INTRODUCTION
Les glycosidases sont des biocatalyseurs de réactions
biochimiques au sein des organismes vivants. Elles sont utilisées en
biotechnologie pour catalyser les réactions de
dépolymérisation des macromolécules et de synthèse
à cause de leur spécificité et de leur efficacité
(Potus et Drapon, 1997). Les glycosidases thermophiles et/ou
thermostables sont devenues des enzymes pouvant donner une nouvelle dimension
à la biocatalyse. Ainsi, leur utilisation a permis de réduire le
risque de contamination en industrie laitière, notamment lors de la
dégradation du lactose, et en alimentation animale au cours de
l'hydrolyse des fibres (Bauer et al., 1996). En
effet, une catalyse à haute température permet de détruire
les microorganismes présents dans ces aliments. En industrie
papetière, les xylanases thermophiles de Thermotoga sont
utilisées pour hydrolyser le xylane afin de permettre la
libération du tanin et de la lignine responsables de la coloration du
papier. L'intervention de ces enzymes va donc permettre d'éviter
l'emploi de l'acide chlorhydrique dans le blanchiment du papier et par
conséquent d'éviter la pollution de l'environnement (Saul
et al., 1995 ; Chen et al., 1997). Les enzymes
thermophiles sont utilisées pour réduire la viscosité des
polymères naturels. L'hémicellulase de T. neapolitina
est capable de diminuer la viscosité d'une solution de galactomanane.
Elles sont aussi utilisées dans la clarification des jus de fruits
(Bauer et al., 1996). Ces glycosidases sont donc
très importantes en biotechnologie. Mais, la plupart d'entre elles,
distribuées dans le commerce, ne sont pas très stables et
possèdent de larges spécificités.
La réaction de transglycosylation est une
réaction de synthèse au cours de laquelle un ou plusieurs
monomère(s) d'un substrat (donneur) est (sont) transféré
(s) sur une molécule nucléophile (acceptrice) pour
synthétiser un néoglycosyle conjugué
(néoglycoconjugué). Elle peut se faire par divers
procédés. Il y a :
-les procédés chimiques qui exigent des
dispositions rigoureuses de protection et de déprotection (Kohki
et al., 1995) ;
-la méthode chimio-enzymatique qui parait être le
meilleur procédé car elle permet l'élimination des
inconvénients dûs aux procédés chimiques et
d'augmenter la quantité des substances néoformées
(néoglycoconjugués);
-enfin, l'approche enzymatique qui est de plus en plus
valorisée (Toone et al., 1989 ; Cote et Tao, 1990 ;
Ishikawa et al., 1993) car elle permet de remédier
à tous les problèmes
causés par les méthodes chimiques. Elle a
consisté d'abord en l'utilisation de glycosyltranférases qui
catalysent les transferts régiospécifiques et
stéréospécifiques d'un monosaccharide à partir d'un
substrat donneur (nucléotide glycosyle) vers un substrat accepteur.
Contrairement à certaines enzymes, l'action des transférases est
moins dépendante des conditions de la réaction. La
spécificité et la sélectivité pour le substrat
accepteur et les hauts rendements sont aussi des avantages pour ces
catalyseurs. De telles applications nécessitent l'utilisation de
substrats abondants et peu coûteux tels que le saccharose et l'amidon.
Cependant, les glycosyltransférases qui peuvent utiliser les sucres
simples comme donneurs sont limitées et il existe seulement quelques
glycosyltransférases commerciales actuellement disponibles
(Playne et Crittenden, 1996). Pour éviter ces
problèmes, les glycosidases sont souvent préférées
aux glycosyltransférases car, en plus de leur activité
hydrolytique réversible, elles catalysent des réactions de
transfert de glycosyles à des accepteurs autre que l'eau. Les avantages
techniques de ces enzymes sont multiples. Elles savent comme les autres enzymes
reconnaître les formes énantiomériques de molécules
complexes et permettent de mettre au point de nouvelles voies de
synthèse chirale industriellement compétitives (Cote et
Tao, 1990 ; Ishikawa et al., 1993). Leur
régiosélectivité permet également de supprimer de
nombreuses étapes de protection/déprotection requises par les
procédés chimiques. Le gain de productivité et de
qualité est considérable, de même que la réduction
des quantités de produits secondaires et de déchets, souvent
toxiques, qu'il faut finalement éliminer à grands frais.
Grâce à leur chémo-, régio- et
énantio-spécificité, les enzymes donnent la
possibilité d'améliorer à la fois la productivité,
le bilan énergétique environnemental (Salvatore et
al., 2001). C'est pourquoi, ces dernières années,
la biocatalyse s'est vue totalement modernisée par des techniques
sophistiquées de « criblage » et d'évolution
dirigée des protéines. Celles-ci permettent de modifier les
enzymes naturelles, dont les ressources sont extrêmement diverses, de
manière à les adapter très précisément aux
procédés industriels. En chimie industrielle, une croissance
accélérée de la biocatalyse est observée, tout
particulièrement dans des domaines comme la synthèse de produits
pour la pharmacie (Ajisaka et al., 1987) et pour la
cosmétique (Baldo et Roger, 2002). Aussi, ces enzymes
sont-elles largement utilisées pour les préparations d'une grande
variété de transglycosides. Dans la lutte contre le
diabète, la recherche d'inhibiteurs de
l'á-glucosidase représente une nouvelle approche
dans la thérapeutique de cette maladie. Ainsi, en inhibant de
façon compétitive et réversible les
á-glucosidases intestinales, l'acarbose
synthétisé réduit l'absorption digestive des carbohydrates
(Hilmar, 1995). L'acarbose a donc la possibilité de
ralentir ou de prévenir la survenue des complications
diabétiques. Ajisaka et al.
(1987) ont synthétisé à partir du D-fructose
à l'aide de la â-Dgalactosidase de la
bactérie Escherichia coli, l'allolactose et le lactulose. Le
lactulose est un disaccharide utilisé dans le traitement
d'encéphalopathies, de la constipation et des salmonelloses. La
galatosylation du D-xylose par une â-D-galactosidase
donne un mélange de disaccharides â(1-4),
â(1-3), â(1-2)-galactosyl-xylose
(Aragon et al., 1996). Ces produits peuvent
être utilisés pour l'évaluation de l'activité de la
lactase intestinale in vitro, ce qui donne lieu à une nouvelle
méthode de diagnostic de déficience en lactase. De plus, il est
important de noter que ce procédé enzymatique est moins cher et
moins risqué qu'une synthèse chimique de galacto-oligosaccharides
impliquant sept étapes réactionnelles (RiveraSagredo
et al., 1992). Malgré ces avantages, les rendements
obtenus restent toujours faibles en milieu aqueux puisque les réactions
catalysées par les glycosidases se déroulent toujours dans le
sens de l'hydrolyse. Pour améliorer l'activité de
transglycosylation des glycosidases, des dispositifs expérimentaux
peuvent être envisagés comme par exemple, l'utilisation des
systèmes réactionnels constitués de milieux
aqueux-organiques (Finch et Yoon, 1997 ; Becker et Khul, 1999)
comportant des concentrations élevées de l'accepteur de
glycosyles autre que l'eau (Vulfson et al., 1990).
L'utilisation des solvants organiques non aqueux n'ayant aucun effet de
dénaturation sur l'enzyme permet d'améliorer le rendement de la
transglycosylation. Par ailleurs, les rendements dépendent aussi de la
nature et de l'origine de l'enzyme utilisée (Leparoux et
al., 1994 ; Yoon et Ajisaka, 1996).
L'objectif général de ce travail a
été de rechercher une nouvelle source originale de glycosidases
avec des activités de transglycosylation élevées, une
spécificité très stricte du résidu glycosyle
douée d'une bonne stabilité. La source enzymatique retenue pour
ce travail est la larve de Rhynchophorus palmarum. En effet, à
cause de son équipement enzymatique, la larve de cet insecte est capable
d'infester et de détruire rapidement le palmier Elaeis
guineensis (Weissling et al., 1994). Les
objectifs spécifiques ont consisté à faire l'inventaire
des activités glycosidasiques, à déterminer les conditions
optimales d'hydrolyse, à purifier à
homogénéité électrophorétique les enzymes
responsables de fortes activités hydrolytiques, à
caractériser et à évaluer les potentialités
transglycosidasiques de ces glycosidases.
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