Matériel et
Méthodes
1. Matériel biologique
Les huîtres sélectionnées pour le projet
Riscosol proviennent de captage naturel d'Arcachon. Les juvéniles de 18
mois ont été répartis sur 6 stations dans la baie de
Quiberon. Trois sites seulement ont été retenus pour les analyses
biochimiques (Stations QB02, QB04 et QB05 - Figure 7). La présence d'un
gradient d'envasement a justifié ce choix, la station 5 étant la
plus envasée, la station 2 la moins envasée, la station 4
étant intermédiaire (Annexe 3). Les stations 2 et 5 sont à
une profondeur moyenne de 7-8 mètres tandis que la station 4 est
à environ 13 mètres de profondeur. Les eaux du fond pour cette
dernière station sont plus froides, plus turbides et sont davantage
soumises aux phénomènes de stratification pendant
l'été.
Figure 7 : Carte de situation des sites retenus dans la
baie de Quiberon pour le projet Riscosol
Un prélèvement de 30 huîtres pour les
mesures physiologiques est réalisé à date fixée.
Pendant la durée du stage les prélèvements de juillet
2008, septembre 2008 et mars 2009 ont été analysés. Des
mesures biométriques sont effectuées le jour du
prélèvement (poids total, poids de chair, poids de coquille). Sur
les 30 huîtres, 3 pools de 5 huîtres sont réalisés
sur l'animal entier et 3 autres pools de 5 huîtres sont constitués
par tissus (glande digestive, les branchies et le muscle). Les pools d'animaux
entiers et des tissus sont congelés dans l'azote liquide aussitôt
après dissection jusqu'à l'analyse.
Le matériel biologique et le protocole de la
manipulation en milieu contrôlé hypoxie - normoxie est
décrit par Gilles Le Moullac [6]. Nous avons retenu les
échantillons d'huîtres issues de la manipulation de juin 2005 (ce
qui correspond à une température de 20°C) et pour les
huîtres de la souche R seulement. La souche R est une souche
d'huître sélectionnée en une génération pour
ses qualités de résistance face aux mortalités
estivales.
Après une phase d'acclimatation d'une semaine en milieu
contrôlé, un lot est placé en condition hypoxique (2.0mg
O2/L d'eau de mer) et un deuxième lot témoin est
gardé en normoxie (environ 8.5mg O2/L d'eau de mer). Des
prélèvements sont effectués à T0, T2, T10 et T20
jours pour les mesures biochimiques.
2. Préparation des
échantillons pour les mesures d'activités enzymatiques
Les échantillons d'huîtres congelés sont
broyés au Dangoumeau. La poudre fine obtenue est ensuite
aliquotée par 100 ou 200mg dans des tubes eppendorfs. Les aliquots sont
extraits dans un tampon dont la composition spécifique dépend des
conditions du dosage :
Dosages GR-CS-CAT-SOD : Tampon PBS (Phosphate
Buffer Saline) + 0.1% Triton X-100 + 1mM EDTA
Dosage CCO : Tampon PBS + 0.1% Tween 20 + 1mM
EDTA
Dosages PK-PEPCK : Tampon Imidazole-HCl 0.2M pH7.2 +
NaF 100mM + EDTA 5mM + EGTA 5mM + 2-âmercaptoéthanol 15mM +
Antiprotéases
Dosage DPPH : Mélange méthanol-eau
50/50
L'homogénéisation est réalisée
à l'aide d'un broyeur mécanique (polytron). Pendant toute la
durée de l'homogénéisation, les échantillons sont
maintenus dans un bain de glace. Seule exception, pour le dosage DPPH,
l'homogénéisation est uniquement réalisée par
ultrasons. Les broyats sont ensuite centrifugés :
Dosages CS-GR-SOD-CAT-PK-PEPCK : 15000g pendant
10mn à 4°C
Dosage DPPH : 3500g pendant 15mn à
20°C
Dosage CCO : Extraction de mitochondries :
première centrifugation à 1400g pendant 5mn à 4°C. Le
surnageant est isolé puis centrifugé une deuxième fois
à 9000g pendant 9mn à 4°C. Le culot est ensuite redissout
dans un tampon phosphate 50mM pH 7.8 pour les analyses.
Les dosages sont réalisés en microplaques de 96
puits et les cinétiques sont lues avec un lecteur
spectrophotométrique Biotek UV/visible. Les résultats sont
exprimés par rapport à des mg de protéines solubles,
dosage réalisé par la méthode de LOWRY (kit BioRad).
Le poids sec moyen de l'huître ainsi que le taux de
matière organique moyen par huître est obtenu après
séchage d'un aliquot de poudre à 80°C et 450°C.
3. Principe des dosages
a) Métabolisme énergétique :
Principe du dosage de la pyruvate kinase (PK)
:
La PK est une enzyme de la glycolyse. La réaction
qu'elle catalyse est irréversible, ce qui est très surprenant au
vu du nom de l'enzyme qui décrit la réaction inverse. Elle est
régulée au niveau allostérique (phosphorylation) ainsi que
par l'alanine qui est le principal inhibiteur de cette enzyme.
Le principe de dosage est le suivant :
PEP + ADP PK Pyruvate + ATP
Pyruvate + NADH + H+ LDH
L-Lactate + NAD+
La décroissance du NADH est suivie à 340nm et
permet de suivre la cinétique de la première réaction.
Principe du dosage de la phosphoénolpyruvate
carboxykinase (PEPCK) :
La PEPCK est la première enzyme de la
néoglucogénèse. Elle catalyse également la
réaction inverse contrairement à la PK. Cette étape permet
de dériver la glycolyse vers d'autres voies du métabolisme
anaérobie au lieu d'aboutir au cycle de Krebs par la voie classique (via
la PK). La PEPCK est régulée au niveau transcriptionnel.
PEP + IDP PEPCK Oxaloacétate + ITP
Oxaloacétate + NADH + H+ MDH
L-malate + NAD+
Le principe du dosage est similaire à celui de la PK.
On mesure la production d'oxaloacétate avec le suivi de l'absorbance du
NADH à 340nm.
Principe du dosage de la citrate synthase (CS)
:
CS
La condensation de l'acétyl-CoA et de
l'oxaloacétate pour former le citrate est catalysée par cette
enzyme. C'est une enzyme mitochondriale, la première enzyme du cycle de
Krebs. Chez l'huître creuse, sa régulation est basée sur le
fait que son produit, le citrate, l'inhibe à forte concentration [11].
La disponibilité en oxaloacétate serait également un
facteur limitant selon Fields [11].
COO--CH2-CO-COO- + CH3-CO-S-CoA
COO--CH2-COHCOO--CH2-COO- + CoA-SH
2 CoA-SH + DTNB 2 NTB + CoA-S-S-CoA
La réaction est suivie en dosant les résidus
thiols avec le DNTB (dinitrothiobenzoate) dont le produit de la réaction
(NTB) absorbe à 412nm.
Principe du dosage de la cytochrome c oxydase (CCO)
:
La cytochrome c oxydase (CCO) catalyse l'étape finale
de transfert d'électrons vers l'oxygène moléculaire au
cours de la phosphorylation oxydative (Figure 5). C'est un gros complexe
transmembranaire mitochondrial organisé en dimère. Chaque
monomère comporte 13 sous-unités codées à la fois
par le génome mitochondrial et le génome nucléaire. La
stabilité du complexe est donc très sensible et une extraction de
mitochondrie est nécessaire pour avoir des conditions optimales de
dosage.
CCO
Cyt.C réduit + 4H+ + O2
Cyt.C oxydé + H2O
Le principe du dosage consiste simplement à ajouter
à l'extrait le donneur d'électron normal de l'enzyme : le
cytochrome c réduit dont le pic d'absorbance se situe à 550nm. On
suit l'oxydation du cytochrome C à 550nm.
Réserves
énergétiques :
Les lipides totaux sont dosés selon la méthode
de Bligh et Dyer dont le principe consiste à réaliser
plusieurs extractions au mélange éthanol/dichlorométhane.
Les glucides totaux sont dosés selon la méthode de
Dubois. Les glucides se combinent avec le phénol et donnent une
coloration rose-saumon absorbant à 490 nm.
b) Métabolisme oxydatif :
Principe du dosage de la glutathion réductase
(GR) :
Bien que ne réagissant pas directement avec une
espèce réactive de l'oxygène, on considère que
cette enzyme fait quand même parti du métabolisme oxydatif car
elle recycle le glutathion réduit (GSH). En effet, le GSH sert à
la fois de co-substrat pour la glutahion peroxydase mais sert aussi à
détoxifier la cellule de xénobiotiques qui sont potentiellement
une source de production de ROS.
GR
GSSG + NADPH + H+ 2GSH + NADP+
2 GSH + DTNB 2 NTB + GSSG
Comme pour le dosage de la Citrate Synthase, la
deuxième réaction fait intervenir un indicateur coloré (le
nitrothiobenzoate) qui permet de suivre la cinétique de la
réaction initiale à 412nm.
Principe du dosage de la superoxyde dismutase (SOD)
:
La superoxyde dismutase est une
métalloprotéine qui catalyse la dismutation de l'anion superoxyde
en oxygène et en peroxyde d'hydrogène. Il existe plusieurs formes
de SOD utilisant différents noyaux métalliques. On retrouve la
Cu/Zn-SOD dans le cytosol et de la Mn-SOD dans les mitochondries
principalement. Seule l'activité SOD cytosolique est mesurée dans
le protocole utilisé ici.
2 O2ÿ + 2
H+ SOD O2 + H2O2
Des anions superoxydes sont
générés par la réaction entre l'hypoxanthine et la
xanthine oxydase. Ces anions réduisent le cytochrome C. La SOD
présente dans l'échantillon dismute les anions superoxydes et
ceux-ci sont en quantité moindre pour réduire le cytochrome C.
L'analyse est donc basée sur la
« compétition » entre la SOD et le cytochrome C pour
les anions superoxydes. On dose la production de cytochrome C réduit
à 550nm en présence ou en absence d'échantillon.
Principe du dosage de la catalase :
La catalase permet de catalyser la dismutation de l'eau
oxygénée (peroxyde d'hydrogène) en eau et en
dioxygène. C'est une des enzymes les plus performantes connues (sa
vitesse est seulement limitée par la diffusion du substrat).
H2O2 CAT H2O + 1/2
O2
Le dosage est réalisé avec un kit Invitrogen. L'
H2O2 non dégradé par la catalase
réagit avec l'Amplex Red, un composé qui réagit en
présence de peroxydase pour produire un composé
fluorescent : la résorufine qui absorbe à 560 nm.
Principe du dosage DPPH :
La méthode est basée sur la dégradation
du radical DPPH (diphenyl-1-picrylhydrazyl) solubilisé dans un
mélange Méthanol/eau à 80%. Un antioxydant aura la
capacité de donner un électron singulet au radical
synthétique DPPH de coloration violette pour le stabiliser en DPPH non
radicalaire de coloration jaune-verte. La mesure de la décroissance de
coloration violette au bout de 30 minutes d'incubation permet de
déterminer le pourcentage d'inhibition par rapport au blanc dont
l'absorbance ne varie pas.
4. Traitement Statistique
Une Anova à deux facteurs a été
réalisée pour toutes les analyses de Riscosol (facteur temps +
facteur station, méthode LSD à 95% de confiance). Si le
découplage du facteur temps est possible, une analyse de variance sur un
seul point temporel a pu être réalisée pour mettre en
évidence des différences entre stations. Un test T est
réalisé pour différencier sur le plan statistique les
données d'hypoxie et de normoxie (alpha=5%).
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