Contextualisation et variation de la langue française dans l'écriture littéraire au Cameroun: le cas de l'invention du beau regard de Patrice Nganang( Télécharger le fichier original )par Simplice Aimé Kengni Université de Yaoundé I - Maitrise en Lettres Modernes Françaises 2006 |
5.3 La modification des expressions figées.Les expressions figées sont des structures phraséologiques reconnues comme telles dans la langue et se comportant comme des unités lexicales significatives. Dans notre corpus, les expressions que nous avons relevées ont subi une modification par substitution d'un élément qui est soit un nom soit un verbe. Ceux-ci sont remplacés par d'autres éléments identiques pour ce qui est de leur nature grammaticale. En voici du reste quelques exemples. 120) Dans cette veille de son épiphanie, nous n'allons pas lui jeter de la boue. (p.18) 121) Il avait passé vingt ans, sans parler de sa famille la plus élargie, ces dizaines de ventres qu'il avait nourris, habillés et parfois même éduqués. (p.20) 122) Comme si cette Chantal savait lire son coeur, comme si elle était entrée dans son ventre. (p.98) 123) Il faut lui présenter l'éclat de sa fête, car alors seulement, il mourra de jalousie qui lui creuse le coeur. (102) Dans les expressions suivantes, les noms boue, ventres, ventre, et le verbe creuse sont des substituts des éléments de base qui ont été modifiés pour donner lieu à une image expressive et saisissante. En réalité, on dit généralement : jeter la pierre ; bouches à nourrir ; entrer dans les pensées ; ronger le coeur. La modification de ces éléments tient à coup sur de l'influence des substrats linguistiques de base dont la traduction ici donne lieu à un autre élément français, plus indicatif et plus significatif. Tout cela traduit sans coup férir l'ultime geste de l'auteur à faire du français, tant dans sa morphologie, sa syntaxe, que sa signification une langue camerounaise capable de traduire fidèlement les réalités culturelles des camerounais. Tout compte fait, l'étude de la variation syntaxique dans L'IBR vient une fois de plus renforcer la contextualisation de la langue française dans l'écriture littéraire camerounaise. Bien plus, la forte influence de l'oralité dans les différents aspects que nous avons analysés supra (calques syntaxiques, formulation de l'interrogation, transcription des expressions orales, traits énonciatifs, etc.) nous permet de constater davantage la nouvelle forme de sensibilité naissante dans l'écriture due au contact du français et des langues locales camerounaises. Ceci nous conduit à juste titre à renforcer la vérification de notre hypothèse n°2. Par ailleurs, la prédominance des expressions vulgaires qui dominent ici les différentes structures de la langue tant au niveau des phrases déclaratives qu'interrogatives ainsi que les autres marques énonciatives analysées, permet enfin de valider l'hypothèse n°3, selon laquelle les formes de français constatées dans l'écriture camerounaise seraient un reflet de cette langue telle qu'elle est parlée au Cameroun par le commun des locuteurs pour exprimer sa vision du monde. En conclusion, on pourrait noter avec A.-M. NTSOBE que Mu par une illusion de transitivité linguistique et parfois de translittérarité, le locuteur africain opte pour une transposition des structures syntaxiques morphologiques et énonciatives qui se fonde sur les langues locales. Cette situation rend compte d'une appropriation du français, de sa contextualisation.92(*) * 92 A.-M. NTSOBE, « Le Français en Afrique : variation, viabilité, perspectives didactiques et mondialisation », in Langue et communication, Université de Yaoundé I, n°03, vol2, oct. 2003, p.103. |
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