UNIVERSITÉ DE LIMOGES
FACULTÉ DE DROIT ET DES SCIENCES
ÉCONOMIQUES DE LIMOGES
PROGRAMME UNIVERSITÉ PAR SATELLITE AGENCE
UNIVERSITAIRE DE LA FRANCOPHONIE (AUF)
MASTER DROIT INTERNATIONAL ET COMPARÉ DE
L'ENVIRONNEMENT Formation à distance, Campus Numérique «
ENVIDROIT »
PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT ET
COMMERCE INTERNATIONAL
Mémoire présenté par Cheick Oumar
TOURÉ Sous la direction de M. le Professeur Bernard
DROBENKO
Août/ 2008
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS . 1
SIGLES ET ABBREVIATIONS 2
INTRODUCTION .. 4
PREMIERE PARTIE:
L'INDEPENDANCE DES NORMES ENVIRONNEMENTALES ET
COMMERCIALES . 7
CHAPITRE I: LES PRINCIPES FONDAMENTAUX
7
Section I: Méconnaissance des questions
environnementales par le système commercial 7
Section II: Une application limitée des principes
environnementaux par rapport à ceux du commerce
14
CHAPITRE II: LES CONDITIONS DE MISE EN OEUVRE DES NORMES
ENVIRONNEMENTALES ET COMMERCIALES . 20
Section I: La primauté des règles
commerciales 20
Section II: Faiblesse des conventions
environnementales .. 26
DEUXIEME PARTIE: LA NECESSITE
DE L'INTERDEPENDANCE ENTRE COMMERCE INTERNATIONAL ET
ENVIRONNEMENT . 34
CHAPITRE I: LA DIFFICILE INTEGRATION DE L'ENVIRONNEMENT A L'
OMC 34
Section I: L'environnement dans les accords de l'
OMC 34
Section II: Le comité du commerce et de l'environnement
(CCE) 42
CHAPITRE II: LES CONDITIONS D'UNE REELLE
CONVERGENCE .. 49
Section I: Les exigences du développement
durable .. 49
Section II: les exigences en terme
d'intégration . 59
CONCLUSION .. 66
BIBLIOGRAPHIE . 68
TABLE DES MATIERES i
REMERCIEMENTS
Qu'il me soit permis d'exprimer ma reconnaissance et de
remercier
Mon grand frère Aliou TOURE dont le soutien financier m'a
permis d'entreprendre ces études.
Monsieur le Professeur Bernard DROBENKO qui a accepté de
diriger ce mémoire et pour ses conseils, son écoute, et sa
confiance.
Maître Bouréma SAGARA qui a bien voulu assurer la
relecture de ce mémoire Et toutes les personnes qui ont apporté
leur aide à la réalisation de ce travail
SIGLES ET ABBREVIATIONS
ACP : Afrique, Caraïbe et Pacifique
ADEME : Agence de l'environnement et de la
maîtrise de l'énergie (France)
ADPIC : Accord sur les aspects des droits de
propriété intellectuelle qui touchent au commerce
AEM : Accord environnemental
multilatéral
AGCS : Accord général sur le
commerce des services ALENA : Accord de libre échange
nord américain ATV : Accord sur les textiles et les
vêtements
BDE : Base de données sur
l'environnement
CCE : Comité du commerce et de
l'environnement CFC : Chlorofluorocarbones
CITES : Convention sur le commerce international
des espèces de faune et de flore sauvages menacées
d'extinction
C.N.U.E.D : Conférence des Nations Unies
sur l'environnement et le Développement CNUCED
Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement
COMESA : Marché commun de l'Afrique orientale et
australe
CPC : Classification centrale de produits
DET : Dispositif d'exclusion des tortues
marines
EPA : Agence pour la protection de
l'environnement (Etats-Unis)
FAO : Organisation des Nations unies pour
l'agriculture et l'alimentation GATT : Accord
général sur les tarifs douaniers et le commerce
NEPAD : Nouveau partenariat pour le
développement de l'Afrique
NPF : Nation la plus favorisée
OCDE : Organisation de coopération et de
développement économique OMC : Organisation
mondiale du commerce
OMS : Organisation mondiale de la
santé
ORD : Organe de règlement des
différends
OTC : Accord sur les obstacles techniques au
commerce
PDD : Programme de développement de
Doha
PNUE : Programme des Nations unies pour
l'environnement PMP : Procédés et
méthodes de production
SADC : Communauté de développement
de l'Afrique australe SMDD : Sommet mondial du
développement durable
SPS : Accord sur l'application des mesures
sanitaires et phytosanitaires UEMOA : Union économique
et monétaire ouest africaine
INTRODUCTION
Partout dans le monde, la croissance et la
libéralisation du commerce international transforment notre façon
de vivre et de travailler. Les flux commerciaux, d'une valeur de 11 milliards
de dollars par an, ainsi que les règles qui les régissent
oeuvrent massivement aux changements économiques, environnementaux et
sociaux. Le commerce international, dont le rythme de croissance est, depuis 15
ans, près de deux fois plus rapide que celui de l'ensemble des
activités économiques mondiales, devient un facteur de
développement économique de plus en plus important. Un nombre
toujours croissant de pays en développement placent le commerce et
l'investissement au centre de leurs stratégies de développement.
Par ailleurs, les considérations commerciales déterminent de plus
en plus l'orientation des politiques économiques de tous les pays,
développés et en développement.
Parallèlement, néanmoins, la majorité des
indicateurs environnementaux mondiaux se sont continuellement
détériorés.
L'étude novatrice intitulée «
Évaluation des écosystèmes en début de
millénaire » a révélé que, au cours des 50
dernières années, les êtres humains ont
altéré les écosystèmes mondiaux plus
profondément qu'à toute autre période de l'histoire de
l'humanité et qu'environ 60 % des services fournis par les
écosystèmes (ou éco services) mondiaux se dégradent
ou sont utilisés de manière non durable.
Les émissions mondiales de dioxyde de carbone ont
quadruplé et les données scientifiques selon lesquelles nous nous
rapprochons du point de non-retour de changements climatiques catastrophiques
s'accumulent. Le taux actuel d'extinction des espèces est environ mille
fois supérieur à celui généralement observé
au cours de l'histoire. L'augmentation constante des émissions d'azote
par les automobiles et les engrais chimiques crée des zones sans vie
dans nos océans et nos lacs. La moitié des stocks mondiaux de
poisson est pêchée à ses limites biologiques et un autre
quart a dépassé ce seuil ou est épuisé.
(1)
C'est dans ce contexte qu'on a vu émerger le
débat entre protection de l'environnement et commerce international.
Mais avant d'aborder ce débat nous allons tenter de clarifier les
concepts fondamentaux.
Environnement :
La majorité des auteurs s'accordent sur
l'imprécision du terme, il semble que la notion vacille entre : une
conception étroite, restreinte au voisinage et une conception large qui
se confond avec la biosphère.
Le Conseil international de la langue française en
donne la définition suivante : « L'environnement est l'ensemble,
à un moment donné, des agents physiques, chimiques, biologiques
et des facteurs sociaux susceptibles d'avoir un effet direct ou indirect,
immédiat ou à terme, sur les êtres vivants et les
activités humaines ».
Dans son traité, M. Lamarque s'insurgeait contre cette
définition fourre-tout : « Dans une telle perspective, tout peut
entrer dans l'environnement :
- l'enseignement, les loisirs, les sports, les transports les
arts, la gastronomie ... ».
Il suggérait de réduire l'environnement au cas
où « un élément naturel, tel l'air ou l'eau,
deviendrait le véhicule de nuisances susceptibles de compromettre
l'équilibre physiologique de l'homme ».
1 IIDD, PNUE, Guide de l'environnement et du
commerce 2ème éd.2005 op, cit p 1
www.iisd.org/trade/handbook
La définition apparaît, elle aussi, assez
restrictive. Elle se confond avec les pollutions.
A l'heure actuelle, l'environnement tend à recevoir une
définition globalisante. Par exemple, la Convention d'Aarhus sur
l'accès à l'information et la participation du public et
l'accès à la justice en matière d'environnement, de 1998
inclut dans la notion :
- « l'air et l'atmosphère
- l'eau, le sol, les terres, les paysages et les sites
naturels
- la diversité biologique et ses composantes, y compris
les OGM
- et l'interaction entre ces éléments ».
Protection :
La protection est une précaution qui, répondant
au besoin de celui ou de ce qu'elle couvre correspond en général
à un devoir pour celui qui l'assure, consiste à prémunir
une personne ou un bien contre un risque, à garantir sa
sécurité, son intégrité etc. par des moyens
juridiques ou matériels ; il désigne aussi bien l'action de
protéger que le système de protection établi.
A la notion d'"environnement" est associée
généralement celle de "protection".
On peut dire que le droit de l'environnement est né de la
prise de conscience des dégradations causées à la nature
par l'activité humaine.
Commerce international :
D'après le Petit ROBERT, le commerce est
l'opération qui a pour objet la vente d'une marchandise, d'une valeur ou
l'achat de celle-ci pour la revendre après l'avoir transformé ou
non. L'adjectif international désigne quelque chose qui a lieu entre
plusieurs nations, qui se fait de nation à nation ; qui concerne les
rapports des nations entre elles. Le terme commerce international, selon une
acception étroite retenue par le GATT et la CNUCED renvoie aux
opérations d'importation, d'exportation ou d'échange entre les
Etats ou entre leurs ressortissants. Par contre dans une conception extensive,
il regroupe l'ensemble des rapports économiques, politiques et
intellectuels entre les Etats ou entre leurs ressortissants ; prise dans ce
sens l'expression commerce international s'oppose à la notion
d'autarcie.
Nous pouvons dire que l'émergence du débat sur
le commerce international et l'environnement est liée à deux
séries d'événements parallèles. D'une part, les
ententes de commerce international, qui se sont multipliées à
partir de la deuxième moitié des années 80, ont
élargi leur champ d'intrusion dans les législations nationales en
abordant les aspects internationaux de l'investissement, des services, de
l'agriculture, de la propriété intellectuelle et des
barrières non tarifaires au commerce. Ce faisant, les
répercussions des accords commerciaux sur les politiques
environnementales nationales se sont accentuées.
D'autre part, le développement du régime
international moderne de protection de l'environnement, amorcé dans les
années 70, s'est intensifié à partir de 1985 avec la
signature d'une série de conventions et protocoles liés à
la protection de l'environnement. On dénombre aujourd'hui près de
500 accords multilatéraux sur l'environnement (AME). Les mesures
commerciales ou les règles que contiennent plusieurs accords risquent
d'entrer en interférence avec celles du commerce international.
Ces facteurs, combinés à la prise de conscience
environnementale du tournant des années 90 au sein de l'opinion publique
des pays industrialisés, ont créé le contexte suscitant le
débat sur le commerce et l'environnement. Parmi les acteurs du
débat, on retrouve, en plus des États, les grandes
sociétés commerciales, le monde académique ainsi qu'une
myriade d'organisations issues de la société civile, aujourd'hui
transnationale.
Ce débat s'articule autour de deux principales
tendances.
D'une part, il y a l'argument suivant: la
libéralisation du commerce international par l'élimination des
obstacles de toutes sortes augmente le revenu global d'une
société; ainsi cette société se trouve dans la
possibilité d'investir plus largement pour satisfaire les besoins de
l'environnement.
D'autre part, il y a la conviction que toute croissance du
commerce international contribue à l'exploitation excessive des
ressources naturelles, à l'augmentation des transports etc., tous des
faits qu'on considère comme nuisible à l'environnement.
(2)
Ils dévient cependant inévitable que ces deux
systèmes juridiques interagissent. Le droit international de
l'environnement définit de plus en plus la manière dont les pays
structurent leurs activités économiques (par exemple, les Parties
à la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
se sont engagées à restructurer leurs économies
respectives de manière à réduire les émissions de
gaz à effet de serre), tandis que le droit commercial détermine,
de manière croissante, la façon dont ils devraient
élaborer leurs législations et leurs politiques nationales dans
les domaines tels que les droits de propriété intellectuelle, les
politiques d'investissement et la protection de l'environnement.
La question se pose alors de savoir si la problématique
environnementale est compatible avec le libre échange ?
Quelles sont les étapes de la relation
commerce/environnement au fil des années ?
Quels peuvent être les points de frictions entre
protection de l'environnement et commerce international ?
Comment le système commercial multilatéral
intègre-t-il les enjeux écologiques ? Quelle est la position du
droit relatif à la protection de l'environnement face à une
mondialisation des économies dominée par le contexte
libéral ? Le commerce est-il nuisible à l'environnement ? ET
enfin quel peut l'apport du concept de développement durable dans cette
évolution ?
La démarche qui sera suivie pour aborder les liens
entre l'environnement et le commerce sera évidemment juridique et nous
n'aborderons pas les implications économiques, et autres des
régimes juridiques établis pour réglementer les
échanges commerciaux ayant un impact sur les politiques d'environnement.
De même nous ne pourrons pas présenter de manière
approfondie l'impact des mesures environnementales sur le développement
des échanges commerciaux. Cependant la prise en compte de ces
interactions et de ces phénomènes constitue le fil conducteur de
ce travail.
C'est ainsi qu'il s'agira d'étudier dans une
première partie : l'indépendance des normes environnementales et
commerciales (à travers leurs principes respectif, les problèmes
que cette évolution parallèle peut engendrer) et dans une
deuxième partie : la nécessité de l'interdépendance
entre commerce international et environnement (notamment au sein de l'OMC et au
niveau des ensembles sous régionaux et enfin analyser le concept de
développement durable.)
2 LANG Winfried,
L'environnement face à l'Organisation Mondiale du Commerce,
Environmental Policy and Law, n°5, 1994, op, cit. p.235
PREMIERE PARTIE: L'INDEPENDANCE DES
NORMES ENVIRONNEMENTALES
ET COMMERCIALES
Les droits du commerce et de l'environnement ont
évolué de manière parallèle, voire
indépendante.
En effet lorsque le système commercial
multilatéral a été reconstruit après la seconde
guerre mondiale, les effets de l'intégration économique sur
l'environnement n'étaient pas une préoccupation au premier plan.
En atteste par ailleurs, la formulation des règles du système
d'échange. Seules des références indirectes ont
été incluses dans la clause d'exception du GATT de 1947,
notamment l'article XX. Dans les premières décennies du GATT,
l'environnement n'a pas été évoqué, ni dans les
débats des parties contractantes, ni dans aucun différend
commercial.
De même les préoccupations commerciales ne
figuraient pas parmi les priorités lors de l'élaboration des
AEM.
A un autre niveau, l'environnement et le commerce sont
réglementés par deux régimes juridiques internationaux
distincts. Le droit commercial est incarné par des structures comme
l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et les accords commerciaux
régionaux et bilatéraux. Le droit environnemental est
matérialisé par les différents accords environnementaux
multilatéraux et les réglementations nationales et
infranationales(3). Elles sont les produits de
logiques distinctes, souvent autonomes, parfois divergentes. Les principes
sous-tendant les travaux de ces différentes enceintes et les corpus de
normes qui en sont issus reflètent ces
logiques(4)
Nous allons donc étudier dans un premier chapitre les
valeurs que véhicule les normes environnementale et commerciale
notamment en analysant leurs principes fondamentaux et dans un second chapitre
leurs condition de mise en oeuvre.
Chapitre I: Les principes fondamentaux
Les principes forment l'assise juridique d'un système
ils sont traditionnellement considérés comme constituant les
fondements même du système juridique. Ils sont les "poutres
maîtresses de tout édifice
juridique"(5) Une fois inscrits dans les textes
juridiques fondamentaux, ils légitiment les normes qui leur sont
inférieures, ils conditionnent la mise en place d'un ensemble de
règles selon un ordonnancement fortement hiérarchisé et
sont à leur tour consacrés de manière conséquente
dans les décisions individuelles.
Nous verrons dans cet chapitre comment le système
commercial méconnaît les préoccupations environnementales
(section I) pour ensuite étudier pourquoi les principes environnementaux
ont un champs d'application limité par rapport ceux du commerce (section
II)
Section I: Méconnaissance des questions
environnementales par le système commercial
3 Cf note 1, op, cit. p 3
4 Les notes bleues de Bercy « Environnement
et commerce international » Article de Nathalie KosciuskoMorizet,
responsable de la cellule Environnement de la direction des Relations
économiques extérieure
5 J-L BERGEL, Théorie
générale du droit, op.cit. P. 99
Le système commercial a pour objectif de réduire
les obstacles au commerce existant et en prévenant l'apparition de
nouveaux. Elle a pour but d'assurer des conditions de concurrence
équitables et d'égales accès aux marchés ainsi que
la prévisibilité de cet accès pour l'ensemble des
marchandises et services échangés.
Tandis que la protection de l'environnement exige une limitation
pour certains types d'échange.
Il serait utile de voir comment la protection de
l'environnement est appréhendée par le système commercial
à travers la discipline de non discrimination (paragraphe I) et la
liberté des échanges (paragraphe II)
Paragraphe I: La discipline de non discrimination dans le
système commercial Cette discipline constituée des
principes de la nation la plus favorisée et du traitement national se
trouve au coeur du droit commercial.
A Nation la plus favorisée
1 Signification du principe
Aux termes des Accords de l'OMC, les pays ne peuvent pas, en
principe, établir de discrimination entre leurs partenaires commerciaux.
Si vous accordez à quelqu'un une faveur spéciale (en abaissant,
par exemple, le droit de douane perçu sur un de ses produits), vous
devez le faire pour tous les autres membres de l'OMC.
Ce principe est dénommé traitement de la nation
la plus favorisée (NPF). Son importance est telle qu'il constitue le
premier article de l'Accord général sur les tarifs douaniers et
le commerce (GATT), qui régit le commerce des marchandises. Il est aussi
une clause prioritaire de l'Accord général sur le commerce des
services (AGCS) (article 2), et de l'Accord sur les aspects des droits de
propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC)
(article 4), même s'il est énoncé en des termes
légèrement différents d'un accord à l'autre.
Ensemble, ces trois accords visent les trois principaux domaines
d'échanges dont s'occupe l'OMC.
Ce principe signifie tout simplement que si un pays membre
accorde à un autre pays un avantage tarifaire ou autre pour un produit
quelconque, il doit immédiatement et inconditionnellement appliquer cet
avantage aux produits similaires provenant de tous les autres pays. Ainsi, si
le pays A accepte, dans des négociations commerciales avec le pays B, de
ramener de 10 % à 5 % le droit de douane qu'il applique à ses
importations de thé, ce taux réduit doit être
accordé à tous les Membres de l'OMC.
L'obligation d'appliquer le traitement NPF vaut non seulement
pour les importations mais aussi pour les exportations : si un pays
perçoit des droits à l'exportation d'un produit vers un autre
pays, il doit appliquer ce même droit à ses exportations vers tous
les pays.
De plus, l'obligation d'appliquer le traitement NPF ne se limite
pas aux droits de douane. Elle concerne également :
-Les impositions de toute nature appliquées à
l'importation ou à l'exportation;
-Les modalités d'application des droits de douane et
autres impositions;
-Les règles et formalités liées à
l'importation et à l'exportation;
-Les taxes et impositions intérieures frappant les
marchandises importées et les lois, règlements et autres
prescriptions affectant la vente de ces marchandises;
-L'administration des restrictions quantitatives (par exemple,
répartition des contingents entre les pays fournisseurs sur une base non
discriminatoire) lorsque de telles restrictions sont admises au titre des
clauses d'exception.
2 Possible incidence sur les politiques de protection de
l'environnement
Ce principe signifie donc que, en acceptant d'accorder le
traitement NPF, les Membres s'engagent à ne pas faire de discrimination
entre les pays et à ne traiter aucun pays moins favorablement qu'un
autre pour toute question concernant le commerce extérieur de
marchandises.
Cela signifie également qu'on ne peut pas exiger plus
de responsabilité de la part des Etats qui n'appliqueraient pas les
normes les plus élémentaires en matière de protection de
l'environnement, les méthodes de production ne peuvent donc être
utilisées pour faire une distinction entre les produits. En somme les
pays ne peuvent pas faire de discrimination entre les produits en se basant sur
des impacts environnementaux ; les bénéficiaires du traitement de
la nation la plus favorisée peuvent jouir des mêmes avantages que
ceux qui respectent les prescriptions environnementales.
Ainsi dans l'affaire
«crevettes-tortues»(6) Les
États-Unis n'ont pas eu gain de cause dans cette affaire, non pas parce
qu'ils tentaient de protéger l'environnement, mais parce qu'ils
établissaient une discrimination entre les Membres de l'OMC. Ils
accordaient aux pays de l'hémisphère occidental (essentiellement
dans les Caraïbes) une assistance technique et financière et des
délais de transition plus longs pour que leurs pêcheurs se mettent
à utiliser des dispositifs d'exclusion des tortues. Ils n'accordaient
cependant pas les mêmes avantages aux quatre pays d'Asie (Inde, Malaisie,
Pakistan et Thaïlande) qui ont porté plainte devant l'OMC.
L'organe d'appel a donc conclu que bien que la mesure prise
par les États-Unis serve un objectif environnemental reconnu comme
légitime en vertu du paragraphe g) de l'article XX du GATT de 1994, elle
a été appliquée par les États-Unis de façon
à constituer une discrimination arbitraire et injustifiable entre les
Membres de l'OMC, ce qui est contraire aux prescriptions du texte introductif
de l'article XX.
Cette mesure ne pouvait donc pas bénéficier de
l'exemption que l'article XX du GATT de 1994 prévoit pour les mesures
qui servent certains objectifs environnementaux reconnus et légitimes
mais qui, en même temps, ne sont pas appliquées de façon
à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable
entre les pays où les mêmes conditions existent, soit une
restriction déguisée au commerce international.
B Traitement national
1 Formulation du système commercial
Les produits importés et les produits de fabrication
locale doivent être traités de manière égale, du
moins une fois que le produit importé a été admis sur le
marché. Il doit en aller de
6 États-Unis - Prohibition à l'importation de
certaines crevettes et de certains produits à base de
crevettes, rapports adoptés le 6 novembre 1998, WT/DS58/AB/R (Organe
d'appel) et WT/DS58/R (Groupe spécial)
même pour les services, les marques de commerce, les
droits d'auteur et les brevets étrangers et nationaux. Ce principe du
«traitement national» (accorder à d'autres le même
traitement que celui qui est appliqué à ses propres nationaux)
figure aussi dans tous les trois principaux Accords de l'OMC (article 3 du
GATT, article 17 de l'AGCS et article 3 de l'Accord sur les ADPIC), même
si, là encore, il est énoncé en des termes
légèrement différents d'un accord à l'autre.
Ce principe veut que les produits des autres pays ne soient
pas « soumis à un traitement moins favorable que le traitement
accordé aux produits similaires d'origine nationale ». L'objet
fondamental du traitement national est de veiller à ce que les produits
fabriqués à l'étranger aient une possibilité
égale de concurrencer les autres produits sur les marchés
intérieurs. En d'autres termes, les lois, règlements et
politiques nationaux ne devraient pas avoir d'influence sur les
possibilités de concurrence offertes aux produits importés.
La règle du traitement national permet donc aux
entreprises exportatrices d'avoir l'assurance qu'une fois que leurs produits
ont été admis sur le marché du pays importateur,
après paiement des droits de douane et autres impositions
appliquées à la frontière, elles ne seront pas tenues de
payer des taxes intérieures à des taux plus élevés
que ceux appliqués aux produits d'origine nationale. La règle du
traitement national s'applique non seulement aux taxes intérieures, mais
aussi aux dispositions concernant les normes obligatoires applicables aux
produits et les règlements applicables à leur vente et à
leur distribution. Comme les gouvernements appliquent un nombre croissant de
taxes et de règlements visant les produits pour protéger
l'environnement et la santé et la sécurité des
consommateurs, la règle voulant que ces taxes et règlements
soient appliqués sans discrimination entre produits d'origine nationale
et produits importés est d'une importance capitale pour les entreprises
exportatrices.
2 Interprétation
Cette règle soulève deux questions. D'abord, que
signifie « ne pas être soumis à un traitement moins favorable
»?
En vertu du droit commercial, il est entendu que les mesures
intérieures peuvent différer, selon qu'il s'agisse de produits
nationaux ou importés, tant que le traitement des produits
importés qui en résulte n'est pas moins favorable au regard de
leurs possibilités de concurrencer les autres produits sur le
marché.
La deuxième question importante est de savoir ce qu'il
faut entendre par « produits similaires ». L'article III du GATT
prescrit le traitement égal des « produits similaires »
seulement, en accordant une grande importance à la définition. Le
critère des produits similaires est important dans une perspective
environnementale.
Pour le moment, néanmoins, ce critère peut
être mis en lumière grâce à un exemple. Prenons deux
plaquettes de circuits intégrés: l'une fabriquée en
émettant des substances appauvrissant la couche d'ozone, l'autre
produite d'une façon non polluante. Ces deux produits sont-ils
similaires?
Dans l'affirmative, les organismes de réglementation de
l'environnement ne peuvent pas accorder la préférence au produit
respectueux de l'environnement lorsque les deux arrivent à la
frontière, pas plus qu'ils ne peuvent défavoriser,
également à son arrivée à la frontière, le
produit polluant venant concurrencer les plaquettes peu polluantes produites
dans le pays. Il n'existe pas, aujourd'hui, de réponse claire à
ces questions; et le droit jurisprudentiel existant permet d'argumenter dans
les deux sens.
La situation est différente si la pollution en cause
est due, non pas à la façon dont le bien est produit, mais
à ses caractéristiques ou à la manière de
l'utiliser ou de l'éliminer. En d'autres termes, une automobile
consommant peu d'énergie est-elle « similaire » à une
autre automobile grosse consommatrice d'énergie?
Traditionnellement, les groupes spéciaux chargés du
règlement des différends du GATT se fondaient sur quatre
critères pour évaluer la similarité des produits.
Ces critères, énoncés ci-dessous,
visaient avant tout à établir si les produits étaient en
concurrence directe pour obtenir une part du marché, c'est-à-dire
s'ils étaient « commercialement substituables »:
- les propriétés physiques, la nature et la
qualité des produits,
- leurs utilisations finales,
- les goûts et les habitudes des consommateurs,
- la classification tarifaire des produits.
L'Organe d'appel de l'OMC a refusé jusqu'ici d'ajouter
à cette liste les risques pour la santé humaine ou
l'environnement comme critères distincts de détermination de la
similarité. Cependant, il a indiqué que les quatre
critères énumérés ne sont pas des critères
prescrits par le traité et que toute détermination finale de la
similarité des produits nécessite une évaluation globale
fondée sur une série de critères pertinents et
d'éléments connexes.
Paragraphe II: La liberté des échanges
L'objectif poursuivi par le système commercial consiste
en la promotion du développement économique par une plus grande
libéralisation des échanges commerciaux. Cet objectif est mis en
oeuvre par une interdiction des restrictions aux échanges de biens (A)
et une baisse substantielle des droits de douane (B).
A Interdiction des restriction
quantitatives
1 Signification
Elle a pour fondement l'article XI du GATT qui énonce
que : « Aucune partie contractante n'instituera ou ne maintiendra à
l'importation d'un produit originaire du territoire d'une autre partie
contractante, à l'exportation ou à la vente pour l'exportation
d'un produit destiné au territoire d'une autre partie contractante, de
prohibitions ou de restrictions autres que des droits de douane, taxes ou
autres impositions, que l'application en soit faite au moyen de contingents, de
licences d'importation ou d'exportation ou de tout autre
procédé..... »
Cette interdiction est due au fait que les mesures
fondées sur les volumes ont un plus grand effet de distorsion que celles
fondées sur les prix, à l'exemple des droits de douane et des
taxes.
Dans le secteur agricole par exemple, en vertu des
dispositions de l'Accord sur l'agriculture, les Membres de l'OMC ont aboli les
restrictions quantitatives et les systèmes de prélèvements
variables, les remplaçant par des droits de douane. Ces nouveaux droits
de douane ont été déterminés par le processus
appelé tarification, consistant à calculer l'incidence des
restrictions quantitatives et autres mesures sur les prix des produits
importés, et à l'ajouter aux droits de douane
précédemment en vigueur. Après la tarification, les pays
ne peuvent désormais protéger leur production agricole qu'au
moyen de droits de douane.
Dans le domaine des textiles et des vêtements, l'Accord
sur les textiles et les vêtements (ATV) exigeais que les Membres qui
appliquent des restrictions les éliminent progressivement, en quatre
étapes, de façon à les supprimer complètement
à la date du 1er janvier 2005.
En outre, le Mémorandum d'accord sur les dispositions
du GATT de 1994 relatives à la balance des paiements exhorte les pays
membres à ne pas utiliser de restrictions quantitatives pour
protéger leur situation de balance des paiements. Il exige que les pays,
qu'ils soient développés ou en développement, appliquent
en pareil cas plutôt des mesures fondées sur les prix (telles que
surtaxes à l'importation et dépôts à l'importation)
que des restrictions quantitatives, car leur impact sur les prix des produits
importés est transparent et mesurable. Les pays ne peuvent avoir recours
à des restrictions quantitatives que lorsque, en raison d'une situation
critique de la balance des paiements, on peut estimer que des mesures
fondées sur les prix ne permettraient pas d'arrêter une forte
dégradation de la situation des paiements extérieurs.
Ainsi, en renforçant les règles interdisant
l'utilisation de restrictions quantitatives, le système juridique de
l'OMC réaffirme la règle fondamentale du GATT selon laquelle la
protection de la production nationale doit être assurée
principalement au moyen de droits de douane.
2 Possible conflit avec des AEM
Les accords pour la protection de la faune et de la flore,
parmi lesquels la majorité des dispositions commerciales sont
retrouvées, utilise typiquement un système de permis et de
restrictions à l'importation et à l'exportation entre les
États-parties.
Quelques uns font aussi usage de restrictions sur le transit
à travers les États, et avec les Etats
non-parties.(7)
La convention la plus importante est sans doute la Convention
sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages
menacées d'extinction."(8)
Afin de pouvoir déplacer un spécimen visé
par cette première catégorie d'un pays à un autre, il faut
obtenir un permis d'exportation et d'importation délivré par les
autorités scientifiques et administratives de ces deux pays
concernés. Ceux-ci doivent constater que le déplacement
envisagé ne nuit pas à la survie de l'espèce
particulière et est conforme aux lois de ces pays, et que
l'espèce ne sera pas utilisée a des fins principalement
commerciales.
Le second type de contrôle établi le besoin de
limiter les permis d'exportation de certaines espèces dont la survie
serait menacée si elle ne faisait pas l'objet d'une
certaine réglementation. Tandis que sous la troisième
catégorie de contrôle, les États sont requis de
7 Par exemple: la Convention africaine sur la conservation de la
nature et des ressources naturelles, op cit., à
l'article IX: les parties doivent réglementer le commerce et le
transport de spécimens et de trophées de toutes les
espèces et le faire de manière à éviter que ceux-ci
soient capturés ou abattus illégalement Le commerce des
trophées et le transport des spécimens d'espèces
protégées nécessitent une autorisation établie
selon une forme commune.; (i) supplémentaire celle
exigée pour la chasse, l'abattage, la capture ou la collecte; (ii) qui
indique la destination; (iii)qui ne sera accordée que si les
spécimens ou trophées ont été légalement
obtenus; et (iv) qui sera contrôlée lors de l'exportation. Les
parties doivent soumettre I'importation et le transit de leurs spécimens
et trophées à la présentation et à
l'autorisation requise par I'alinéa (i) et Confisquer les
spécimens et trophées illégalement exportés.
8 Convention sur le commerce international des espèces de
la faune et de la flore menacées d'extinction, reproduite à
(1976)993 R.T.N.U. 243. Sur cette convention
en général, voir D.S. FAVRE, International Trade in
Endangered Species, Dordrecht, Martinus Nijhoff,
1989, 415p.
coopérer avec les autres parties à la convention
qui ont déjà établi des limites au commerce de certaines
espèces à l'intérieur de leur juridiction.
(9)
On peut constater qu'il y a, dans le cas des animaux et des
végétaux, une limite posée au libre échange
commercial par les mécanismes de protection de cette convention
Quant au Protocole de Carthagène sur la
prévention des risques biotechnologiques, il s'applique au commerce de
la plupart des catégories d'organismes vivants modifiés et aux
risques qu'il peut présenter pour la biodiversité. Il institue
une procédure de consentement préalable en connaissance de cause
pour les organismes vivants modifiés (OVM) destinés à
être libérés dans l'environnement (tels que les
microorganismes et les semences).
L'article XI du GATT peut très bien être à
l'origine de conflits avec les mécanismes commerciaux contenus ces AEM.
A ce jour, toutefois, ce type de dispositions contenues dans les AEM n'a jamais
fait l'objet d'un recours au titre des règles commerciales.
B Le désarmement douanier
1 Contenu
Le fameux désarmement douanier s'est imposé
comme élément essentiel de la politique économique
néo-libérale des instigateurs du GATT. Comme le dispose l'article
XXVIII bis de l'Accord, « les droits de douane constituent souvent de
sérieux obstacles au commerce ». Cette disposition invite donc les
parties à mener « des négociations visant, sur la base de
réciprocité et d'avantages mutuels, à la réduction
substantielle des droits de douane et d'autres impositions perçues
à l'exportation et à l'importation ».
Les taux de droits convenus dans les négociations,
ainsi que les autres engagements assumés par les pays, sont repris dans
des listes de concessions. Il existe une liste par Membre de l'OMC et chaque
Membre est tenu de ne pas appliquer de droits ou autres impositions plus
élevés que ceux inscrits sur cette liste. Les pays s'engagent
aussi à ne pas prendre de mesures - telles que l'application de
restrictions quantitatives - qui réduiraient la valeur des concessions
tarifaires. Les taux de droits indiqués sur les listes sont
appelés taux consolidés
Les pays ne peuvent pas relever leurs taux de droits
au-delà du taux consolidé indiqué dans leur liste de
concessions. La liste donne, entre autres, produit par produit, le taux de
droit applicable avant la négociation et le taux auquel le pays a
accepté dans les négociations, de consolider le droit. Dans les
négociations commerciales, un pays peut accepter :
De consolider un taux existant, positif (par exemple 10 %) ou
nul; ou
- De réduire le droit, par exemple de 10 % à 5 %,
et de consolider le taux réduit.
Les pays peuvent aussi consolider leurs droits à un
taux plafond plus élevé que celui résultant des
réductions convenues dans les négociations. Ainsi, un pays qui a
accepté d'abaisser un droit de 10 % à 5 % peut indiquer que,
même s'il appliquera aux importations le taux réduit, le taux
consolidé sera de 8 %. En pareil cas, ce pays est libre de relever ses
droits jusqu'à 8 % en tout temps, sans enfreindre aucune de ses
obligations au regard du GATT.
Le Cycle d'Uruguay s'est traduit par d'importantes
améliorations en ce qui concerne la consolidation des droits. Tous les
pays - développés, en développement et en transition - ont
consolidé leurs droits dans le secteur agricole. Dans le secteur
industriel, plus de 98 % des importations des pays développés et
des pays en transition seront admis à des taux consolidés.
9 Id., voir I'article IV.3. Si proprement mise en application,
cette disposition assure que tout commerce international de spécimens
mentionné à l'appendice II de cette convention est
durable.
Il y a eu depuis la création du GATT, en 1947-1948,
huit séries de négociations commerciales. Dans un premier temps,
ces négociations étaient axées sur l'abaissement des taux
de droits applicables aux marchandises importées. Elles ont permis de
réduire progressivement les taux des droits perçus par les pays
industrialisés sur les produits industriels, qui ont été
ramenés vers le milieu des années 90 à moins de 4 pour
cent.
2 Conséquences
On sait qu'une diminution des droits de douane pourrait
entraîner une augmentation des flux d'échanges de biens dont le
processus de fabrication cause pour la plupart d'importants dégâts
à l'environnement.
Les simulations effectuées pour estimer l'impact de la
libéralisation négociée lors de l'Uruguay round ont
montré que, au niveau mondial, les émissions des
différents polluants augmenteraient de 0,1% à
0,5%(10).
Les effets du libre-échange sur l'environnement vont
toutefois bien au-delà des émissions de polluants. Mais,
là encore, ces effets ne sont pas tranchés. La
libéralisation peut être favorable à l'environnement dans
la mesure où elle tend à éliminer des distorsions
susceptibles de dégrader l'efficacité allocative et de
détériorer l'environnement ; c'est le cas notamment des
subventions à la production ou aux exportations agricoles qui conduisent
à une surexploitation des ressources du pays protégé. Mais
l'épuisement des ressources (forestières, halieutiques...), les
dégradations de l'environnement provoquées par des techniques
agricoles intensives, l'augmentation des émissions de gaz à effet
de serre peuvent aussi bien résulter de la spécialisation et de
la libéralisation commerciale(11). Il existe
aussi des risques sur l'environnement liés spécifiquement au
commerce international. Le risque biologique est celui de l'introduction
d'espèces allochtones, de ravageurs, et de maladies.
S'y ajoute le risque informationnel lié à
l'éloignement du producteur et du consommateur qui favorise les
situations d'aléa moral. D'une part, les dommages liés aux
processus de production et à l'utilisation de ressources non
renouvelables dans les pays producteurs sont plus difficilement connus des
consommateurs et, en tout cas, ne sont pas supportés par eux ; d'autre
part, l'information quant aux dommages sur l'environnement, la santé...
résultant de la consommation des produits exportés peut ne pas
parvenir au producteur ou être volontairement ignorée par
lui(12).
S'ajoutent à cela les différences de
préférences collectives qui peuvent être
irréductibles tant du côté des producteurs que des
consommateurs (viande aux hormones contre fromage au lait cru).
Section II: Une application limitée des
principes environnementaux par rapport à ceux du commerce
Compte tenu des valeurs qu'ils véhiculent et de
l'intérêt susciter les principes environnementaux sont
exprimés dans des instruments ayant différentes valeurs
(paragraphe
I) et nécessite pour leur application une adaptation au
plan national (paragraphe II).
10 Cole M.A., Rayner A.J., Bates J.M. (1998), "Trade
Liberalisation and the Environment: The Case of the Uruguay Round" World
Economy, 21(3), 337-47.
11 Nordström H., Vaughan S. (1999), "Trade and Environment",
WTO Special Studies 44,
www.wto.org.
12 Ainsi, dès le début des années
quatre-vingt, les pays du Sud se sont plaints auprès du GATT de
l'exportation chez eux, par les pays industrialisés, de produits ou
matières interdites dans ces derniers pays sur la base de
considérations environnementales.
Paragraphe I: Principes ayant différentes
valeurs
Les principes du droit de l'environnement se caractérisent
par une très grande disparité (A) et une certaine orientation
vers des valeurs morales (B).
A Disparité des principes
1 Difficile appréhension
Contrairement aux principes du droit du commerce international
qui sont énoncés dans un système centralisé.
La disparité des principes du droit de l'environnement
sème souvent le trouble, ils sont formulés aussi bien à
l'échelon international, national que régional. Ils se retrouvent
aussi bien énoncés dans des instruments de soft-law, telles les
recommandations internationales que dans des textes juridiquement
contraignants. Tantôt, c'est le législateur qui les consacre,
tantôt c'est la doctrine qui réclame leur application,
tantôt enfin, c'est le juge qui les découvre. Ils peuvent aussi
bien revêtir une forme extrêmement générale - tels la
prévention ou le pollueur payeur - que technique, tel le principe de
notifier à l'Etat d'exportation, le projet d'exporter une cargaison de
déchets ou de substances dangereuses. Certains d'entre eux se cantonnent
à un secteur bien spécifique du droit de l'environnement - tels
les principes de proximité ou d'autosuffisance propres au droit des
déchets - alors que d'autres, à l'instar du principe de
précaution, s'appliquent à toutes les politiques sectorielles.
Enfin, certains principes renferment de véritables
obligations de droit positif alors que d'autres ne visent qu'à conforter
des valeurs métajuridiques.
Encore faut-il pouvoir trouver son chemin dans ce
dédale. L'on reste à cet égard frappé non seulement
par la diversité de principes propres au droit de l'environnement mais
aussi devant la multiplicité de sens et de fonctions qui leur sont
attribués. Aux principes de nature purement politique, se
succèdent des principes renfermant des obligations plus précises.
Les problèmes méthodologiques sont encore aggravés en
droit de l'environnement par la multiplicité et de
l'enchevêtrement des règles en présence et la coexistence
de différents ordres juridiques consacrant des principes largement
identiques.
2 Exemple à travers le principe du pollueur
payeur
Nous pouvons évoquer cette difficulté à
cerner les principes du droit de l'environnement à travers par exemple
le principe du pollueur payeur qui est défini comme un principe «
selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de
réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être
supportés par le pollueur ».
La question est de savoir qui est le pollueur.
On définit le « pollueur » comme « celui
qui dégrade directement ou indirectement l'environnement ou crée
les conditions aboutissant à sa dégradation indépendamment
de toute idée de responsabilité civile à base de faute et
sans tenir compte des engagements contractuels des
parties»(13). Cela suppose que l'on
s'interroge sur la notion de dégradation, de pollution. A cet
égard, deux thèses s'opposent.
Selon la première, il y a pollution uniquement lorsqu'il y
a émission de substances au-delà du seuil réglementaire
imposé par une norme (règlement, autorisation administrative).
L'autre thèse est fondée sur le fait qu'il y aurait
pollution dès qu'il y a un dommage écologique, même si ce
dommage est autorisé.
13 J.F. NEURAY, Droit de l'environnement, op.cit., p. 86.
Cela pose toutefois la question de savoir ce qu'est le dommage
écologique et celle de savoir s'il faut vraiment un dommage ou si le
simple risque d'une dégradation suffit à considérer que le
principe pollueur payeur serait d'application.
Dans ce cas là, c'est ce qui justifie toutes les
mesures préventives et que notamment le pollueur doit payer tous les
frais de monitoring pour surveiller, par exemple, ses eaux usées.
Très souvent, on est en face de plusieurs pollueurs. En effet, il n'est
pas aisé de déterminer qui est le pollueur. Le fabricant de
produit ou l'utilisateur de celui-ci. Est- ce l'industriel ou le consommateur ?
Au sein même d'une entreprise, on pourrait se poser la question de savoir
qui est le pollueur : les organes dirigeants de l'entreprise, ou les
préposés, ou encore les fabricants de l'installation qui fabrique
le produit, etc.
On recherchera l'agent qui joue un rôle
prépondérant dans la production de la pollution.
Quant au payeur
Le payeur est le pollueur mais la question qui se pose est celle
de savoir selon quelle technique il doit payer :
- soit un transfert des ressources financières du pollueur
vers le pouvoir public en charge de la décontamination ;
- soit la prise en charge directe du dommage causé par le
pollueur.
En ce qui concerne le montant du paiement : il doit couvrir le
dommage immédiat seulement ? Où il doit prendre en compte
d'éventuel dommage dans le futur ?
B Principes axés sur des valeurs
morales
1 Le caractère axiologique de certains principes
du droit de l'environnement
Si l'on examine de plus près certains principes on
verra affleurer des valeurs dépassant la sphère de la technique
juridique. L'identification du contenu des principes du droit de
l'environnement impose, plus que pour d'autres types de normes juridiques, que
l'on découvre les valeurs extra-juridiques qui les imprègnent.
C'est d'ailleurs là le propre de tout type de principes juridiques que
de refléter au sein de la sphère juridique des idéaux qui
ne sont pas propres à celle-ci (14) Ainsi,
le principe de précaution répond-t-il au souci éthique de
s'abstenir dans le doute en vue de sauvegarder la protection des
intérêts des générations futures qui pourraient
être affectées par une gestion imprudente des ressources
naturelles (15). , le principe du pollueur payeur
traduit-il la prise en compte dans le droit positif d'un idéal
d'équité (pas d'enrichissement sans cause). De même, le
principe d'un haut niveau de protection de l'environnement trahit le souci de
ne pas brader la protection de l'environnement au profit d'autres
intérêts.
14 Un parallélisme peut être dressé ici
avec les principes généraux du droit qui renvoient à un
certain nombre de valeurs sur lesquelles le système juridique repose et
qu'il convient de sauvegarder (M. VAN de KERCHOVE et Fr OST, Le système
juridique, op. cit, p. 93). Ainsi quelle que soit leur individualité
propre, les principes généraux sont fonction de principes
exprimés par d'autre sphères d'activités de la
société humaine sur lesquels ils agissent à leur tour (H.
BUCH, `'La nature des principes généraux du droit», in
rapport belge au VI ème congrès international de droit
comparé, Bruxelles, Bruylant, 1962, p. 59).
15 En ce sens R. ATTFIELD `'The Precautionary Principle and
Moral values'', in interpretating the precautionary Principle op. cit, p. 157;
A. KISS, `' The right and Interest of future Generations and precautionary
Principle», in The precautionary principle and international law. The
challenge of implementation, op. cit. , p. 19 Voir Egalement Fr. OST, `'Les
études d'incidences : un changement de paradigme ?», in
L'évaluation des incidences sur l'environnement : un progrès
juridique ? Bruxelles, Publication des Facultés Saint-Louis, 1992, p.
11
Mais cette influence ne s'exerce pas dans un sens unique car,
de manière inverse, la juridicisation de principes peut elle-même
influencer l'évolution des valeurs. Dans cet ordre d'idées, P.
Lascoumes estime que les principes introduits par la loi
"Barnier"(16) sont susceptibles de renforcer "la
reconnaissance sociale de nouvelles valeurs tels la biodiversité, le
développement durable, une responsabilité étendue et
l'accès à l'information"(17)
2 Duplicité des principes
Le caractère axiologique marqué des principes
est pourtant à la source d'un certain nombre de difficultés.
D'abord, la plupart des valeurs auxquelles ceux-ci renvoient sont à ce
point imprécises, qu'elles ne garantissent plus la
sécurité juridique. L'on se plait d'ailleurs à dire que
"plus la notion est présentée comme fondamentale, plus les
incertitudes la concernant deviennent grandes"(18)
Il convient, par ailleurs, de garder à l'esprit qu'en accordant une trop
grande importance aux valeurs guidant les principes, l'on risque d'occulter les
choix socioéconomiques qui les sous-tendent. Un décalage
important peut en effet apparaître entre les valeurs exprimées
à l'appui des principes et l'idéologie sous jacente
(19)
Plusieurs exemples permettent d'illustrer la duplicité
de certains principes. Le principe du pollueur-payeur qui semble traduisant
dans le droit positif un idéal d'équité (ce n'est pas
à la collectivité de prendre en charge les dommages causés
par des pollueurs individuels), ne masque-t-il pas des préoccupations
d'ordre économique (la lutte engagée contre les aides d'Etat dans
la perspective de garantir une économie de marché où la
concurrence n'est pas faussée)? Dans le même ordre d'idées,
le principe de prévention peut cacher sous ses atours les plus
attrayants le souci de ne pas remettre en cause, au nom de la protection de
l'environnement, un modèle d'exploitation de type capitaliste. Le
principe ne revient-il pas à admettre un juste équilibre entre la
liberté d'entreprendre et la protection de l'environnement, étant
donné que la seule prévention des dommages environnementaux peut
s'exercer par le contrôle des activités polluantes et n'implique
pas nécessairement leur suppression?
Paragraphe II: la nécessité de la mise en
oeuvre au plan national
Parce qu'ils agissent comme des normes de structure du droit de
l'environnement, les principes orientent l'action du législateur.
Comme le sextant, ils le guident au cours de sa
traversée, ils lui balisent la voie à suivre, ils tracent le
cadre dans lequel il doit agir.
C'est à lui qu'il revient de donner vie aux principes
consacrés dans les législations générales, en les
mettant concrètement en oeuvre par le biais des législations
spéciales les principes. En quelque sorte, ils seront pour lui un guide
d'orientation, "de bonnes pratiques
environnementales"(20)
16 Loi n 95-101 du 2 février 1995. Relative au
renforcement de la protection de l'environnement France
17 P. LASCOUMES `' Le droit de l'environnement en
révolution» Libération, 21 mars 1995, p
18 Cette critique est également adressée aux
principes généraux du droit. Cf. G. MORANGE, `' Une
catégorie juridique ambiguë : les principes généraux
du droit», R.D.P., 1977, p. 761
19 Voy. De telles critiques ont déjà
été formulées à propos d'autres branches du droit.
En ce qui concerne les principes du droit du travail, Voy Fr. RIGAUX,
introduction à la sciences du droit, Voy. Ph GERARD, Droit,
égalité et idéologie, op. cit., p. 383 à 434..
20 J. de MALAFOSSE, `'Les principes généraux du
droit de l'environnement», in Mélanges L. BOYER, Faculté de
droit de Toulouse, 1996, p. 6.
Enoncés par le législateur, les principes
présentent toutefois une fragilité certaine. Même en
étant consacrés dans une loi-cadre, ils ne sont jamais à
l'abri des lois et des majorités de circonstance.
Rien n'empêche, en effet, au législateur de
modifier les dispositions antérieures. Les principes législatifs
pourraient ainsi être constamment contredit par la kyrielle de
législations sectorielles qui caractérise le droit de
l'environnement.
Les normes environnementales, en particulier celles
appliquées aux biens commercialisés, sont à la base de la
plupart des mesures nationales et d'une importance capitale en ce qui concerne
les relations entre le commerce et l'environnement. Il existe un grand nombre
de catégories de normes environnementales applicables tout au long du
cycle d'un produit: de l'extraction des matières premières
à la fabrication, au conditionnement, au transport, au commerce de gros,
à la vente au détail, à l'utilisation et à
l'élimination.
A Normes de qualité et
d'émission
1 Les normes de qualité
environnementales
Elles visent à décrire l'état
souhaité de l'environnement. Elles peuvent être
spécifiées en termes d'état acceptable de la
qualité de l'air ou de l'eau, ou de concentrations maximales de
polluants spécifiques dans l'atmosphère, l'eau ou le sol. Une
approche moderne vis-à-vis des normes de qualité, qui tient
compte de l'accumulation de substances nocives dans le milieu naturel, est
celle du concept de « charges critiques », c'est-à-dire de
niveaux de dépôts de plusieurs polluants au-dessous desquels il ne
se produit pas d'effets nocifs appréciables sur des
éléments sensibles déterminés de l'environnement.
Les normes de qualité peuvent aussi prendre la forme de normes de
population, nécessitant la protection des espèces menacées
ou en danger.
En France le législateur en s'appuyant sur le principe
de prévention a instauré un dispositif imposant à
l'État, avec le concours des collectivités territoriales
d'assurer la surveillance de la qualité de l'air et de ses effets sur la
santé et l'environnement (L 221-1
c.env.)(21), la coordination technique étant
assurée par l'ADEME. Les critères de référence
fixés après avis de l'agence française de
sécurité sanitaire environnementale.
Le système repose sur des objectifs de qualité
de l'air, des seuils d'alerte et des valeurs limites (dont les
définitions sont précisées à l'article L 221-1-II
c. env) (22), par référence aux
critères de l'Union européenne et de l'OMS.
Les objectifs de qualité constituent un niveau de
concentration de substances polluantes dans l'atmosphère, fixés
sur la base de connaissances scientifiques, dans le but d'éviter, de
prévenir ou de réduire des effets nocifs de ces substances sur la
santé humaine et sur l'environnement. Les seuils d'alerte sont un niveau
de concentration des substances polluantes dans l'atmosphère
au-delà duquel une exposition de courte durée présente un
risque pour la santé humaine ou la dégradation de
l'environnement.
Les valeurs limites sont un niveau maximal de concentration de
substances polluantes dans l'atmosphère, fixé sur la base de
connaissances scientifiques, dans le but d'éviter, de prévenir ou
de réduire les effets nocifs de ces substances pour la santé
humaine ou pour l'environnement.
21 Code de l'environnement, Dalloz
22 idem
2 Les normes d'émission
Elles fixent la quantité de certaines substances que
des installations sont autorisées à émettre. Il s'agit
souvent de normes dynamiques, nécessitant d'utiliser les meilleures
technologies disponibles. Les normes d'émission peuvent avoir un effet
considérable sur les processus de production, étant donné
qu'il est généralement moins coûteux d'éviter de
produire des polluants que de les recueillir en fin de processus de production,
en créant ainsi un flux de déchets, devant être
géré à son tour.
Elles ont pour objet de spécifier la quantité de
polluants, ou leur concentration dans les effluents, pouvant être
rejetée par une source donnée. Souvent le milieu est
déterminé : eaux de surface ou eaux marines, air.
L'émission de substances polluantes peut être
mesurée par unité de temps, autrement dit pendant une
période déterminée, ou au cours d'une opération
donnée. En règle générale les normes
d'émission s'appliquent à des installations fixes comme les
usines ou les foyer domestiques, les sources mobiles de pollution tombant dans
la catégorie visée par les normes de produit. Les normes
d'émissions établissent des obligations de résultats,
laissant au pollueur le libre choix des moyens pour se conformer à la
norme. C'est ainsi qu'une usine de pâte à papier pourra opter pour
l'installation d'un dispositif d'épuration des eaux ou pour un
changement de processus de production. Les normes d'émissions sont
susceptibles de comporter des variations selon les zones, selon le nombre de
pollueurs et selon la capacité d'absorption du milieu. Elles peuvent
varier dans le temps et être momentanément renforcées en
cas d'alerte. Ainsi les mesures limitants les émissions de fumées
qui contiennent du dioxyde de souffre peuvent être rendues plus
astreignante en cas de brouillard persistant.
B Normes de produit et les procédés et
méthodes de production
1 Les normes de produit
Les normes de produit tendent à fixer soit les
propriétés physiques ou chimiques d'un produit, comme un produit
pharmaceutique ou une lessive, soit les règles concernant le
conditionnement, l'emballage ou la présentation d'un produit, notamment
les produits toxiques soit, enfin, les limites aux émissions polluantes
que ce produit est susceptible de dégager au cours de son utilisation,
cas trop bien connu des gaz d'échappement de véhicules à
moteur. En fait ces normes correspondent souvent à la normalisation des
produits, fréquemment utilisée en matière industrielle
dans des buts économiques ou correspondant au souci de préserver
la santé humaine. Les réglementions en matière de produits
peuvent prendre des formes diverses : la norme spécifie la composition
ou les émissions d'un produit (respectivement substances chimiques et
véhicules à moteur ou engins de chantier), elle peut
également se présenter sous la forme d'une liste de substances
dont l'emploi est interdit dans certains produits (pesticides contenant du
mercure pour protéger les semences).
Des normes peuvent aussi être préconisées
par des codes de bonne conduite établis par des organismes
professionnels ou autres en dehors même des règles obligatoires
imposées par les autorités. Ainsi au plan international l'ISO,
organisation non gouvernementale regroupant plus d'une centaine d'organismes
nationaux, publics ou privés, a élaboré des normes qui
touchent à l'environnement. En particulier la série de normes
14000 concerne la gestion de l'environnement et prévoit l'audit
environnemental, le suivi des produits pendant toute leur existence et l'octroi
d'un label environnemental(23)
23 A.KISS et J.P. BEURIER, Droit international de
l'environnement, Etudes internationales, Pedone, Paris, 2004, op, cit., p 154 ,
155
2 Les normes fondées sur les
procédés et méthodes de production (PMP)
Un procédé ou une méthode de production
est la manière dont est fabriqué un produit. Beaucoup de produits
passent par un certain nombre d'étapes, et donc par un certain nombre de
PMP, avant d'être commercialisables. Par exemple la production de papier
passe par la pousse et l'abattage des arbres, la transformation du bois, bien
souvent le blanchissement de la pâte et bois et ainsi de suite. Ces
divers procédés ont des incidences diverses sur l'environnement:
atteinte à la biodiversité, pollution des cours d'eau,
dégradation de la qualité de l'air, etc.
Sur le plan de la protection de l'environnement, les normes
PMP répondent à une préoccupation
élémentaire en terme d'efficacité: les industries doivent
produire selon certains procédés moins polluants, les producteurs
de bois doivent respecter les règles de coupes pour éviter la
surexploitation, les entreprises minières doivent respecter des normes
pour le traitement de leurs déchets et restaurer les sites
exploités, etc. Toutes ces normes peuvent apparaître dans les
législations nationales avec des objectifs précis relatifs
à la santé humaine, la sécurité et, de
manière générale aux conditions de vie et à la
protection de l'environnement humain et naturel. Elles sont
généralement constituées d'interdictions ou de
restrictions aux échanges, de sanctions commerciales, de tarifs
douaniers, d'ajustement fiscaux aux frontières, de droits compensateurs
et d' éco labels obligatoires.
Chapitre II: Les conditions de mise en oeuvre des
normes environnementales et commerciales
L'efficacité d'une norme est déterminée
en fonction de sa mise en oeuvre effective. Les normes environnementale et
commerciale présentent une certaine différence concernant
l'application et les sanctions en cas d'inobservation des règles.
Ainsi les règles du commerce international à
raison de leur application strict se caractérisent par une certaine
primauté par rapport à celles de la protection de l'environnement
(section I) et la difficile mise application des conventions environnementales
dénote une faiblesse (section II)
Section I: La primauté des règles
commerciales
En cas de contradiction entre une règle commerciale et
un AEM quel organe est compétent pour trancher le litige ?
Supposons qu'un différend commercial surgisse parce
qu'un pays a pris une mesure affectant le commerce (imposition d'une taxe ou
restriction des importations, par exemple) au titre d'un accord
environnemental, en dehors du système de l'OMC, et qu'un autre pays s'y
oppose. Le différend devrait-il être examiné à l'OMC
ou dans le cadre de l'autre accord?
Selon le Comité du commerce et de l'environnement, s'il
y a différend au sujet d'une mesure commerciale prise au titre d'un
accord environnemental et si les deux parties au différend ont
signé cet accord, celles-ci devraient recourir aux dispositions de cet
accord pour régler le différend. Par contre, si l'une d'elles n'a
pas signé l'accord environnemental, la seule instance pouvant
connaître du différend est alors
l'OMC(24).
Nous allons étudier dans un premier paragraphe les
attributions de l'ORD pour ensuite examiner dans un second paragraphe sa
philosophie sur la protection de l'environnement à
24 Organisation mondiale du commerce : comprendre l'OMC
Troisième édition Précédemment publiée sous
le titre «Un commerce ouvert sur l'avenir» Septembre 2003,
révisé en février 2007
travers quelques différends mettant au prise protection de
l'environnement et commerce qu'il a eus à trancher.
Paragraphe I: L'organe de règlement des
différends (ORB)
Nous allons tout d'abord étudier l'organisation de l'ORD
(A), pour ensuite examiner son fonctionnement (B)
A Organisation
1 Présentation du mécanisme de
règlement des différends
Le règlement des différends constitue la clef de
voûte du système commercial multilatéral et la contribution
sans précédent de l'OMC à la stabilité de
l'économie mondiale. Sans un moyen de régler les
différends, le système fondé sur les règles ne
serait d'aucune utilité car les règles ne pourraient pas
être appliquées. La procédure de l'OMC consacre le
règne du droit et permet de rendre le système commercial plus
sûr et plus prévisible. Le système est fondé sur des
règles clairement définies, assorties d'un calendrier pour
l'examen d'une affaire. Les décisions initiales sont rendues par un
groupe spécial et approuvées (ou rejetées) par l'ensemble
des membres de l'ORD. Il est possible de faire appel sur les points de
droit.
Cependant, il ne s'agit pas de rendre un jugement mais, en
priorité, de régler les différends, si possible par voie
de consultations. En juillet 2005, environ 130 seulement des 332 affaires
avaient atteint le stade de la procédure de groupe spécial
complète. La plupart des autres ont été notifiées
comme ayant été réglées à l'amiable ou
restent au stade de la phase de consultation prolongée, depuis 1995 pour
certaines.
Une procédure de règlement des différends
existait dans le cadre de l'ancien GATT, mais il n'y avait aucun calendrier
établi, il était plus facile de bloquer les décisions et
beaucoup d'affaires traînaient en longueur sans arriver à une
solution. Le Mémorandum d'accord issu du Cycle d'Uruguay a mis en place
un processus plus structuré, dont les étapes sont plus clairement
définies. Il établit une discipline plus rigoureuse quant au
délai imparti pour le règlement d'une affaire ainsi que des
échéances flexibles pour les différentes étapes de
la procédure. Il souligne qu'un règlement rapide est
indispensable au bon fonctionnement de l'OMC.
2 Composition et règles de conduites des
membres
L'ORD est composé de représentants de tous les
membres. Il s'agit de représentants de gouvernements le plus souvent des
diplomates en poste à Genève, relevant du ministère du
commerce ou du ministère des affaires étrangères. Il
contrôle l'application et l'efficacité des procédures de
règlement des différends au titre de tous les accords de l'OMC,
ainsi que l'exécution des décisions rendues par l'OMC dans ce
cadre. Par conséquent, l'article 2.1 du Mémorandum d'accord donne
à l'ORD « le pouvoir d'établir des groupes spéciaux,
d'adopter les rapports des groupes spéciaux et de l'Organe d'appel,
d'assurer la surveillance et la mise en oeuvre des décisions et
recommandations, d'autoriser la suspension des concessions et d'autres
obligations résultant des accords visés. L'ORD a également
adopté des règles de conduite relatives au Mémorandum
d'accord destinées à garantir l'intégrité,
l'impartialité et la confidentialité du système de
règlement des différends. Ces règles de conduite
s'appliquent à toutes les «personnes visées» qui
comprennent les membres de groupes spéciaux, les membres de l'Organe
d'appel, les experts qui prêtent leur concours aux groupes
spéciaux, les arbitres, les membres de l'Organe de supervision des
textiles, et le personnel du Secrétariat de l'OMC et du
secrétariat de l'Organe d'appel. Ainsi, «les personnes
visées» se doivent d'être
indépendantes et impartiales, d'éviter les
conflits d'intérêts directs ou indirects et de respecter la
confidentialité des procédures de règlement des
différends. En particulier, toute personne visée doit
déclarer l'existence ou l'apparition de tout intérêt,
relation ou sujet dont on pourrait raisonnablement s'attendre qu'il soit connu
d'elle et qui est susceptible d'influer sur son indépendance ou son
impartialité ou de soulever des doutes sérieux sur celles-ci.
Elle est notamment tenue de communiquer des renseignements sur les
intérêts financiers, professionnels et autres
intérêts actifs ainsi que sur les prises de position personnelles
et l'emploi ou les intérêts familiaux. Les recours sont
portées devant une instance permanente créée en 1994:
l'Organe d'appel. Les décisions obligatoires et contraignantes pour tous
les membres. Toute décision finale de l'Organe d'appel ne peut
être annulée que par une décision unanime de l'ORD. En
effet, au titre de l'article 2.4, la règle générale veut
que l'ORD prenne ses décisions par consensus c'est-à-dire,
lorsqu' aucun membre présent à la réunion ne s'oppose
formellement à la décision proposée.
B Fonctionnement
Le système de règlement des différends
est de nature sui generis car il s'agit d'une procédure à
mi-chemin entre la négociation diplomatique et le règlement
juridictionnel dont les principales étapes sont:
1 L'établissement du groupe
spécial
- Première étape: les consultations
(jusqu'à 60 jours). Avant de prendre d'autres mesures, les
parties au différend doivent discuter entre elles pour savoir si elles
peuvent arriver à s'entendre. Si ces discussions n'aboutissent pas,
elles peuvent aussi demander au Directeur général de l'OMC
d'intervenir comme médiateur ou de toute autre manière.
- Deuxième étape: le groupe
spécial (le délai prévu pour
l'établissement d'un groupe spécial est de 45 jours et le groupe
a six mois pour achever ses travaux). Si les consultations n'aboutissent pas,
le pays plaignant peut demander l'établissement d'un groupe
spécial. Le pays incriminé peut l'empêcher une
première fois, mais lors d'une deuxième réunion de
l'Organe de règlement des différends (ORD), il n'est plus
possible d'y faire opposition (sauf s'il y a consensus contre
l'établissement du groupe spécial). Le groupe spécial a
officiellement pour tâche d'aider l'ORD à énoncer des
décisions ou recommandations, mais comme son rapport ne peut être
rejeté que par consensus à l'ORD, il est difficile d'infirmer ses
conclusions. Les constatations du groupe doivent être fondées sur
les accords invoqués. Le rapport final du groupe spécial doit en
principe être communiqué aux parties au différend dans un
délai de six mois. En cas d'urgence, notamment lorsqu'il s'agit de
produits périssables, ce délai est ramené à trois
mois. Le Mémorandum d'accord énonce en détail les
procédures de travail des groupes spéciaux. Les principales
étapes sont les suivantes:
2 Procédures de travail des groupes
spéciaux
- Avant la première réunion:
chaque partie au différend expose par écrit au groupe
spécial ses arguments.
- Première réunion -- les arguments du
plaignant et ceux de la défense: le ou les pays plaignants, le
pays défendeur, et ceux qui ont déclaré avoir un
intérêt dans le différend, présentent leurs
arguments à la première réunion du groupe
spécial.
- Réfutations: les pays concernés
présentent des réfutations écrites et des arguments oraux
à la deuxième réunion du groupe spécial.
- Experts: si une partie soulève des
questions de caractère scientifique ou technique, le groupe
spécial peut consulter des experts ou désigner un groupe
d'experts chargé d'établir un rapport consultatif.
- Avant-projet de rapport: le groupe
spécial remet aux deux parties les sections descriptives
(éléments factuels et arguments) de son projet de rapport et leur
donne un délai de deux semaines pour présenter leurs
observations. Ce rapport ne contient pas les constatations et conclusions.
- Rapport intérimaire: Le groupe
spécial soumet ensuite un rapport intérimaire comprenant ses
constatations et conclusions aux deux parties, qui disposent d'un délai
d'une semaine pour demander un réexamen.
- Réexamen: La phase de
réexamen ne doit pas dépasser deux semaines. Pendant cette
période, le groupe spécial peut tenir d'autres réunions
avec les deux parties.
- Rapport final: Un rapport final est
transmis aux deux parties et, trois semaines plus tard, il est distribué
à tous les membres de l'OMC. Si le groupe spécial conclut que la
mesure commerciale incriminée est effectivement contraire à un
Accord de l'OMC ou à une obligation dans le cadre de l'OMC, il
recommande que la mesure soit rendue conforme aux règles de l'OMC. Il
peut suggérer comment procéder à cette fin.
- Le rapport devient une décision: Le
rapport devient, dans les 60 jours suivants, une décision ou
recommandation de l'Organe de règlement des différends, à
moins qu'il n'y ait consensus pour le rejeter. Les deux parties peuvent faire
appel du rapport (et il est arrivé qu'elles le fassent l'une et
l'autre).
Paragraphe II: Quelques jurisprudences
Au titre du GATT (1948-1994), six procédures de groupes
spéciaux comprenant un examen de mesures relatives à
l'environnement ou de mesures relatives à la santé des personnes
prises au titre de l'article XX ont été menées à
leur terme. Trois des six rapports n'ont pas encore été
adoptés. En 1995, la procédure de règlement des
différends de l'OMC a remplacé celle du GATT. Depuis lors, trois
procédures ont été menées à leur terme.
Nous allons étudier une affaire dans le cadre de
l'ancienne procédure et une autre dans le cadre de la nouvelle
procédure.
A Affaire « thons dauphins »(25)
Cette affaire suscite encore beaucoup d'intérêt
en raison de ses incidences sur les différends relatifs à
l'environnement. Elle a été examinée dans le cadre de
l'ancienne procédure de règlement des différends du GATT.
Les principales questions soulevées dans cette affaire sont les
suivantes:
- Un pays peut-il dicter à un autre sa façon de
réglementer le domaine de l'environnement?
- Les règles commerciales permettent-elles de prendre des
mesures visant la méthode de production des produits (et non la
qualité des produits eux-mêmes)?
1 Contexte
De quoi s'agit-il?
25 États-Unis - Restrictions à l'importation de
thon, rapport non adopté, distribué le 3 septembre 1991, IBDD,
S39/174
Dans la zone tropicale orientale de l'Océan Pacifique,
des bancs de thons à nageoires jaunes se trouvent souvent sous des bancs
de dauphins. Lorsque les thons sont pêchés à la senne
coulissante, des dauphins se prennent dans les filets et meurent s'ils ne sont
pas relâchés.
La Loi des États-Unis sur la protection des
mammifères marins fixe des normes pour la protection des dauphins
à l'intention des bateaux de pêche nationaux et étrangers
qui pêchent cette espèce de thon dans la zone en question. Le
gouvernement des Etats-Unis doit mettre l'embargo sur toutes les importations
de thon en provenance de tout pays incapable de lui prouver qu'il se conforme
aux normes de protection des dauphins fixées par ladite loi. Dans ce
différend, le pays exportateur concerné était le Mexique,
dont les exportations de thon vers les États-Unis ont été
interdites. Le Mexique a porté plainte en 1991 dans le cadre de la
procédure de règlement des différends du GATT.
L'embargo vise également les pays
«intermédiaires» par lesquels transite le thon provenant du
Mexique et destiné aux États-Unis, pays où le poisson est
souvent transformé et mis en conserve. Dans ce différend, le
Costa Rica, l'Espagne, l'Italie et le Japon, et avant eux, les Antilles
néerlandaises, la France et le Royaume-Uni, étaient les pays
«intermédiaires» frappés par l'embargo. D'autres pays,
y compris le Canada, la Colombie, la République de Corée, ainsi
que des membres de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est, ont
également été cités en qualité
d'«intermédiaires».
2 Le Groupe spécial
Le Groupe spécial a présenté son rapport aux
membres du GATT en septembre 1991. Il est arrivé aux conclusions
suivantes:
- Les États-Unis ne pouvaient pas frapper d'embargo les
importations de produits à base de thon en provenance du Mexique du seul
fait que les réglementations mexicaines concernant la méthode de
production du thon n'étaient pas conformes à celles des
États-Unis. (Mais les États-Unis pouvaient appliquer leurs
réglementations sur la qualité ou la composition des produits
à base de thon importés.) C'est ce que l'on a appelé
l'approche opposant «produit» à
«procédé».
- Les règles du GATT n'autorisaient pas un pays
à prendre des mesures commerciales en vue de faire appliquer ses propres
lois nationales dans un autre pays -- même pour protéger la
santé des animaux ou des ressources naturelles non renouvelables.
Le terme utilisé dans ce contexte est
«extraterritorialité».
Sur quel raisonnement reposent ces conclusions? Si les
arguments des Etats-Unis étaient acceptés, n'importe quel pays
pourrait interdire l'importation d'un produit en provenance d'un autre pays
simplement parce que celui-ci applique une politique différente de la
sienne en matière d'environnement et de santé ou dans le domaine
social.
Cela donnerait des possibilités pratiquement
illimitées à tout pays désireux d'appliquer
unilatéralement des restrictions au commerce -- non seulement pour faire
respecter ses propres lois chez lui, mais aussi pour imposer aux autres pays
ses normes nationales.
Rien n'empêcherait plus les abus à des fins
protectionnistes de se multiplier.
Cette situation irait à l'encontre de l'objectif
fondamental du système commercial multilatéral, qui est
d'instaurer la prévisibilité au moyen de règles
commerciales.
La tâche du Groupe spécial se limitait à
examiner comment les règles du GATT s'appliquaient en la
matière. Il n'avait pas à déterminer si les mesures
étaient correctes ou non d'un point de vue écologique. Il a
indiqué que la politique des États-Unis pouvait être mise
en
conformité avec les règles du GATT si les
membres acceptaient de modifier les règles ou décidaient
d'accorder une dérogation spéciale pour ce cas. Les membres
pourraient ainsi négocier sur les questions pertinentes et fixer des
limites pour empêcher les abus à des fins protectionnistes.
Le Groupe spécial devait également se prononcer
sur la prescription des Etats-Unis concernant l'apposition sur les produits
à base de thon d'étiquettes «dolphin-safe» (pêche
sans risque pour les dauphins), le consommateur étant libre de choisir
d'acheter ou non le produit. Il a conclu que cette prescription n'était
pas contraire aux règles du GATT, car elle avait pour objet
d'éviter la publicité mensongère en ce qui concernait les
produits à base de thon, qu'ils soient importés ou d'origine
nationale.
B Essence « nouvelle et ancienne formule
»(26)
1 Exposé des faits
Le 23 janvier 1995, quelques jours seulement après que
l'OMC et sa nouvelle procédure de règlement des différends
aient vu le jour, le Venezuela s'est plaint à l'Organe de
règlement des différends que les États-Unis appliquaient
des règles qui établissaient une discrimination à
l'encontre des importations d'essence. Le Venezuela a officiellement
demandé qu'il soit procédé à des consultations avec
les États-Unis, comme l'exigeait la procédure de règlement
des différends de l'OMC.
De quoi s'agit il : À la suite d'une modification
apportée en 1990 à la Loi sur la lutte contre la pollution
atmosphérique, l'Agence pour la protection de l'environnement (EPA) a
promulgué la Réglementation sur l'essence concernant la
composition et les effets polluants de l'essence, afin de réduire la
pollution atmosphérique aux États-Unis.
À partir du 1er janvier 1995, cette
Réglementation autorisait uniquement la vente d'essence
présentant un certain degré de propreté ("essence nouvelle
formule") dans les régions où la pollution atmosphérique
était la plus élevée. Dans le reste du pays, on ne pouvait
vendre que de l'essence qui n'était pas plus polluante que celle qui
avait été vendue pendant l'année de base 1990 ("essence
ancienne formule").
Le Venezuela et le Brésil ont allégué que la
Réglementation sur l'essence était incompatible, entre autres
choses, avec l'article III du GATT ("traitement national"), à savoir un
traitement égal accordé aux produits nationaux et aux produits
importés, et qu'elle n'était pas visée par l'article XX du
GATT (qui porte sur les exceptions générales aux règles, y
compris pour certaines raisons d'ordre environnemental).
Les États-Unis ont allégué que la
Réglementation sur l'essence était incompatible avec l'article
III et, en tous cas, était justifiée au titre des exceptions
figurant à l'article XX b), g) et d) du GATT.
2 Décisions
Le Groupe spécial a observé que l'essence
nationale bénéficiait en général du fait que le
vendeur qui était à la fois raffineur utilisait un niveau de base
individuel alors que ce n'était pas le cas pour l'essence
importée. Cela se traduisait par un traitement moins favorable pour
l'essence importée, comme l'illustrait le cas d'un lot d'essence
importée qui était chimiquement identique à un lot
d'essence nationale, lequel était conforme au niveau de base individuel
de
26 États-Unis - Normes concernant l'essence nouvelle et
ancienne formules, rapports adoptés le 20 mai 1996, WT/DS2/9 (rapports
de l'Organe d'appel et du Groupe spécial)
son raffineur mais non aux niveaux de base
réglementaires. Dans ce cas, la vente du lot d'essence importée
le premier jour d'une période annuelle obligerait l'importateur pendant
le reste de la période à vendre dans l'ensemble une essence plus
propre afin de rester en conformité avec la Réglementation sur
l'essence. En revanche, la vente du lot d'essence nationale chimiquement
identique le premier jour d'une période annuelle n'obligerait pas un
raffineur national à vendre dans l'ensemble une essence plus propre
pendant le reste de la période pour rester en conformité avec la
Réglementation.
Le Groupe spécial a aussi noté que ce traitement
moins favorable de l'essence importée incitait l'importateur, dans le
cas d'un lot d'essence importée non conforme au niveau de base
réglementaire, à importer ce lot à un prix plus bas. Cela
tenait au fait que l'importateur aurait à procéder à des
ajustements en matière de coût et de prix parce qu'il devait
importer une autre essence pour établir la moyenne avec le lot en
question de manière à se conformer au niveau de base
réglementaire. En outre, le Groupe spécial a rappelé un
rapport de groupe spécial antérieur où il était dit
que "les mots "ne seront pas soumis à un traitement moins favorable" qui
figurent au paragraphe 4 exigent l'égalité effective des
possibilités offertes aux produits importés en ce qui concerne
l'application des lois, règlements et prescriptions affectant la vente,
la mise en vente, l'achat, le transport, la distribution ou l'utilisation de
produits sur le marché
intérieur".(27) Le Groupe spécial a
donc constaté que, comme les méthodes d'établissement des
niveaux de base empêchaient en fait l'essence importée de
bénéficier de conditions de vente aussi favorables que celles
qu'accordait à l'essence nationale un niveau de base individuel
lié au producteur d'un produit, l'essence importée était
soumise à un traitement moins favorable que le traitement accordé
à l'essence nationale.
Le groupe spécial a également conclu que ce
traitement ne pouvait être justifié au titre des paragraphes b),
d) ou g).
Les États-Unis ont fait appel.
Le rapport de l'Organe d'appel a entériné les
conclusions du Groupe spécial (en apportant toutefois quelques
modifications à l'interprétation du droit faite par le Groupe
spécial). Il a constaté que les règles
d'établissement des niveaux de base figurant dans la
Réglementation sur l'essence relevaient de l'article XX g) mais ne
répondaient pas aux prescriptions établies dans le texte
introductif de l'article XX.
Section II: Faiblesse des conventions
environnementales
Cette faiblesse est due au fait que ces conventions sont
établies par secteur (paragraphe I) et posent quelques problèmes
dans leur mise en oeuvre (paragraphe II).
Paragraphe I: conventions surtout sectorielles
L'architecture des régimes environnementaux
internationaux doit refléter la structure du problème
traité. Un régime institué pour protéger la
diversité biologique ne peut utiliser les mêmes instruments,
mobiliser les mêmes parties prenantes et faire appel aux mêmes
dispositions institutionnelles que le cadre réglementaire conçu
pour protéger les océans contre la pollution par les
hydrocarbures ou celui élaboré pour réglementer le
commerce international des espèces en danger.
A Profusion normative
27 "Etats-Unis - L'article 337 de la Loi douanière de
1930", IBDD, S36/386, paragraphe 5.11 (rapport adopté le 7 novembre
1989).
1 Origine
Responsable pour partie de la crise écologique
actuelle, le droit se présente aussi comme un des principaux moyens d'y
faire face(28). Son utilité a
été très tôt reconnue. Ainsi, au IIIe siècle
avant Jésus-Christ, l'empereur indien Asoka adoptait le premier
édit protégeant différentes espèces de
faune(29).
Le développement du droit international de
l'environnement est toutefois beaucoup plus récent. Si quelques jalons
sont posés plus tôt telle la Convention de Paris relative à
la protection des oiseaux utiles à l'agriculture de 1902 , c'est
véritablement dans la seconde moitié du XXe siècle, et en
particulier depuis la fin des années 70, que les réglementations
visant la protection de l'environnement connaissent une croissance rapide, de
façon concomitante dans la plupart des Etats, « à la suite
de la prise de conscience que notre planète est menacée par
l'explosion démographique et ses conséquences, par l'impact d'une
technologie toujours plus envahissante et par la multiplication
désordonnée des activités humaines
>>(30). Sous la pression des opinions
publiques, alertées par les scientifiques, relayées par de
nombreuses associations et organisations non gouvernementales puis
internationales, les gouvernements trouvent dans les instruments juridiques un
moyen de lutter contre l'aggravation brutale de l'état de
l'environnement. Simultanément, la conscience du caractère
planétaire du danger et de la solidarité qui unit les
éléments de l'environnement, méconnaissant les
frontières politiques, stimule une coopération internationale.
S'inscrivant d'abord dans un cadre bilatéral, celle-ci
se manifeste rapidement aussi sur un plan multilatéral et donne
naissance à une activité réglementaire sans
précédent par son ampleur et sa rapidité. Les
développements sont rythmés par une série de catastrophes
écologiques.
Aujourd'hui, en faisant abstraction des traités
bilatéraux, encore bien plus abondants, plus de cinq cents
traités multilatéraux, pour l'essentiel régionaux, ont
été adoptés dans le domaine de l'environnement. Plus de
trois cents ont été négociés après 1972. La
voie conventionnelle a permis de formaliser, secteur après secteur,
domaine après domaine, des régimes internationaux,
institutionnalisés, organisés et soutenus par des engagements
financiers.
2 Conséquences
Ce foisonnement conventionnel présente certains
risques, poussés par divers facteurs, les Etats multiplient les
engagements.
Faut-il s'étonner, dès lors, que les moyens de
mettre en oeuvre les instruments adoptés - les « capacités
>> dans le jargon onusien - soient insuffisants, aussi bien sur le plan
institutionnel que financier, et en particulier dans les pays en
développement ?
La multiplication des conventions et autres instruments ne va
pas non plus sans poser des problèmes de cohérence. Le droit
international souffre d'une relative fragmentation, et d'autant plus forte et
préjudiciable qu'elle correspond à un compartimentage. Construits
dans l'urgence et sans réflexion préalable d'ensemble, les
espaces conventionnels ne sont pas
28 C.Huglo, C. Lepage-Jessua, 1995, La véritable nature du
droit de l'environnement. In Esprit, no 5, pp. 70 et ss.
29 N. de Sadeleer, 1993. La conservation de la nature
au-delà des espèces et des espaces : l'émergence des
concepts écologiques en droit international. In Images et usages de la
nature en droit, P. Gerard, F. Ost, M. Van de Kerchrove ed. Publications des
Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, p. 172.
30 A. Kiss, 1989. Droit international de l'environnement, Pedone,
Paris, p. 5.
hiérarchisés, sauf de très rares exceptions
comme les systèmes constitués par une convention-cadre et ses
protocoles additionnels.
Peu reliés entre eux, ils n'offrent pas non plus
l'image d'un réseau, mais davantage celle d'une juxtaposition d'espaces
parallèles. Les espoirs exprimés en 1992 dans Action 21 (chapitre
38) sont déçus de ce point de vue. Comme le résume une
résolution de l'Institut du droit international de 1997, « le
développement du droit international de l'environnement s'est
effectué d'une manière non coordonnée, se traduisant par
des doubles emplois, des incohérences et des lacunes
»(31).
Au regard de la modestie des résultats, la
prolifération normative a pris des allures de fuite en avant.
Aussi le plan d'application du Sommet mondial pour le
développement durable (SMDD) de Johannesburg déclare qu'il est
nécessaire de « consacrer moins de temps à la
négociation des textes à adopter et davantage à l'examen
des questions concrètes d'application » (156)... Par ailleurs, il
insiste à de multiples reprises sur la nécessité de
ratifier et d'appliquer les différentes conventions
existantes(32).
B Vitalité institutionnelle
1 Structures inadaptées
Au réseau conventionnel très dense auquel a
donné naissance le champ de l'environnement sur le plan international,
correspond un réseau institutionnel, non moins dense et complexe. La
pratique tend, tout au moins depuis le début des années 70,
à créer des institutions ad hoc pour chaque nouvelle
convention adoptée. Ces structures présentent une grande
diversité, qui tient en partie à leur date de mise en place,
à leur caractère régional ou universel, et à leur
objet. Leur nature juridique est incertaine et sans doute variable ; leur
composition, leurs attributions et leurs moyens s'avèrent très
disparates. Leur organisation semble toutefois converger vers un modèle
institutionnel en forme de triptyque, chaque nouvelle convention s'inspirant
des précédentes. Les structures de coopération
instituées sont composées généralement d'un ou
plusieurs organes directeurs de nature politique - instance(s)
décisionnelle(s) -, de structures scientifiques - instances
consultatives composées d'experts - et de structures administratives
chargées du secrétariat ; parfois s'y ajoutent des
mécanismes d'échange d'information (clearing-house mechanism),
des mécanismes financiers ou encore des centres régionaux.
Par ailleurs le PNUE conçu à l'origine comme un
catalyseur devant stimuler l'action de ces différentes institutions,
souffre de déficiences structurelles. De par son statut et ses moyens,
il ne peut exercer une grande autorité ni sur les Etats, ni sur les
organisations internationales. En particulier, il ne dispose pas de moyens de
contrainte. A cela s'ajoute sa structure institutionnelle lourde et complexe,
dont beaucoup d'Etats critiquent l'opacité, et qui ne constitue pas un
gage d'efficacité
2 La difficile coordination entre les
institutions
La profusion institutionnelle ne va pas sans poser de
difficultés pratiques. Ainsi, « l'accroissement de la
complexité et du morcellement de la gouvernance internationale en
31 IDI, 1997. Procédures d'adoption et de mise en oeuvre
des règles en matière d'environnement, Résolution du 4
septembre, RBDI, no 1997/2, p. 497.
32 Notamment aux conventions PIC et POP (23, a)), à la
Convention de Bale (e), à celle des Nations unies sur le droit de la mer
(30, a)), à la Convention sur la diversité biologique et à
son Protocole sur la biosécurité (44).
matière d'environnement tient en partie à
l'augmentation du nombre des acteurs, tant gouvernementaux que non
gouvernementaux, dans le domaine de l'environnement. En outre, la
prolifération des organes des Nations unies et d'autres organismes
internationaux qui s'occupent de questions d'environnement ne fait qu'ajouter
à cette complexité » : tel est le constat dressé par
un récent rapport du PNUE(33).
La situation actuelle y est parfaitement résumée
: << La multiplication des institutions, des problèmes et des
accords relatifs à l'environnement met les systèmes actuels et
notre aptitude à les gérer à rude épreuve.
L'accroissement continuel du nombre des organes internationaux
compétents en matière d'environnement comporte le risque d'une
réduction de la participation des Etats du fait que leurs
capacités sont limitées alors que la charge de travail augmente,
et rend nécessaire l'instauration ou le renforcement de synergies entre
tous ces organes. Appuyées mollement et oeuvrant en ordre
dispersé, ces institutions sont moins efficaces qu'elles ne pourraient
l'être, tandis que les ponctions sur leurs ressources continuent
d'augmenter. La prolifération des exigences internationales a
imposé des contraintes particulièrement lourdes aux pays en
développement, qui, souvent, ne disposent pas des moyens
nécessaires pour participer efficacement à l'élaboration
et à l'application des politiques internationales en matière
d'environnement»(34).
Dans ces conditions, les questions d'articulation
institutionnelle deviennent centrales. Elles ont fait l'objet d'une
série de décisions intergouvernementales ; diverses initiatives
ont été lancées pour réfléchir aux moyens
d'améliorer le fonctionnement du (non-) système. Le renforcement
de la coopération inter-institutions suscite à son tour la
création de nouveaux organes et institutions dits de <<
coordination ». Certes, la coopération s'ébauche entre
espaces conventionnels(35), mais toutes les
possibilités sont loin d'être
explorées(36)
Un regroupement géographique des secrétariats
conventionnels, l'amélioration de la coopération entre eux, sont
sans doute souhaitables.
De nombreuses pistes sont à explorer dans cette
thématique du clustering.
Paragraphe II: La difficile mise en application
Les engagements que les Etats acceptent sont
généralement conformes à leurs intérêts et
ils n'ont pas de raison de les méconnaître, c'est l'exemple du
traité de commerce. Or, dans le domaine de l'environnement, souvent les
Etats ne tirent pas d'avantage direct de l'adhésion à une
convention ; cette adhésion est réalisée pour le bien
commun ou pour les générations futures. Elle peut même
heurter leurs intérêts. Ils rencontrent des difficultés
d'autant plus vives pour la mise en oeuvre.
A Difficulté inhérente à l'ordre
juridique international
33 PNUE, 2001. Gouvernance internationale en matière
d'environnement. Rapport du directeur exécutif. UNEP/IGM/1/2, 4 avril,
p. 17.
34 Idem, p. 19
35 Notamment progression remarquable du nombre des
mémorandums d'accord (ou memorandum of understanding, soit MOUs)
signés entre des conventions, qui témoigne d'une volonté
politique accrue de collaborer plus étroitement dans la mise en oeuvre
de leurs programmes de travail durant cette période (principalement pour
les accords sur la biodiversité et les mers régionales). Les
mémorandums d'accord se rapportent à des plans de travail
communs, des mesures d'application ou à la mise en place d'un
mécanisme d'information.
36 Cf. les propositions du Open-Ended Intergovernmental Group
of Ministers or their Representatives on international environmental
governance. Proposal for a systematic approach to coordination of multilateral
environmental agreements. 2nd Meeting, Bonn, 17 July 2001, UNEP/IGM/2/5, p.
8.
1 Le volontarisme de l'Etat
Le droit international bute sur un dilemme. Le besoin d'une
hiérarchie et d'une contrainte - pour négocier, coopérer,
définir des instruments de régulation et les appliquer - n'a
jamais été aussi vif. Mais la société
internationale actuelle demeure une société de juxtaposition
d'entités souveraines non hiérarchisées, encore
marquée par le primat du consentement. L'une des caractéristiques
de l'ordre juridique international, dont les Etats sont les principaux acteurs,
est que ces derniers sont à l'origine de la formation du droit - tout au
moins des sources classiques et sont chargé de son exécution Les
Etats sont libres de s'engager ou non: en acceptant des normes externes, ils
s'autolimitent. Sauf très rares exceptions, dans une « logique
intersubjective >>
L'accord de l'Etat demeure seul à l'origine des
obligations à sa charge(37). Le volontarisme
fait obstacle au développement d'un droit
commun(38). En témoigne l'échec de
constructions collectivistes passées, tel le patrimoine commun de
l'humanité, ou la panne actuelle des jus cogens, obligations erga
omnes, crimes internationaux de l'Etat et autres normes
intransgressibles du droit international, avec leurs prolongements dans le
droit des traités ou de la responsabilité. Les progrès
dans la construction d'un ordre public international sont tout relatifs. Ils le
sont également dans la reconnaissance de l'environnement comme «
une valeur commune à l'humanité toute entière, dont la
préservation est l'affaire de la communauté internationale dans
son ensemble, et que l'on retrouve dans les règles qui lui sont
applicables la plupart des principes relatifs au patrimoine commun de
l'humanité : absence de réciprocité, obligation de
conservation et de gestion rationnelle, non-appropriation
>>(39) Il est un fait que les Etats
conservent des compétences quasi-exclusives et ont une
responsabilité première en la matière. L'engouement -
surtout doctrinal - pour le concept de bien public mondial ne devrait pas
changer la donne, tout au moins dans l'immédiat, en raison de ses
imprécisions juridiques(40).Malgré
d'importants progrès aussi bien institutionnels que normatifs, le
célèbre passage du Lotus selon lequel « les
règles de droit liant les Etats procèdent de la volonté de
ceux-ci >> demeure valide(41).Les conceptions
patrimoniales ne sont « pas en adéquation avec la structure de la
société internationale, d'ou sont absentes la hiérarchie
des organes et l'intégration, nécessaires à la
détermination plus précise de leur substance et à leur
mise en oeuvre >>(42). Et il est bien
difficile d'élaborer des règles dans un « secteur comme
l'environnement, ou il existe un intérêt général,
mais dont la prise en charge supposerait l'acceptation de contraintes
supérieures à la somme des intérêts individuels
>>.(43)
Il ne faut jamais occulter le fait que le droit international
« n'a cessé d'être élaboré et mu par les
intérêts individuels des Etats et en fonction du rapport de leur
puissance respective >>. Si «
37 Voir J.-F. Marchi, 2002. Accord de l'Etat et droit des Nations
unies. Etude du système juridique d'une organisation internationale. La
Documentation française, Paris, p. 8
38 Cf. M. Chemillier-Gendreau, 2000. Droit international et
démocratie mondiale. Les raisons d'un échec. Op. cit.,
p. 12.
39 P. Daillier, A. Pellet, 1999. Droit international public,
op. cit., p. 1225.
40 I. Kaul, I. Grunberd, M.A. Stern, 2002. Les biens publics
à l'échelle mondiale. La coopération internationale au
XXIe siècle. Economica, Paris, 290 p. ; I. Kaul, 2000. Biens publics
globaux, un concept révolutionnaire. Le Monde diplomatique, juin, p.
22.
41 CPJI, arrêt du 7 septembre 1927, série
1, no 10.
42 H. Ruiz Fabri, 2000. Le droit dans les relations
internationales. Politique étrangère, no 3-4, p. 665.
43 Ibid, p. 666.
tout a changé, puisque tant de nouveau est apparu pour
régler des problèmes inédits ou modifier des règles
préexistantes (...), rien n'a vraiment changé, puisque le plus
fondamental, sinon dans les principes substantiels, du moins dans les modes de
fonctionnement, s'est conservé. Bel exemple d'homéostasie ?
».(44)
2 La difficile application des normes
environnementales
Dans le champ de l'environnement, la violation d'une
obligation conventionnelle résulte rarement d'un acte
délibéré et prémédité. La mise en
oeuvre des règles est rendue difficile par trois facteurs : la mollesse
des normes, abondance de la soft Law, caractère souvent
très général des obligations, faiblement contraignantes,
non quantifiées, atténuées ; le caractère non auto
exécutoire de la plupart des obligations ; le fait que les
mécanismes classiques de réaction à la violation
substantielle d'une obligation conventionnelle sont mal adaptés lorsque
l'obligation constitue un engagement unilatéral, exempt de
réciprocité.(45) Les manquements
trouvent aussi leur source dans les difficultés d'interprétation
de conventions peu claires et/ou, peu précises, ou encore dans
l'incapacité de la convention à évoluer et à
prendre acte de changements de circonstances, nouvelles découvertes
scientifiques par exemple.
Les insuffisances de la mise en oeuvre trouvent aussi leur
source dans l'incapacité matérielle à se conformer
à des obligations internationales dont l'application a souvent un
coût économique et social très important. Pour rendre
compte de la réalité dans son ensemble, l'analyse juridique doit
être au moins complétée par des analyses sociologiques et
économiques. De ce point de vue, la théorie des
régimes(46) contribue à expliquer les
différences de résultats et d'effectivité d'un
régime à l'autre.
Dans une réflexion plus prospective, elle permet
d'ébaucher les formes que doivent prendre les dispositifs internationaux
pour être les plus efficaces et effectifs.
Les analyses d'Oran Young rendent bien compte des
difficultés pratiques rencontrées par les régimes ou
institutions internationales.
Ces difficultés sont rangées en trois
catégories :
-des problèmes d'adéquation (fit), de
décalage entre les besoins de l'environnement, des
écosystèmes et les institutions (institutional misfits). En tant
que construits sociaux, les institutions devraient pouvoir être
adaptées aux caractères bio géophysiques des
problèmes environnementaux. Pourtant, il existe des décalages et,
même lorsqu'ils sont identifiés en tant que tels, il est difficile
d'y remédier ;
- des problèmes d'interactions (interplay), qui concernent
les liens horizontaux ou verticaux existant entre les différentes
institutions ;
- des problèmes d'échelle (scale), qui concernent
les différences d'évolution à différentes
échelles spatiales et temporelles.(47)
44 Ibid, p. 660.
45 A. Kiss, 1991. Un nouveau défi pour le droit
international. In Projet, vol. 226, p. 53.
46 Définition de Stephan Krasner : « Un ensemble
de principes, de normes, de règles et de procédures de
décision implicites ou explicites, autour desquels les attentes des
acteurs convergent dans un domaine spécifique », S. D. Krasner
et al., 1983. International Regimes, Ithaca, Cornell
University Press, 372 p.
47 Oran R. Young, 2002. Matching institutions and ecosystems: the
problem of fit. Les séminaires de l'Iddri, Iddri.
Les difficultés rencontrées ont
entraîné le développement de techniques spécifiques
de mise en oeuvre, en cherchant à adapter le droit et les
procédures aux enjeux.
B Le problème d'efficacité et
d'effectivité des normes
Si l'on s'en tient au seul plan conventionnel, pour que les
normes posées soient concrètement réalisées, encore
faut-il que les conventions répondent à une double condition :
être efficaces et effectives.
1 Les conditions d'efficacité des
normes
Avec C. de Visscher, on peut tenir << pour efficaces les
dispositions d'un acte international (...) quand, considérées en
elles mêmes, elles sont en adéquation aux fins proposées
>>.(48)
Cette première condition n'est pas aisément
remplie dans le domaine de l'environnement. Par manque de connaissance ou par
défaut de consensus, les objectifs environnementaux à atteindre
ou les méthodes à suivre sont souvent peu clairement
formulés. Ce niveau de réflexion mène hors des
frontières du droit, dès lors qu'il s'agit de répondre,
à partir d'une analyse substantielle, à la question : la
qualité de l'environnement ou l'état de la ressource peuvent-ils
être améliorés grâce au régime ou au
traité ? Encore faut-il connaitre les << besoins >> de
l'environnement ou de la ressource et être en mesure de les combler, ce
qui s'avère plus ou moins facile selon les cas.
Ensuite, les normes doivent être effectives, car
l'efficacité d'un instrument international ne préjuge pas de son
effectivité.
2 La difficile effectivité des normes
Avec C. de Visscher, on peut tenir pour effectives les
dispositions d'un traité << selon qu'elles se seront
révélées capables ou non de déterminer chez les
intéressés les comportements recherchés
>>.(49)
Or, la remarque d'ordre général de cet auteur
selon laquelle << trop (de traités) dotés d'une
efficacité certaine et pourvus d'adhésions nominales nombreuses
restent démunis d'effectivité
>>(50) s'applique bien au droit international
de l'environnement. Si les progrès de la coopération
internationale sont notables (encore faut-il que les instruments entrent en
vigueur rapidement et reçoivent une participation large et
adaptée à leur objet), l'application nationale, notamment par la
transcription des normes internationales dans les droits internes, demeure
insuffisante. La plupart des obligations ne sont pas auto-exécutoires ;
de plus, les mécanismes classiques de réaction à la
violation substantielle d'une obligation conventionnelle sont mal
adaptés lorsque l'obligation constitue un engagement unilatéral,
exempt de réciprocité. Cela contribue à rendre difficile
la mise en oeuvre des règles
posées.(51)
A priori, si ces deux conditions -efficacité et
effectivité - sont remplies, in fine la qualité de
l'environnement ou l'état de la ressource sera amélioré
grâce au régime ou traité
(problemsolving(52).Le régime ou
traité est alors effective au sens anglais ;
48 C. de Visscher, 1967. Les effectivités du droit
international public. Pedone, Paris, p. 18.
49 Ibid.
50 Ibid.
51 A. Kiss, 1991. Un nouveau défi pour le droit
international. In Projet, vol. 226, p. 53.
52 Kehoane Robert O. et al., 1993. The effectiveness of
International Environmental Institutions. In Institutions for the Earth-Sources
of effective international environmental protection, Peter M. Haas et al. Eds.,
Cambridge, MIT Press, p. 7.
L'effectiveness couvrant ces deux
aspects(53). L'effectiveness of est analysée
comme l'«impact of a given international institution in terms of
problem-solving or achieving its policy objectives
«(54). Outre le caractère
polysémique du terme, l'évaluation de l'effectiveness n'est
toutefois pas aisée en raison de la complexité de systèmes
sociaux et de systèmes écologiques en perpétuelle
évolution, mais aussi de la difficulté d'établir un lien
de causalité entre la mesure de politique internationale et le
résultat observé(55). La chaîne
d'action reliant les régimes, les politiques, les personnes à
l'environnement naturel est complexe et incertaine,
discontinue(56).
Certains succès politiques ne sont pas conjugués
avec des réussites sur le plan
environnemental(57). Des indicateurs
adéquats de cette effectivité font encore défaut.
L'effectiveness est multidimensionnelle. Le régime pourra être
jugé effective s'il :
-assure la protection de l'environnement ;
-conduit au respect des règles et standards posés
;
- conduit à la modification souhaitée du
comportement humain ;
- est transposé aux différents niveaux
institutionnels (régional, national, local) par l'adoption de lois,
règlements et la conduite de certaines activités administratives
;
- a un impact à travers sa seule existence,
indépendamment de l'adoption de mesures
spécifiques(58).
Or, rares sont les régimes qui réunissent toutes
ces dimensions. Cela n'est possible que lorsque les problèmes
environnementaux sont bien délimités et bien compris, et que les
changements économiques et sociaux requis sont réduits. Le plus
souvent, un régime n'est effectif qu'au regard de l'une ou l'autre de
ces dimensions(59).
53 Selon la définition de Hasenclever et al.
<< A regime is effective to the extent that it achieves the objectives or
purposes for which it was intended and to the extent that its members abide by
its norms and rules « . Interests, power, knowledge: the study of
international regimes. International Studies Review, 1996, 40, pp. 177-228.
54 A distinguer de implementation of <<
process of putting international rules into legal and administrative practice
i.e. incorporating them into domestic law, providing administrative
infrastructure and resources necessary to put the rule into practice, and
instituting effective monitoring and enforcement mechanisms, both
internationally and domestically » et de compliance with <<
rule-consistent behavior, i.e. `state of conformity or identity between an
actor's behavior and a specified rule' », selon T. Risse, Rational choice,
constructivism and the study of international institutions
55 Konrad Von Moltke, 2000. Research on the effectiveness of
international environmental agreements: lessons for policy makers. Paper
prepared for the Final Conference of the EU Concerted Action on Regime
Effectiveness, IDEC, 9-12 novembre, Barcelona, pp. 4-5.
56 Ibid., p. 4
57 Voir par exemple les analyses de G. K.tting, 2000.
Distinguishing between institutional and environmental effectiveness in
international environmental agreements: the case of the Mediterranean Action
Plan. The International Journal of Peace Studies, vol 5, no 1,
http://www.gmu.edu.academic/ijps.
58 Konrad Von Moltke, 2000. Research on the effectiveness of
international environmental agreements: lessons for policy makers. Paper
prepared for the Final Conference of the EU Concerted Action on Regime
Effectiveness, IDEC, 9-12 novembre, Barcelona, pp. 5-6.
59 Ibid. p. 6. Voir l'ouvrage de O. Young, 1999. The
effectiveness of international environmental regimes. Causal connections and
behavioral mechanisms. MIT Press, Cambridge, 326 p.
DEUXIEME PARTIE: LA NECESSITE DE
L'INTERDEPENDANCE ENTRE
COMMERCE INTERNATIONAL ET
ENVIRONNEMENT
Bien qu'au début les problèmes concernant la
protection de l'environnement et le commerce ait été
traités séparément, à la base, le commerce et
l'environnement sont liés du fait que toute activité
économique est fondée sur l'environnement. C'est de ce dernier
que proviennent tous les intrants de base (les métaux et les
minéraux, le sol, le couvert forestier et les ressources halieutiques)
ainsi que l'énergie nécessaire à leur transformation.
C'est également l'environnement qui reçoit les
déchets produits par l'activité économique. Les
préoccupations environnementales influent aussi sur le commerce, dans la
mesure où les exportateurs doivent répondre aux demandes du
marché pour des produits et des services plus respectueux de
l'environnement.
Nous allons étudier dans un premier chapitre la
difficile intégration des préoccupations environnementales
à l'OMC et dans un second chapitre les conditions d'une réelle
convergence entre la protection de l'environnement et le commerce
international.
Chapitre I: La difficile intégration de
l'environnement à l' OMC
L'OMC, en tant qu'organisation internationale répondant
au principe de spécialité, n'a pas vocation à
appréhender directement les questions environnementales. Pour autant,
les politiques commerciales et les politiques environnementales ne sont pas
cloisonnées dans la mesure où ces dernières ont une
incidence sur le commerce international et le commerce international produit
à son tour des effets sur l'état de l'environnement.
Ainsi, l'environnement est abordé dans plusieurs
accords de l'OMC (section I), l'organisation commerciale a également mis
en place un comité chargé de traiter des questions
environnementales liées au commerce (section II)
Section I: L'environnement dans les accords de l'
OMC
Depuis 1947, le GATT s'est considérablement
développé à travers les conférences commerciales
multilatérales, organisées afin de procéder à des
aménagements des accords ou d'intégrer de nouveaux domaines.
Cette évolution a abouti avec l'Uruguay Round à la signature des
accords de Marrakech les 14 et 15 avril 1994. Elle fut l'occasion pour les
Etats d'adopter une décision sur le commerce et l'environnement,
reconnaissant ainsi la corrélation étroite entre
développement économique et protection de l'environnement. C'est
ainsi que dans différents accords de l'OMC des efforts sont entrepris en
faveur de l'environnement. Cependant, il y a lieu de noter qu'ils sont encore
largement limités.
Paragraphe I: Le GATT
Normalement, lorsque la loi nationale d'un Etat est
incompatible avec les dispositions du système commercial
multilatéral, l'Etat est tenu de l'abroger ou de la modifier dans un
délai raisonnable qui varie en général de 15 à 18
mois.
Cependant, l'article XX du GATT prévoit explicitement
certaines exceptions à cette règle. Deux de ces exceptions
présentent un intérêt particulier pour la protection de
l'environnement. Il s'agit des paragraphes b) et g), qui s'énoncent
comme suit:
Sous réserve que ces mesures ne soient pas
appliquées de façon à constituer soit un moyen
de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les
mêmes conditions existent, soit
une restriction déguisée au commerce
international, rien dans le présent Accord ne sera
interprété comme empêchant l'adoption ou l'application par
toute partie contractante des mesures [...]
b) nécessaires a la protection de la santé et de la
vie des personnes et des animaux ou a la préservation des
végétaux; [...]
g) se rapportant a la conservation des ressources naturelles
épuisables, si de telles mesures sont appliquées conjointement
avec des restrictions a la production ou a la consommation nationales.
A Les exceptions de l'article XX
1 L'alinéa b
Pour déterminer si une mesure est
«nécessaire» a la protection de la santé et de la vie
des personnes et des animaux ou a la préservation des
végétaux au sens de l'article XX b), l'Organe d'appel a eu
recours a un processus de soupesage et de mise en balance d'une série de
facteurs, y compris la contribution de la mesure environnementale a la
réalisation de l'objectif général, l'importance des
intérêts ou valeurs communs que la mesure protège et
l'incidence de la mesure sur le commerce international. Si cette analyse
aboutit a une conclusion préliminaire établissant que la mesure
est nécessaire, ce résultat doit être confirmé par
une comparaison entre la mesure et les solutions de rechange possibles, qui
peuvent être moins restrictives pour le commerce tout en apportant une
contribution équivalente a la réalisation de l'objectif
poursuivi.
Par exemple, dans l'affaire Brésil -- Pneumatiques
rechapés(60), l'Organe d'appel a
constaté que l'interdiction d'importer des pneumatiques rechapés
était «a même d'apporter une contribution importante a la
réalisation de son objectif» a savoir, la réduction des
volumes de pneumatiques de rebut. L'Organe d'appel a également
constaté que les solutions de rechange proposées, qui avaient un
caractère essentiellement correctif (mesures de gestion et
d'élimination des déchets), n'étaient pas de
véritables substituts de l'interdiction d'importer, laquelle pouvait
empêcher l'accumulation de pneumatiques.
Dans cette même affaire l'Organe d'appel a reconnu que
certains problèmes complexes liés a l'environnement peuvent
être traités uniquement au moyen d'une politique globale
comprenant de multiples mesures interdépendantes. Il a souligné
que les résultats obtenus grâce a
certaines actions -- par exemple des mesures adoptées en
vue de lutter contre le réchauffement de la planète et le
changement du climat -- peuvent uniquement être évalués
avec le recul.
Dans l'affaire CE -- Amiante(61) ,
l'Organe d'appel a également constaté, après avoir
soupesé et mis en balance une série de facteurs, qu'il n'existait
pas de solution raisonnablement disponible autre que la prohibition des
échanges. Cela visait manifestement a atteindre le niveau de protection
de la santé voulu par la France, et la valeur poursuivie par la mesure a
été considérée comme «a la fois vitale et
importante au plus haut point». L'Organe d'appel a fait
60 Brésil - Mesures visant l'importation de pneumatiques
rechapés - AB-2007-4 - Rapport de l'Organe d'appel WT/DS332/AB/R 3
décembre 2007
61 Communautés Européennes - Mesures affectant
l'amiante et les produits en contenant - AB-2000-11 - Rapport de l'Organe
d'appel WT/DS135/AB/R 12 mars 2001
valoir que plus l'intérêt commun ou les valeurs
poursuivis étaient vitaux ou importants, plus il était facile
d'admettre la nécessité de mesures conçues pour atteindre
ces objectifs.
2 L'alinéa g
Pour qu'une mesure «se rapporte» à la
conservation des ressources naturelles épuisables, il faut
établir l'existence d'une relation substantielle entre la mesure et la
conservation de ces ressources. Selon les termes de l'Organe d'appel, un Membre
doit établir que les moyens (la mesure choisie) «correspondent
raisonnablement» à la fin (l'objectif général
déclaré de conservation des ressources naturelles
épuisables). De plus, pour être justifiée au regard de
l'article XX g), une mesure affectant les importations doit être
appliquée «conjointement avec des restrictions à la
production ou à la consommation nationales» (obligation
d'impartialité).
Dans l'affaire États-Unis --
Essence(62), les États-Unis avaient
adopté une mesure réglementant la composition de l'essence et ses
effets en matière d'émissions afin de réduire la pollution
de l'air dans ce pays. L'Organe d'appel a constaté que la mesure choisie
«visait principalement» l'objectif général de
conservation de l'air pur aux États-Unis et relevait en
conséquence de l'article XX g). Quant à la deuxième
prescription du paragraphe g), l'Organe d'appel a décidé que la
mesure satisfaisait à l'obligation d'impartialité, car elle
concernait à la fois les produits importés et les produits
d'origine nationale.
Dans l'affaire États-Unis --
Crevettes(63), l'Organe d'appel a
considéré que la structure et la conception
générales de la mesure en question étaient « assez
étroitement définies» et qu'il ne s'agissait pas d'une
simple interdiction générale de l'importation des crevettes
imposée au mépris des conséquences sur les tortues
marines; c'est pourquoi il a conclu que la réglementation en question
était une mesure «se rapportant» à la conservation
d'une ressource naturelle épuisable au sens de l'article XX g). Il a
également considéré que la mesure en question était
appliquée conjointement avec des restrictions frappant la pêche
des crevettes au niveau national, comme le prescrit l'article XX g).
B L'interprétation du chapeau
introductif
Si la loi remplit les critères présentés
ci-dessus, elle doit aussi satisfaire ceux que prévoit le chapeau ou le
paragraphe introductif de l'article XX, qui traite de la façon dont la
loi s'applique. Les trois critères énoncés dans le chapeau
ont pour objet de déterminer si la mesure est appliquée de
façon à constituer
- un moyen de discrimination arbitraire,
- un moyen de discrimination injustifiable ou
- une restriction déguisée au commerce
international.
Pour vérifier si la loi remplit ces critères les
jurisprudences de l'ORD ont établi différentes conditions
notamment :
- Rôle de la coordination et de la coopération
internationales
Dans la décision prise dans le cadre de l'affaire
États-Unis -- Essence, l'Organe d'appel a considéré que
les États-Unis n'avaient pas suffisamment étudié la
possibilité de conclure des arrangements de coopération avec les
pays affectés afin d'atténuer les problèmes administratifs
qu'ils évoquaient pour justifier le traitement discriminatoire.
62 Cf note 27
63 Cf note 6
De plus, dans l'affaire États-Unis -- Crevettes, le
fait que les États-Unis «aient traité les Membres de l'OMC
d'une manière différente» en adoptant, pour la protection
des tortues marines, une approche fondée sur la coopération avec
certains Membres et pas avec d'autres montrait aussi que la mesure était
appliquée d'une manière établissant une discrimination
injustifiable entre les Membres de l'OMC.
Au stade de la mise en conformité, dans cette affaire,
l'Organe d'appel a constaté que, étant donné les efforts
sérieux de bonne foi faits par les États-Unis pour
négocier un accord international sur la protection des tortues marines,
y compris avec le plaignant, la mesure n'était plus appliquée de
façon à constituer un moyen de discrimination arbitraire ou
injustifiable.
L'Organe d'appel a également reconnu que
««autant que possible», la préférence est
largement donnée à une approche multilatérale» par
rapport à une approche unilatérale. Mais il a ajouté que,
si la conclusion d'accords multilatéraux était
préférable, elle ne constituait pas une condition
préalable pour bénéficier des justifications offertes
à l'article XX afin d'appliquer une mesure environnementale
nationale.
- Flexibilité de la mesure pour tenir compte des
situations différentes dans différents pays Dans l'affaire
États-Unis -- Crevettes, l'Organe d'appel a estimé que la
rigidité et l'inflexibilité caractérisant l'application de
la mesure (par exemple parce qu'elle ne tenait pas compte des conditions
existant dans d'autres pays) constituaient une discrimination injustifiable. Il
a été jugé inacceptable qu'un Membre exige d'un autre
Membre qu'il adopte essentiellement le même programme de
réglementation sans tenir compte du fait que les conditions existant
dans d'autres pays Membres pouvaient être différentes et que les
solutions de principe pouvaient être mal adaptées à ces
conditions particulières. Afin de mettre en oeuvre les recommandations
du groupe spécial et de l'Organe d'appel, les États-Unis ont
révisé leur mesure et subordonné l'accès au
marché à l'adoption d'un programme comparable au leur du point de
vue de l'efficacité (et non à l'adoption essentiellement du
même programme). Pour l'Organe d'appel, dans l'affaire
États-Unis-- Crevettes (article 21:5), cela a permis une
flexibilité suffisante dans l'application de la mesure afin
d'éviter une «discrimination arbitraire ou injustifiable».
- Conception de la mesure
Enfin, une mesure environnementale ne peut pas constituer
«une restriction déguisée au commerce international»,
à savoir avoir des effets protectionnistes. Dans des affaires
antérieures, il a été constaté que l'application de
la mesure à des fins de protection pouvait, le plus souvent, être
déterminée d'après sa «conception, ses principes de
base et sa structure révélatrice». Par exemple, dans
l'affaire États-Unis--Crevettes (article 21:5), le fait que la mesure
révisée autorisait les pays exportateurs à appliquer des
programmes ne prévoyant pas l'utilisation obligatoire de DET et offrait
une assistance technique pour encourager l'utilisation de DET dans les pays
tiers montrait que la mesure n'était pas appliquée de
façon à constituer une restriction déguisée au
commerce international.
Paragraphe II: Autres accords de l' OMC touchant à
l'environnement Les accords sur le commerce des marchandises et le
commerce des services contiennent plusieurs exceptions environnementales
A Le commerce des marchandises
1 L'Accord sur l'application des mesures sanitaires et
phytosanitaires
L'Accord sur l'application des mesures sanitaires et
phytosanitaires (<<Accord SPS>>) a été
négocié au cours du Cycle d'Uruguay.
Cet accord élabore des règles se rapportant
à l'utilisation des mesures sanitaires et
phytosanitaires, et incorpore notamment les exceptions de
l'article XX du GATT de 1947, qui sont susceptibles d'affecter le commerce
international de façon directe ou indirecte. Il traite de la
réglementation nationale et des interdictions d'importation relatives
à la sécurité alimentaire et aux contaminants de la
nourriture. En vertu de son l'article 2:
"Les Membres ont le droit de prendre des mesures sanitaires et
phytosanitaires qui sont nécessaires à la protection de la
santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la
préservation des végétaux à condition que ces
mesures ne soient pas incompatibles avec les dispositions du présent
accord."
Ainsi les gouvernements appliquent des mesures sanitaires et
phytosanitaires afin de garantir que les produits alimentaires sont exempts des
risques résultant d'additifs, de contaminants, de toxines ou
d'organismes pathogènes, d'empêcher la diffusion d'organismes
pathogènes végétaux, animaux ou autres et de
prévenir l'apparition des parasites ou de lutter contre eux. Ces mesures
sont appliquées aux produits alimentaires d'origine nationale ou aux
maladies locales des animaux et des végétaux ainsi qu'aux
produits provenant d'autres pays. L'Accord SPS reconnaît que les
gouvernements ont légitimement le droit de maintenir le niveau de
protection sanitaire qu'ils jugent approprié mais garantit en même
temps qu'il n'est pas fait un usage abusif de ce droit et que celui-ci
n'entraîne pas l'apparition d'obstacles non nécessaires au
commerce international.
Les gouvernements sont encouragés à harmoniser
leurs prescriptions SPS, c'est-à-dire à les fonder sur les
normes, lignes directrices ou recommandations internationales
élaborées par des organisations internationales telles que la
Commission FAO/OMS du Codex Alimentarius, l'Office international des
épizooties et la Convention internationale pour la protection des
végétaux. Néanmoins, les gouvernements ont le droit de
fixer des normes nationales plus rigoureuses si les normes internationales
pertinentes ne répondent pas à leurs besoins. Cependant, les
mesures SPS doivent avoir une justification scientifique ou être
établies sur la base d'une évaluation des risques pour la
santé et la vie des personnes et des animaux ou pour la
préservation des végétaux.
2 L'Accord sur les obstacles techniques au
commerce
L'Accord de l'OMC sur les obstacles techniques au commerce
(<<Accord OTC>>), qui régit l'élaboration,
l'adoption, et l'application de prescriptions techniques relatives aux produits
et des procédures suivies pour évaluer leur respect, a
été finalisé au cours du Cycle d'Uruguay. Il s'appuie sur
le Code de la normalisation de 1979, négocié au cours du Tokyo
Round, et le renforce. Cet accord présente un intérêt
particulier pour ce qui est des aspects commerciaux de la politique
environnementale.
L'Accord reconnaît que rien ne saurait empêcher un
pays de prendre les mesures nécessaires pour chercher à atteindre
différents grands objectifs, tels que la protection de la santé
publique ou de l'environnement et que chaque pays a le droit de
déterminer le niveau de protection qu'il estime approprié.
Cependant, les gouvernements sont tenus d'appliquer les
règlements techniques et les normes de manière non
discriminatoire. Ils doivent également faire en sorte que les
règlements techniques et normes ne créent pas d'obstacles non
nécessaires au commerce. Énumérant, à titre
indicatif, les objectifs légitimes, l'Accord mentionne la
sécurité nationale, la prévention de pratiques de nature
à induire en erreur, la protection de la santé ou de la
sécurité des personnes, de la vie ou de la santé des
animaux ou la protection de l'environnement.
À l'OMC, la plupart des mesures environnementales qui
touchent au commerce ont été notifiées au titre de
l'Accord OTC. Depuis l'entrée en vigueur dudit accord, le 1er janvier
1995, le Secrétariat a reçu près de 2300 notifications,
dont quelque 11 pour cent ont trait à l'environnement. Cette
catégorie comprend des mesures de réduction de la pollution, de
gestion des déchets, d'économie d'énergie; les normes et
l'étiquetage (y compris les écolabels), les prescriptions en
matière de manutention; les instruments et réglementations
économiques; les mesures de protection des ressources naturelles et les
mesures prises pour la mise en oeuvre des accords environnementaux
multilatéraux.(64)
3 L'Accord sur l'agriculture
En règle générale, la réduction
des soutiens internes et des subventions à l'exportation devrait
déboucher sur une production moins intensive et plus durable liée
à une utilisation réduite d'intrants agricoles tels que
pesticides et engrais chimiques, débouchant sur des améliorations
de l'environnement.
L'Accord sur l'agriculture prévoit la réforme
à long terme du commerce des produits agricoles et des politiques
agricoles nationales. Il oriente davantage ce commerce vers le marché en
comprenant des engagements dans les domaines de l'accès aux
marchés, du soutien interne et de la concurrence à l'exportation.
L'Accord comporte un aspect important: l'engagement de réduire le
soutien interne à la production agricole, particulièrement sous
la forme de subventions liées à la production.
La protection de l'environnement fait partie intégrante
des dispositions de l'Accord sur l'agriculture. Le sixième paragraphe du
préambule indique que les engagements au titre du programme de
réforme devraient tenir compte de l'environnement et l'article 20
dispose que les négociations relatives à la poursuite du
processus de réforme doivent tenir compte de considérations
autres que d'ordre commercial, qui concernent notamment l'environnement.
Plus particulièrement, les dispositions de l'Annexe 2
de l'Accord, qui énumèrent les différents types de
subventions non soumis aux engagements de réduction, visent
différents types de mesures concernant l'environnement. Il s'agit
notamment des versements directs aux producteurs et des programmes de services
publics concernant les travaux de recherche et d'infrastructure dans le cadre
de la protection de l'environnement. Le droit à bénéficier
des versements directs doit être fondé sur des programmes publics
clairement définis de protection de l'environnement ou de conservation
et le montant des versements est limité aux coûts
supplémentaires ou aux pertes de revenu découlant de
l'observation du programme.
Il convient de relever que les Membres sont libres d'adopter
de nouvelles mesures au titre de l'Annexe 2 ou de modifier celles qui existent
à la condition unique qu'elles répondent à une
prescription fondamentale, à savoir que leurs effets de distorsion sur
les échanges doivent être nuls ou, au plus, minimes et qu'elles
s'inscrivent dans le cadre de programmes publics financés par des fonds
publics.
4 L'Accord sur les subventions et les mesures
compensatoires(65)
Les articles 1 et 3 de cet accord prévoient, comme
principe général, l'interdiction aux pouvoirs publics de
donner des subventions spécifiques et d'accorder la protection des
revenus ou de soutien des prix lorsque, de façon parallèle,
ces mesures confèrent un avantage et sont
64 Voir Note du Secrétariat, WT/CTE/W/77 (9 mars 1998).
65 Accord relatif aux subventions et aux mesures compensatoires,
GATT, Genève, 15 décembre 1994
reliées a l'exportation ou a l'utilisation de produits
nationaux de préférence a des produits importés.
L'article 8 prévoit un régime d'exceptions pour les
subventions reliées aux activités de recherche ou d'aide aux
régions défavorisées sur le territoire d'un État
contractant.
L'Accord prévoit également l'aide a la reconversion
d'installations industrielle(66)
Ce Code présente donc une légère
évolution par rapport a celui de 1979 en ce qui a trait aux questions
environnementales. Mais, le principe du pollueur payeur est toujours
ignoré parce que, par exemple, l'aide a la reconversion industrielle
d'installations néfastes a l'environnement est identifiée comme
étant un moyen d'exception pouvant donner ouverture au droit de recourir
aux mécanismes de subventions.
B Le commerce des services
1 L'Accord général sur le commerce des
services
L'Accord général sur le commerce des services
(<<AGCS>>) comprend, a l'article XIV, une clause intitulée
<<exceptions générales>>, établie sur le
modèle de l'article XX du GATT. Le chapeau de cette clause est, pour
l'essentiel, identique a celui de l'article XX du GATT et les problèmes
environnementaux y sont abordés au paragraphe b), semblable au
paragraphe b) de l'article XX.
En prévision des questions d'interprétation
concernant le champ d'application de l'article XIV de l'AGCS, le Conseil du
commerce des services a adopté a sa première réunion une
décision sur le commerce des services. Dans cette décision, le
Conseil du commerce des services reconnaît que les mesures
nécessaires a la protection de l'environnement peuvent entrer en conflit
avec les dispositions de l'Accord et note qu'il n'est peut-être pas
nécessaire de prévoir d'autres dispositions que celles de
l'alinéa b) de l'article XIV. Pour déterminer s'il serait
nécessaire de modifier l'article XIV de l'Accord afin de tenir compte de
ces mesures, le Conseil du commerce des services a décidé en
conséquence d'inviter le Comité du commerce et de l'environnement
<<a examiner les relations entre le commerce des services et
l'environnement, y compris la question du développement durable, et a
présenter a ce sujet un rapport comportant éventuellement des
recommandations. Le Comité étudiera aussi la pertinence des
accords intergouvernementaux sur l'environnement et leur rapport avec l'Accord.
(...)>>.(67)
66 L'article 8(2)c) prévoit en effet que: C : ...
visant a promouvoir l'adaptation d'installations existantes a de nouvelles
prescriptions environnementales imposées par la législation et ou
la réglementation qui se traduisent pour les entreprises par des
contraintes plus importantes et une charge financière plus lourde, a
conditions que cette aide :i) soit une mesure unique, non récurrente;
et
ii) soit limitée a 20 pour cent du coût de
l'adaptation; et
iii) ne couvre pas le coût de remplacement et de
l'exploitation de l'investissement ayant bénéficié de
l'aide, qui doit être intégralement a la charge des entreprises;
et
iv) soit directement liée et proportionnée a la
réduction des nuisances et de pollution prévue par l'entreprise
et ne couvre pas une économie qui pourrait être
réalisée sur les coûts de fabrication; et
v) soit offerte a toutes les entreprises qui peuvent adopter le
nouveau matériel et ou les nouveaux procédés de
production.
67 63 S/L/4 (4 avril 1995).
www.wto.org
- Services concernant
l'environnement(68)
La Classification sectorielle des services, annexée
à l'AGCS, a été établie au cours du Cycle
d'Uruguay(69) et est fondée dans une large
mesure sur la Classification centrale de produits (CPC) des Nations Unies. Les
services concernant l'environnement mentionnés dans la Classification se
répartissent en quatre catégories:
- Services de voirie (position n° 9401 de la CPC)
- Services d'enlèvement des ordures (position n° 9402
de la CPC)
- Services d'assainissement et services analogues (position
n° 9403 de la CPC) - Autres services
On peut considérer que la quatrième
catégorie (<<autres services») comprend les services
concernant l'environnement qui figurent dans la CPC mais ne sont pas
mentionnés explicitement dans la Classification, c'est-à-dire les
services de purification des gaz brûlés ; les services de lutte
contre le bruit ; les services de protection de la nature et des paysages et
les autres services de protection de l'environnement
En 1998, le Conseil du commerce des services a amorcé
un processus d'échange de renseignements sur différents types de
services dans le but de faciliter l'accès de tous les Membres, en
particulier des pays en développement Membres, aux renseignements sur
les lois, réglementations, directives administratives et politiques
affectant le commerce des services. Les débats sectoriels ont
porté en particulier sur la manière dont les services en question
étaient commercialisés et réglementés afin de
permettre aux Membres de déterminer les questions à
négocier et les priorités en matière de
négociations de façon à préparer les nouvelles
négociations, prévues à l'article XIX (Négociation
des engagements spécifiques) de l'AGCS.
2 L'Accord sur les aspects des droits de
propriété intellectuelle qui touchent au commerce
L'Accord sur les aspects des droits de propriété
intellectuelle qui touchent au commerce (<<Accord ADPIC») comprend
une série de règles destinées à protéger et
à garantir les droits de propriété intellectuelle.
L'article 27 dudit accord définit l'<<objet brevetable».
L'environnement est mentionné explicitement à l'article 27:2, qui
prévoit que les Etats parties peuvent exclure de la brevetabilité
les inventions, ou empêcher l'exploitation commerciale sur leur
territoire de certaines inventions lorsqu'ils le jugent nécessaire pour
protéger l'ordre public ou la moralité, pour protéger la
santé et la vie des personnes et des animaux ou préserver les
végétaux, ou pour éviter de graves atteintes à
l'environnement, à condition que cette exclusion ne tienne pas
uniquement au fait que l'exploitation est interdite par la
législation intérieur.
Il est à noter qu'il n'y a aucune définition de
l'expression de "graves atteintes à l'environnement" ce qui laissera
place à interprétation et il est à prévoir que
cette disposition
68 Pour plus de précisions, voir Effets positifs sur
l'environnement de l'élimination des restrictions au commerce et des
distorsions du commerce, Note du Secrétariat, WT/CTE/W/67/Add.1 (13 mars
1998) et Services concernant l'environnement, Note d'information du
Secrétariat, S/C/W/46 (6 juillet 1998).
69 66 MTN.GNS/W/
120. www.wto.org
entraînera l'application d'un test restrictif semblable
à celui de la mesure minimale (" least trade restrictive
measure")(70)
Les biotechnologies, les pesticides et les produits chimiques en
général sont des domaines oüla disposition
d'exclusion de la brevetabilité pourrait trouver une application
bénéfique pour la
protection de l'environnement. Toutefois, tout est
laissé à la discrétion de l'État: il n'y a pas de
normes obligatoires basées sur le principe de précaution ou la
conservation des ressources pour les générations présentes
et futures. Lorsqu'il y a une incertitude scientifique sur l'impact qu'un
produit peut avoir sur l'environnement à court, moyen ou long terme,
cette incertitude devrait permettre d'en empêcher la
brevetabilité. Cet Accord pourrait jouer un rôle très
important pour l'atteinte du développement durable.
Section II: Le comité du commerce et de
l'environnement (CCE)
Le comité du commerce et de l'environnement a
été institué par la décision de Marrakech de
1994.
Nous étudierons les objectifs confiés au CCE
lors de sa création (paragraphe I), avant d'examiner dans un paragraphe
II, l'élargissement de cet objectif dans le cadre du programme de
Doha.
Paragraphe I: Les objectifs du CCE
Cet organe subsidiaire du Conseil général
à pris le relais du groupe spécial sur les mesures relatives
à l'environnement et au commerce, il est chargé de mettre en
application le mandat qui lui a été confié (A). Cette
tâche se matérialise par la publication de travaux sur les
questions commerciales à incidences environnementales (B).
A Mandats
Le mandat confié au Comité du commerce et de
l'environnement lors de sa création à Marrakech consiste
notamment à:
« [...] identifier les relations entre les mesures
commerciales et les mesures environnementales de manière à
promouvoir le développement durable,
[...] faire des recommandations appropriées pour
déterminer s'il y a lieu de modifier les dispositions du système
commercial multilatéral, en respectant le caractère ouvert,
équitable et non discriminatoire [...]. »
Le CCE a restreint ce large mandat au moyen d'un programme de
travail en dix points, qu'il a utilisé comme cadre de discussion.
Points 1
Règles commerciales, accords environnementaux et
différends
Rapports entre les règles du système commercial
multilatéral et les mesures commerciales relevant d'accords
environnementaux multilatéraux (AEM), et entre les mécanismes de
règlement des différends respectifs.
Point 2
Protection de l'environnement et système
commercial
70 Pour une explication de ce test, voir S. MURASE, "Perspectives
from International Law on Transnational Environmental Issues" (1995) 253
R.C.A.D.I. 397, aux pages 332 et ss.
Rapports entre les politiques environnementales qui
intéressent le commerce et les mesures environnementales qui ont des
effets notables sur le commerce et les dispositions du système
commercial multilatéral.
Point 3
Qu'en est-il des taxes et autres prescriptions
environnementales?
Rapports entre les dispositions du système commercial
multilatéral et: a) les impositions et taxes appliquées à
des fins de protection de l'environnement; et b) les prescriptions relatives
aux produits établies à des fins de protection de
l'environnement, telles que les normes et règlements techniques et les
prescriptions en matière d'emballage, d'étiquetage et de
recyclage.
Point 4
Transparence des mesures commerciales
environnementales
Dispositions du système commercial multilatéral
relatives à la transparence des mesures commerciales appliquées
à des fins de protection de l'environnement. Une base de données
sur l'environnement (BDE) a été créée en 1998, pour
que le Secrétariat de l'OMC puisse recueillir et mettre à jour
chaque année toutes les mesures liées à l'environnement
que les gouvernements ont notifiées à l'OMC ou qui ont
été signalées dans les examens des politiques
commerciales. Sa mise en place faisait suite à des discussions
intensives au CCE sur la transparence et aux recommandations figurant dans le
rapport du CCE à la Conférence ministérielle de Singapour
(1996).
Point 6
Environnement et libéralisation du
commerce
Effet des mesures environnementales sur l'accès aux
marchés, notamment pour les pays en développement et les pays les
moins avancés, et avantages environnementaux de l'élimination des
restrictions et distorsions des échanges.
Point 7
Produits interdits sur le marché
intérieur
Question des exportations de produits interdits sur le
marché intérieur, en particulier les déchets dangereux.
Point 8
Propriété intellectuelle
Dispositions pertinentes de l'Accord sur les aspects des droits
de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC).
Point 9
Services
Programme de travail envisagé dans la Décision sur
le commerce des services et l'environnement. (Les liens entre l'environnement
et le commerce des services)
Point 10
L'OMC et les autres organisations
Contribution à apporter aux organes pertinents de l'OMC
pour ce qui est des arrangements appropriés concernant les relations
avec les organisations intergouvernementales et les organisations non
gouvernementales (ONG).
B Travaux
1 Le Sous-Comité du commerce et de
l'environnement
La Décision de Marrakech disposait que, en attendant
l'établissement du Comité du commerce et de l'environnement, les
travaux dans le domaine du commerce et de l'environnement devraient être
exécutés par un sous-comité du Comité
préparatoire de l'Organisation mondiale du commerce. Le
Sous-Comité du commerce et de l'environnement s'est réuni au
cours de 1994 sous la présidence de l'Ambassadeur L. F. Lampreia
(Brésil). Il a fondé ses travaux sur le mandat qui figure dans la
Décision adoptée à Marrakech tout en s'appuyant sur les
travaux menés antérieurement par des organes du GATT tels que le
Groupe sur les mesures relatives à l'environnement et le commerce
international ou le Groupe de travail de l'exportation de produits interdits
sur le marché intérieur.(71)
Pour ce qui est de son programme de travail, le
Sous-comité s'est penché sur les premier, troisième et
sixième points en se fondant, dans la mesure du possible, sur les
travaux du Groupe sur les mesures relatives à l'environnement et le
commerce international.
Au titre du point 1, le Sous-comité a examiné le
recours aux mesures commerciales prises à des fins de protection de
l'environnement, particulièrement celles appliquées dans le cadre
d'accords environnementaux multilatéraux, et celles appliquées
tout spécialement aux pays non signataires de ces accords. Les
délégations ont commencé à examiner les avantages
et les inconvénients que pouvaient présenter les approches ex
ante et ex post de l'établissement des rapports entre ces mesures et les
dispositions du système commercial multilatéral.
En ce qui concerne le point 3, les délégations
ont entrepris d'étudier le recours aux taxes de protection de
l'environnement, en particulier dans le contexte des disciplines du GATT
relatives à l'ajustement fiscal à la frontière, et ont
examiné des réglementations et normes environnementales, surtout
celles qui concernent l'éco-étiquetage, sur la base des travaux
déjà effectués à cet égard par le Groupe sur
les mesures relatives à l'environnement et le commerce international.
Au titre du point 6 du programme de travail, les
délégations ont mis en lumière les questions
nécessitant un examen plus approfondi: les effets sur l'environnement de
la progressivité des droits de douane, des obstacles non tarifaires et
des subventions faussant les échanges, la diversification des
exportations et ses rapports avec la protection de l'environnement, les
débouchés des produits respectueux de l'environnement provenant
en particulier des pays en développement ainsi que l'importance du
transfert de technologies et de l'assistance technique et financière
pour la réalisation de l'objectif du développement durable.
2 Le Rapport de Singapour
Le Comité du commerce et de l'environnement (CCE) a
été créé par le Conseil général de
l'OMC en janvier 1995. Son mandat et son programme de travail se trouvent dans
la Décision ministérielle de Marrakech sur le commerce et
l'environnement du 15 avril 1994 (annexe I). En vertu de cette décision,
le CCE doit présenter un rapport à la première session
biennale de la Conférence ministérielle, durant laquelle ses
travaux et son mandat seront examinés à la lumière de ses
recommandations.
Le CCE a structuré ses travaux autour des dix points
énumérés dans la Décision sur le commerce et
l'environnement. Pour plusieurs de ces points, le CCE a pu s'appuyer sur
les débats qu'avait eus en 1992-1993 le Groupe sur les mesures
environnementales et le
71 Voir les documents PC/SCTE/M/1 à PC/SCTE/M/5. Voir
aussi le document PC/R (31 décembre 1994).
www.wto.org
commerce international du GATT, ainsi que sur les discussions
tenues en 1994 par le Souscomité du commerce et de l'environnement du
Comité préparatoire de l'OMC.
Le Rapport rappelle que les travaux du CCE ont
été guidés par la considération
énoncée dans la Décision ministérielle, selon
laquelle il ne devrait pas y avoir et il n'y avait pas nécessairement de
contradiction au plan des politiques entre la préservation et la
sauvegarde d'un système commercial multilatéral ouvert,
équitable, et non discriminatoire d'une part et les actions visant
à protéger l'environnement d'autre part. Ces deux domaines de
l'élaboration des politiques étaient importants et ils devraient
s'étayer mutuellement afin de promouvoir le développement
durable. Les débats ont montré que le système commercial
multilatéral a la capacité d'intégrer davantage les
considérations environnementales et d'accroître sa contribution
à la promotion du développement durable sans compromettre son
caractère ouvert, équitable et non discriminatoire; la mise en
oeuvre des résultats des négociations du Cycle d'Uruguay
représenterait déjà une contribution importante à
cet égard.
Les débats du CCE ont été guidés
également par la considération selon laquelle le cadre du
système commercial multilatéral est limité aux politiques
commerciales et aux aspects des politiques environnementales qui touchent au
commerce et qui peuvent avoir des effets notables sur les échanges de
ses membres. Il a été reconnu que, pour atteindre les objectifs
individuels et conjoints des gouvernements Membres de l'OMC dans les domaines
du commerce, de l'environnement et du développement durable, il faut une
approche coordonnée prenant appui sur des compétences
interdisciplinaires. À cet égard, la coordination des politiques
entre les responsables du commerce et de l'environnement au niveau national a
un rôle important à jouer. Les travaux du CCE aident les
responsables du commerce à être mieux à même
d'apporter leur contribution dans ce domaine.
Le Rapport indique que les gouvernements Membres de l'OMC se
sont engagés à ne pas introduire de restrictions au commerce ou
de mesures compensatoires incompatibles avec l'OMC ou protectionnistes pour
essayer de compenser les éventuels effets défavorables,
réels ou présumés, des politiques environnementales sur
l'économie ou la compétitivité nationale; cela serait non
seulement contraire au caractère ouvert, équitable et non
discriminatoire du système commercial multilatéral, mais
également contre-productif pour ce qui est de la poursuite des objectifs
environnementaux et de la promotion d'un développement durable. De
même, et compte tenu du fait que les gouvernements avaient le droit
d'établir leurs normes environnementales nationales conformément
à leurs conditions, besoins et priorités respectifs en
matière d'environnement et de développement, les Membres de l'OMC
ont noté qu'il serait inapproprié qu'ils assouplissent leurs
normes environnementales nationales existantes ou l'application de ces normes
afin de promouvoir leur commerce.
Paragraphe II: La conférence
ministérielle de Doha et le nouveau plan d'action
En 2001, dans le cadre de la quatrième
Conférence ministérielle de l'OMC, les membres ont lancé
un nouveau programme de négociations, d'analyses et d'activités
aux fins d'appliquer les accords existants: le Programme de travail de Doha
pour le développement
A Les grandes lignes du programme de Doha
1 Questions environnementales devant être
négociées
Le paragraphe 31 de la Déclaration de Doha
énumère trois questions devant être
négociées. Celles-ci font partie de l'engagement unique,
c'est-à-dire de la liste des éléments sur lesquels un
accord doit intervenir avant que l'ensemble des résultats des
négociations de Doha puisse être considéré comme
final.
- La relation entre les règles de l'OMC existantes et les
« obligations commerciales spécifiques »
énoncées dans les accords environnementaux multilatéraux
(AEM). L'expression « obligations commerciales spécifiques »
n'est pas définie mais correspond pour beaucoup de personnes aux mesures
expressément autorisées par les AEM (un grand nombre d'AEM
établissent seulement des objectifs, permettant aux pays de
décider eux-mêmes quelles sont les mesures les plus susceptibles
d'en faciliter la réalisation). Le mandat de négociation est
restreint, portant uniquement sur les frictions entre les parties à un
AEM, alors que le potentiel de conflits entre les parties et des tiers est
beaucoup plus élevé.
- Des procédures d'échange de renseignements
régulier entre les Secrétariats des AEM et les Comités de
l'OMC compétents, ainsi que les critères pour l'octroi du statut
d'observateur aux AEM. Il semblerait intuitivement évident, par exemple,
que le Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique
devrait participer ou être, à tout le moins, présent lors
de l'examen par l'OMC de certaines questions liées aux ADPIC.
Néanmoins, les progrès sur cette question ont été
difficiles étant donné qu'elle s'inscrit dans une
problématique plus globale pour l'OMC, à savoir trouver des
façons plus constructives d'interagir avec les autres régimes
internationaux.
- La réduction ou, selon qu'il sera approprié,
l'élimination des obstacles tarifaires et non tarifaires visant les
biens et services environnementaux. Il existe, ici, des possibilités
d'obtenir des avantages économiques et environnementaux, mais le
défi consiste à définir ce qui doit être entendu par
« biens et services environnementaux ». Ainsi, un véhicule
écoénergétique -- ou tout bien qui est
préférable aux autres biens de sa catégorie -- est-il un
bien environnemental? Le cas échéant, qui fixe les normes et qui
en assurera la gestion au fil du temps? Un bien fabriqué d'une
manière qui respecte l'environnement est-il un bien environnemental?
Ces trois points représentent un programme ambitieux.
Pourtant, aucun d'entre eux ne pose le genre de conflits
d'intérêts économiques qui dominent ordinairement les
négociations commerciales et, actuellement, le Cycle de Doha.
Ainsi, il est probable que les solutions à ces
questions environnementales se dégageront seulement lors du
règlement des questions les plus conflictuelles.
Les négociations sur le paragraphe 31 sont
menées dans le cadre de sessions extraordinaires du Comité du
commerce et de l'environnement, marquant une transition importante pour
celui-ci, qui passe de « dernier salon où l'on cause »
à un cadre de négociation.
2 Autres questions environnementales mentionnées
dans le programme de Doha
- Le paragraphe 32 de la Déclaration de Doha
énumère trois points, tirés du mandat originel du CCE,
devant faire l'objet d'un examen.
· Effet des mesures environnementales sur
l'accès aux marchés et avantages pour l'environnement de
l'élimination des distorsions des échanges. Ces questions font
partie du programme du CCE depuis son lancement et il est difficile de voir
qu'elles pourront un jour devenir des questions de négociation. Elles
témoignent d'une suspicion profondément enracinée d'un
grand nombre de pays en développement selon laquelle les mesures
environnementales sont utilisées comme obstacles au commerce et de la
conviction selon laquelle l'élimination des barrières à
leurs exportations peut offrir des avantages tant économiques
qu'environnementaux.
· Les « dispositions pertinentes » de
l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle
qui touchent au commerce (ADPIC). Elles pourraient inclure les travaux sur les
exceptions pour le brevetage des formes de vie. Le rapport entre l'Accord sur
les ADPIC et la Convention sur la diversité biologique est couvert dans
une autre partie de la Déclaration.
· Prescriptions en matière d'étiquetage
à des fins environnementales. Jusqu'ici, les discussions ont surtout
porté sur les façons dont les prescriptions en matière
d'étiquetage environnemental pourraient constituer des obstacles
déloyaux à l'accès aux marchés.
- Questions environnementales mentionnées dans
d'autres domaines de négociation. Deux domaines de négociation
(faisant partie de l'engagement unique) font expressément mention des
questions environnementales:
· Sous le titre « Règles de l'OMC »
(paragraphe 28), la Déclaration de Doha traite des subventions non
agricoles, demandant que soient clarifiées et améliorées
les disciplines de l'OMC concernant les subventions aux pêcheries. Cette
question a des répercussions évidentes pour l'environnement et,
en fait, les intérêts environnementaux ont grandement
contribué à sa mise à l'ordre du jour.
· Dans le cadre des négociations sur les ADPIC
(paragraphe 19), la Déclaration de Doha préconise un examen des
rapports entre l'Accord sur les ADPIC et la Convention sur la diversité
biologique, indépendamment de tout examen au titre du paragraphe 31 des
négociations sur l'OMC et les AEM.
B Les travaux du CCE conformément au programme
de Doha
Depuis la Conférence ministérielle de Doha,
tenue en novembre 2001, les travaux ont été scindés en
deux volets distincts : i) le volet de négociation (paragraphe 31 de la
Déclaration ministérielle de Doha), traité dans le cadre
de la Session extraordinaire du Comité du commerce et de
l'environnement, et ii) les travaux ordinaires du Comité du commerce et
de l'environnement, menés dans le cadre de sa session ordinaire.
1 Travaux du CCE dans le cadre de session
extraordinaire
- L'état des négociations
Dans le cadre du Cycle de Doha, les négociations dans
le domaine du commerce et de l'environnement visent à renforcer les
interactions entre ces deux domaines. Aux termes du paragraphe 31 du mandat de
Doha, les négociations portent sur trois secteurs:
§ 31 i) la clarification de la relation entre les
règles de l'OMC existantes et les obligations commerciales
spécifiques énoncées dans les accords environnementaux
multilatéraux (AEM). Les positions des membres de l'OMC divergent encore
fortement. La majorité d'entre eux souhaitent se limiter à des
recommandations prônant la coordination à l'intérieur des
pays et l'échange d'expériences relatives au niveau
international. Les autres veulent un résultat ambitieux, comprenant des
principes généraux, des règles d'interprétation et
une meilleure prise en compte des questions environnementales dans le cadre de
la procédure de règlement des différends de l'OMC.
§ 31 ii) l'amélioration des procédures
d'échange d'informations entre les Secrétariats des AEM et de
l'OMC, ainsi que les critères pour l'octroi du statut d'observateur aux
Secrétariats des AEM. Les négociations en sont à un stade
avancé. Depuis juin 2007, les membres sont d'accord sur la
manière d'établir un échange d'informations
régulier et flexible ainsi que sur
les critères à remplir pour que les
Secrétariats des AEM obtiennent le statut d'observateur à
l'OMC.
§ 31 iii) la réduction ou, selon les cas,
l'élimination des obstacles tarifaires et non tarifaires visant les
biens et services environnementaux. Adoptant une approche pragmatique,
plusieurs pays ont proposé une liste de 153 produits environnementaux
à libéraliser en priorité; les Etats-Unis et l'UE ont
établi en parallèle une liste de 43 produits «respectueux du
climat». La majorité des membres de l'OMC souhaite, dans un premier
temps, établir une définition de portée
générale pour les biens environnementaux. Or il se
révèle difficile d'arriver à un consensus en la
matière, raison pour laquelle les négociations sont actuellement
bloquées dans ce secteur.
2 Travaux du CCE en session ordinaire
En 2007 les travaux du CCE ont été
organisés conformément au mandat énoncé au
paragraphe 32 de la Déclaration ministérielle de Doha. Le
Comité a aussi poursuivi son analyse des autres questions inscrites
à son programme de travail conformément au paragraphe 33 et 51
Ainsi à sa réunion du 2 mai 2007, examinant dans
le cadre du paragraphe 32 i) l'effet des mesures environnementales sur
l'accès aux marchés, le CCE a articulé son débat
autour de deux notes du Secrétariat donnant des informations
générales sur: i) les travaux réalisés au
Comité OTC et au Comité SPS au sujet des notifications et des
préoccupations commerciales spécifiques liées à
l'environnement; ii) les conclusions d'études récentes reprises
dans les Études de l'OCDE sur la politique commerciale (2005) et la
Revue du commerce et de l'environnement (2006) de la CNUCED. Il y a
également eu des débats sur la libéralisation du commerce
des produits de l'agriculture biologique, et un certain nombre de pays en
développement ont échangé des données sur leurs
expériences nationales et régionales dans ce secteur. La CNUCED a
informé le CCE de ses études et activités d'assistance
technique récentes dans ce domaine, ainsi que des travaux du Groupe
d'étude international sur l'harmonisation et les équivalences en
agriculture biologique (ITF).( ) Au titre du paragraphe 32 iii) sur les
prescriptions en matière d'étiquetage à des fins
environnementales, un exposé sur le programme d'étiquetage des
États-Unis intitulé "Energy Star" a suscité de
l'intérêt.
Au sujet du paragraphe 33 sur l'assistance technique et le
renforcement des capacités, la Norvège a présenté
son Plan d'action pour l'intégration de l'environnement dans la
coopération en matière de développement, qui soulignait
que la majorité des fonds consacrés par la Norvège au
développement serviraient à intégrer les principes du
développement durable dans les politiques et programmes nationaux.
Toujours au sujet du paragraphe 33 sur le partage de
données d'expérience en matière d'examens
environnementaux, un Membre a informé le CCE qu'il menait un examen
environnemental sur un accord de libre-échange. Le PNUE a donné
un aperçu de ses activités portant sur l'évaluation
intégrée des politiques liées au commerce. Le
Secrétariat a établi une liste des examens environnementaux
liés au commerce qui ont été menés ou qui sont en
cours sous les rubriques Initiatives multilatérales de
libéralisation du commerce; Initiatives régionales ou
bilatérales de libéralisation du commerce; et Projets nationaux.
Cette note contient également une brève description des
discussions menées au Comité du commerce et de l'environnement
(CCE) sur les des examens environnementaux effectués dans le cadre du
point 2 de son programme de travail et, ultérieurement, du paragraphe 33
de la Déclaration ministérielle de Doha. Les Membres ont
été invités à communiquer au Secrétariat
tout renseignement complémentaire, de façon que cette liste
puisse être régulièrement mise à jour.
Concernant le paragraphe 51, le Président a
invité les délégations à poursuivre la discussion
sur la note du Secrétariat concernant les aspects des
négociations du PDD relatifs à l'environnement qui porte sur les
thèmes liés à l'environnement traités dans les
groupes de négociation chargés des questions suivantes:
agriculture, accès aux marchés pour les produits non agricoles,
règles, services et commerce et environnement.
Au sujet de la transparence des mesures commerciales
appliquées à des fins de protection de l'environnement, le
Comité a pris note de la note du Secrétariat sur la Base de
données sur l'environnement pour 2004. En outre, il a pris note de la
demande de statut d'observateur auprès du Comité
présentée par le Secrétariat de la Convention de
Bâle.
Chapitre II: Les conditions d'une réelle
convergence
L'atteinte d'une réelle convergence entre politique
environnementale et commerciale nécessite la prise en compte du
développement durable (section I) et une meilleure intégration
des différentes politiques (section II)
Section I: Les exigences du développement
durable
La Commission Brundtland a défini le
développement durable comme un développement qui répond
aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les
générations futures de satisfaire les leurs. Plus
précisément elle a déclaré que le
développement durable ... est un processus d'évolution durant
laquelle l'exploitation des ressources, l'orientation des investissements,
l'avancement du développement technologiques et les transformations
institutionnelles sont conformes à nos besoins aussi bien futurs que
présents.
Nous étudierons successivement la dimension
environnementale (paragraphe I) et la dimension éthique (paragraphe
II)
Paragraphe I: En terme environnemental
La dimension environnementale du développement durable
est mis en oeuvre à travers une gestion durable des ressources et des
milieux (A) et la recherche de meilleures politiques environnementales (B).
A Gestion durable
1 Equité
intergénérationnelle
Une dimension d'équité est reconnue en droit
international depuis l'époque de Grotius(72)
et celle-ci a fourni la base pour le développement de la doctrine
d'équité intergénérationnelle. Il faut noter que
cette doctrine n'est pas d'application exclusive au droit de
l'environnement.(73)
Cette doctrine cherche à fusionner deux concepts soit,
l'anticipation puis la création de normes afin d'assurer un traitement
équitable entre les générations sur une foule de questions
internationales, dont les questions environnementales.
72 W. WHEWALL(ed.), Grotius on the Rights of War and Peace,
(Cambridge: John W. Parker, 1853) Book III, voir le chapitre XVI.
73 Les ressources naturelles de la terre appartiennent tous,
pour être utilisées en commun, et être respectées,
nous enseigne la tradition aborigène. Quant a la tradition islamique,
elle considère que l'homme a hérité des ressources
culturelles et naturelles de la terre. L'utilisation de ces ressources est un
droit et un privilège partagés par tous de façon
intergénérationnelle. Sur la tradition aborigène, voir J.
FADDEN, The Great Law of Peace - The Longhouse Peoples, (New York: Onchiota
Inc., 1977). Sur la tradition islamique voir IUCN, lslamic Principles For the
Conservation of the Natural Environment, (1983).
Ce souci de préserver les droits des
générations futures est d'ailleurs présent dans toutes
sortes d'instruments notamment dans le préambule de la Charte des
Nations Unies(74) dans la Charte des droits et
devoirs économiques des Etats(75), la
Déclaration de Stockholm,(76) la Convention
de l'Unesco sur la protection du patrimoine culturel et naturel du
monde(77).
De plus, l'Assemblée Générale des Nations
Unies par l'adoption de sa Résolution sur la responsabilité
historique des États pour la protection de la nature pour le
bénéfice des générations présentes et
futures,(78) exhorte les Etats à
reconnaître l'importance fondamentale de la préservation de la
nature pour le bénéfice des générations
présentes et futures.
La proposition de départ de cette approche est que la
planète et son patrimoine culturel et naturel constituent un bien commun
partagé par chaque génération, à la fois en tant
qu'utilisateur et conservateur de ce patrimoine. Ceci implique une obligation
morale des États de se porter garants de la conservation des
éléments vitaux de la planète : l'air,
l'atmosphère, la couche d'ozone, les ressources culturelles, naturelles,
les conditions de la biosphère et de toutes les ressources essentielles
à la vie sur la planète, pour les générations
présentes et futures.
L'application de la doctrine d'équité
intergénérationnelle en droit international de l'environnement ne
crée pas en elle-même d'obligations juridiques ou de
droits,(79) mais elle peut conduire à
l'élaboration d'un système de droits et d'obligations
planétaires(80) susceptibles de se muer en
normes juridiques exécutoires ou même impératives dans la
mesure ou ces obligations seraient considérées comme
fondamentales. Un tel système de droits et d'obligations pourrait
permettre éventuellement d'assurer la protection de
l'intégrité de l'environnement au moyen d'une obligation directe
de protéger l'environnement.
Mais, pour l'instant, le seul consensus formé en droit
international de l'environnement porte sur la reconnaissance d'une
responsabilité des États envers les générations
futures et présentes de conserver notre planète. Mais, il s'agit
surtout d'une responsabilité morale, car à ce jour, il n'existe
pas d'obligations exécutoires et pas de droit d'action reconnus aux
États sur le plan international pour mettre en oeuvre cette
responsabilité. Toutefois, il ne fait pas de doute que
74 Charte des Nations-Unies, C.N.U.C.I.O., vol.15, p.365:
(1945) R.T.Can.No.7.; son préambule prévoit: " Nous, Peuples des
Nations-Unies résolus à préserver les
générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en
l'espace d'une vie humaine a infligé à I'humanité
d'indicibles souffrances."
75 Voir l'article 30 de la Charte des droits et devoirs
économiques des Etats, Doc.Off.A.G.,29e session, supp. no.
31, p.5, I3oc.N.U. A/9631(1976)
76 Déclaration de Stockholm sur I'environnement humain
de la conférence des Nations-Unies sur I'environnement humain, Doc. N.U.
A/C0NF.48/14/Rev.l pp.3 à 6 (1972), reproduite à (l972)ll ILM.
1416. ciaprès la Déclaration de Stockholm., principe 2.
77 Convention de l'Unesco sur la protection du patrimoine
culturel et naturel du monde, reproduite à (1972)1I.L.M. 1358. , voir 1'
article 4.
78 Resolution on the Historical Responsibility of States for the
Preservation of nature for present and future generations, U.N.Doc. A/RES/35/8,
reproduite à (1980) 34 Year book of United Nations 725.
79 Un droit est un intérêt protégé
juridiquement et toujours associé à un devoir ou une obligation.
La désignation de la protection d'un intérêt, comme celle
d'un droit dépend de la structure économique et sociale de la
société.
80 Voir E.B. WEISS, ln Faimess to Future Generations:
lnternationai Law, Commun Patrimony and lntergenerational Equity, New York,
Transnational Publishers: Dobbs Ferry, 1989, la page 122.
l'équité intergénérationnelle est
devenu un principe émergent en droit international de
l'environnement.
2 Utilisation équitable des ressources
Ce principe joue actuellement un rôle fondamental dans
le domaine des ressources naturelles partagées et jusqu'à
présent il a été utilisé principalement dans le cas
des rivières internationales. Élaboré en premier dans
l'Affaire du Lac Lanoux,(81) il reprend, dans sa
forme primitive, le principe 21 en ce qu'il établit la
souveraineté de chaque Etat sur les ressources situées sur son
territoire, tout en imposant l'obligation de ne pas causer de dommages à
l'État voisin.
Les Règles d'Helsinki sur l'utilisation des eaux et
rivières internationales de 1966,(82) ont
établi la règle que seule l'utilisation la plus équitable
de la ressource partagée entre plusieurs États est permise,
celle-ci étant déterminée en équilibrant des
facteurs prédéfinis. La souveraineté individuelle des
États est ainsi limitée car la ressource partagée, la
rivière ou autre source d'eau, est placée sous le régime
d'une sorte de propriété commune. Il s'agit là d'une forme
d'internationalisation des ressources limitant leur utilisation libre.
La Commission pour le droit international de 1991, dans un
projet de principes pour la conduite des États dans l'utilisation de
ressources partagées, (83) est allé
encore plus loin en élaborant le critère de "l'utilisation la
moins dommageable" à l'autre État, ou le critère du (no
appreciable harm), comme étant le plus important.
Ce critère prévoit la préservation de
ressources et s'exerce pour le bénéfice commun de
l'humanité, et son application comporte un impact au-delà des
générations présentes: il est de nature
inter-générationnelle. Sa prémisse de base consiste en
l'utilisation qui permet de tirer le bénéfice maximal de la
ressource, mais tout en causant le minimum de dommages à l'autre Etat
lors de ou par cette utilisation.
Bref, le principe d'utilisation équitable s'applique
principalement lorsque des activités pouvant affecter l'environnement
dans le domaine des ressources naturelles partagées sont entreprises,
mais il pourrait évoluer en un régime à plus large
échelle(84), bien qu'il n'ait pas par
lui-même la vocation d'enrayer la survenance de dommages au-delà
des juridictions nationales ou de contrer des habitudes de consommation
néfastes et destructives.
81 Affaire du Lac Lanoux, (Espagne c. France), (1957) 12 R.I.A.A.
281.
82 Règles d'Helsinki sur l'utilisation des eaux et
rivières internationale de 1966, (Helsinki Rules on the Uses of the
Waters of international Rivera as approved by the International Law Association
at its Fifty-second Conference at Helsinki 1966, Report of the Committee on the
Uses of international Rivers (London: International Law Association) 1967.
56p.
83 Principes de conduite dans le domaine de l'environnement en
matière de conservation et d'utilisation harmonieuse des ressources
naturelles partagées par deux ou plusieurs États. Nairobi, 19 Mai
1978, Doc-N.U. P.N.U.E/IG12/2 (1978), reproduit a (1978) 17 ILM. 1097.
L'Assembée Générale des Nations Unies a demandé que
ces directives et recommandations soient utilisées dans la formulation
de conventions bilatérales ou multilatérales concernant les
ressources naturelles d'une façon à favoriser et non pas affecter
le développement et les intérêts des pays, en particulier
les intérêts des pays en voie de développement.
84 C'était I'hypothèse soutenue par E. KIRK dans:
The Changing face of Sovereignty in international Environmental Law, Master
thesis, University of British Columbia, 1994.
Quelques auteurs l'ont classé parmi les principes de
droit coutumier, ou même, parmi les normes impératives du droit
international,(85) notamment vu sa large
acceptation et son importance pour préserver le bon voisinage et les
relations pacifiques entre les États ayant des droits sur des ressources
communes. Toutefois, ce principe a besoin d'être appuyé par des
principes complémentaires, comme l'équité
intergénérationnelle, le principe de précaution, le
principe d'intérêt commun de l'humanité.
B La recherche de meilleures politiques
environnementales
1 Etude d'impact environnementale
Cette obligation de plus en plus largement reconnue en droit
international a une importance fondamentale pour l'approche basée sur le
principe de précaution car une étude d'impact permet
l'équilibrage des intérêts environnementaux et
développementaux et ultimement a pour effet de prévenir les
dommages à l'environnement(86) Elle permet
également de promouvoir la conscience et la participation de la
communauté dans le processus de prise de décision
environnementale. (87)
Une étude d'impact peut être définie comme
une évaluation des impacts anticipés d'un projet des coûts
et des bénéfices et des alternatives potentielles. Il est
également nécessaire que l'attention soit portée aux
effets à long terme et dans une perspective
intergénérationnelle. Mais, l'étude d'impact doit
être guidée par le principe de précaution pour
déterminer les seuils acceptables et les conséquences
environnementales.
D'abord conçue comme un instrument national
l'étude d'impact joue un rôle de plus en plus important à
l'échelle internationale pour guider la conduite des États et des
transnationales, car de plus en plus, les activités humaines comportent
un impact transfrontalier.
C'est ce qui a conduit les Nations-Unies (PNUE) à
préparer une codification de principes pour régir la question.
Ces principes fournissent une base solide pour affirmer que l'étude
d'impact environnemental fait partie du développement durable.
Notamment, l'étude d'impact y est définie comme
étant un examen, une analyse et une évaluation des
activités planifiées en vue d'assurer un développement
durable.
Ces principes ont également mené à la
conclusion de la Convention sur l'évaluation de l'impact sur
l'environnement dans un contexte
transfrontière(88) qui lie les Etats membres
de la Communauté Européenne. Celle-ci souligne l'importance de la
participation publique dans le processus d'évaluation environnementale.
Les institutions multilatérales de développement ont elles aussi
emboîté le pas et commencé à adopter cette approche
préventive(89).
85 Voir J. BRUNNEE," Common Interest-Echoes from an Empty Shell -
Some Thoughts on Common lnterest and International Environmental Law ", (1989)
49 Zeitschrift Fur Auslandisches Offenthches Recht und Volkemcht 791,
pp.805-806. Voir aussi J.CHRISTENSON, " Jus cogens: Guarding lnterests
Fundamental to International Society", (1988) 28 Va. J.lnt7. L. 585.
86 C.K. CHESIVOIR, "Avoiding Environmental Injury: The Case for
Widespread Use of Environmental Impact Assessment in International Development
Projects" (1990) 30 Va. J.lntl Law.517
87 UNEP Goals and Principles of Environmental Impact Assessment ,
reproduit à ELGP 9, IPE I/D 19-06-87 207 L.C., 92, ch. 37.
88 Convention sur l'évaluation de l'impact sur
l'environnement dans un contexte transfrontière reproduite à
(199l) 3O /ILM 802.
89 Voir: I.F.I. SHIHATA, 'The World Bank and the Environment: A
Legal Perspective", (1992)16
De plus, l'étude d'impact a été
considérée comme la base du devoir d'informer les États
susceptibles de souffrir de dommages environnementaux transfrontières.
Il n'est donc pas étonnant que cette pratique ait maintenant acquis le
statut de norme de droit international coutumier.(90)
A cette fin, elle encourage la coopération internationale de se
développer entre les États pour mettre en oeuvre des
procédures réciproques efficaces pour la notification,
l'échange d'information et la consultation sur les activités qui
sont susceptibles d'avoir un impact transfrontière significatif.
2 Coopération environnementale
A ce jour, la mise en oeuvre de l'obligation de
coopérer constitue la réussite la plus importante du droit
international de l'environnement moderne. Elle est essentielle dans tous les
domaines de la protection environnementale.
Toutefois, la coopération internationale est toujours
basée sur la souveraineté des États. Le principe 24 de la
Déclaration de Stockholm prévoit l'obligation de
coopération aussi longtemps qu'elle n'empiète pas sur la
souveraineté étatique.
Le principe 7 de la Déclaration de Rio prévoit
pour sa part que les États doivent coopérer pour la conservation
des ressources dans un esprit de partenariat.
L'utilisation du verbe " doit " dans le libellé du
principe 7 de la Déclaration de Rio(91)
place une obligation sur les signataires qui a pour effet de limiter les
souverainetés étatiques et de donner contrôle à la
Communauté des États sur ces politiques par une
souveraineté partagée.
Ce principe 7 implique aussi que les États commencent
à concevoir les ressources comme étant une
propriété commune ou partagée en ce qu'il prévoit
la responsabilité étatique envers l'environnement global et
relativement a la poursuite du développement durable, et que
l'environnement n'est pas divisible en composantes nationales et en aires
extra-territoriales, mais qu'il constitue une entité dans laquelle tous
ont un intérêt et sur laquelle tous ont un contrôle
conjoint.
L'obligation de coopération internationale se traduit
le plus souvent par des obligations plus spécifiques, telle que
l'obligation de supervision environnementale.
Celle-ci peut être définie comme l'observation
continue, le mesurage, la collecte et la recherche d'information principalement
techniques. Elle comporte un impact direct sur la prévention des
dommages environnementaux et, à long terme, sur les conditions d'un
écosystème et sa réponse a l'interférence
humaine.(92)
MaryIand Journal of international Law and Trade 1.
90 Voir P.W. BIRNIE et A.E. BOYLE, international Law and the
Environment, Oxford, Clarendon Press, 1992, à la page 97,
91 Déclaration de Rio sur l'environnement et le
développement, principe 7: " Les Etats doivent
coopérer dans un esprit de partenariat mondial en vue de conserver, de
protéger et de rétablir la santé et
l'intégrité de l'écosystème terrestre. Etant
donné la diversité des rôles joués dans la
dégradation de l'environnement mondial, les Etats ont des
responsabilités communes mais différenciées. Les pays en
développement admettent la responsabilité qui leur incombe dans
l'effort international en faveur du développement durable, compte tenu
des pressions que leurs sociétés exercent sur I'environnement
mondial et des techniques et des ressources financières dont ils
disposent."
92 Voir K. SACHARlEW, " Promoting Compliance with International
Environmental Standards: Reflections on Monitoring and Reporting Mechanisms,
(1991)2 Yearbook of international Environmental Law 31, et P. SANDS, "Enforcing
Environmental Security: The Challenges of Compliance with international
Obligations", (1993)15 Journal of International Affairs 46.
L'obligation de faire rapport découle également
de l'obligation plus générale de coopérer en
matière environnementale. Elle est souvent établie par un cadre
institutionnel ou les rapports sur les mesures prises par les États sont
reçus, étudiés, évalués. Cette obligation
implique aussi la collecte, la transmission et l'assemblage de
l'information.
Les obligations d'évaluer l'impact environnemental et
d'échanger l'information constituent également des obligations
découlant de la coopération internationale.
L'information est à la base de toute décision
saine, solide et valable en matière environnementale et, dans le
contexte transfrontière, elle peut indéniablement contribuer
à la protection environnementale.
Dans la mesure où les États partagent
l'information sur les activités qui ont le potentiel d'affecter
l'environnement des autres Etats, il y a de meilleures chances que des mesures
préventives puissent être prises pour éviter des dommages
environnementaux. L'information place les États dans une meilleure
posture pour prévenir et réduire leurs dommages respectifs. Cette
obligation a conduit à la conclusion de plusieurs
Conventions(93) et de code de
conduites(94) qui permettent de conclure que
l'obligation d'information et de notification des urgences environnementales
sont maintenant des normes de droit international coutumier.
La Charte des droits et devoirs économiques des
Etats(95) adoptée par 118 États
prévoit a son article 30 que tous les États devraient
coopérer à la mise au point de normes et d'une
réglementation internationales en matière d'environnement. Mais,
il demeure toutefois que l'établissement de cette coopération
pour la conservation internationale des ressources n'est pas une tâche
facile, notamment à cause des intérêts économiques
en jeu. Le principe 7 de la Déclaration de Rio pourra peut-être
amener une évolution du droit à cet égard pour continuer
le précédent amorcé par le révolutionnaire concept
de patrimoine commun de l'humanité.
Paragraphe II: La dimension éthique
Elle a pour objectif l'atteinte de meilleures conditions de vie
(A), et une réelle justice sociale (B)
A L'amélioration des conditions de vie
1 Abolition de la pauvreté
Ce principe est important, car la pauvreté en
elle-même génère des dommages environnementaux. La
Déclaration de Stockholm et la Déclaration de Rio ont d'ailleurs
reconnu le fait que la plupart des problèmes environnementaux trouvent
leur origine dans l'état de sous-développement.
Les efforts pour enrayer la pauvreté se sont
manifestés avec plus d'amplitude au début des années
soixante-dix avec l'avènement de la doctrine du Nouvel ordre
économique international et de sa Charte des droits et devoirs
économiques des États.(96) Cet
instrument
93 Convention de Vienne sur la notification rapide d'un accident
nucléaire, reproduite (1986)25 I.L.M.1370; Convention de Vienne sur
l'assistance en cas d'accident nucléaire ou de situation d'urgence
radiologique, reproduite à (1986) 25 I.LM. 1377.
94 UNEP : Guide de Londres pour l'échange d'information
sur les produits chimiques dans le commerce international, UNEP/GC. 15/9/Add.
Supplement3 .
95 Charte des droits et devoirs Economiques des Etats, .
Doc.Off.A.G.,29e session, supp. no. 31, p.5, Doc.N.U. A/9631(1976)
96 Id.
constitue un véritable code des relations
économiques internationales des États, qu'elles soient
commerciales, monétaires ou financières et prévoit a son
article 30 que la politique environnementale de tous les États devrait
avoir pour effet de renforcer le potentiel de développement actuel et
futur des pays en voie de développement et ne devrait pas y porter
atteinte.
Dans la mesure où elle cherche à résoudre
les questions de pauvreté qui sont reliées aux questions
environnementales, cette Charte a établi un cadre juridique pour le
développement du principe d'abolition de la pauvreté. Cette
Charte n'est toutefois pas un instrument obligatoire et les Etats
industrialisés ne lui accordent pas le même poids que les pays en
développement
Des efforts subséquents pour l'appuyer ont
été constatés au plan régional par l'adoption
d'instruments complémentaires. La Déclaration de
l'Amazonie(97) par exemple
reconnaît expressément que la pauvreté inflige un stress
sur l'environnement.
D'ailleurs, les statistiques indiquent que, les pays
industrialisés consomment 83% des ressources mondiales bien qu'ils ne
représentent que 25 % de la population du globe tandis que les pays du
Sud qui représentent 75 % de la population ne profitent que de 17% de
ces ressources. (98)
Avec trop peu de ressources financières, un État
est incapable de développer son économie pour faire face à
un marché très compétitif. Sa seule préoccupation
devient alors d'encaisser des revenus rapidement sans prendre en
considération les conséquences de ces choix immédiats sur
l'environnement et les possibilités de développement à
long terme. La Commission mondiale sur l'environnement et le
développement explique l'impact du cercle vicieux de la pauvreté
sur l'environnement en ces termes:
"Environmental stress has often been seen as the result of the
growing demand on scarce resources and the pollution generated by the rising
standards of the relatively affluent. But poverty itself pollutes the
environment, creating environmental stress in a different way. Those who are
poor and hungry will often destroy their immediate environment in order to
survive: they will cut down forests; their livestock will overgraze grasslands,
they will overuse marginal land; and in growing numbers they will crowd into
congested cities. The cumulative effect of these changes is so far reaching as
to make poverty itself a major global
scourge".(99)
L'abolition de la pauvreté constitue l'aspect le plus
délicat du développement durable et requiert qu'une approche
active soit adoptée, notamment par une collaboration plus grande des
États.
2 Le droit à un environnement sain
L'article 1 de la Déclaration de Stockholm
prévoit que l'homme à un droit fondamental à la
liberté, à l'égalité et à des conditions de
vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permette
de vivre dans la dignité et le bien-être. Il a le devoir solennel
de protéger
97 Déclaration de l'Amazonie, reproduite a (1989) 28
I.L.M. 130.
98 Voir J.V. ZAPATA LUGO, Sustainable Development: A Role for
International Environmental Law, thèse de maîtrise,
Université McGill, Montréal, 1993, aux pages 75 et ss.
99 Notre Avenir à Tous, Genève, 1987,
458p.. ci-après le Rapport Brundtland op.cit., , p
92.
et d'améliorer l'environnement pour les
générations présentes et futures. A cet égard, les
politiques qui encouragent ou qui perpétuent l'apartheid, la
ségrégation raciale, la discrimination, les formes, coloniales et
autres, forme d'oppression et de domination étrangère sont
condamnées et doivent être éliminées.
Le droit à un environnement adéquat constitue
donc une pré-condition pour le respect de tous les autres droits.
Toutefois, peu d'instruments internationaux, à ce jour, ont reconnu
l'existence d'un droit humain à un environnement sain. L'une des rares
références à ce droit est celle retrouvée dans la
Déclaration de Stockholm qui a tenté de relier les questions
environnementales aux droits humains fondamentaux.
Dans l'état actuel du droit, il n'est pas possible
d'affirmer qu'il existe un principe général de droit reconnu par
les nations civilisées au sens de l'article 38 (1)c) du Statut de la
Cour internationale de Justice (100) qui
incorporerait un droit fondamental à un environnement adéquat.
Toutefois, un processus de formation est amorcé. La source des droits
humains trouve généralement son origine dans le droit domestique
et on peut constater que déjà plusieurs
législations nationales et constitutions imposent maintenant un devoir
exprès ou implicite à l'État de protéger
l'environnement (101)
Toutefois, les nombreux efforts qui ont été
déployés, sur le plan international, pour établir ce droit
à un environnement sain, n'ont pas eu de succès jusqu'à
présent. Notamment, un groupe d'experts mondiaux a proposé la
création d'un droit humain fondamental dont l'objet immédiat et
direct vise la restauration et la conservation de
l'environnement.(102) Ils ont proposé la
formulation suivante:
"Tous les êtres humains ont le droit fondamental a un
environnement adéquat pour leur santé et leur bien être".
Cette formulation décrit une relation encore plus proche entre
l'humanité et l'environnement en référant explicitement au
concept de santé et de bien-être.
Elle impliquerait au moins une obligation internationale des
États entre eux, si ce n'est vis à vis des êtres humains,
de protéger adéquatement l'environnement. Cette formulation peut
aussi être analysée comme un droit humain substantif ou au moins
un droit permettant, au moyen d'un droit accessoire plus procédural, la
possibilité de recours pour se protéger contre la violation par
l'État ou autres entités ou personnes, d'un intérêt
juridiquement reconnu à un environnement sain et
adéquat.(103)
100 Statut de la Cour internationale de Justice,
C.N.U.C.I.O.,vol. 15 .
101 Voir l'affaire Minors Oposa c. Sec. of dept. of env. &
Natural Resources, reproduite à (1994)33 I.LM. 173, une décision
rendue par la Cour suprême des Philippines, reconnaissant un droit
d'action des générations futures dans la protection de
l'environnement découlant du droit à un environnement sain
accordé en vertu de l'article 16 de la Constitution de 1987 des
Philippines.
Dans cette affaire, la Cour a ordonné I'arrêt du
projet immobilier et de la coupe à blanc des forets visées.
102 ,voir: Experts Group on Environmental Law of the WCED,
Environmental Protection and Sustainable Development: Legal Principles and
Recommendations, London, Graham & Trotman/Martinus Nijhoff, 1986.
103 Dans ses commentaires, le groupe d'experts mondiaux
écrit qu'il est clair que ce droit ne protège pas uniquement les
intérêts des Etats entre eux, particulièrement lorsqu'on
l'interprète à la lumière de l'obligation des Etats
d'assurer la conservation de I'environnement et des ressources au
bénéfice des générations futures et
présentes.
Toutefois un droit d'accès égal des individus
aux systèmes judiciaires des États- Parties pour réclamer
en justice des dommages résultant d'impacts environnementaux
transfrontières constitue un accessoire essentiel du droit à un
environnement sain.
La mise en oeuvre et l'effectivité de ce principe
nécessite l'action législative des Etats et son efficacité
dépendra des systèmes judiciaires, des législations
environnementales et de l'harmonisation de celles-ci entre les
États(104). La Convention nordique sur la
protection environnementale(105) fournit la preuve
de l'introduction de ce principe en droit international. Ce droit
d'accès aux systèmes judiciaires étrangers pourrait
rehausser ou aider à faire reconnaître le droit à un
environnement sain, et ce, les principes 10 et 13 de la Déclaration de
Rio le démontrent bien, car dans la mesure ou il est possible pour un
individu d'obtenir réparation de dommages en relation avec
l'environnement, celui-ci sera mieux protégé.
B Les conditions d'une réelle justice
sociale
1 Les obligations communes mais
différenciées
Ces obligations qui découlent et sont à la base
même du principe de l'abolition de la pauvreté, sont
codifiées aux principes 12, 23 et 24 de la Déclaration de
Stockholm et retrouvées dans plusieurs conventions
récentes(106). En large partie le fruit des
négociations à l'échelle mondiale menées par le
C.N.U.E.D., ces obligations trouvent leur fondement dans les principes du
Nouvel ordre économique et plus particulièrement dans le principe
d'égalité de participation des pays en développement dans
les relations économiques.(107)
Le but poursuivi par le Nouvel ordre économique
étant d'atteindre l'égalité parmi les membres de la
Communauté internationale, cela doit se refléter non seulement
dans les règles de partage des richesses tirées du système
économique, mais aussi dans la structure et les modalités de
fonctionnement du système des relations économiques.
Ces obligations impliquent donc une obligation accessoire des
nations industrialisées, d'assister financièrement et
technologiquement les pays en voie de développement pour leur permettre
d'abandonner les technologies désuètes au profit des technologies
de pointe.(108)
La Convention sur les changements
climatiques(109) constitue un des meilleurs
exemples de la mise en oeuvre de cette obligation au moyen de deux
techniques.
104 Pour une discussion sur l'enchâssement
constitutionnel de droits environnementaux, voir E. BRANDL & H. BUNGERT,
"Constitutional Entrenchment of Environmental Protection: A comparative
Analysis of Experience Abroad", (1992)16 Ham. Envtl. L Rev.1
105 Convention nordique sur la protection environnementale,
reproduite à (1974) 13 I.L.M. 591 voir S. MURASE,"Perspectives from
International Law on Transnational Environmental Issues" (1995) 253 R.C.A.D.1.
397, aux pages 305 et ss.
106 Par exemple. Voir la Convention sur la diversité
biologique, reproduite à (1992)31 I.L M .818.
: Protocole de Montréal relatif à des substances
qui appauvrissent la couche d'ozone,. reproduite à (1987)26 I.L M.
1541.
107 J. MAKARCZYK, Principles of a New International Economic
Order, Dordrecht, Martinus Nijhoff, 1988, 367p.
108 Voir D.B. MAGRAW, "Legal Treatment of Developing Countries:
Differential, Contextual and Absolute Norms", (1990) 1 Co/o.J. Int'l Envtl.
L.& Policy 69.
109 Convention cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques,. reproduite à (1992) 31 I.L.M.
L'une consiste en l'adoption d'une approche à deux
niveaux pour la réduction des émissions, par laquelle les pays
industrialisés s'engagent à réduire significativement et
immédiatement les émissions des substances visées, tandis
que les pays en développement ont considérablement plus de
latitude en termes de degré de réduction et de délais pour
atteindre le même niveau de réduction. Le deuxième moyen
est l'engagement des pays riches de fournir de l'assistance financière
et de promouvoir des transferts techniques et technologiques aux pays en
développement(110)
Le principe 7 de la Déclaration de Rio a prévu
cette responsabilité plus grande des pays industrialisés pour les
dommages environnementaux causés par le passé alors qu'au
même moment ces nations industrialisés ont les ressources, le
savoir-faire et les habiletés requises pour gérer et pousser plus
loin la protection environnementale.
Ces obligations communes mais différentiées
devraient à la longue entraîner un correctif dans les relations
entre les pays Nord-Sud par application du principe d'inégalité
compensatrice.
2 Le règlement pacifique des différends
environnementaux
La relative rareté et l'épuisement de certaines
ressources telles les stocks de poisson, les espèces
génétiques, le pétrole, les forets, l'eau potable et
autres, comportent un potentiel élevé de conflits entre les
Etats, constituant ainsi une menace latente pour la paix et la
sécurité mondiale. C'est pourquoi le principe de règlement
pacifique des différends doit être endossé comme
règle de base des schémas de protection environnementale, et ce,
conformément à l'article 2(3) de la Charte des Nations-Unies
prévoyant que tous les États doivent régler leurs disputes
par des moyens pacifiques et d'une manière telle que la paix, la
sécurité internationale et la justice ne soit pas compromises.
C'est dans cet esprit que la Déclaration de Rio
incorpore ce principe et souligne également l'importance des
mécanismes de règlement pacifique des différends pour
l'atteinte du développement durable.(111)
Le groupe d'experts de la Commission mondiale sur
l'environnement(112) a prévu une
codification détaillée des mécanismes de règlement
des disputes environnementales qui pourrait être très utile, car
elle fournit une procédure applicable à un vaste éventail
de situations.
Cette procédure prévoit que les États ont
l'obligation de recourir à l'une des différentes techniques
disponibles en droit international soit, la négociation, les bons
offices, l'enquête, la médiation, la conciliation, l'arbitrage, le
règlement judiciaire, le recours à des organisations
appropriées ou à des accords globaux ou régionaux ou tout
autre mode pacifique de règlement de leur choix. Si les parties
n'arrivent pas, dans un délai raisonnable, à régler leur
différend par l'utilisation d'une certaine méthode, elles doivent
chercher à le régler par un autre moyen reconnu.
Si après une période de 18 mois, une solution
n'est toujours pas atteinte, une des parties peut soumettre le litige
à un processus de conciliation à moins qu'il n'y ait entente
entre les parties
110 Voir par exemple les articles 20 et 21 de la Convention sur
la diversité biologique, op cit., note 106.
111 Voir la Déclaration de Rio sur l'environnement et le
développement, principes 23, 24, 25.
112 Experts Group on Environmental Law of the WCED op. cit., note
106.
pour procéder par un autre moyen déjà
convenu ou pour soumettre le différend à une autre méthode
de règlement des différends. Finalement, en cas d'échec de
cette dernière tentative, l'une des parties peut soumettre le
différend pour arbitrage ou pour règlement judiciaire, sous
réserves d'une entente pour soumettre le différend à un
autre mode alternatif de règlement des conflits.
Ce principe pourrait favoriser l'atteinte du
développement durable, parce que les mécanismes
suggérés pourraient prévoir l'utilisation du droit
international de l'environnement, des principes et de la pratique
internationale en ce domaine qui s'est développée. Ce
système adjudicatif permettrait de créer des
précédents qui pourraient faire avancer le droit de
l'environnement, notamment en permettant une prise en compte plus efficace de
ses obligations et principes.
Section II: les exigences en terme
d'intégration
Nous aborderons l'incidence des accords multilatéraux
sur l'environnement établissant des règles commerciales dans le
paragraphe I, pour ensuite étudier dans le paragraphe II, la prise en
compte de l'environnement par les organisations d'intégration
économique régionales.
Paragraphe I: Accords multilatéraux sur
l'environnement établissant des règles commerciales
Nous étudierons successivement les accords sur la
biodiversité (A) et les accords sur les substances à risque pour
l'environnement (B).
A Les accords sur la biodiversité
Les obligations des États et les devoirs des citoyens
en matière de conservation de la diversité biologique ne peuvent
être séparés du contexte économique et social dans
lequel ils doivent s'exercer. L'oublier serait courir directement à
l'échec. C'est la raison pour laquelle il apparaît de plus en plus
nécessaire d'élaborer et de mettre en oeuvre des
stratégies internationales et nationales de conservation dont l'objet
serait d'intégrer les impératifs de la conservation avec ceux du
développement économique.
1 La convention de Rio sur la diversité
biologique(113)
Aux fins de son article 1er, l'objectif assigné de la
convention est triple : il recouvre la promotion de la << conservation de
la diversité biologique, l'utilisation durable de ses composantes et le
partage juste et équitable des profits tirés de l'utilisation des
ressources génétiques ».
Pour certains, l'un des mérites de cette Convention est
de fournir une vision globale regroupant tous les aspects de la
diversité biologique et de créer un cadre mondial consolidant les
différents concepts et acquis juridiques en matière de
biodiversité(114).
Pour d'autres, au contraire, cette convention, malgré
ses aspects positifs qui sont de donner une définition de la
diversité biologique, d'introduire dans son préambule le principe
de précaution et celui de l'utilisation durable, marque << la
banalisation de la biodiversité », devenue << simple
élément du commerce extérieur des Etats » puisque
ceux-ci ont le droit
113 Cf note 106
114 F. BURHENNE-GUILMIN, << La diversité biologique
dans les traités », Colloque international en Hommage à
Cyrille Klemm : << la diversité biologique et le droit de
l'environnement », Council of Europe publishing, 2000.
souverain d'exploiter leurs propres
ressources(115). En effet, les principes de
conservation énoncés, tels que la création de zones
protégées et de zones où des mesures spéciales
doivent être prises (art.8) ont une portée réduite, car ces
principes sont établis par les Parties << dans la mesure du
possible et selon qu'il conviendra >>. A. Kiss et J.P Beurier ainsi que
S. MaljeanDubois dénoncent même l'idéologie utilitariste et
les principes mercantiles qui meuvent la Convention. Selon eux, les
institutions établies au sein de la Convention <<
s'intéressent tout autant, sinon davantage, à l'exploitation des
ressources génétique, qu'à la conservation de la
biodiversité >>(116). D'autres auteurs
encore, vont jusqu'à dénoncer l'assimilation de la
biodiversité à une marchandise puisqu'ils déclarent :
<< la biodiversité est une simple question de ressources
génétiques dont il s'agit de tirer les bénéfices
les plus élevés possibles
>>(117).
Cependant, à première vue, la convention semble
adopter une << approche novatrice
>>(118) en matière de
biodiversité, car elle contient des dispositions relatives à
l'accès aux ressources génétiques et au partage des
avantages découlant de leur utilisation.
S'agissant de l'accès aux ressources la convention
rappelle le principe de souveraineté de l'Etat sur ses ressources
naturelles(119). Ainsi, selon l'article 15 de la
convention : << Etant donné que les Etats ont droit de
souveraineté sur leurs ressources naturelles, le pouvoir de
déterminer l'accès aux ressources génétiques
appartient aux gouvernements et est régi par la législation
nationale >> (§1). Cet accès est << soumis au
consentement préalable donné en connaissance de cause de la
Partie contractante qui fournit lesdites ressources, sauf décision
contraire de cette partie >> (§5). Ces dispositions soustraient donc
la diversité biologique au concept de patrimoine commun de
l'humanité dont les pays en développement et les pays
développés redoutaient les
implications(120).
Et pour assurer le << partage des avantages >>,
chaque partie << prend les mesures législatives, administratives
ou de politique générale appropriées >> ; le partage
doit s'effectuer << selon les modalités mutuellement convenues
>> (art. 15 § 7). Par delà les initiatives contractuelles,
les parties ont une obligation plus générale d'assurer et/ou
faciliter l'accès aux technologies nécessaires et le transfert de
ces technologies (art. 16 § 1). Les pays en développement doivent
bénéficier des << conditions justes et les plus favorables
>> (§2). Les parties doivent à cet égard <<
comme il convient, les mesures législatives, administratives ou de
politique générale voulues >> (§3), y compris pour que
<< le secteur privé facilite l'accès à la
technologie (...) sa mise au point conjointe et son transfert au
bénéfice tant des institutions gouvernementales que du secteur
privé des pays en développement >> (§4).
2 les autres accords touchant à la
biodiversité
115 A. KISS et J.P BEURIER, Droit international de
l'environnement, op.cit, p.310.
116 S. MALJEAN-DUBOIS, << Biodiversité,
biotechnologies, biosécurité : Le droit international
désarticulé. >>, JDI, 4, 2000, p. 950.
117 J.P. MARECHAL, << Quand la biodiversité est
assimilée à une marchandise >>, Le Monde diplomatique,
juillet 1999, p. 6 et suivantes.
118 Voir note 120, op. cit, p. 954.
119 Article 3 : << Conformément à la Charte
des Nations Unies et aux principes du droit international, les Etats ont le
droit souverain d'exploiter leurs propres ressources selon leur politique
d'environnement >>.
120 M.A. HERMITE, <<La convention sur la diversité
biologique >>, AFDI, 1992, vol. 38, p.859.
L'impact non négligeable des échanges
internationaux sur la biodiversité a suscité la mise sur pied
d'accords multilatéraux visant à endiguer ce fléau.
Aussi, les premières conventions étaient-elles
axées sur la protection des espèces. En effet, la première
en date est la Convention de Londres du 8 novembre 1933 relative à la
conservation de la faune et de la flore à l'état naturel. Cet
accord, par son article 9 prévoyait le contrôle et la
réglementation de l'importation et de l'exportation d'objets provenant
de trophées. Plus tard, la Convention pour la conservation de la flore,
de la faune et des beautés panoramiques naturelles des pays de
l'Amérique, adopté le 12 octobre 1940 instituait de par son
article IX, un système de contrôle par la délivrance de
certificats autorisant l'exportation, le transit et l'importation de certaines
espèces protégées. L'Afrique n'a pas été en
reste avec notamment la Convention africaine pour la conservation de la nature
et des ressources naturelles, adoptée à Alger le 15 septembre
1968. L'article IX prend des mesures destinées à
réglementer le trafic de spécimens ou de trophées
grâce à un système d'autorisation pour leur importation et
leur exportation.
La seconde génération d'accords était
relative au contrôle des échanges. Aussi, la Convention sur le
commerce des espèces de faune et de flore menacées d'extinction,
signée à Washington le 3 mars 1973, a pour objectif principal le
contrôle de ces espèces. La CITES interdit le commerce
international d'une liste agréée d'espèces menacées
d'extinction. De plus, elle réglemente et surveille par des
systèmes de permis, de contingentements et d'autres mesures
restrictives, le commerce d'autres espèces susceptibles de se trouver
menacées d'extinction.
Dans le cadre de la protection du milieu marin et des
ressources qui s'y trouvent, le système de protection de l'Antarctique,
organisé autour de cinq accords(121)
comporte des normes de procédés particulière telles que
les limitations à la capture du krill et des crabes dans le cadre des
mesures de conservation et de gestion des pêcheries existante et des
pêcheries nouvelles et d'exploitation. Par ailleurs, le contingentement
constitue une mesure essentielle dans ce dispositif. Aussi, la Convention de
Canberra de 1980, prévoit-elle en son article deuxième, que le
volume des captures ne doit pas compromettre le maintien des espèces
exploitées à un niveau stable.
En ce qui concerne les forêts et le commerce du bois
tropical, la tendance est à l'exploitation durable telle que
préconisée par la Déclaration de principes, non
juridiquement contraignante mais faisant autorité, pour un consensus
mondial, sur la gestion, la conservation et l'exploitation
écologiquement viable de tous les types de forêts, adoptée
à Rio en 1992. La question du déboisement est abordée par
l'Agenda 21 qui mise sur la coopération. L'accord du 26 janvier 1994
portant création de l'Organisation international des bois tropicaux dont
la vocation est de réguler le marché afin de soutenir des
politiques nationales de conservation mérite droit de citer.
B Les accords sur les substances à risque pour
l'environnement
1 Substances appauvrissant la couche d'ozone
Dans ce domaine les premiers accords étaient relatifs
aux substances qui appauvrissent la couche d'ozone. Ainsi le système
de protection repose sur une Convention-cadre donnant des objectifs
généraux et une base de coopération: la Convention de
Viennes de 1985. Le
121 Le système de l'Antarctique : les Mesures
concertées de 1964 pour la préservation de la faune et de la
flore, la Convention pour la préservation des phoques de 1972, la
Convention sur la protection de la faune et de la flore marines de
l'Antarctique de 1980, la Convention pour la réglementation des
activités relatives aux ressources minérales de 1988, le
protocole pour la protection de l'environnement de 1991.
protocole de Montréal négocié
ultérieurement (1987) définit certaines substances comme
étant des facteurs d'appauvrissement de la couche d'ozone et prohibe
tout commerce de ces substances entre Parties et non Parties. Des interdictions
peuvent être prononcées à l'égard de Parties dans le
cadre de la procédure que prévoit l'accord en cas de non respect
des règles fixées. Le protocole de Montréal prévoit
aussi la possibilité d'interdire l'importation de biens produits
grâce à des facteurs appauvrissant la couche d'ozone, en la
fondant sur les procédés et méthode de production. Suite
à la nécessité d'un consensus mondial dictée par le
réchauffement planétaire, la Convention-cadre sur les changements
climatiques a été adoptée à Rio en 1992. Elle porte
sur la plus complexe des questions environnementales et celle qui
présente les plus fortes incidences économiques. Comme les
émissions de gaz à effet de serre peuvent rarement être
limitées par les techniques d'aval, la principale stratégie
utilisée par la Convention-cadre réside dans la direction des
investissements futurs vers des activités produisant moins de gaz
à effet de serre. C'est ainsi que le Protocole de Kyoto a
été adopté en décembre 1997. Il définit deux
catégories de pays ceux qui s'engagent à limiter leurs
émissions de gaz à effet de serre et les autres et, crée
plusieurs mécanismes à cette fin.
2 Déchets et substances dangereuses
Dans le domaine du contrôle des déchets et des
substances dangereuses pour l'environnement, il faut souligner que la
réglementation des produits chimiques a connu une lente évolution
depuis la Convention internationale concernant le transport de marchandises par
chemin de fer de 1924 et le règlement international relatif au transport
de marchandises dangereuses par chemin de fer de la même année. Il
a fallu attendre le début des années 1970 pour voir
apparaître les premières mesures de contrôle des substances
dangereuses pour l'homme et l'environnement. Il s'agit notamment de la
résolution du 18 mai 1971 de l'OCDE prévoyant une
procédure de notification préalable et de consultation. Plus tard
sous l'impulsion du PNUE et de la FAO, naît la Convention de Rotterdam du
10 septembre 1998 sur la procédure de consentement préalable en
connaissance de cause, applicable à certains produits chimiques et
pesticides dangereux qui font l'objet d'un commerce international. Dans cet
accord les impératifs de protection de l'environnement ont pu aboutir
à une réglementation du commerce des substances toxiques ou
dangereuses permettant d'établir des restrictions aux échanges de
certains produits malgré les enjeux souvent importants pour les Etats
importateurs et pour les Etats exportateurs. En matière de flux
transfrontalier de déchets toxiques ou dangereux, l'adoption de la
Convention de Bâle, le 22mars 1989, qui va reprendre plusieurs principes
formulés dans les textes précédents, donne à la
communauté internationale un instrument pour limiter le commerce
international des déchets dangereux. Cet accord stipule que les Parties
ne peuvent exporter de déchets dangereux vers une autre Partie que si le
pays d'importation donne son accord par écrit. Les Parties ne peuvent
importer à partir des non Parties. Elles sont également tenues
d'empêcher l'importation ou l'exportation de déchets dangereux
lorsqu'elles ont des raisons de penser que ces déchets ne feront pas
l'objet d'un traitement écologique rationnel dans leur pays de
destination.
Paragraphe II: Organisations d'intégrations
économiques et préoccupations environnementales
Actuellement les initiatives régionales prennent un
rôle de plus en plus important dans la protection de l'environnement et
l'atteinte de politique de développement durable.
A En Europe L'Union européenne
représente actuellement l'organisation internationale la plus aboutie
et l'intégration régionale la plus développée
sur le plan institutionnel et fonctionnel. Aussi, a-t- elle
été confrontée dans son effort de construction à la
problématique environnementale,
laquelle à été intégrée dans
les politiques communautaires (1). En outre la Communauté prône le
respect des engagements internationaux en matière d'environnement
(2).
1 L'intégration progressive de l'environnement
dans les politiques communautaires L'intégration de
l'environnement dans les politiques s'est faite progressivement. En effet, de
1957 à 1986, les traités communautaires ne prévoient pas
de dispositions relatives à l'environnement, l'objectif étant
clairement la mise en place d'un espace économique unifié.
Cependant, durant cette période, de nombreux textes sont adoptés
par les institutions communautaires, marquant la préoccupation de
développer une politique environnementale communautaire. Dès le
début des années soixante-dix, la relation
d'interdépendance entre une croissance économique et
environnement est reconnue.
Il faudra attendre l'adoption de l'Acte unique européen
le 7 août 1986, pour que le Traité de Rome ainsi modifié
reconnaisse une compétence formelle des autorités
européennes dans le domaine de l'environnement. L'article 130R, §
2, qui énumère les principes de la politique environnementale de
l'Europe, prévoyait que :
<< Les exigences en matière de protection de
l'environnement sont une composante des autres politiques de la
Communauté ».
Le Traité sur l'Union européenne, adopté le
7 février 1992 à Maastricht, porte une modification à
l'énoncé de ce principe. Dorénavant, il est prévu
que :
<< Les exigences en matière de protection de
l'environnement doivent être intégrées dans la
définition et la mise en oeuvre des autres politiques de la
Communauté ».
Il est évident qu'en utilisant les termes <<
doivent être intégrées » en lieu et place des mots
<< sont une composante », le Traité impose une
véritable obligation aux instances européennes elles-mêmes
et, par ricochet, aux Etats membres.
L'importance de cette démarche est accentuée par
le Traité d'Amsterdam du 2 octobre 1997 qui, outre un ajustement du
texte, classe la problématique des exigences des préoccupations
environnementales dans les principes de base du Traité instituant la
Communauté européenne puisque, dorénavant, c'est l'article
6 qui en constitue le fondement :
<< Les exigences de la protection de l'environnement
doivent être intégrées dans la définition et la mise
en oeuvre des politiques et actions de la Communauté visées
à l'article 3, en particulier, afin de promouvoir le
développement durable ».
Il est certain que le fait de mentionner cette obligation
à propos non seulement des politiques mais aussi des actions de la
Communauté européenne, mais surtout, en plaçant ces
exigences dans les articles de base du Traité, la volonté a
été de donner à ce principe d'intégration des
préoccupations environnementales, non plus seulement le caractère
de principe de droit communautaire de l'environnement, mais celui de principe
général du droit communautaire. Cela ne signifie pas pour autant
que, en présence d'intérêt divergent, la priorité
doive être donnée à la protection de
l'environnement(122).
Le Traité de Nice et la Charte des droits fondamentaux
de l'Union européenne confirment l'importance de ce principe, puisque
l'article 37 relatif à la protection de l'environnement - que l'on
retrouve tel quel dans le projet de Constitution pour l'Europe à
l'article II-37 - est libellé comme
suit(123) :
122 Cf., par exemple, N. de SADELEER, Le droit communautaire et
les déchets, Bruylant-LGDJ, Bruxelles-Paris, 1995, pp. 77 et s.;
D.GERADIN, << Droit européen de la concurrence et protection de
l'environnement » in Droit commercial, droit des
sociétés et environnement : questions d'actualité,
Amén.-Env., n° spéc. 1999, pp. 44 et s.
123 Sur cette question, voir. N.de SADELEER, << La
protection de l'environnement - L'environnement
« Un niveau élevé de protection de
l'environnement et l'amélioration de sa qualité doivent
être intégrés dans les politiques de l'Union et
assurés conformément aux principes de développement
durable >>.
2 Le respect des engagements internationaux
environnementaux
Les engagements internationaux en matière
d'environnement jouent un rôle important dans le développement de
politiques communautaires et notamment dans les domaines de la protection de
l'environnement et du commerce. La Communauté, qui dispose d'une
personnalité morale reconnue pour négocier des accords
internationaux participe activement à la mise en oeuvre des conventions
internationales environnementales. En témoigne l'article 174 du
Traité CE qui dispose: « 1. La politique de la communauté
dans le domaine de l'environnement contribue à la poursuite des
objectifs suivants: (...) - la promotion, sur le plan international, de mesures
destinées à faire face aux problèmes régionaux ou
planétaires de l'environnement. 2. La politique de la Communauté
vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la
diversité des situations dans les différentes régions de
la Communauté. (...) >> Aussi, les engagements internationaux
conclus par les Communautés font partie de l'ordre juridique
communautaire et se placent dans le cadre de la hiérarchie des normes au
dessus du droit dérivé. Par ailleurs la Cour de justice des
Communautés européennes l'a réaffirmé à
plusieurs reprises(124). Il est également
à noter que la CJCE a fait prévaloir à plusieurs reprises
une interprétation conforme au droit communautaire quant à ses
engagements internationaux. A titre indicatif on peut citer d'une part
l'Arrêt Safety HighTech(125). A la suite de
l'adhésion de la Communauté à la Convention de Vienne et
au protocole de Montréal, la Communauté adopte différents
textes destinés à réglementer les substances appauvrissant
la couche d'ozone ainsi que le contrôle de leur production en les
soumettant à des restrictions quantitatives. La cour saisie d'un renvoi
jurisprudentiel, a été amenée à apprécier la
validité du règlement communautaire interdisant les HCFC en se
référant à la convention de vienne et au protocole de
Montréal. D'autre part, dans l'Affaire
Bluhme(126) la Cour a accepté l'argument de
« l'objectif de protection de la diversité biologique >>
telle que prévue par la Convention de Rio pour admettre la
conformité d'une mesure environnementale du gouvernement danois visant
à interdire l'importation d'abeilles.
B Dans le reste du monde
1 Afrique
Le NEPAD dont l'objectif est la relance de l'économie
et la promotion du développement du continent africain évoque
l'environnement comme une condition préalable à la
réalisation de ses objectifs au même titre que les 9 autres
priorités définies.
D'autres initiatives sous régionales intègrent
également les préoccupations
environnementales notamment :
- Le Marché commun de l'Afrique orientale et
australe (COMESA), créé par le traité de Kampala
du 5 novembre 1993, prévoit un principe de coopération dans le
domaine de la gestion des ressources naturelles et de l'environnement à
l'article 4, al. 6 h. Le Chapitre XVI,
dans le projet de Constitution pour l'Europe : l'écologie
inoffensive >> in Une Constitution pour l'Europe, Larcier, Bruxelles,
2004, pp. 367- 393.
124 CJCE, 10 septembre 1996, Commission / Allemagne, affaire
C-61/94
125 CJCE, 14 juillet 1998, Aff. C-284/95; Gianni Bettati contre
Safety Hi-tech srl.
126 Affaire Bluhme,CJCE, 3 décembre 1998, Affaire
C-67/97
notamment les articles 124 et 125, est consacré à
cette coopération en établissant une distinction entre gestion de
l'environnement et gestion des ressources naturelles.
Le traité prévoit également la mise sur
pied d'une méthode commune et coordonnée concernant le
développement durable.
- La Communauté de développement de
l'Afrique australe (SADC), mise en place par le traité de
Windhoeck du 17 août 1992, énonce comme objectif l'utilisation
durable des ressources naturelles et la protection efficace de l'environnement
à travers l'article 5 al. g. Elle présente un cadre particulier
pour le développement d'actions sous-régionales pour
l'environnement. Différents protocoles sont destinés à
régler des questions relatives à la gestion commune des
ressources, comme la faune et la flore sauvages, les cours d'eau ou encore les
forêts.
- L'Union économique et monétaire
ouest-africaine (UEMOA) prévoit dans le protocole additionnel
n° II relatif aux politiques sectorielles de l' UEMOA, un chapitre
consacré à l'amélioration de l'environnement dans les
articles 9 à 12. La Conférence des chefs d'Etats et de
gouvernements veille à la prise en compte de la lutte contre la
désertification, de la protection des ressources naturelles et de la
biodiversité, de l'amélioration de l'environnement en milieu
rural et urbain, de l'exploitation des énergies renouvelables et de la
lutte contre l'érosion côtière.
2 Amérique
L'Accord de libre-échange Nord-Américain a
été signé le 17 décembre 1992 par le Canada, les
États-unis et le Mexique
Dans le cadre de l'ALENA la libéralisation des
échanges s'accompagne d'une volonté de tenir compte de
l'environnement. Aussi, les Etats s'engagent-ils à s'acquitter de leurs
responsabilités en matière d'activités économiques
d'une manière compatible avec la protection et la conservation de
l'environnement, à promouvoir le développement durable, à
renforcer l'élaboration et l'application des lois et règlements
en matière d'environnement. Ainsi, le chapitre 7 est-il consacré
aux mesures sanitaires et phytosanitaires, alors que le chapitre 9 couvre les
autres normes notamment celles relatives à l'environnement. Ils
établissent les seuils de protection respectifs pour les Parties et les
normes permettant de les atteindre en leur donnant un fondement scientifique.
Par ailleurs, l'ALENA laisse aux parties le soin de fixer les niveaux de
protection qu'elles estiment appropriés et par la suite les mesures
législatives qui s'imposent. Cependant, l'une des principales
spécificités de l'ALENA réside dans son chapitre 11
relatifs aux investissements. En effet, l'article 1114 met en garde les Parties
d'essayer d'attirer les investissements en assouplissant ou en dérogeant
aux réglementations nationales en matière de santé, de
sécurité et d'environnement. Il s'agit là d'une
disposition unique dans un accord commercial: pour la première fois
l'environnement est pris en compte dans un chapitre relatif à
l'investissement.
L'article 104 et l'Annexe 104.1 de l'ALENA intitulé
« Rapport avec les accords de protection de l'environnement »
indiquent clairement qu'en cas d'incompatibilité entre l'ALENA et les
dispositions commerciales spécifiques découlant de la CITES, de
la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements
transfrontières de déchets dangereux, du Protocole de
Montréal sur les substances qui détruisent la couche d'ozone
etc., ces accords prévaudront sur les dispositions de l'ALENA. Cette
disposition montre sans ambiguïté que les signataires de l'ALENA
reconnaissent la primauté de la protection de l'environnement sur les
règles commerciales communes.
CONCLUSION
Pour conclure il convient tout d'abord de se départir
de l'idée selon laquelle les liens entre protection de l'environnement
et commerce international pourraient facilement être qualifiés de
positifs ou négatifs. En effet, il convient de garder à l'esprit
qu'il s'agit d'interactions immensément complexes et variables d'un
pays, d'un secteur et d'une entreprise à l'autre. Elles se
caractérisent par le fait qu'elles peuvent constituer à la fois
des dangers et des opportunités pour les Etats, les Collectivités
locales et les entreprises qui oeuvrent en faveur du développement
économique et de la protection de l'environnement.
Le défi, pour tous ces acteurs, consiste à tirer
parti de ces possibilités et à réduire ces menaces afin de
maximiser la contribution positive nette que le commerce international peut
apporter à l'environnement. Cependant, élargir et
améliorer notre compréhension des liens entre le commerce et
l'environnement apparaissent comme une condition préalable à
l'exploitation de ces opportunités, à la diminution des menaces
et, au bout du compte, au renforcement mutuel du commerce, de
l'environnement.
Comme nous le constatons le démantèlement des
frontières économiques exige un renforcement de la
coopération intergouvernementale dans le domaine de l'environnement. De
toute façon, les pays seraient interdépendants sur le plan
écologique même s'ils ne commerçaient pas. Les
écosystèmes ne s'arrêtent pas aux frontières
nationales, pas plus que la pollution qui voyage avec l'air et l'eau. Le point
pertinent est que le démantèlement des frontières
économiques et la mobilité des activités industrielles qui
en résulte rendent la coopération plus urgente en
réduisant l'autonomie des nations en matière de
réglementation. Le coût apparent d'une action isolée, en
termes de perte d'investissements et d'emplois, étouffe souvent les
initiatives réglementaires.
Mais la coopération requise va au-delà de ce que
l'OMC peut offrir à elle seule, d'autant que les liens entre
problèmes environnementaux et commerce international ne sont
qu'indirects. En même temps, le modèle de coopération de
l'OMC, fondé sur des droits et des obligations légaux, pourrait
inspirer une coopération internationale plus structurée en
matière d'environnement.
Aujourd'hui, la coopération internationale dans le
domaine de l'environnement s'exprime par le biais d'une multitude
d'organisations et de conventions, qui ne constituent pas un ensemble
cohérent. Bien entendu, il faudra probablement un certain temps pour
trouver la forme que devront prendre les nouvelles institutions mondiales de
coopération environnementale et on devrait tenir compte d'un large
éventail d'intérêts et de positions, cela suppose, sur le
plan national, l'implication de la société civile au
côté du gouvernement, et au plan international, qu'on fournisse
une assistance financière et technique aux pays en développement
et en transition pour renforcer leur capacité.
Une organisation internationale de l'environnement serait sans
nul doute appropriée pour coordonner cet ensemble.
Aussi l'une des évolutions marquantes de ces
dernières années est sans aucun doute l'établissement d'un
lien conceptuel entre protection de l'environnement et développement
économique.
Ce lien est consacré par l'émergence d'un consensus
sur le «développement durable».
Ainsi, selon le rapport de la « Commission Brundtland
», Notre avenir à tous, le « développement durable
» s'entend d'un développement qui répond aux besoins du
présent sans compromettre la capacité des
générations futures à répondre aux leurs.
Il intègre des principes environnementaux (principe de
précaution, principe «pollueur-payeur »), commerciaux (non
discrimination, proportionnalité) et sociaux (droits fondamentaux du
travail, équité).
L'influence du rapport Brundtland se trouve dans divers
instruments internationaux par exemple dans la 4ème convention de
Lomé, conclue entre la Communauté européenne et les Etats
d'Afrique, Caraïbe et Pacifique. L'objectif premier de la
coopération CEE/ACP reste le développement économique,
culturel et social des Etats ACP. Mais les parties contractantes reconnaissent
qu'un tel développement doit «reposer sur un équilibre
durable entre ses objectifs économiques, la gestion rationnelle de
l'environnement et la valorisation des ressources naturelles et
humaines».
De même l'accord de Marrakech instituant l'organisation
mondiale du commerce évoque dès son préambule un objectif
de développement durable qui est libellé comme suit :
«Reconnaissant que leurs rapports dans le domaine commercial et
économique devraient être orientés vers le
relèvement des niveaux de vie, la réalisation du plein emploi et
d'un niveau élevé et toujours croissant du revenu réel et
de la demande effective, et l'accroissement de la production et du commerce de
marchandises et de services, tout en permettant l'utilisation optimale des
ressources mondiales conformément à l'objectif de
développement durable, en vue à la fois de protéger et
préserver l'environnement et de renforcer les moyens d'y parvenir d'une
manière qui soit compatible avec leurs besoins et soucis respectifs
à différents niveaux de développement économique,
(...)»
La déclaration de Rio tente également de
concilier développement économique et protection de
l'environnement. Ainsi, le principe 4 énonce que : «pour parvenir
à un développement durable, la protection de l'environnement doit
faire partie intégrante du processus de développement
économique et ne peut être considérée
isolément».
Nous pensons donc que le développement durable pourrait
être la voie à explorer pour assurer une cohérence entre
les politiques environnementale et commerciale.
BIBLIOGRAPHIE OUVRAGES
A.KISS et J.P. BEURIER, Droit international de l'environnement,
Etudes internationales, Pedone, Paris, 2004, 503p
G. MORANGE, `' Une catégorie juridique ambiguë : les
principes généraux du droit», R.D.P., 1977,
IIDD, PNUE, << Guide de l'environnement et du commerce,
2ème édition,. 2005 »
La documentation Française : Essai sur la genèse
des principes du droit de l'environnement : l'exemple du droit communautaire
Nicolas de SADELEER, Essai sur la genèse et la
portée de quelques principes du droit de l'environnement : les principes
du pollueur-payeur, de prévention et de précaution,. Bruylant,
Bruxelles, 1999.- 437 p
OMC, Commerce et Environnement, Dossiers Spéciaux H.
Nordstrom et Scott Vaughan, 1999.
Organisation mondiale du commerce : comprendre l'OMC,
Troisième édition Précédemment publiée sous
le titre «Un commerce ouvert sur l'avenir», février 2007
ARTICLES ET ETUDES
F. BURHENNE-GUILMIN, << La diversité biologique
dans les traités », Colloque international en Hommage à
Cyrille Klemm : << la diversité biologique et le droit de
l'environnement », Council of Europe publishing, 2000.
IDI, Procédures d'adoption et de mise en oeuvre des
règles en matière d'environnement, Résolution du 4
septembre, RBDI, no 1997/2, p. 497.
Les notes bleues de Bercy << Environnement et commerce
international » Article de Nathalie Kosciusko-Morizet, responsable de la
cellule Environnement de la direction des Relations économiques
extérieure
Oran R. Young, 2002. Matching institutions and ecosystems: the
problem of fit. Les séminaires de l'Iddri, Iddri.
P. LASCOUMES `' Le droit de l'environnement en
révolution» Libération, 21 mars 1995,
Sandrine Maljean-Dubois (Ceric) La mise en oeuvre du droit
international de l'environnement ex-Les notes de l'Iddri n°4) N°
03/2003
MEMOIRES
BLAIS, Dénise., << Le droit international de
l'environnemental et le droit économique : vers une meilleure protection
des ressources », Université d'Ottawa, 1996
DAVANTURE, Sandrine., << Les relations entre les
règles des accords multilatéraux sur l'environnement et celles de
l'OMC », Université Panthéon Assas Paris II, 2003
DIENE Moussa, << Protection de l'environnement et commerce
international », Faculté des sciences juridiques et politiques
Dakar 2004
SITES WEB
www.iisd.org/trade/handbook
www.ladocumentationfrancaise.fr
www.unep.org
www.wto.org
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS . 1
SIGLES ET ABBREVIATIONS 2
INTRODUCTION .. 4
PREMIERE PARTIE: L'INDEPENDANCE DES
NORMES ENVIRONNEMENTALES
ET COMMERCIALES
|
.. 7
|
CHAPITRE I: LES PRINCIPES FONDAMENTAUX
|
7
|
Section I: Méconnaissance des questions
environnementales par le système commercial.....
|
7
|
Paragraphe I: La discipline de non discrimination dans le
système commercial
|
8
|
A Nation la plus favorisée
|
. 8
|
B Traitement national
|
9
|
Paragraphe II: La liberté des échanges
|
.11
|
A Interdiction des restriction quantitatives
|
. 11
|
B Le désarmement douanier
|
.. 13
|
Section II: Une application limitée des
principes environnementaux par rapport à ceux du
commerce
|
|
|
14
|
Paragraphe I: Principes ayant différentes valeurs
|
|
|
15
|
A Disparité des principes
|
|
|
15
|
B Principes axés sur des valeurs morales
|
|
|
.. 16
|
Paragraphe II: la nécessité de la mise en oeuvre au
plan national
|
|
|
17
|
A Normes de qualité et d'émission
|
|
|
18
|
B Normes de produit et procédés et méthodes
de production
|
|
|
19
|
CHAPITRE II: LES CONDITIONS DE MISE EN
|
OEUVRE
|
DES
|
NORMES
|
ENVIRONNEMENTALES ET COMMERCIALES
|
|
|
. 20
|
Section I: La primauté des règles commerciales
|
|
|
20
|
Paragraphe I: L'organe de règlement des différends
(ORD)
|
|
|
.. 21
|
A Organisation
|
|
|
21
|
B Fonctionnement 22
Paragraphe II: Quelques jurisprudences . 23
A Affaire « thons dauphins 23
B Essence nouvelle et ancienne formule 25
Section II: Faiblesse des conventions
environnementales .. 26
Paragraphe I: conventions surtout sectorielles 26
A Profusion normative 26
B Vitalité institutionnelle 28
Paragraphe II: La difficile mise en application 29
A Difficulté inhérente à l'ordre juridique
international .. 29
B Le problème d'efficacité et d'effectivité
des normes .. 32
DEUXIEME PARTIE: LA NECESSITE
DE L'INTERDEPENDANCE ENTRE COMMERCE INTERNATIONAL ET
ENVIRONNEMENT . 34
CHAPITRE I: LA DIFFICILE INTEGRATION DE L'ENVIRONNEMENT A L'
OMC 34
Section I: L'environnement dans les accords de l'
OMC 34
Paragraphe I: Le GATT . 34
A Les exceptions de l'article XX 35
B L'interprétation du chapeau introductif de l'article XX
. 36
Paragraphe II: Autres accords de l' OMC touchant à
l'environnement 37
A Le commerce des marchandises . 37
B Le commerce des services 40
Section II: Le comité du commerce et de l'environnement
(CCE) . 42
Paragraphe I: Les objectifs du CCE 42
A Mandat 42
B Travaux 43
Paragraphe II: La conférence ministérielle de Doha
et le nouveau plan d'action 45
A Les grandes lignes du programme de Doha .. 45
B Les travaux du CCE conformément au programme de Doha
47
CHAPITRE II: LES CONDITIONS D'UNE REELLE
CONVERGENCE .. 49
Section I: Les exigences du développement
durable .. 49
Paragraphe I: En terme environnemental 49
A Gestion durable 49
B La recherche de meilleures politiques environnementales . 52
Paragraphe II: La dimension éthique . 54
A L'amélioration des conditions de vie 54
B Les conditions d'une réelle justice sociale 57
Section II: les exigences en terme
d'intégration . 59
Paragraphe I: Accords multilatéraux sur l'environnement
établissant des règles commerciales .. 59
A Les accords sur la biodiversité 59
B Les accords sur les substances à risque pour
l'environnement 61
Paragraphe II: Organisations d'intégrations
économiques et préoccupations environnementales 62
A En Europe . . 62
B Dans le reste du monde 64
CONCLUSION .. 66
BIBLIOGRAPHIE . 68
|