrent pas
directement dans le processus du fonctionnement de la religion traditionnelle.
Il est de même qu'il n'y a pas de chef religieux femme, mais leur
concours est indispensable dans la pratique de la religion traditionnelle et
elles jouissent d'une grande autonomie.
Chez les dogons l'organisation communautaire est une
réponse de la vie sociale. C'est ainsi que chez les dogons on
évite l'anarchie.
Paragraphe II: Les zones de concordance.
Dans bon nombre de domaines, l'autorité traditionnelle
et l'autorité politique sont, compatibles et peuvent parfaitement
être complémentaires.
Dans certains cas des règles de nature
coutumière vont s'appliquer en vertu d'une prescription formelle du
législateur dans ce cas la coutume a un pouvoir qui lui est
contesté par personne.
Dans les articles 80 et 102
du code du mariage et de la tutelle la loi se réfère de
façon expresse à la coutume quand elle dit qu'après la
dissolution du mariage par décès ou par divorce, il sera
constaté par les moyens généralement admis que la femme
n'est pas enceinte des oeuvres de son mari. De même l'article
58 du code de la parenté dit que l'adoption protection
a lieu selon les règles de la tradition.
La coutume en tant qu'usage ou pratique entre virtuellement
dans l'analyse de certaines notions légales de telle sorte pour
appliquer ces notions le juge doit se livrer à une appréciation
selon la coutume. Par exemple l'on dit qu'une personne qui est chargée
d'administrer ou de conserver le bien d'autrui doit agir en bon père de
famille comme s'il était un propriétaire dirigeant et
soigneux.
Cela implique que pour juger, il faudrait se reporter à
l'usage couramment effectué par les pères de familles
exemplaires.
La loi parle souvent de notion de faute, en disant que l'on
doit réparer les dommages, que l'on a causé par sa faute
personnelle, mais elle ne, définie pas cette notion. Par
conséquent le juge va se référer à la coutume.
Lorsque la coutume complète la loi on parle de coutume
praeter legem. Ici on à faire à des situations
où la coutume s'applique de façon autonome indépendamment
de la loi. Ce rôle de la coutume a été contesté au
motif qu'on ne peut admettre la force obligatoire de celle-ci en dehors de la
prescription de la loi.
En défaveur de cette argumentation il faut dire que la
coutume est une règle différente de la loi, aussi rien ne
s'oppose à ce que la coutume puisse intervenir sans renvoi du
législateur en cas de lacune du droit légiféré.
Jean Etienne Porthalis jurisconsulte
français, l'avait déjà admis dans le discours
préliminaire par lequel il présentait le projet de code civil
dans les termes suivants: « A défaut d'un texte
précis sur chaque matière, un usage ancien, constant et bien
établi tient lieu de loi ».
En fait les cas d'intervention de la coutume sont rares en
droit civil parce que lorsqu'une question soulève un conflit
d'intérêts importants, elle est réglée par la loi ou
la jurisprudence avant qu'une coutume ait eu le temps de se former.
On peut citer comme exemple la coutume qui veut que la femme
porte le nom de son mari. On peut également considérer comme
étant une règle coutumière la preuve de la qualité
d'héritier.
De nos jours avec la mise en oeuvre de la
décentralisation, les sociétés, jadis perplexes à
la modernité ou au changement se sentent désormais, concerner
dans la gestion des affaires publiques et s'intéressent d'avantage au
rôle des autorités administratives et politiques de l'Etat; toute
chose qui fortifie les rapports entre elles.
Egalement, la diffusion de l'information envers celles-ci est
aujourd'hui rendue possible à travers la création de nombreuses
radios de proximité.
La politique de la décentralisation de l'école
ou de l'éducation au niveau primaire et fondamental, est
révolutionnaire et louable de la part de l'Etat malien.
La création de centres pédagogiques,
multifonctionnels et d'alphabétisation mais surtout, de centres de
santé communautaire, plus pratiques et plus proches des populations
sensibles, mise en oeuvre par l'Etat avec le concours des partenaires au
développement, est salutaire. Sont également salutaires les
récentes mesures prises par l'Etat en matière de
sécurité alimentaire, mesures favorisant la création de
nombreux magasins de stockage de céréales à travers toutes
les collectivités territoriales pour épauler les populations
rurales pendant les moments défavorables et cruciaux.
L'idée est bonne voire même géniale, mais
dans la pratique l'effet escompté est dérisoire car il se situe
largement en deçà des attentes des populations et, manifestement
celles-ci sont largement déçues de cette situation.
Par ailleurs, l'éducation étant le moteur de
développement d'une nation, il est naturellement décevant de
constater que tous les modes d'éducation en voie de disparition n'ont
pas été pris en charge dans les programmes d'éducation
dont l'école est le principal levier.
Section II: L'autorité des chefs religieux dans
un contexte intercommunautaire démocratique.
Les chefs religieux traditionnels jouissent d'une
renommée et d'une autorité, non négligeables au sein de
leur communauté et ont au moins deux casquettes : d'abord
représentants des populations et ensuite auxiliaires de
l'administration.
Principalement un domaine nous semble être le mieux
indiqué pour expliquer la nécessité de l'autorité
traditionnelle dans ce monde plus que jamais dominé pour la
modernité et marqué par une fuite incessante vers l'avant
à savoir le domaine de la décentralisation dans un
premier paragraphe et pour compléter cette section,
l'important nous semble être de savoir ou de mettre l'accent sur les avis
des populations dogons sur l'autorité de leurs chefs religieux dans un
second paragraphe.
Paragraphe I: Dans le domaine de la
décentralisation.
Les chefs traditionnels ont beaucoup d'appréhensions
par rapport à ce sujet ou domaine dit de la décentralisation.
Leurs craintes sont relatives à la perte de pouvoir, de
légitimité, de territoires qu'engendrent la communalisation, en
tout cas le morcellement des territoires en centres décentralisés
de plus en plus nombreux et qui se dotent d'une certaine autonomie
vis-à-vis des premiers
Depuis l'avènement du processus démocratique et
l'émergence de nouveaux acteurs sur l'arène locale, leur pouvoir
a considérablement diminué, ce qui justifie leurs
craintes :
- Certains de leurs administrés sont devenus des
militants des partis politiques, d'ONG, d'associations, et échappent
ainsi à leur contrôle ;
- L'administration locale est devenue partisane, elle les
écoute de moins en moins et s'accapare certaines de leurs
prérogatives ;
- La présence d'une délégation judiciaire
et d'association de droits de l'homme offre plusieurs possibilités de
recours quant à leurs décisions en matière de
règlements de conflits ;
- Les projets de développement traitent directement
avec les populations, les ONG et Associations, alors que l'attribution des
opérations de développement était devenue, il y a quelques
années une source de légitimation pour les chefs ;
- Les députés et les autres cadres nationaux
tendent de plus en plus à se substituer à eux dans la
représentation des populations et le règlement des conflits.
Tous les nouveaux acteurs de l'arène locale se sont en
fait, établis aux dépens d'une parcelle de leur pouvoir.
Leurs relations avec les autres acteurs sont ambiguës,
faites de suspicion du foncier ou du règlement litigieux et des
attributions respectives. Il y a conflit de compétences entre les
conseils municipaux et les chefs traditionnels, d'où la
nécessité de l'adoption des textes adaptés et très
précis fixant les attributions ou compétences de tout un
chacun.
Dans des zones comme, la presque entière partie du
« pays dogon » où il y a une faible présence
de l'Etat, les structures traditionnelles ont survécu aussi bien
à la période coloniale que post-coloniale, et les gens ont
gardé leurs formes traditionnelles d'organisation sociale.
Les structures traditionnelles restent très importantes
dans l'organisation de la vie des gens au niveau local en dépit des
structures de l'Etat moderne. Les autorités traditionnelles, par
exemple, règlent la vie du village, contrôlent l'accès
à la terre, et règlent les conflits.
L'existence des autorités traditionnelles signifie que
la décentralisation ne se fait pas dans le vide. L'expérience
récente a montré que pour réussir la
décentralisation il faut tenir compte des structures traditionnelles
existantes. Bien que l'opinion répandue a été qu'elles
sont un fardeau historique sur la route de la modernité, il est
maintenant largement reconnu que pour beaucoup de gens, les structures
traditionnelles sont souvent plus légitimes que l'Etat moderne.
Dans beaucoup de cas, les gens acceptent les structures
traditionnelles en raison des échecs du gouvernement central à
mettre en place des structures fonctionnelles au niveau local. Se fier aux
normes et aux règles traditionnelles est non seulement
compréhensible mais également tout à fait raisonnable
particulièrement lorsqu'il n'y a aucune meilleure alternative.
Si l'Etat ne peut pas améliorer de façon
significative la vie des gens au quotidien, il n'est pas surprenant que les
gens continuent à vivre selon leurs structures et leurs règles
traditionnelles sans trop faire attention au gouvernement central.
En ôtant tout pouvoir réel de décision aux
autorités traditionnelles, la décentralisation marque une rupture
avec l'ordre ancien. L'organisation harmonieuse du pouvoir de décision
entre les autorités communales désignées par la loi et les
autorités traditionnelles aurait du être une des
originalités de la décentralisation au Mali.
La non implication effective des autorités
traditionnelles dans l'exercice du pouvoir a abouti à un
``déficit de conscience citoyenne'' car dans la plupart des cas,
l'autorité communale traite directement avec le citoyen sans se
référer à son chef traditionnel qui a un ascendant sur
lui. Il convient de noter que les difficultés de mobilisation
actuellement constatées et la faiblesse de recouvrement des taxes sont
en partie liées à cette situation.
Dès lors, il importe de réhabiliter les chefs
traditionnels afin qu'elles puissent mieux jouer leur rôle dans la mise
en oeuvre du processus de décentralisation.
Mais les chefs religieux traditionnels gardent une
capacité de nuisance, notamment en tant que garants des valeurs
traditionnelles et sont incontournables dans la résolution des conflits.
Il ne fait aucun doute que ces dits chefs ont perdu leur influence d'antan au
profit des nouveaux leaders politiques.
Mais toujours est-il qu'ils ont gardé le monopole du
pouvoir coutumier aux mains des grandes familles régnantes actuelles et
de leurs descendants.
Egalement ces chefs tout en se maintenant plus ou moins sur le
terrain politique, opèrent un glissement vers le
développement.
En effet, ceux-ci sont de plus en plus sollicités dans
le cadre de la sensibilisation des populations.
Paragraphe II: Avis recueillis sur l'autorité des
chefs religieux dogon.
Suite à notre descende sur le terrain nous avons
effectué un sondage auprès des populations dans un certain nombre
de villages dogon, sur l'importance et le respect qu'accordent les citoyens
dogon aux chefs religieux traditionnels, mais également sur
l'autorité et l'avenir de la religion traditionnelle dans la
société dogon.
Nous, nous sommes rendus pour la circonstance successivement
à Nombori (Cercle de Bandiagara), à
Bankass et à Dinangourou (Cercle de
Koro).
Entre 75 et 80% des
personnes interrogées dans ces trois localités affirment
approuver le pouvoir décisionnel à savoir l'autorité des
chefs religieux traditionnels, car selon eux ces chefs sont des
personnalités qui ont un sens très élevé de la
spiritualité et réaffirment leur sympathie pour la religion
traditionnelle et ses rites.
Ce résultat est évocateur de la place
prépondérante de la religion traditionnelle chez la plupart des
dogon, cela de nos jours dans un monde où l'on assiste constamment
à la création de nouvelles religions ou du moins de nouveaux
courants religieux et où la religion est utilisée à des
fins personnelles ou utilisée comme un outil financier ou de
propagande.
Globalement entre 85 et 90%
de la totalité des individus interrogés affirment pratiquer
d'autres religions et se proclament êtres croyants de ces religions, sans
pour autant, dénier leur appartenance ou affection plus ou moins forte
à la religion traditionnelle. Ils pratiquent ainsi une sorte de
syncrétisme qui les protège doublement.
Entre 10 et 15% d'entre eux,
nous confient avec une certaine incertitude perceptible que les chefs religieux
n'ont plus leur place dans notre société actuelle dans un
XXI è siècle en plein bouleversement et en plein
essor, dans lequel la modernisation touche presque tous les secteurs de la
société, donc de la vie.
Il est intéressant de noter que cet échantillon
d'individus perplexes ou pessimistes quant à la réelle importance
des chefs religieux traditionnels vit dans la plaine, comme pour dire qu'il est
plus facile de contester le rôle de ces chefs à la plaine que sur
les falaises ou le plateau.
Cette réticence n'est que temporaire car ils sont
parfaitement conscients du fait que quand leur tour arrivera de s'installer eux
aussi sur les falaises ou plateau, cette idéologie s'éclipse
nettement.
Mais la grande majorité des personnes approchées
estiment être conscientes du fait que toutes nos moeurs et traditions ne
doivent pas être ignorées ou abandonnées à une
ère où chacun est à la recherche d'une vraie
identité, une identité qui lui est singulière; même
si elles sont d'accord que certaines mentalités et pratiques doivent
nécessairement voir indispensablement pour ne pas être sur le
côté du sens inverse du goudron qui mène vers un
développement plus ou moins épanouie ou encore de ramer à
contre courant c'est à dire à aller l'encontre de la
mondialisation.
CHAPITRE II.
Conciliation indispensable entre tradition et
modernité.
Il le faut bien car aucun domaine de notre vie sociale
n'échappe désormais à la difficile conciliation entre
tradition et modernité.
Qu'il s'agisse du mariage, de l'éducation des enfants,
du comportement vestimentaire, de l'excision, de l'habitat, de la promotion de
la femme, du traitement des maladies, de la consultation maraboutique, de
l'hospitalité, de la célébration de nos rites ou du
respect des tabous, rien dans le quotidien du dogon n'est épargné
par le conflit permanent engagé entre les deux tendances.
De fait, notre société malgré sa tendance
à embrasser des canons universels se laisse aller à des
comportements dominés par des tabous aux relents purement
archaïques.
Mais qu'est-ce qu'un tabou? Nous pouvons définir un
tabou comme étant un interdit social et moral à caractère
religieux ou coutumier. Le même interdit ne s'applique pas
uniformément à tous les Maliens. Il change selon les ethnies et
les religions.
Participent à la perpétuation de l'ordre ancien,
les tabous servent à imposer le respect de certaines croyances
anciennes.
Mais s'il y a un domaine de notre culture où le
difficile mariage entre tradition et modernité crée le plus de
tension, c'est incontestablement celui de l'excision.
Pratiquée depuis la nuit des temps dans notre
société, l'excision était une réjouissance
populaire qui créait l'affection et réactivait les liens de
parenté. C'est un phénomène qui a des racines mythiques
fortement ancrées dans le subconscient du plus grand nombre des dogon,
d'ailleurs des maliens qui croient fermement que « une femme
n'est femme que lorsqu'elle est excisée ». Alors doit-on
interdire une telle pratique à l'aide d'une loi ?
Nous estimons qu'il faut laisser le temps au temps qui se
chargera de faire disparaître cette pratique. « L'excision
mourra d'elle-même », tandis qu'une forte surmediatisation
ne ferait que rendre furieuses ou septiques, les populations qui la pratiquent,
sur la motivation réelle des détracteurs de l'excision.
Nous constatons également que l'Etat républicain
n'a élaboré pratiquement pas de textes clairs et précis
portant sur la non légitimité ou l'abrogation des
autorités traditionnelles, si ce n'est que quelques dispositions larges
tendant à ignorer celles-ci ou du moins à les uniformiser; car il
faut le savoir, ces dites autorités sont multiples et diverses ce qui
peut poser problème si on n'arrivait pas à les contrer ou
contrôler.
D'une certaine manière l'Etat approuve implicitement la
légitimité et les pouvoirs qui sont reconnus à ces
chefferies traditionnelles.
Et on peut prétendre dans ces conditions que le silence
vaut acceptation ou plus explicitement que qui ne dit mot, paraît
consentir.
Par ailleurs, il est judicieux d'admettre que les
sociétés traditionnelles sont les seules garantes et
témoins de nos valeurs séculaires, de notre identité
propre à nous dans un monde en pleine mutation et, dans lequel une
société sans identité est vouée à
disparaître.
L'analyse de ce chapitre portera sur la capacité
d'adaptation au changement des sociétés dites traditionnelles
(Section I) et sur la persistance de la tradition
(Section II.)
Section I: Capacité d'adaptation au
changement.
Le penseur l'a dit, et l'avenir le démentira,
certainement pas, unique l'expérience l'a prouvé: seul le
changement est constant. Notre société change au fil des ans et
avec, elle, notre culture.
Certaines pratiques considérées il y a trente
à quarante ans comme des valeurs sûres de civilisation ne font
plus l'objet de la même considération.
Sous l'effet de l'évolution et de la modernité,
les mythes, les tabous et autres interdits tombent ou s'effritent. Mais tous ne
disparaissent pas.
Quelques-uns uns resurgissent au gré des hommes, des
circonstances et des époques.
Le Malien en général, en particulier le dogon,
vit un pied dans la tradition, l'autre dans la modernité. La tradition
est souvent pesante, la modernité n'est pas toujours enchanteresse. On
pourrait le voir comme un arbre, dont la souche est fortement implantée
dans le sol et les branches tournées vers l'extérieur.
Cette dualité aurait été des plus
vivables si de fait elle ne représentait pas trop souvent le mariage de
la carpe et du lapin. Les comportements les plus progressistes et les plus
cartésiens alternent avec les agissements les plus rétrogrades
frappés du sceau de l'anachronisme.
Là, réside une contradiction fondamentale:
placé au seuil du 21è Siècle, l'homme dogon y entre en
crabe, pas franchement moderne, mais plus entièrement
traditionaliste.
Les habitudes traditionnelles de ces autorités
traditionnelles connaissent de réelles améliorations ou
avancées de nos jours.
C'est ainsi qu'on voit de plus en plus de localités
traditionnelles faire recourir à certaines méthodes qui leurs
étaient étrangères ou qui ne faisaient l'objet de leur
attention.
Mais aujourd'hui certaines chefferies procèdent par
écrit pour établir la liste exhaustive de tous les villages ou de
tous les hauts personnages originaires ou dépendant de leur ressort,
pour déceler lors des différentes cérémonies
religieuses et des travaux communautaires la présence, la participation
ou non de tel ou tel village ou individu.
Il nous convient ici d'évoquer cette
nécessité d'adaptation au changement d'abord dans le domaine
matrimonial (Paragraphe I) et en matière
coutumière ou plus précisément dans le domaine
socioculturel (Paragraphe II.)
Paragraphe I: Dans le domaine du mariage.
Dans le domaine qui est celui du mariage, nombre de
considérations d'ordre culturel déterminent encore les choix et
conditionnent la réussite des ménages.
Ainsi, parmi les principaux blocages, on peut relever la
question des mésalliances et la problématique de la polygamie.
Dans l'un comme dans l'autre cas, les préjugés, les
superstitions, les interdits traditionnels continuent de peser socialement, de
manoeuvrer les freins psychologiques et de limiter les degrés de
liberté individuelle.
D'un autre côté, la modernité
développe en même temps une liberté sexuelle qui, souvent
s'exerce malheureusement sans conscience et sans responsabilités
individuelle et sociale.
En effet, au moment où le mariage est
« libéralisé » officiellement selon
l'esprit du renouveau et de la modernité, l'interdiction de mariage
entre noble et griot ``homme de caste'', entre Dogon et Bozo lève un
coin de voile sur les multiples contradictions de notre
société.
La dualité est si forte que même au niveau des
contrevenants à cette règle, il subsiste une réelle
appréhension après la transgression de l'interdit.
Il suffit par exemple, qu'au sein d'un même couple
composé de noble et d'homme de caste, persistent un malentendu ou une
infertilité pour que la tradition rattrape vite la modernité dans
l'esprit du couple.
Ce dernier se mettra à se poser des questions sur la
justesse de son choix. « Aurions-nous dû faire cela, notre
malheur n'est-il pas dû à notre mépris pour les
interdits? » Se lamentent-ils sans cesse.
Les mariages interethniques, interconfessionnels et
interprofessionnels sont de nos jours de plus en plus faciles. Mais il
n'empêche, qu'ils restent toujours tributaires de l'application souvent
non conçue de la dot.
Celle-ci reste encore un blocage culturel de notre
société moderne malgré la forte progression au concubinage
et aux unions libres, ce qui pose du coup la question de « la
valeur marchande du mariage ».
En effet, sous la modération, le mariage de
dignité et d'honneur se remplace progressivement par le mariage
d'intérêt. La tendance est inexorablement favorisée par ce
qu'on appelle « le travestissement de l'économie qui
appauvrit les pays sous développés8(*) ».
Le difficile passage d'une habitude de mariage traditionnel
à une alliance où seul le matériel prime constitue, un
hiatus négatif avec son cortège de divorces, d'humiliation et de
ruptures de rapports sociaux. D'où la problématique de la cellule
familiale dont le visage change selon que l'on soit en campagne ou en ville. Ou
selon qu'il s'agisse des instruits ou des analphabètes.
Le mariage traditionnel n'étant pas reconnu par la loi,
l'affirmation de sa validité peut être assujettie par certains
modes de preuve généralement admis pour un cas civil comme celui
du mariage sont entre autre l'aveu c'est à dire reconnaître les
faits personnellement, le serment c'est à dire jurer sur une
divinité ou un haut symbole avec lequel la personne concernée a
une affinité étroite, pour un dogon par exemple, jurer sur le
« bahbinru9(*) », le témoignage s'il y a un témoin
qui, atteste les faits donc le mariage ou s'il y a concordance d'idées
de plusieurs témoignages sur le même sujet.
Paragraphe II: Dans le domaine socioculturel.
Le mariage entre ces deux tendances n'est pas évident.
Fortement influencé par les idées et les attitudes que lui
communiquent les médias modernes, mais continuant à se
référer aux vestiges plus ou moins actifs de son éducation
traditionnelle, le citoyen dogon est continuellement tiré à hue
et à dias.
La culture dogon se trouve à la croisée des
chemins. Elle doit servir d'inspiration pour une société qui
cherche de manière souvent désespérée ses
repères, mais a-t-elle suffisamment évolué elle-même
pour pouvoir donner des réponses satisfaisantes à ceux qui la
sollicitent?
D'une part il faut noter que les tabous engendrent souvent des
superstitions qui sont facteurs de retardement, car elles sont filles de
l'ignorance et ne survivent que grâce à celle-ci.
Un très grand nombre de dogon croient encore par les
temps qui courent aux présages et aux influences occultes. Cette
disposition d'esprit les rend vulnérables à toutes sortes
d'impulsions instinctuelles qui sollicitent leur être profond et
l'emporte vers les sphères sécurisantes des traditions.
C'est dans cette optique que l'on peut situer ces interdits
qui, empêchent dans certains milieux, aux femmes qui
présenteraient des signes distinctifs dits maléfiques; ou qui
empêchent les nobles de s'adonner à des travaux comme ceux de la
forge. Même, lorsque cette activité est
rémunératrice.
Section II: La persistance de la tradition.
Dans nos sociétés certaines traditions frappent
d'interdit des actes, des objets ou même des êtres auxquels elles
confèrent un caractère sacré ou impur.
Ces interdits communément appelés totems sont
issus d'alliance ou de solidarité ayant existé entre les
ancêtres d'une famille, d'un clan et un objet ou animal particulier.
L'observation de ces interdits, est censée préserver des effets
néfastes qui frapperaient tout contrevenant.
Les pratiques individuelles et sociales qu'impose
l'observation des tabous sont donc des comportements culturellement
caractéristiques. Psychologiquement elles sécurisent et sont
vécues par ceux qui s'adonnent comme des valeurs culturelles.
Pourtant si les tabous dans certains de leurs aspects peuvent
ralentir notre processus de développement avec leur caractère
souvent réfractaire au changement, ils ne constituent pas pour autant,
un problème insurmontable pour la construction d'une modernité
inclusive à la fois de valeurs traditionnelles positives et de
connaissances scientifiques et technologiques modernes.
En tout cas faut-il le reconnaître les tabous sont des
phénomènes socioreligieux qui existent toujours dans une
société, quel que soit son degré de développement.
Il y a toujours dans l'inconscient collectif, affirme-t-on, des interdits et
des comportements irrationnels qui provoquent des blocages collectifs ou
individuels.
C'est pourquoi, même dans notre société
moderne, le tabou de la malédiction est une donnée fondamentale
de notre culture. Elle consacre par exemple le sacro-saint principe selon
lequel « qui délaisse ses parents, sera
délaissé à son tour par ses enfants ».
Les tabous résistent donc à la modernité,
mais ils subissent en même temps l'effet de celle-ci. En effet, dans les
centres urbains et dans les milieux des instruits et des expatriés, les
gens croient de moins en moins aux tabous qui ne sont, que partiellement
définis et « négativisés »
par l'occident et ses disciples africains; et donc le tabou est une lecture
méprisante et culpabilisante de notre société par les
instruits. Certains tabous peuvent tomber, mais, ils sont toujours
remplacés par de nouveaux. Il n'y a pas cependant que les tabous qui
soient source de blocage culturel, le Dogon moderne rencontre aussi dans des
domaines du mariage et de la promotion de la femme de vieux réflexes
culturels qui ont encore la vie dure.
La persistance de la tradition est imputable à l'Etat
et plus précisément à deux situations majeures
successivement l'inadaptation des textes (Paragraphe I) et nous
estimons qu'il faut passer de la théorie à l'acte en faisant de
l'adage ``nul n'est sensé ignorer la loi'' une réalité
(Paragraphe II).
Paragraphe I: L'inadaptation des textes.
S'il y a dérogation aux lois et règlements du
fait de la pratique des religions traditionnelles et de l'existence de
l'autorité des chefs religieux traditionnels il n'en est rien qu'une
certaine méconnaissance des textes.
La théorie selon laquelle toute loi est supposée
connue après publication et l'adage qui s'en suit: « Nemo
censetur ignorare legem » qui signifie « nul n'est
sensé ignorer la loi » n'est pas effective car pratiquement
dans ces sociétés traditionnelles le pouvoir étatique est
sous représenté ce qui soutient la thèse de l'inaction
voire même de l'absence de certains services de l'Etat.
Par ailleurs cette théorie est paradoxale dans la
mesure où une très large partie des citoyens maliens sont,
analphabètes, et simultanément on (l'Etat) prend des
dispositions, on vote des lois au nom des citoyens, mais on ne les explique
pratiquement guère le sens ou le contenu de ces lois, pourtant ils sont
un des premiers concernés, c'est regrettable comme situation.
La coutume est un droit populaire et ce droit est né du
peuple lui-même et c'est son usage qui devient le droit tandis que la loi
est formulée par les seuls gouvernants et imposée par eux issu du
peuple lui-même.
Le droit coutumier est exactement ce qui convient à sa
nature et répond à ses besoins, il se modifie quand ses besoins
se modifient car l'usage change alors la loi au contraire n'évolue pas
en même temps que la société elle, est souvent en retard et
quand une reforme intervient elle arrive parfois trop tard et se heurte
à l'opinion.
C'est pourquoi il n'est pas étonnant de voir des textes
ou lois votées, mettre des années à s'appliquer car, ne
suivant pas l'évolution sociale. Donc il sera judicieux de
reconnaître que cette règle est loin sans contenir des exceptions
à que la précision de ses termes.
Paragraphe II: Faire de l'adage ``nul n'est sensé
ignorer la loi'' une réalité.
Voici un adage qualifiable presque d'une pure théorie
voire utopie qui, dans la pratique ne répond pas aux nombreuses
questions qui restent sans réponse adéquate ou en suspend.
Pourquoi parle-t-on français ou le doit-on dans les
services étatiques ou devant les autorités publiques alors que
les citoyens dans leur majorité ne, le parlent et le
comprennent ?
L'Etat doit prendre ses responsabilités dans cet
état de fait de non reliment ou de non jonction de la théorie
à la pratique c'est à la fois vouloir une chose et son contraire.
Et par conséquent, l'Etat doit mettre en oeuvre tous les moyens
susceptibles de le promouvoir ou de le concrétiser dans les faits cet
adage qui semble pour l'instant n'être qu'une parfaite théorie.
Et par ailleurs est clairement indiqué que la loi est
supposée connue dès sa publication au journal officiel. La
question qui se pose est de savoir si combien sont les citoyens capables et
à mesure de lire ce journal officiel dans un pays à populations
majoritairement illettrées.
Si nul n'est sensé ignorer la loi alors à quoi
sert la création des prisons dans la mesure où l'on
considère que la loi est supposée connue de tous sans
exception.
Nous pouvons ainsi dire qu'encore une fois, cet adage allonge
la liste des dispositions qui témoignent d'une certaine ineptie du
législateur donc de l'Etat, quant à leur adaptabilité
réelle, car nous ne cesserons de le répéter et de le
rappeler, les textes dans la plupart des cas ne sont pas harmonisés avec
le présent ou, ne suivent pas les réalités
socioculturelles et économiques du présent.
CONCLUSION.
En définitive, nous remarquons que dans l'ensemble, la
convergence est plus importante que la divergence dans la cohabitation entre
les autorités, traditionnelle et celle de l'Etat.
Les chefs religieux en tant que, acteurs de proximité,
mais aussi garants de la tradition bénéficient largement de la
confiance des populations, bien que l'autorité de l'Etat ne soit pas
mise en cause par celles-ci.
Mais force est de reconnaître dans le principe ces deux
tendances d'autorité ne sont pas aussi contradictoires que
çà, comme beaucoup seraient tentés de le soutenir.
Car l'autorité traditionnelle comme celle
étatique ont pour but la préservation de l'intérêt
général et de veiller sur l'application et le respect strict des
principes sociaux ou des textes.
Sans vouloir créer de polémique, nous estimons
que l'avenir des autorités traditionnelles ou chefs traditionnels est
morose voire incertain du point de vue social, car leur autorité sera de
plus en plus contestée et cela risque de les réduire au silence
et d'affecter sérieusement leur légitimité.
Mais une alternative est pour ces autorités
traditionnelles de suivre ou de combiner avec l'évolution du temps et de
refuser de demeurer éternellement contre le changement ou la
modernité.
Quant à l'Etat il doit ménager avec les
autorités traditionnelles afin d'éviter que ses citoyens ne
puissent paraître à des morceaux de bois dans l'eau. D'où
cet adage « quel qu'en soit la durée d'un morceau de bois dans
l'eau il ne se transformera jamais en caïman »; c'est dire
combien il est important voire indispensable pour nous de tirer notre
épingle du jeu de la mondialisation sinon c'est la disparition
assurée de nos moeurs et traditions et de notre identité propre
à nous.
Nous devons combiner les meilleurs aspects des deux modes de
civilisation ou du moins de culture pour faire un mariage réussi entre
tradition et modernité.
En contradiction avec la volonté des ancêtres,
l'évolution lui est aujourd'hui imposée. Comment
réagira-t-il alors l'homme de la tribu ? La réponse
est capitale pour nos sociétés de demain. Si les esprits
évolués ont le bon sens et la patience de préserver le
plus précieux du passé et de le fondre avec les
éléments du présent on peut attendre de nos
sociétés quelque chose de magnifique pour l'avenir.
BIBLIOGRAPHIE.
I. Ouvrages
généraux :
Anta Diop, C- L'unité culturelle de
l'Afrique noire. Présence Africaine éd., Paris, 1982.
Abeles.M ? C.Collard (dir.) 1985. Age, pouvoir
et société en Afrique noire. Paris. Karthala.
II. Ouvrages spécialisés :
Dieterlen, Germaine, le titre d'honneur des
Arou (Dogon-Mali), mémoire des sociétés Africanistes,
Paris, 1982.
Bouju, Jacky « Qu'est-ce que
``l'ethnie'' dogon ? », Cahiers des Sciences Humaines de
l'ORSTOM XXXI (2), Paris, 1993.
III. Textes législatifs
:
Constitution du 25 février 1992 de la République
du Mali, Bamako. Secrétariat du
gouvernement.
La loi n°62-17/AN-RM du 03 février 1962
portant code du mariage et
de la tutelle.
La loi n°95-034/ portant code des
collectivités territoriales.
Le décret n°95-210/P-RM du 30 mai 1995
déterminant les conditions de nomination et les attributions des
représentants de l'Etat au niveau des collectivités
territoriales.
IV. Revues :
Diakité, D. « Histoire du
peuplement dogon d'après les écrits »,
Jamana (Revue culturelle
malienne).
L'Essor, Mali 2000, Hors-série, janvier
2000.
Die magische welt der Dogon, Kunst, Kult und
Hirse in westafrika, Museum für völkerkunde Hamburg, 2004.
TABLE DES MATIERES.
Introduction 1
Première partie
Le pouvoir des chefs religieux dogon
5
Chapitre I : Statut et autorité
des chefs religieux dogon 7
Section I : Classification sociale des
chefs religieux dogon 7
Paragraphe I : L'importance sociale des
chefs religieux 7
Paragraphe II : Les chefs religieux
auxiliaires de l'administration 8
Section II : L'autorité des chefs
religieux dogon 9
Paragraphe I : Les chefs religieux dogon
garants des valeurs ancestrales 10
Paragraphe II : La force obligatoire des
décisions des chefs religieux 12
Chapitre II : Points de divergence entre
l'autorité traditionnelle et l'autorité de l'Etat 14
Section I : Différences de forme
14
Paragraphe I : Dans le domaine du
foncier 15
Paragraphe II : Dans le règlement
des litiges 16
Section II : Conflits de
compétence 19
Paragraphe I : Les chefs religieux,
acteurs de proximité 20
Paragraphe II : L'affirmation de la
primauté de l'Etat 21
Deuxième partie
La cohabitation des deux autorités :
autorité traditionnelle et autorité publique
23
Chapitre I : La
tradition dogon, consolide les dispositions relatives aux citoyens 25
Section I :
Complémentarité_ autorité traditionnelle et
autorité publique 25
Paragraphe I : Autorités
traditionnelles : coordination dans la prise de décisions 27
Paragraphe II : Les zones de concordance
28
Section II : L'autorité des chefs
religieux dans un contexte intercommunautaire démocratique 30
Paragraphe I : Dans le domaine de la
décentralisation 30
Paragraphe II : Avis recueillis sur
l'autorité des chefs religieux dogon 32
Chapitre II : Conciliation indispensable
entre tradition et modernité 34
Section I : Capacité d'adaptation
au changement 35
Paragraphe I : Dans le domaine du
mariage 36
Paragraphe II : Dans le domaine
socioculturel 37
Section II : La persistance de la
tradition 38
Paragraphe I : L'inadaptation des textes
39
Paragraphe II : Faire de l'adage ``nul
n'est sensé ignorer la loi'' une réalité 39
Conclusion 41
Bibliographie 42
* 1 Peuple, qui occupait
l'actuel « pays dogon » avant l'arrivée des
dogons.
* 2 Le benjamin des quatre clans
ou familles dogon originaires du Mandé.
* 3 Prof. D.Tessougué,
Cours droit civil, Maîtrise Droit privé.
* 4 Langage des masques,
très codifié dont seuls les initiés peuvent parler et
comprendre.
* 5 Esprits invisibles,
dotés de pouvoirs surnaturels (esprits protecteurs mais peuvent devenir
dangereux si on en frein à leurs lois ou règles.
* 6 Littéralement, manger
le sacré ou la sollicitation des esprits juges pour la résolution
d'un litige.
* 7 V. Lexique de politique,
Dalloz 6ème édition 1992, page 132.
* 8 Pascal Baba Coulibaly ;
L'Essor-Mali 2000 : Hors série, janvier 2000.
* 9 L'interdit parental ou
clanique, le totem familial (ancestral).
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