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Contextualisation et variation de la langue française dans l'écriture littéraire au Cameroun: le cas de l'invention du beau regard de Patrice Nganang

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par Simplice Aimé Kengni
Université de Yaoundé I - Maitrise en Lettres Modernes Françaises 2006
  

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

L'aptitude à contextualiser permet de situer toute information dans une relation avec son environnement culturel, social, économique et politique.

M. WAMBACH, Méthodologie des langues en milieu multilingue. La pédagogie convergente à l'école fondamentale, Bruxelles, CIAVER, 2001, p.123

La langue, comme l'a présentée l'anthropologie linguistique, est le vecteur par excellence de la culture. Elle facilite l'intégration de l'homme dans son rapport avec l'univers social, tout en lui permettant d'entrer en communication avec les autres. Par ailleurs, ce moyen naturel de communication favorise l'expression du moi ainsi que la connaissance du monde à travers l'échange des savoirs.

Toutefois, cet échange ne serait viable que si et seulement si la langue utilisée offre des facilités à nommer l'univers particulier dans lequel vivent les locuteurs, de sorte à créer une conformité entre leur pensée et la réalité.

Cette nécessité s'avère incontournable pour toute langue si bien que, quand bien même les locuteurs parleraient une langue autre que la leur, celle-ci pour s'imposer comme telle devrait être en mesure de relever un défi majeur, qui est celui de satisfaire tous les désirata communicationnels et culturels desdits locuteurs.

A. MARTINET à cet effet soulignait déjà que :

À chaque langue correspond une organisation particulière des données de l'expérience. Apprendre une autre langue ce n'est pas mettre les nouvelles étiquettes sur les objets connus, mais l'habituer à utiliser autrement ce qui fait l'objet de la communication.1(*)

C'est dans cette perspective que naît aujourd'hui le débat autour du problème de la contextualisation et de la variation linguistique du français en Afrique noire. En effet, cette langue dans son usage hors de France subit de plus en plus des modifications tant dans sa morphologie, sa syntaxe que sa signification, visant à l'accommoder à l'univers des Africains, soucieux d'exprimer sans difficultés leurs émotions et réalités exotiques dans cette langue qui n'est pas la leur.

Le phénomène qui est cependant le plus curieux de nos jours, est celui des diverses mutations que connaît le français dans l'écriture littéraire, considérée pourtant comme lieu de la conservation de la norme standard. Phénomène qui justifie ici la motivation du choix de notre sujet.

De ce qui précède, notons que notre choix s'est porté sur la question de la contextualisation du français dans l'écriture littéraire camerounaise. En réalité, ce choix n'est pas le fait du hasard d'autant plus que cette question entre dans le cadre des réflexions actuelles menées au sein de l'Université de Yaoundé I. En l'occurrence, le colloque d'avril 2006 portant sur le dictionnaire africain a réuni des intervenants tels que : Edmond BILOA, Gérard-Marie NOUMSSI, Louis Martin ONGUENE ESSONO, Paul ZANG ZANG, etc. Ceux-ci tablaient sur des sujets tels l'écriture des écrivains camerounais, écriture qui de façon plus large entre dans le vaste cycle de la littérature francophone.

À vrai dire, le problème de cette littérature aujourd'hui, comme le remarquait déjà D. COMBE,2(*) c'est d'être écrit en français. À ce sujet, plusieurs chantiers théoriques ont été lancés pour donner une consistance interne à cette catégorie, tous ayant en commun de passer par le questionnement sur la langue.

Pour s'en convaincre, il suffit de lire Ch. BONN et alii, qui relèvent le fait selon lequel ces littératures (francophones) seraient désormais engagées dans un double mouvement de déterritorialisation et de territorialisation de la langue. Aussi écrivent-il à juste titre :

Les écrivains francophones seraient tous engagés dans la réécriture du français avec pour socle commun une langue réduite à l'état d'outil dénotatif.3(*)

C'est en fait ce phénomène de réécriture qui pousse J. TABI MANGA à qualifier cette littérature d'écriture insolite ou de subversion du français. Car pour lui

Tout se passe comme si les romanciers, les nouvellistes et dramaturges camerounais avaient, dans leurs productions, reformulé non seulement leur approche des genres littéraires classiques mais encore - singulière audace - renouvelé les techniques d'écriture.4(*)

Ainsi, ces différentes modalités d'emploi du français parlé et écrit au Cameroun aujourd'hui, comme l'ont souligné linguistes et critiques s'avèrent étonnantes et méritent qu'on y accorde un intérêt particulier : d'où la justification de notre choix portant sur la question de contextualisation de l'écriture littéraire.

Par ailleurs, pour étudier de près ce phénomène d'appropriation conquérante du français dans les structures littéraires, il nous a paru nécessaire d'opter pour le choix d'un corpus récent.

Nous avons choisi d'analyser les variations de la langue française dans l'oeuvre de Patrice NGANANG à travers le sujet dont l'intitulé suit : contextualisation et variation de la langue française dans l'écriture littéraire au Cameroun : le cas de l'Invention du beau regard de Patrice NGANANG.

Ainsi présenté, le terme variation ici revêt la signification que lui accordent J. DUBOIS et alii :

Le phénomène par lequel dans la pratique courante, une langue déterminée, n'est jamais à une époque, dans un lieu et dans un groupe social donnés, identique à ce qu'elle est dans un autre lieu ou dans un autre groupe social.5(*)

À cet effet, comment se présente la variation du français dans L'IBR ? Considérant l'oeuvre littéraire comme le fruit d'un univers culturel, quel peut être l'incidence du souci de contextualisation sur les structures de la langue ? Ces questions de recherche donnent lieu à l'hypothèse globale selon laquelle la variation du français dans l'écriture négro- africaine répond à un véritable désir d'expression des réalités et schèmes culturels dans une langue qui se révèle incapable de le faire.

A la lecture de l'IBR, on est frappé par une profusion de divers types de variations linguistiques, à travers le discours de l'auteur et ainsi que celui des personnages.

Cette oeuvre se présente en réalité sous forme de contes citadins et, comme l'affirme son auteur en conclusion, il s'agit des histoires qui se racontent à Yaoundé, de bar en bar, de rumeur en rumeur... (IBR, p.194)

Cette suite narrative met en exergue l'histoire de deux personnages. Le premier, Antoine Débonnaire Eloundou (commissaire de police principal adjoint) qui, après des années de service, invente artifices possibles pour ne pas partir à la retraite, et plonge dans un labyrinthe de mensonges quand les crimes de son passé refont surface. Le second, Taba, figure emblématique de la pauvreté dans les bidonvilles camerounais, est décrit à travers les péripéties qu'il vit avec sa truie, dont le regard énigmatique autant que les terribles pouvoirs expliquent pourquoi les cochons braisés des rues de Yaoundé portent le nom de beau regard.

De toute évidence, - et c'est le plus important-, ces péripéties se déroulent dans les sous-quartiers de la ville de Yaoundé ; elles mettent en relief la réalité contemporaine et l'histoire folle du Cameroun, tant sur le plan socio-politico-économique (marqué par la situation des personnages) que sur le plan linguistique (marqué par le langage oral et vulgaire).

Pour ce qui est du choix de l'auteur, Patrice NGANANG a été élu du fait qu'il se démarque de plus en plus comme une figure montante de la littérature camerounaise et africaine actuelle. Aussi se distingue-t-il par des grands prix littéraires parmi lesquels le prix Margueritte Yourcenar 2001, ainsi que le Grand Prix de la littérature d'Afrique noire 2003 pour son roman Temps de chien.

Notons aussi que certains travaux de recherche (maîtrise) effectués à la Faculté de Lettres de l'Université de Yaoundé I ont porté sur certains écrits de cet auteur. Notamment les travaux des étudiants tels que Bernadette GUEMLE KAMGANG et Emmanuel Augustin EBANGA, portant respectivement sur les particularités lexicales et sur les particularités morphosyntaxiques du français écrit par Patrice NGANANG dans Tems de chien. Citons dans la même lancée le travail de Carine Mariette NGAMELIEU sur les procédés grammaticaux de thématisation et d'extraction discursive dans La promesse des fleurs d'Alain-Patrice NGANANG.

Tous ces travaux portent sur les techniques d'écriture mises en oeuvre par notre auteur et laissant apparaître la marque camerounaise d'écriture du français.

Cependant, pour ce qui est de notre corpus, L'Invention du beau regard paru en 2005 (il y a un an seulement), la consultation des différents mémoires soutenus jusqu'ici à l'Université de Yaoundé I indique qu'aucune réflexion d'ordre linguistique n'a encore été menée dessus.

Pour rendre compte du phénomène de contextualisation du français dans l'IBR, nous avons choisi comme cadre théorique l'hypothèse de la sémantaxe, théorisée par G. MANESSY,6(*) qui fonde la vérification du fait d'appropriation de la langue française par les écrivains négro-africains.

Pour ce qui est du traitement des données du corpus, nous nous sommes attelé à la construction d'un outil d'analyse inspiré de la synthèse critique des travaux de l'équipe IFA7(*), de Suzanne LAFAGE 8(*)et de C.POIRIER 9(*),dont le chapitre deuxième intitulé méthodologie en fait état.

Du reste, cette étude a pour objectif d'identifier, d'analyser et de dégager la signification contextuelle des différentes particularités présentes dans notre corpus. Bien plus, pour ce qui est de l'intérêt, elle permettra d'avoir une vision plus large sur les raisons de la territorialisation de plus en plus croissante de l'écriture littéraire au Cameroun.

Pour ce faire, notre travail répond à la disposition qui suit :

Le chapitre premier : consacré au cadre théorique et à la revue de la littérature. Il nous permettra de définir le cadre épistémologique du phénomène de la variation linguistique, de ressortir la problématique et les hypothèses de l'étude ainsi que de situer le fondement théorique de la contextualisation du français en Afrique noire.

Le chapitre deuxième intitulé Méthodologie, permettra de fixer la démarche scientifique que doit suivre notre étude pour ce qui est de l'exploitation du corpus. Il s'agira ici de construire un outil d'analyse adaptable et prenant en compte tous les éléments recherchés.

Les chapitres trois, quatre et cinq sont consacrés à l'exploitation du corpus à partir des entrées de la grille d'analyse. Ils s'étalent respectivement sur l'analyse de la variation lexico-sémantique, de la variation morpho-sémantique et enfin de la variation syntaxique ou le français oralisé dans l'IBR.

Une conclusion générale indiquera la portée significative de toute l'étude, de même qu'elle permettra de dégager les perspectives d'une éventuelle étude dans le cadre de l'écriture littéraire en Afrique noire en général et au Cameroun en particulier.

* 1 A. MARTINET, Éléments de linguistique générale, Paris, Armand Colin, 1980, p.12

* 2 D. COMBE et alii, Poétiques francophones, Paris, Hachette, 1994, p.4

* 3 Ch. BONN et alii, Littérature francophone. Le Roman, Paris, Hatier, AUPELF-UREF, oct. 1997, p.13

* 4 J. TABI MANGA, « Écriture de l'insolite : le français écrit au Cameroun » in Littérature camerounaise, le livre dans tous ses états, Revue du livre n°100, Janvier-mars 1990, p.10

* 5 J. DUBOIS et alii, Dictionnaire de linguistique, Paris, Larousse, 1973, p.507

* 6 G. MANESSY, Le Français en Afrique noire, Mythes, stratégies, pratique, Paris, l'Harmattan, 1994.

* 7 L'Équipe IFA, L'Invention des Particularités lexicales du français en Afrique noire, Paris, EDICEF, AUPELF-UREF, Col, université francophone, 1988

* 8 S.LAFAGE, « Métaboles et changement lexical du français en contexte africain », in Visages du français variétés lexicales de l'espace francophone, Paris, Duculot, De Boeck Université AUPELF-UREF 1995, pp. 13-56

* 9 C.POIRIER, « Les Variantes topolectales du lexique français : propositions de classement à partir d'exemples québécois » in Le Régionalisme lexical, Paris, Duculot, Deboeck Université AUPELF-UREF, 1995, pp.13-56.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams