UNIVERSITÉ DE YAOUNDÉ I
THE UNIVERSITY OF YAOUNDE I
FACULTY OF ARTS, LETTERS AND SOCIAL SCIENCES
FRENCH DEPARTMENT
FACULTÉ DES ARTS, LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
DÉPARTEMENT DE FRANÇAIS
Contextualisation et variation de la langue
française dans l'écriture littéraire au Cameroun : le
cas de l'Invention du beau regard de Patrice NGANANG
Mémoire présenté en vue de l'obtention du
diplôme de Maîtrise en Lettres Modernes Françaises
Option : Langue française
par
Simplice Aimé KENGNI
Licencié ès Lettres
sous la direction de
M. Alexis Bienvenu BELIBI
Chargé de Cours
Année académique 2005/ 2006
INTRODUCTION
GÉNÉRALE
L'aptitude à contextualiser permet de situer toute
information dans une relation avec son environnement culturel, social,
économique et politique.
M. WAMBACH, Méthodologie des langues en milieu
multilingue. La pédagogie convergente à l'école
fondamentale, Bruxelles, CIAVER, 2001, p.123
La langue, comme l'a présentée l'anthropologie
linguistique, est le vecteur par excellence de la culture. Elle facilite
l'intégration de l'homme dans son rapport avec l'univers social, tout en
lui permettant d'entrer en communication avec les autres. Par ailleurs, ce
moyen naturel de communication favorise l'expression du moi ainsi que la
connaissance du monde à travers l'échange des savoirs.
Toutefois, cet échange ne serait viable que si et
seulement si la langue utilisée offre des facilités à
nommer l'univers particulier dans lequel vivent les locuteurs, de sorte
à créer une conformité entre leur pensée et la
réalité.
Cette nécessité s'avère incontournable
pour toute langue si bien que, quand bien même les locuteurs parleraient
une langue autre que la leur, celle-ci pour s'imposer comme telle devrait
être en mesure de relever un défi majeur, qui est celui de
satisfaire tous les désirata communicationnels et culturels desdits
locuteurs.
A. MARTINET à cet effet soulignait déjà
que :
À chaque langue correspond une organisation
particulière des données de l'expérience. Apprendre une
autre langue ce n'est pas mettre les nouvelles étiquettes sur les objets
connus, mais l'habituer à utiliser autrement ce qui fait l'objet de la
communication.1(*)
C'est dans cette perspective que naît aujourd'hui le
débat autour du problème de la contextualisation et de la
variation linguistique du français en Afrique noire. En effet, cette
langue dans son usage hors de France subit de plus en plus des modifications
tant dans sa morphologie, sa syntaxe que sa signification, visant à
l'accommoder à l'univers des Africains, soucieux d'exprimer sans
difficultés leurs émotions et réalités exotiques
dans cette langue qui n'est pas la leur.
Le phénomène qui est cependant le plus curieux
de nos jours, est celui des diverses mutations que connaît le
français dans l'écriture littéraire,
considérée pourtant comme lieu de la conservation de la norme
standard. Phénomène qui justifie ici la motivation du choix de
notre sujet.
De ce qui précède, notons que notre choix s'est
porté sur la question de la contextualisation du français dans
l'écriture littéraire camerounaise. En réalité, ce
choix n'est pas le fait du hasard d'autant plus que cette question entre dans
le cadre des réflexions actuelles menées au sein de
l'Université de Yaoundé I. En l'occurrence, le colloque d'avril
2006 portant sur le dictionnaire africain a réuni des
intervenants tels que : Edmond BILOA, Gérard-Marie NOUMSSI, Louis
Martin ONGUENE ESSONO, Paul ZANG ZANG, etc. Ceux-ci tablaient sur des sujets
tels l'écriture des écrivains camerounais, écriture qui de
façon plus large entre dans le vaste cycle de la littérature
francophone.
À vrai dire, le problème de cette
littérature aujourd'hui, comme le remarquait déjà D.
COMBE,2(*) c'est
d'être écrit en français. À ce sujet, plusieurs
chantiers théoriques ont été lancés pour donner une
consistance interne à cette catégorie, tous ayant en commun de
passer par le questionnement sur la langue.
Pour s'en convaincre, il suffit de lire Ch. BONN et alii, qui
relèvent le fait selon lequel ces littératures (francophones)
seraient désormais engagées dans un double mouvement de
déterritorialisation et de territorialisation de la
langue. Aussi écrivent-il à juste titre :
Les écrivains francophones seraient tous
engagés dans la réécriture du français avec pour
socle commun une langue réduite à l'état d'outil
dénotatif.3(*)
C'est en fait ce phénomène de
réécriture qui pousse J. TABI MANGA à
qualifier cette littérature d'écriture insolite ou de
subversion du français. Car pour lui
Tout se passe comme si les romanciers, les nouvellistes et
dramaturges camerounais avaient, dans leurs productions, reformulé non
seulement leur approche des genres littéraires classiques mais encore -
singulière audace - renouvelé les techniques
d'écriture.4(*)
Ainsi, ces différentes modalités d'emploi du
français parlé et écrit au Cameroun aujourd'hui, comme
l'ont souligné linguistes et critiques s'avèrent
étonnantes et méritent qu'on y accorde un intérêt
particulier : d'où la justification de notre choix portant sur la
question de contextualisation de l'écriture littéraire.
Par ailleurs, pour étudier de près ce
phénomène d'appropriation conquérante du français
dans les structures littéraires, il nous a paru nécessaire
d'opter pour le choix d'un corpus récent.
Nous avons choisi d'analyser les variations de la langue
française dans l'oeuvre de Patrice NGANANG à travers le sujet
dont l'intitulé suit : contextualisation et variation de la
langue française dans l'écriture littéraire au
Cameroun : le cas de l'Invention du beau regard de Patrice
NGANANG.
Ainsi présenté, le terme variation ici
revêt la signification que lui accordent J. DUBOIS et alii :
Le phénomène par lequel dans la pratique
courante, une langue déterminée, n'est jamais à une
époque, dans un lieu et dans un groupe social donnés, identique
à ce qu'elle est dans un autre lieu ou dans un autre groupe
social.5(*)
À cet effet, comment se présente la variation du
français dans L'IBR ? Considérant l'oeuvre
littéraire comme le fruit d'un univers culturel, quel peut être
l'incidence du souci de contextualisation sur les structures de la
langue ? Ces questions de recherche donnent lieu à
l'hypothèse globale selon laquelle la variation du français dans
l'écriture négro- africaine répond à un
véritable désir d'expression des réalités et
schèmes culturels dans une langue qui se révèle incapable
de le faire.
A la lecture de l'IBR, on est frappé par une
profusion de divers types de variations linguistiques, à travers le
discours de l'auteur et ainsi que celui des personnages.
Cette oeuvre se présente en réalité sous
forme de contes citadins et, comme l'affirme son auteur en conclusion, il
s'agit des histoires qui se racontent à Yaoundé, de bar en
bar, de rumeur en rumeur... (IBR, p.194)
Cette suite narrative met en exergue l'histoire de deux
personnages. Le premier, Antoine Débonnaire Eloundou (commissaire de
police principal adjoint) qui, après des années de service,
invente artifices possibles pour ne pas partir à la retraite, et plonge
dans un labyrinthe de mensonges quand les crimes de son passé refont
surface. Le second, Taba, figure emblématique de la pauvreté dans
les bidonvilles camerounais, est décrit à travers les
péripéties qu'il vit avec sa truie, dont le regard
énigmatique autant que les terribles pouvoirs expliquent pourquoi les
cochons braisés des rues de Yaoundé portent le nom de beau
regard.
De toute évidence, - et c'est le plus important-, ces
péripéties se déroulent dans les sous-quartiers
de la ville de Yaoundé ; elles mettent en relief la
réalité contemporaine et l'histoire folle du Cameroun,
tant sur le plan socio-politico-économique (marqué par la
situation des personnages) que sur le plan linguistique (marqué par le
langage oral et vulgaire).
Pour ce qui est du choix de l'auteur, Patrice NGANANG a
été élu du fait qu'il se démarque de plus en plus
comme une figure montante de la littérature camerounaise et africaine
actuelle. Aussi se distingue-t-il par des grands prix littéraires parmi
lesquels le prix Margueritte Yourcenar 2001, ainsi que le Grand Prix de la
littérature d'Afrique noire 2003 pour son roman Temps de
chien.
Notons aussi que certains travaux de recherche
(maîtrise) effectués à la Faculté de Lettres de
l'Université de Yaoundé I ont porté sur certains
écrits de cet auteur. Notamment les travaux des étudiants tels
que Bernadette GUEMLE KAMGANG et Emmanuel Augustin EBANGA, portant
respectivement sur les particularités lexicales et sur les
particularités morphosyntaxiques du français
écrit par Patrice NGANANG dans Tems de chien. Citons dans
la même lancée le travail de Carine Mariette NGAMELIEU sur les
procédés grammaticaux de thématisation et d'extraction
discursive dans La promesse des fleurs d'Alain-Patrice
NGANANG.
Tous ces travaux portent sur les techniques d'écriture
mises en oeuvre par notre auteur et laissant apparaître la marque
camerounaise d'écriture du français.
Cependant, pour ce qui est de notre corpus, L'Invention du
beau regard paru en 2005 (il y a un an seulement), la consultation des
différents mémoires soutenus jusqu'ici à
l'Université de Yaoundé I indique qu'aucune réflexion
d'ordre linguistique n'a encore été menée dessus.
Pour rendre compte du phénomène de
contextualisation du français dans l'IBR, nous avons choisi comme cadre
théorique l'hypothèse de la sémantaxe,
théorisée par G. MANESSY,6(*) qui fonde la vérification du fait
d'appropriation de la langue française par les écrivains
négro-africains.
Pour ce qui est du traitement des données du corpus,
nous nous sommes attelé à la construction d'un outil d'analyse
inspiré de la synthèse critique des travaux de l'équipe
IFA7(*), de Suzanne LAFAGE
8(*)et de C.POIRIER 9(*),dont le chapitre deuxième
intitulé méthodologie en fait état.
Du reste, cette étude a pour objectif d'identifier,
d'analyser et de dégager la signification contextuelle des
différentes particularités présentes dans notre corpus.
Bien plus, pour ce qui est de l'intérêt, elle permettra d'avoir
une vision plus large sur les raisons de la territorialisation de plus
en plus croissante de l'écriture littéraire au Cameroun.
Pour ce faire, notre travail répond à la
disposition qui suit :
Le chapitre premier : consacré au cadre
théorique et à la revue de la littérature. Il nous
permettra de définir le cadre épistémologique du
phénomène de la variation linguistique, de ressortir la
problématique et les hypothèses de l'étude ainsi que de
situer le fondement théorique de la contextualisation du français
en Afrique noire.
Le chapitre deuxième intitulé
Méthodologie, permettra de fixer la démarche scientifique que
doit suivre notre étude pour ce qui est de l'exploitation du corpus. Il
s'agira ici de construire un outil d'analyse adaptable et prenant en compte
tous les éléments recherchés.
Les chapitres trois, quatre et cinq sont consacrés
à l'exploitation du corpus à partir des entrées de la
grille d'analyse. Ils s'étalent respectivement sur l'analyse de la
variation lexico-sémantique, de la variation morpho-sémantique et
enfin de la variation syntaxique ou le français oralisé dans
l'IBR.
Une conclusion générale indiquera la
portée significative de toute l'étude, de même qu'elle
permettra de dégager les perspectives d'une éventuelle
étude dans le cadre de l'écriture littéraire en Afrique
noire en général et au Cameroun en particulier.
CHAPITRE PREMIER :
CADRE THÉORIQUE ET REVUE DE LA LITTÉRATURE.
Dans ce chapitre purement épistémologique, il
s'agira pour nous, de faire ressortir tout d'abord l'état de la question
sur les principales réflexions théoriques, effectuées
autour du phénomène de la variation linguistique. Celui-ci se
situera à deux niveaux : ainsi , dans un premier temps, il s'agira
de faire le point sur les travaux généraux effectués dans
ce domaine, auxquels suivront, dans un second temps des réflexions plus
spécifiques portant sur la variation linguistique du français en
Afrique noire francophone. Ensuite, nous partirons de cette revue de la
littérature pour dégager la problématique ainsi que les
hypothèses de recherche qui en découlent. Et enfin, suivra le
cadre théorique dans lequel nous présenterons la théorie
de référence sous-tendant notre étude.
I.1 Mise au point
théorique sur le phénomène de variation linguistique.
La variation linguistique, découverte fondamentale de
la sociolinguistique, est un phénomène qui a fait l'objet de
plusieurs réflexions, tant au niveau épistémologique qu'au
niveau plus spécifique appliqué à des langues bien
précises.
Elle se présente en fait comme l'influence du social
dans le jeu linguistique, prenant en compte tous les paramètres pouvant
créer les variétés d'usage dans la langue. Toutefois,
cette considération est née d'une problématique plus
grande et préoccupante pour les sociolinguistes : d'où
proviennent les variations ? Celles-ci sont-elles dues à
l'influence du social ou aux méconnaissances des règles
grammaticales ? Ceci étant, il convient d'évoquer la
genèse de la question avant d'en dégager les fondements
théoriques.
I.1.1 Aux origines de la
variation linguistique.
W. LABOV, dans ses recherches en sociolinguistique a
dégagé un ensemble de questionnements auxquels il convient de
prêter l'attention dans toute étude importante sur la variation
linguistique. Aussi est-il nécessaire de répondre aux questions
du genre :
L'évolution linguistique est-elle
orientée ? Quelles sont les contraintes universelles qui
s'imposent au changement linguistique ? Pour quelles raisons de nouveaux
changements linguistiques émergent-ils ? Pourquoi les gens ne
parlent-ils pas comme ils estiment à l'évidence qu'ils le
devraient ?10(*)
Cet ensemble d'interrogations qui est un préalable
à la genèse de la sociolinguistique nécessite qu'on en
évoque de près les fondements théoriques.
I.1.1.1 Les fondements de la
variation linguistique.
En revalorisant la notion de parole mise à
l'écart par les structuralistes, W. LABOV11(*) note qu'il est impossible de
chercher les fondements de la connaissance intersubjective en linguistique
ailleurs que dans celui-ci. En effet, le langage est soumis à toute
sorte de variation du fait qu'il est utilisé quotidiennement par les
membres de l'ordre social, soit pour discuter, soit pour plaisanter et en
même temps pour tromper. Bien avant W. LABOV, W.D. WHITNEY soulignait
déjà que :
L'homme parle donc avant tout non pas pour penser, mais
pour faire part de ses pensées. Ses besoins sociaux, son instinct
social, le forcent à s'exprimer.12(*)
On note là le souci de celui-ci de faire ressortir les
facteurs importants qui imposent un changement linguistique : notamment la
volonté d'exprimer la vision du monde, les pressions sociales pour ne
citer que ceux-là, qui ne sont en fait que des réalités
extralinguistiques.
Fort à propos, U. WEINREICH et alii, s'opposant
à toute forme d'homogénéité structurée en
langue déclarent :
S'il est nécessaire qu'une langue soit
structurée pour fonctionner efficacement, comment les gens peuvent-ils
continuer à parler pendant qu'elle traverse des périodes de
moindre systématicité ? [...] Nous soutenons que la solution
de ce problème consiste à rompre l'identification entre structure
et homogénéité. La clé d'une conception rationnelle
du changement linguistique - et, en fait, du langage lui-même - est la
possibilité de décrire une différenciation ordonnée
au sein d'une langue utilisée par une communauté.13(*)
En réalité, U. WEINREICH et alii mettent ici en
exergue le phénomène de
l'hétérogénéité linguistique qu'ils
considèrent comme fondement de la variation dans des communautés
linguistiques complexes.
Dans cette même perspective, W. LABOV14(*) approuvant la justesse d'une
telle hétérogénéité, souligne que
l'existence des variations et des structures hétérogènes
dans des communautés linguistiques serait une réalité bien
établie. Pour lui, l'existence d'une autre communauté est
à mettre en doute.
Ces deux précédentes remarques font naître
l'interrogation sur ce qui serait, dans la réalité quotidienne,
à l'origine des différenciations dans la langue. Sur ce, H.
FREI15(*) insiste sur la
notion de besoin comme fondement de la variété et de la variation
des langues. En fait, celui-ci constate l'existence d'un certain nombre de
besoins qui, par leurs actions sur le langage et leurs réactions
réciproques le créent et le recréent sans cesse. Il en
distingue de ce fait trois critères nécessaires à la
compréhension du fondement de ces variétés :
- un critère linguistique lié à la
nature des langues elles-mêmes
- un critère sociologique lié à la nature
des rapports sociaux
- et un critère historique lié aux conditions
dans lesquelles les langues évoluent ou ont évolué.
A. MARTINET16(*), bien que s'intéressant à la seule
causalité interne, reconnaît tout de même, à la suite
de H. Frei, que la langue (institution sociale) est un produit de la vie en
société, et n'est de ce fait pas immuable ; elle est
susceptible de changer sous la pression des besoins divers et sous l'influence
d'autres communautés.
Par ailleurs, A. MEILLET pour sa part pense que la variation
linguistique est due au fait que la société agit sur le langage.
Principalement par la manière dont elle détermine le
dosage des besoins linguistiques.17(*)
Toutefois, les réflexions autour du rapport entre
langue et société ne fait pas l'unanimité de tous les
sociolinguistes, du moins sous l'angle d'approche ; c'est pourquoi il est
nécessaire ici d'aborder cette question des points de vue de deux
principaux courants : variationniste et interactionniste pour ne citer que
ceux-ci.
I.1.1.2 La variation
linguistique du point de vue variationniste.
Son fondement épistémologique a
été établi par W. LABOV18(*) dont les travaux ont fait apparaître l'absolue
nécessité de considérer en premier lieu la
réalité des productions langagières. Pour lui, cette
étude vise à découvrir comment les gens parlent quand on
ne les observe pas systématiquement. Pour ce faire, l'approche
variationniste cherche à corréler les manières de parler
et les catégories sociales traditionnelles (l'âge des locuteurs,
la localisation géographique, la profession, les espérances
sociales et l'appartenance ethnique).
Les résultats obtenus ici mettent en exergue
l'influence des pressions sociales dans l'évolution de la langue,
entraînant des variations. Il en résulte que l'évolution
linguistique n'est que le reflet de l'évolution des rapports sociaux.
Notons cependant que cette perspective variationniste, au
départ, cherche à étudier la langue dans la pure tradition
sociologique, avec pour fondement l'hypothèse d'un déterminisme
simple et à sens unique de ces facteurs sur les manières de
parler. Démarche à laquelle s'oppose l'approche
interactionniste.
I.1.1.3 La variation
linguistique du point de vue interactionniste.
À la sociolinguistique des macrostructures qui
caractérise le variationnisme, J.J. GUMPERZ19(*) marque sa
préférence à traiter le langage en situation, en le
re-contextualisant. Pour lui, on ne peut aussi simplement corréler des
catégories extralinguistiques et les comportements linguistiques ;
car ces derniers sont eux aussi des instruments de catégorisation
sociale que peut jouer le sujet.
Bien plus, J.J. GUMPERZ relève le fait selon lequel les
styles langagiers que choisit un individu ont une spécification
symbolique et impliquent des effets de sens qu'on ne peut simplement expliquer
en corrélant des variations linguistiques et des catégories
sociologiques contextuelles indépendantes.
On remarque de ce fait que cette approche insiste sur la prise
en compte de ce que celui-ci appelle les indices de contextualisation,
et revalorise en même temps l'importance de la théorie du
locuteur, noyau dur de la recherche sociolinguistique.
C'est cette même réflexion que l'on retrouve chez
L. MESSAOUIDI20(*) pour
qui la langue n'existe que par ses locuteurs ; or ces derniers ne parlent
jamais de la même manière, et pour appréhender le langage
de façon scientifique, il faut aller vers le locuteur et voir comment il
parle dans les différentes situations qu'il rencontre dans son
quotidien, et comment il arrive à gérer ces situations avec
d'autres locuteurs pour atteindre ses objectifs.
De toute façon, qu'il s'agisse de la première ou
de la seconde approche, il en ressort que les variations linguistiques sont
dues plus à l'influence sociale dans la langue qu'à la
méconnaissance des règles grammaticales. C'est en fait autour
d'une telle problématique que se situe le débat sur la variation
du français en Afrique noire francophone.
I.1.2 L'économie des
travaux sur la variation linguistique du français en Afrique noire
francophone.
Après la mise au point théorique sur les
fondements de la variation linguistique, il nous parait nécessaire de
dégager l'incidence de celle-ci sur la langue française, ceci se
fera à partir des différents travaux de réflexion
menés par les précurseurs d'une part, et les enseignants de la
Faculté de Lettres de l'Université de Yaoundé I d'autre
part.
I.1.2.1 Les
précurseurs.
Plusieurs recherches ont été effectuées
sur les variations actuelles du français dans l'espace francophone et
plus particulièrement en Afrique noire. Le nouveau visage de cette
langue hors de ses frontières témoigne de l'existence d'un grand
nombre de variétés d'usage en pleine mutation.
P. DUMONT tirait déjà là-dessus une
sonnette d'alarme en ces termes :
Le français en Afrique (noire),
souligne-t-il, n'est pas une invention de linguistes en mal
d'imagination. C'est une réalité avec laquelle il faut maintenant
compter.IL existe un français régional africain aux nombreuses
variétés, dont certaines ont été déjà
amplement décrites : emprunts, interférences, calques,
néologismes de tous ordres. Mais par-delà cette
créativité débordante, [...] est apparu un
phénomène plus souterrain, d'une ampleur jusque-là
insoupçonnée. Langue de l'innovation référentielle,
le français est en train de devenir le véhicule de valeurs
expressives spécifiquement africaines, le lieu de production d'un sens
africain, le berceau d'un véritable univers
sémiotique.21(*)
En réalité, P. DUMONT réalise qu'on peut
désormais parler du français langue africaine aux multiples
facettes, qui soit ici le support des réalités africaines.
C'est fort de ce constat que P. DUMONT et B. MAURER
relèvent également l'apparition des variétés
nouvelles, répondant à une pratique sociale africaine du
français, qui est sans conteste le signe d'une décomplexation des
locuteurs africains en train de s'approprier le français dans le but
d'en faire une langue africaine disponible dans toutes les situations de
communication.
Il résulte donc de ce qui précède que le
français en Afrique noire doit être perçu non pas comme une
sorte de Bâtard linguistique,22(*) mais plutôt comme un véritable
idiome ayant naturellement une raison d'être et digne de servir de
véhicule de culture. C'est dans cette logique que se situent les
différentes réflexions menées sur l'appropriation du
français par certains enseignants de la Faculté de Lettres de
l'Université de Yaoundé I.
I.1.2.2 De l'appropriation du
français en Afrique perçue par les enseignants de la
faculté de lettres de l'université de Yaoundé I.
Ces travaux font le point sur les différentes
transformations imposées par la prise en charge des
réalités socioculturelles des langues africaines dans le
français.
J. TABI MANGA mentionne à cet effet que :
Les cultures africaines traversent la langue
française et y laissent des traces durables. Ces dernières
transforment et bouleversent profondément les repérages
sémantiques classiquement répertoriés dans les
dictionnaires de référence.23(*)
Dans la même lancée, il souligne que cette
variation du français serait due au reflet de la personnalité
africaine dans l'usage du français ; facteur qui selon lui, est de
nature à accélérer la dialectalisation du
français.
Abondant dans le même sens, P. ZANG ZANG présente
cette dialectalisation comme tendance évolutive du français en
Afrique. Pour lui, la dialectalisation du français est un processus de
différenciation linguistique qui tient compte du fait que :
Le peuple [...] s'approprie la langue et en fait un
instrument de communication linguistique adapté à la satisfaction
de ses besoins et conforme aux structures déjà établies
par les langues locales24(*)
Ceci revient à montrer l'influence qu'exercent
les langues locales sur le français.
Par ailleurs, A.-M. NTSOBE pense que l'appropriation du
français en Afrique résulte du souci de décrire un univers
spécifique et des émotions particulières. Cela
étant, il ajoute qu'
Un constat supplémentaire devrait susciter une
contextualisation de la norme : du moment où le français
n'est pas un arbre, on devrait moins se soucier de chercher ses racines dans le
sol, mais se préoccuper de l'intercompréhension dans le cadre
d'une grammaticalité contextualisée.25(*)
Cependant, le danger majeur à éviter est celui
d'assimiler l'enrichissement de la langue à un anarchisme où
toutes les structures sont permises sous le manteau d'appropriation.
C'est ce qui justifie ici la position de L. M. ONGUENE
ESSONO26(*) qui remarque
que les différentes appropriations, la lexicalisation et les
néologies débridées dans le cadre d'enrichir la langue
française risque de la dénaturer. C'est pourquoi il pense qu'il
est nécessaire de recentrer la problématique pour éviter
à la sociolinguistique de servir de dépotoir linguistique,
malgré les situations dramatiques que vivent des locuteurs soucieux de
s'exprimer en français, mais en mal des termes idoines.
Cette nouvelle orientation de la problématique
amène à nouveau A. M. NTSOBE à recentrer le débat.
De ce fait, il suggère que la norme du français doit être
une et commune relativement aux usages particuliers dans les pays francophones.
Aussi affirme-t-il :
La norme standard du français s'impose à
tous, il convient de la respecter même s'il faut, à chaque fois,
adapter la langue à chaque situation de communication. Dès lors,
il semble plus raisonnable de parler de problème de niveau, de registre
de langue que de norme.27(*)
Cela se vérifie dans la mesure où la norme
endogène ne vise nullement pas la déstabilisation de la langue,
mais la prise en compte de certaines variations qu'on ne saurait bannir.
C'est en fait ce qui amène G.-M. NOUMSSI et
FOSSO28(*) à noter
que les variétés rencontrées dans la langue
résultent du fait que, le locuteur, soucieux de décrire la
réalité de son milieu, ne peut que chercher dans le lexique du
français des équivalents périphrastiques.
Dans une position plus tranchée, J. M. ESSONO remet en
question l'assimilation à une norme standard comme mentionnée
supra. Selon lui, toutes ces barrières normatives des puristes
étouffent le locuteur qui voudrait s'exprimer, transmettre librement son
message et communiquer son expérience avec autrui. C'est ainsi qu'il
présente la langue comme :
Un bien commun, une institution sociale, un trésor
collectif au service d'une communauté linguistique bien
déterminée [...] le peuple façonne la langue à sa
guise au détriment des intellectuels et grammairiens qui formalisent des
lois et des règlements pour régenter cette même langue. Or,
trop de règles tuent la langue. [...] face à la norme, la masse
oppose l'usage. Par la loi du nombre, elle dicte et impose son parler
populaire.29(*)
Cette pression de l'usage qui hante désormais toutes
les structures du français en Afrique pousse E. BILOA à dire que
le français dans divers milieux francophones prend très souvent
une coloration locale, au point que sa phonologie, sa morphologie, son lexique,
sa syntaxe et sa sémantaxe s'en trouvent affectés.
En somme, cette revue de la littérature fait ressortir
l'influence indéniable de la contextualisation et de la variation qui
s'impose désormais à l'utilisation de la langue en milieu social.
Pour ce qui est de la variation du français en Afrique, elle
résulte comme le souligne J. TABI MANGA de la volonté
réelle d'appropriation de la langue par les Africains afin de
répondre aux besoins langagiers particuliers et ces besoins sont
contextualisés.30(*)
Par ailleurs, ces travaux présentés supra
montrent que ce phénomène porte non seulement sur l'usage de la
langue à l'oral, mais aussi à l'écrit. C'est pourquoi J.
TABI MANGA31(*) a
relevé les procédés conduisant les auteurs vers une
écriture insolite, vers une domestication de
l'écriture, ayant pour corollaire la subversion du
français. Reste à présent à savoir si ces
écarts d'écriture relèvent d'un phénomène
expressif ou d'une acquisition insuffisante de la langue.
I.2
Problématique.
Avant d'entrer de plain-pied dans la question centrale de
notre recherche, il convient de rappeler que cette étude porte sur le
problème de contextualisation, voire d'appropriation de la langue
française chez les écrivains noirs africains ; en
particulier ceux du Cameroun.
En effet, certaines voix se sont levées pour remarquer
que ceux-ci se sont engagés dans un processus de
réécriture de la langue française, détachée
de toute contrainte normative. C'est à juste titre que G. MENDO ZE
affirme :
Ceux qui ont le goût de belles lettres
françaises, qui sont soucieux du mot juste et de la belle plume, qui
sont jaloux de la belle forme et de l'élégance dans l'expression
des idées peuvent constater avec regret la dégradation de la
qualité du français au fil des années.32(*)
Au regard de tout ceci, nous pouvons dégager les
questions de recherche suivantes : comment se présente le visage du
français dans L'invention du beau regard de Patrice NGANANG
choisi comme corpus d'étude ? La contextualisation du
français dans cette oeuvre peut-elle faire penser à une
éventuelle créolisation du français écrit au
Cameroun ? Bien plus, à la lecture de cette oeuvre, saurait-on
parler d'une subversion linguistique dans l'écriture littéraire
camerounaise ?
I.3 Formulation des
hypothèses de recherche.
Il ressort des travaux mentionnés supra que, les
notions de variation linguistique et de contextualisation sont des
phénomènes normaux qui s'imposent désormais et dont il est
important d'en chercher les causes profondes et de les élucider. Ainsi,
pour ce qui est de leur influence sur l'écriture littéraire en
français au Cameroun, nous pouvons dégager les hypothèses
de recherche (HR) suivantes :
- HR1 : La contextualisation du français dans
l'écriture littéraire camerounaise marque la volonté des
écrivains d'adapter celle-ci à l'environnement socioculturel des
locuteurs.
- HR2 : Le contact du français et des langues
locales entraîne une nouvelle forme de sensibilité dans
l'écriture littéraire au Cameroun.
- HR3 : Les variations des niveaux de français
constatées dans l'écriture littéraire sont le reflet de
cette langue telle qu'elle est parlée par le commun des locuteurs pour
traduire leur vision du monde.
I.4 Présentation de
la théorie de référence.
Cette étude s'inscrit dans le cadre des principes qui
fondent l'appropriation du français en Afrique noire francophone. C'est
pourquoi nous nous sommes tourné vers l'hypothèse de la
sémantaxe comme théorie de référence de ce
travail.
C'est le résultat des travaux de l'École de
Nice, réalisé autour de G. MANESSY,33(*) qui a réussi à
théoriser l'origine des faits d'appropriation du français par les
africains. C'est dans l'un des premiers à avoir dégagé une
théorie qui permette d'explorer désormais le français des
Africains sur une nouvelle base.
I.4.1 Les fondements de
cette théorie.
Parmi les éléments ayant suscité une
nouvelle lecture du français en Afrique, on peut noter cette remarque de
J. TABI MANGA :
En effet, les particularités du français,
lexicales, syntaxiques étaient regardées comme des expressions
fautives à proscrire. Cette attitude, faite de réprobation et de
mépris à l'égard des autres cultures, s'expliquait par le
jacobisme linguistique. À l'aide d'un instrument d'une redoutable
efficacité tels que les dictionnaires de référence et les
grammaires normatives, la francophonie du Nord a opéré pendant
longtemps une idéalisation des faits linguistiques. Cette
idéalisation des modèles intellectuels, socioculturels a
considérablement différé la connaissance de l'Autre, juste
parce qu'il est l'autre.34(*)
Cette remarque fait ressortir la perception que l'on a
toujours faite du français d'Afrique. Celui-ci était toujours
comme un créole détaché de toute norme structurale de la
langue française.
Ainsi, partant de cette conception erronée qui
consistait à constituer dans le parler africain d'innombrables
relevés de fautes ainsi que des parallèles plus ou moins
rigoureux entre la grammaire du français littéraire et
l'organisation morphosyntaxique des langues substrats (dans le but de mettre en
évidence l'interférence de celle-ci sur celle-là) G.
MANESSY a opposé une nouvelle opinion fondée sur
l'hypothèse de la sémantaxe.
I.4.2 L'hypothèse de
la sémantaxe.
Elle est fondée sur la réactivation de la
substance du contenu africain à travers une forme d'expression
française, traduisant ainsi un phénomène proprement
culturel. En effet, il s'agit d'expliquer ici comment et pourquoi se fait une
projection en français local des schèmes
syntaxico-sémantiques plus ou moins lexicalisés du substrat
linguistique des locuteurs africains.
De ce fait, G. MANESSY se fonde sur l'apparente
incompatibilité entre la forme et le contenu du français à
rendre compte des réalités africaines pour relever :
Son inaptitude maintes fois affirmée à
rendre compte exactement, en dehors du domaine de la communication
référentielle de ce qui différencie les civilisations
africaines de la civilisation occidentale, et qui fait que celle-ci
transposée dans celles-là, cesse d'être identique à
elle-même.35(*)
C'est ce sentiment d'inadéquation et la quête
d'un français africain voire national qui justifierait, comme l'ajoute
G. MANESSY, le travail de remaniement que certains écrivains effectuent
sur la langue française.
Aussi dégage-t-il deux hypothèses
théoriques permettant de fonder l'appropriation du français en
Afrique noire :
- La première, qui stipule que la forme d'un parler, le
degré d'élaboration de sa grammaire, la complexité de ses
mécanismes morphologiques et syntaxiques, l'organisation de son lexique,
sont largement déterminés par les fonctions qui lui sont
imparties ; c'est là le principe même de la
différenciation d'une langue en variétés.
- La seconde est qu'on n'a pas tout dit lorsqu'on a mis
à jour la structure grammaticale d'une langue. Cela dit, il paraît
nécessaire, pour rendre compte de l'originalité d'un parler
à un moment donné de son évolution, de prendre en
considération ce qui est en deçà et au-delà du code
linguistique : l'univers conceptuel dans lequel se meuvent ses locuteurs
et les singularités de leur performance.
Ces deux hypothèses touchent ce qui constitue
désormais la spécificité réelle du français
africain, où les écarts constatés ne sont plus à
percevoir comme des fautes, mais comme un fait d'appropriation permettant
à l'Africain d'exprimer sa vision du monde et sa manière de voir
les choses.
Au vu du cadre théorique, notre étude se propose
d'analyser les différents niveaux d'appropriation de la langue
française dans l'écriture camerounaise à partir de notre
corpus. Mais avant, il convient de partir de là pour orienter notre
construction de l'outil d'analyse qui sera une synthèse critique de
certaines grilles existantes.
CHAPITRE
DEUXIÈME : MÉTHODOLOGIE : CONSTRUCTION DE L'OUTIL
D'ANALYSE DU CORPUS.
Ce chapitre s'attèle à l'élaboration
d'une grille synthétique contenant les éléments
sélectifs qui nous permettront d'exploiter notre corpus d'étude.
Pour ce faire, nous partirons tout d'abord de la formulation des variables de
l'étude, ceci sur la base des hypothèses dégagées
supra. Ensuite suivra une lecture critique de certaines grilles
d'évaluation du corpus francophone. Tout ceci nous permettra enfin de
compte de dégager notre propre outil d'analyse adaptable à
l'oeuvre que nous étudions.
2.1 Formulation des
variables.
Une variable est un élément dont la valeur peut
changer et prendre différentes formes. Notre étude distinguera la
variable indépendante et la variable dépendante, cette
dernière qui sera à son tour déclinée en
indicateurs.
2.1.1 Les variables
indépendantes.
Elles désignent les facteurs que
l'expérimentateur manipule afin d'observer ou de mesurer les effets sur
d'autres facteurs qu'on nomme variables dépendantes ; celles-ci
s'inspirent des hypothèses formulées.
Pour ce qui est de notre étude portant sur
l'appropriation du français dans l'écriture littéraire au
Cameroun, nous pouvons dégager les variables indépendantes
suivantes :
- l'inaptitude du français à traduire les
réalités culturelles camerounaises.
- Le phénomène de contact entre le
français et les langues locales camerounaises ;
- La forte pression de la norme populaire ou endogène
de plus en plus évolutive.
2.1.2. Les variables
dépendantes.
Celles-ci sont liées à l'objet de la recherche,
et renvoient à l'effet présumé du phénomène
(de recherche) à étudier. Ce sont les variables passives, encore
appelées variables-réponses, parce qu'elles indiquent le
phénomène que l'étude essaie d'expliquer.
Nos variables dépendantes sont les suivantes :
- la transformation et le bouleversement des repérages
sémantiques, classiquement répertoriés par les
dictionnaires de référence, dans l'écriture
littéraire ;
- la transformation du lexique et des structures
littéraires
- la variation des niveaux de langue et la coloration intense
du lexique et des structures syntaxiques.
II.1.3 Les indicateurs.
Les indicateurs sont des données observables, qui
permettent de saisir les dimensions, la présence ou l'absence des
phénomènes que l'on ne peut appréhender directement.
Ils sont considérés comme outils d'analyse du
fait qu'ils permettent d'obtenir des informations précises sur
l'élément recherché.
Les indicateurs de notre étude se présentent
suivant un regroupement lié aux différentes déclinaisons
des hypothèses en variables. Aussi avons-nous trois groupes
d'indicateurs conformes aux trois hypothèses dégagées.
Pour l'hypothèse de recherche n°1 (HR1) nous
avons :
· les calques sémantiques
· les glissements de sens
· les changements de connotation et de
dénotation
Pour l'hypothèse de recherche n°2 (HR2) nous
avons :
· les calques syntaxiques
· les calques traductionnels
· les emprunts et les néologismes
· les traits intonationnels
Pour l'hypothèse de recherche n°3 (HR3) nous
avons :
· le langage familier et vulgaire
· les constructions syntaxiques populaires
Tout ceci peut être représenté dans le
tableau infra.
Tableau n°1 : Les variables et les
indicateurs.
Hypothèses
|
Variables
|
Indicateurs
|
Indépendantes
|
Dépendantes
|
HR1
|
-l'inaptitude du français à traduire les
réalités culturelles camerounaises
|
Transformation et bouleversement des repérages
sémantiques dans l'écriture littéraire
|
*Calques sémantiques
*glissement de sens
*changements de connotation et de dénotation
|
HR2
|
-Le phénomène de contact entre le
français et les langues locales du Cameroun
|
Transformation du lexique et des structures littéraires
|
*Calques syntaxiques
*Calques traductionnels
*Les emprunts et les néologismes
*traits intonationnels
|
HR3
|
-La pression de la norme populaire ou endogène
|
-variation des niveaux de langue et coloration intense du lexique
et des structures syntaxiques
|
* langage familier
*constructions syntaxiques populaires
|
Les éléments résultant de ces variables
et indicateurs nous permettront donc d'orienter la construction de notre outil
d'analyse. Mais avant, il convient de partir d'une lecture critique de quelques
précédentes grilles élaborées en vue d'analyser les
corpus africains. La synthèse de celles-ci nous permettra d'en concevoir
une, mieux adaptable à notre corpus d'étude.
2.2 Présentation
critique des grilles existantes.
L'importance accordée aux variations du français
en Afrique a suscité chez plusieurs chercheurs et équipes, la
mise sur pied d'instruments permettant d'analyser les corpus tant oraux
qu'écrits. Pour la plupart, ces grilles s'attèlent à une
description du visage lexical et stylistique du français tel qu'il est
parlé ou écrit en Afrique noire francophone, et se rejoignent en
ce qu'elles visent à résoudre les mêmes
difficultés.
Pour notre étude, nous passerons en revue trois
principales grilles (les plus utilisées dans l'ensemble) que nous avons
observées : celle de l'Équipe IFA,36(*) celle de C. POIRIER37(*) et celle de S.
LAFAGE.38(*) Rappelons
toutefois que la grille de R. CHAUDENSON39(*) et celle de G. MENDO ZE40(*) ne sont pas pris ici en compte
du fait qu'elles penchent vers une perspective macro-sociolinguistique pour la
première ; et stylistique voire esthétique et culturelle
pour la seconde.
2.2.1 La grille de
l'Équipe IFA.
L'Équipe IFA dans son inventaire des
particularités lexicales du français en Afrique a mis sur pied un
ensemble fondé sur la typologie de l'écart et structuré en
quatre points :
- les particularités lexématiques ;
- les particularités sémantiques
- les particularités grammaticales
- et les particularités liées aux
différences de construction, à des différences de
fréquence et de niveau de langue.
Cette grille a le mérite d'être la
première description systématique à large échelle
de ce qu'on peut appeler les africanismes. Elle offre une vue synoptique du
français en Afrique noire francophone, dans une perspective
synchronique, descriptive, c'est-à-dire non normative et
différentielle.
Toutefois, il convient de noter avec A. FREY41(*) que cette grille typologique
reste un schéma abstrait. Par ailleurs, à travers son aspect, on
ne peut s'empêcher de se demander, avec J. TABI MANGA42(*) si cette grille est un fait de
langue ou un fait de discours, surtout qu'elle reste plus centrée sur le
lexique (uniquement) dans une perspective prédictionnairique.
2.2.2. La grille de Claude
Poirier.
C. POIRIER dans son étude des variétés
géographiques du français a dégagé une grille qui
permet d'évaluer les différences entre les usagers du
français hors de France sous une base comparative, à partir du
français des dictionnaires. Cette grille se présente sous deux
axes : différentiel (horizontal) et historique (vertical) et
comprend :
- les variantes lexématiques ;
- les variantes sémantiques
- les variantes grammaticales
- les variantes phraséologiques
- les variantes de statut
- et les emprunts.
Cette grille n'est pas nouvelle pour ce qui est des
catégories d'écart par rapport au français de
référence. Elle épouse de près les distinctions
établies dans l'IFA. Son mérite est peut-être d'apporter
des précisions sur certains points et de combiner des dimensions
synchronique et historique sans qu'il y ait ambiguïté.
Cependant, bien qu'intégrant ici les variantes
phraséologiques qui portent sur les locutions et expressions originales,
cette grille comme la précédente s'oriente plus vers l'analyse
des faits lexicaux tels qu'ils varient d'une région à l'autre.
Bien plus, elle reste schématique car peut-être
façonnée en fonction des situations.
2.2.3 La grille de Suzanne
Lafage.
S. LAFAGE a établi pour chaque phénomène
envisagé, des sous-catégorisations s'appuyant sur quatre
critères opérationnels et permettant d'analyser le lexique du
français d'Afrique noire. Ce sont :
- la suppression
- l'adjonction
- la substitution
- et la permutation
Cette grille vise à rendre compte de façon plus
détaillée des processus mis en jeu par le changement lexical du
français en Afrique.
Bien qu'étudiant en plus des
métaplasmes (modification de la structure formelle du mot), des
changements de type métataxe (figures portant sur la syntaxe et
touchant le mot ou des segments plus vastes), celle-ci dégage un
schéma s'appliquant uniquement aux particularismes lexicaux
résumés dans l'IFA. Ce qui fait qu'elle s'applique, elle aussi
dans une perspective d'étude du visage lexical du français.
Tout compte fait, nous pouvons remarquer que les modes de
représentation qu'offrent ces grilles ne permettent pas de saisir
l'inter relation de tous les éléments sujets à variation,
pourtant étroitement imbriqués dans un système
linguistique cohérent.43(*)
C'est donc dans le double souci d'exposer clairement, les
différents domaines atteints par la variation linguistique dans notre
corpus d'étude, et de montrer comment ceux-ci se conditionnent
mutuellement à l'intérieur de l'oeuvre pour faire sens, que nous
nous proposons de dégager une grille synthèse applicable au
corpus. Celle-ci s'inspire du cadre théorique, des indicateurs
dégagés et des grilles d'analyse que nous venons
d'étudier.
2.2.4 Présentation
de l'outil d'analyse : la grille synthétique.
La grille que nous proposons, relève d'une part de la
synthèse critique des précédentes grilles et d'autre part
des entrées issues des variables dépendantes et indicateurs
formulés supra.
Cela dit, notre grille présente trois critères
ayant chacun plusieurs entrées qui doivent être
vérifiées dans L'IBR de Patrice NGANANG. Voici du reste
sa représentation.
Tableau n°2 :
Présentation tabulaire de la grille d'analyse.
Critères
|
Entrées
|
1. Variation morphologique
|
- néologismes simples
- dérivation
- composition
- l'abrègement
- les emprunts
|
2. Variation syntaxique
|
- changement de catégorie grammaticale
- calques syntaxiques
- calques d'expression
- changement de construction (les formes de l'interrogation,
les constructions syntaxiques populaires, etc.)
|
3. Variation sémantique
|
- glissements de sens
- les métaphorisations
- les extensions et restrictions de sens
- les changements de dénotation et de connotation
- calques traductionnels
|
2.2.5 Limites
d'étude
La réflexion suggérée par notre
thème de recherche est orientée vers une analyse de la variation
linguistique du français dans l'écriture littéraire au
Cameroun. L'ampleur d'une telle étude étant considérable,
il aurait fallu un corpus plus large et recoupant plusieurs
écrivains ; mais nous sommes retranché derrière la
seule oeuvre L'IBR de Patrice NGANANG pour des motivations que nous
avons soulignées à l'introduction.
Quant au niveau de la grille, elle ne prend pas en compte les
variations phonétique et orthographique, ni l'analyse des toponymes et
anthroponymes qui entrent ici dans une étude plus large.
Aussi souhaitons-nous que d'autres études soient
menées, comme c'est déjà le cas pour l'écriture des
médias, prenant en compte toutes les faiblesses de la présente
recherche, afin d'avoir une vision plus large sur la question de la variation
linguistique dans l'écriture littéraire au Cameroun.
CHAPITRE
TROISIÈME : LA VARIATION LEXICO-SÉMANTIQUE
Dans la langue française comme dans toute autre langue,
l'utilisation d'un mot en discours est toujours chargé de sens. En
effet, comme le remarque L.M. ONGUENE ESSONO,44(*)pour se comprendre, il faut mettre les mêmes
sens sous les mêmes mots, les mêmes significations devant
correspondre aux mêmes signifiés.
Cependant, l'usage du français au Cameroun
présente une autre particularité qui est celle de la
resémantisation des lexèmes, les chargeant d'un sens
différent de celui qu'offrent les dictionnaires de
référence. En réalité, la langue française
utilisée ici fait face à une culture camerounaise, qui à
travers ses langues la transforme et l'accorde à sa sensibilité.
J. TABI MANGA souligne à juste titre que :
Les cultures africaines traversent la langue
française en y laissant des traces durables. Ces dernières
transforment, bouleversent profondément les repérages
sémantiques classiquement répertoriés dans les
dictionnaires de référence.45(*)
Notre corpus d'étude, qui est ici l'IBR,
n'échappe pas à cette règle. La resémantisation du
lexique français s'y opère à travers moult phonèmes
tels que : les changements de dénotation et de connotation, les
glissements de sens, les extensions sémantiques, les
métaphorisations et les calques traductionnels.
Notre analyse a consisté à faire un
relevé d'occurrences suivi de quelques interprétations suivant le
contexte.
3.1 Le changement dans la
dénotation.
La dénotation désigne le noyau sémique
fondamental et invariable d'une lexie. Pour G. MOUNIN, il s'agit de :
La relation qui unit une forme linguistique à la
classe d'objets du monde observable, cette forme a la propriété
d'évoquer dans l'usage de la langue la classe des objets qu'elle
dénote.46(*)
En français camerounais par contre, on remarque que les
lexies peuvent perdre leur sens premier et en acquérir d'autres,
inexistants le plus souvent dans le français central.
Dans l'analyse du corpus, nous avons remarqué que dans
l'IBR, les changements dans la dénotation se situent
à deux niveaux des classes grammaticales.
3.1.1 Les verbes.
Nous avons recensé à ce niveau les exemples
ci-après :
1) Notre homme avait décidé d'inventer tout ce
beau monde chez lui après pour arroser-cà.
(P.19)
2) Quand il aurait dû réfléchir sur cela
qu'il deviendrait durant ces jours si proches ou qu'il n'aurait plus sa tenue
fière d'adjoint au commissaire de police à
porter. (P.20)
3) Et Taba ne put la croire, vraiment, quand elle le rassura
et lui dit : «le médecin n'a rien
vu''. (P.134)
4) il se bouchait les oreilles, et il se rendait compte bien
vite que cette voix criait des profondeurs de son âme, que cette voix de
Mana qui explosait en lui, lui disjonctait les
évidences. (P.183)
Ces différents exemples relevés dans l'IBR
ont au niveau dénotatif, un sens totalement différent de
celui que présente les dictionnaires de référence. Le
noyau sémique fondamental que l'on reconnaît à ceux-ci a
volé en éclats au profit d'un sens nouveau imposé par le
contexte camerounais.
Dans l'exemple (1) arroser-ça, on note que ce
groupe verbal qui en réalité signifie humecter, mouiller en
versant un liquide, revêt ici une autre dénotation
appropriée qui est : festoyer, organiser une grande fête pour
marquer un événement heureux. L'événement dont il
est question ici est la cérémonie de décoration du
commissaire de police adjoint D. Eloundou qui est au seuil de la retraite.
Le verbe porter présent dans l'exemple (2)
revêt le sens qui lui est imposé par la traduction dans certaines
langues locales camerounaises.47(*) De ce fait, il renvoie ici à l'expression
mettre sur soi (un vêtement).
L'occurrence n'à rien vu laisse
apparaître l'expression du personnage Mana épouse de Taba. Le
changement de dénotation porte ici sur le verbe voir qui signifie
ici : «diagnostiquer.'' En fait, Mana rapporte à son
mari que les analyses médicales effectuées par le médecin
se sont avérées négatives.
Enfin, le dernier verbe disjonctait quant à
lui est généralement utilisé par les locuteurs camerounais
dans des échanges agressifs. (Exemple : j'ai l'impression que
vous disjonctez un peu monsieur). Il renvoie de ce fait à
l'expression perdre la tête ou perdre ses
repères.
Dans la même perspective, nos analyses nous ont aussi
permis de relever certains lexèmes dans le corpus, victimes des
changements de dénotation.
3.1.2. Les substantifs.
Les occurrences suivantes ont été
relevées :
5) Oh oui, même le temps de Biya
passera bientôt fait quoi fait quoi. (P.23)
6) Dans les sous-quartiers, lors d'une rafle, un des jeunes
sauveteurs avait soudain tapoté ses poches et
s'était écrié que son téléphone cellulaire
avait été volé. (P.74)
7) Il ne croit non plus à sa tribu [...] ni dans son
quartier qui n'attend plus que le moment de l'arrosage.
(P.106)
Ces trois lexèmes qu'offrent ces exemples sont
très fréquents dans l'usage du français au Cameroun. Par
ailleurs, leur présence sans l'IBR conserve la
même coloration sémantique que celle attestée par les
locuteurs camerounais qui l'utilisent.
Le lexème temps est généralement
utilisé dans les débats politiques pour parler du règne ou
du mandat de quelqu'un qui occupe un portefeuille, exerçant ainsi une
quelconque influence sociale et politique sur les autres. En effet, il est
utilisé ici pour exprimer le ras-le-bol de ceux-là qui se marrent
du règne du président.
En ce qui concerne le mot sauveteurs, il renvoie ici
aux vendeurs à la sauvette qui exercent dans les grands marchés
et les rues du Cameroun. Ceux-ci sont généralement en mouvement
avec leurs marchandises et subissent parfois des interpellations
policières du fait de leur occupation illicite des voies publiques.
C'est en fait un cas de figure qui est présent ici dans
l'IBR.
L'occurrence n°7l'arrosage qui revient
fréquemment dans L'IBR renvoie à une
cérémonie de collation pendant laquelle les gens sont
invités à manger, à boire et à danser afin
d'accorder leur bénédiction à l'événement et
à l'hôte. C'est un phénomène très
fréquent dans le contexte camerounais et qui est perçu comme le
couronnement de tout succès. Celui dont il s'agit ici est la
cérémonie de décoration du commissaire principal adjoint
D. Eloundou à laquelle les membres de sa famille et tout le quartier ont
été conviés.
Outre les changements de dénotation qui pullulent dans
l'oeuvre de Patrice NGANANG, on peut aussi constater des changements qui
interviennent dans la connotation, constituant ici ce qu'E. BILOA appelle
variation de sens contextuel.48(*)
3.2 Les changements dans la
connotation.
La connotation se définit comme l'ensemble des
significations qui s'ajoutent au sens dénoté d'un mot. Celle-ci
l'enrichit de manière parfois inattendue, en fonction de la
sensibilité et de la culture de l'émetteur, de celle du
destinataire/récepteur, de l'environnement lexical (contexte) et du sens
général d'un texte. Ainsi :
Le domaine des connotations (pour un terme) dit
Benveniste, c'est tout ce que ce terme peut évoquer, suggérer,
expliciter, impliquer de façon nette ou vague chez des usagers. Ainsi,
la connotation est une manière de substrat sémantique, de
significations supplémentaires, qui se superposent à la fonction
sémiotique ou dénotative.49(*)
Il ressort que ces changements affectent des valeurs
supplémentaires aux unités lexicales du français central.
E. BILOA affirme qu'en français du Cameroun, les lexies qui
étaient mélioratives ou non marquées en français
central acquièrent une valeur péjorative.50(*)
Plusieurs exemples ont été relevés dans
notre corpus, portant sur les verbes, les substantifs et enfin sur les
expressions.
3.2.1. Les verbes
connotés.
Les exemples répertoriés se présentent
comme suit :
8) Oui, on devrait se féliciter que son activité
véritable de commissaire n'ait plus consisté depuis longtemps en
fait qu'à calculer la justesse des pots-de-vin.
(P.36)
9) comment est-ce possible qu'une Sita ne veuille pas
faire avec un policier ? (P.56)
10) la violence naît de la peur, et à ce moment
dans son bureau du silence, [...], devant cette femme qui lui donnait,
donnait et redonnait sans fin, D. Eloundou eut peur,
et il fut donc violent. (P.56)
Ces différents verbes portent d'une manière ou
d'une autre des connotations dans l'IBR. Le sens ici ne peut
être appréhendé que dans le contexte d'utilisation. Bien
plus ces verbes émanent, pour la plupart, de l'usage vulgaire du
français au Cameroun.
Pour l'exemple 8, le verbe calculer n'a rien à
voir avec des exercices arithmétiques ou de résolution de
problèmes. L'emploi fait de ce dernier renvoie à l'expression
guetter avec envie ou convoiter quelque chose avec beaucoup
d'intérêt. Notre corpus met ici en relief le cas du
personnage D. Eloundou, commissaire principal adjoint dans la police
camerounaise et qui passe pour expert dans la corruption et quête de
pots-de-vin.
Les occurrences faire et donnait quant
à elles s'inscrivent dans le registre de la sexualité. En clair,
le verbe faire dans le contexte camerounais renvoie au fait pour une
femme d'entretenir des rapports sexuels avec un homme. Tandis que le verbe
donnait lui, signifie le fait qu'une femme consente de par ses gestes
à entretenir des rapports sexuels avec un homme.
Ce contexte de sexualité illégitime est
présenté dans l'IBR comme l'apanage des agents de la
police camerounaise qui profitent de leurs travaux nocturnes pour entretenir
des liens coupables avec des femmes autres que leur épouse
légitime.
3.2.2. Les substantifs
connotés.
Les occurrences relevées sont les suivants :
11) Et qu'avait-il déjà vu, lui aurait-on dit,
car voilà qui, quand il entrait dans le bureau du commissaire principal,
« le garçon » s'entendait montrer la chaise de
l'autre côté et dire : «assieds-toi
Grand'' ( p.77)
12) mais fallait-il qu'avant son couronnement public sa
néantisation lui soit signalée dans le secret des bureaux par la
bouche d'un enfant oui, d'«un
bébé'' (p.79).
Ces substantifs ont tous un usage connoté que leur
impose le contexte camerounais dont l'IBR est une illustration.
De ce fait, l'adjectif substantivé Grand
(article O + adjectif) employé ici par le commissaire principal a une
connotation ironique. Il signifie quelqu'un de respectable, influent
et qui cherche à le faire savoir à tout prix à travers un
zèle ostensible. Il est ici mis pour le commissaire adjoint D. Eloundou
dont les pratiques d'influence qu'il exerce sur son entourage sont connues de
tous
Les lexèmes enfant et
bébé sont utilisés dans cet exemple pour
désigner une personne sans expérience, un mineur de rien du tout
dont on ne saurait prendre en considération les prises de
décisions. On le retrouve souvent dans les cas d'insubordination,
lorsque le supérieur est moins âgé que son
suppléant, comme c'est le cas dans l'IBR entre D. Eloundou
(Commissaire principal adjoint) et son supérieur hiérarchique,
celui-là qui n'a même pas l'âge de son fils.
Les changements dans la connotation sont enfin perçus
dans le corpus à travers certaines expressions.
3.2.3. Les expressions
connotées.
Nous avons relevé :
13) D. Eloundou [...] avait toujours fermé les
yeux sur la vérité quand le tchoko touchait ses mains.
(p.31)
14) Ils auraient su que l'adjoint allait être dans
déjà moins de vingt-deux heures en retraite qu'ils auraient ri
devant sa promesse de les libérer, les condamnés, car
après tout eux aussi connaissaient bien le Cameroun.
15) Si et seulement s'il n'avait pas pris tous ces
gens-là qu'elle lui jetait à la maison comme ses propres enfants,
[...], il n'aurait pas eu à se faire mouiller la barbe
par-ci par-là. (P.85).
16) Or y avait-il une possibilité de sinon quand
soudain, dans les bureaux de la police un Doyen avait été
mis « sans caleçon ». (P.81)
Tout comme le précédent relevé, nous
avons ici des expressions dont seul le contexte permet de décrypter le
sens qui est de loin celui proposé par les dictionnaires de
référence.
Les expressions fermé les yeux sur la
réalité (exemple 13) et faire mouiller la barbe
(exemple 15) se situent tous deux dans le champ sémantique de la
corruption que l'IBR présente comme l'une des tares majeures de
la police camerounaise.
Le premier signifie laisser tomber une procédure
judiciaire par complicité avec les prétendus coupables.
Le second lui, signifie se laisser corrompre en
acceptant les pots-de-vin.
L'exemple 14 : connaissant bien le Cameroun
signifie se méfiait. En réalité, il est
généralement employé par ceux qui ont été
victime d'un phénomène de corruption, d'une promesse non tenue ou
de toute autre transaction n'ayant eu aucune issue favorable. Cette expression
est donc perçue au Cameroun comme une mesure de prudence dans des
situations douteuses. L'IBR présente ici le cas de certains
prisonniers qui ont reçu la prétendue promesse d'être
libéré par D. Eloundou
Enfin, l'expression avait été mis
sans caleçon est une marque d'humiliation .C'est ici le
cas du policier D. Eloundou qui vient d'être humilié par son
supérieur hiérarchique qui n'a même pas l'âge de son
fils. Celui-ci lui refuse désormais la direction de toute patrouille
policière.
Toutes ces connotations montrent en fait le niveau de
coloration sémantique du français dans l'IBR qui se
présente comme un miroir de la société camerounaise dans
le parler et la vie quotidienne. Outre ce phénomène, on constate
dans ce corpus des processus de glissements de ses.
3.3. Les glissements de
sens.
Pour E. Biloa,51(*) il y a glissement de sens lorsque d'autres
significations se substituent à celles du français central.
J. TABI MANGA52(*) parle de parasynonymes qui peuvent
être de type nominal ou de type verbal, cela du fait que ces
lexèmes entretiennent des relations parasynonymiques avec le nouveau
sens qu'ils dégagent.
Plusieurs exemples ont été repérés
dans l'oeuvre de Patrice NGANANG et portant sur les substantifs et groupes
nominaux. Nous les avons enregistrés comme suit :
17) Mais c'était aussi une façon polie de dire
que pour la nouvelle génération qui n'avait pas connu
l'indépendance, et dont beaucoup était entrée dans la
police à cause, et c'est vrai, de pistons par-ci
par-là. (P.18)
18) Comment le pouvait-il donc, quand ses mains au lieu de se
lever pour dire son abandon, se tendaient plutôt vers son
amante. (p.26)
19) la réponse que les frères, fils et
beaux du commissaire donnaient à ces questions
brûlantes était unique, véhémente et
concrète. (p.66)
20) il avait levé un billet au soleil, avait une fois
de plus compté le tout, [...] en mouillant son pouce à la salive,
car on ne savait jamais aujourd'hui comme il dit «surtout avec ces
gros billets.'' (p.122)
Ces substantifs sont tous des parasynonymes de type nominaux,
ayant subi une modification de sens pour exprimer une autre
réalité extralinguistique.
Le mot piston ici a trait aux différentes
recommandations et appuis effectués en vue de faire admettre un tiers
à un concours ou à une sélection. Cela traduit ici l'une
des pratiques fréquentes dans les recrutements organisés dans la
police et dont l'IBR en fait une peinture.
Le lexème amante dont l'usage est
récurrent dans notre corpus renvoie ici à une
maîtresse ou à toute femme qui entretient des liens
sentimentaux avec un homme qui n'est pas son mari. Ce terme a pour masculin le
mot amant qui signifie soupirant, amoureux.
L'adjectif substantivé beaux (article
zéro + adjectif qualificatif) renvoie ici aux membres de la belle
famille et non pas à une quelconque appréciation
esthétique.
Quant au groupe nominal ces gros billets (adjectif +
nom), il signifie dans le contexte camerounais des billets d'une grande
valeur. Ce sont généralement des billets de cinq mille
francs ou de dix mille francs. Ce terme est couramment utilisé par des
locuteurs démunis et victimes de pauvreté que la seule vue de
ceux-ci rend perplexes et aussi prudents. C'est pourquoi il est employé
ici par le personnage Taba que l'auteur décrit comme une figure
symbolique de la misère.
On voit au bout du compte comment la coloration contextuelle
qu'épousent les lexies dans l'IBR serait liée à
la situation socioculturelle et économique qui prévaut au
Cameroun et dont l'oeuvre s'en fait le miroir.
Par ailleurs, le jeu sémantique présent dans
notre corpus s'observe également à travers un autre
phénomène insolite qui est l'extension sémantique.
3.4 Les extensions
sémantiques.
La procédure d'extension sémantique pour L.M.
ONGUENE ESSONO consiste à élargir le sens d'un mot,
même si le fond sémantique initial demeure.53(*)
En effet, en plus du sens normalement attesté dans le
français central, certaines lexies, souligne E. BILOA,54(*) acquièrent de nouvelles
significations qui couvrent le champ réservé à d'autres
lexies.
Voici quelques exemples illustratifs qui ont été
relevés dans le corpus.
21) L'argent qu'il avait reçu pour son acte disparut
dans le quotidien des dépenses de sa famille, et dans la loi implacable
de la mangeoire. (p.28)
22) ceci n'aurait été possible que si et
seulement s'il n'avait, au sommet de sa déjà nombreuse famille
à nourrir, fait comme tous ses amis, pris deuxième
bureau, construit une maison à deuxième
bureau alors que sa propre famille vivait encore dans les taudis.
(p.85)
23) Il ne croit non plus à sa tribu, car le SG,
son frère ne l'a pas aidé. (p.106)
24) L'espoir c'était de déboucher
sur le goudron en route, or, même en route les
gamins ne cessèrent par leur vengeance. (p.165)
Ces différentes lexies sont fréquentes dans le
français camerounais et portent avec elles un sens élargi que ne
prennent pas en compte les dictionnaires de référence.
Le terme mangeoire ici désigne une fête
suivie de collation. Notons en plus que dans l'usage du français au
Cameroun, ce lexème désigne le bien public ou les richesses de
l'État ; ainsi, parle-t-on généralement au Cameroun
de la mangeoire nationale.
En ce qui concerne l'exemple 22 deuxième
bureau, ce groupe nominal dans le contexte camerounais signifie
maîtresse. C'est en fait l'une des conquêtes d'un homme
avec qui il entretient des relations sentimentales voire conjugales en dehors
de son épouse légitime.
L'occurrence frère renvoie ici au membre d'une
même tribu et non plus nécessairement aux enfants de mêmes
parents. Cela fait figure de ce que l'on appelle couramment la famille
africaine qui n'a point de limite témoignant ainsi l'importance de
la relation parentale qu'il est inutile de découper en morceaux
indicatifs (frères, cousins, neveux,etc.).
Le dernier cas ici présent est celui de
goudron qui est utilisé ici non pas pour désigner la
substance noire et liquide qui contribue à la construction des routes,
mais renvoie plutôt à toute la partie goudronnée qui est
l'asphalte.
À côté de toutes ces modifications
sémantiques des items lexicaux présents dans l'IBR,
figure aussi le phénomène de métaphorisation qui
crée des rapprochements entre des faisceaux d'objets a priori
étrangers les uns aux autres.
3.5 La
métaphorisation.
Selon P. FONTANIER, la métaphore est la figure de
ressemblance par excellence qui
Présente une idée sous le signe d'une autre
idée plus frappante ou plus connue qui d'ailleurs ne tient à la
première par aucun autre lien que celui d'une certaine conformité
ou analogie.55(*)
Dans la même perspective, M. CRESSOT et J. LAURENCE
présentent celle-ci comme
Un changement sémantique par lequel, un signifiant
abandonne un signifié auquel il est habituellement lié par un
autre, en vertu d'une comparaison non formulée entre ces deux
signifiés, comparaison qui retient des ressemblances arbitrairement
privilégiées.56(*)
On remarque donc que le phénomène de
métaphorisation repose ainsi sur une interaction sémique entre
les unités mises en jeu, ce qui lui confère un pouvoir de
suggestion au niveau sémantique. L'IBR nous livre les exemples
suivants :
25) De tableau vide, en passant par gardien
de la paix, il avait atteint au bout de moult stages de recyclage, promotions,
jonglages et pistonnages, son grade actuel d'adjoint au commissaire principal.
(p.17)
26) Il avait fallu que son regard se plonge directement dans
la chose palpitante de sa nouvelle femme, cette
chose jeune et sans rides dont même sa Martine ne pouvait plus
que lui donner le souvenir. (p.69)
27) On pouvait rappeler à D. Eloundou, pour le consoler
[...] qu'il n'était surtout pas un sans caleçon.
(p.81)
28) Reconnaissons que sans sans-payer, avec
comme patrouille sa femme et ses enfants grands comme petits [...] même
sa tenue de commissaire n'était pas suffisante pour convaincre cet homme
à qui il parlait. (p.80)
29) Elle qui avait imaginé les éclos d'oasis,
devait soudain rétrécir ses fantasmes et les limiter à ces
deux mambas verts que son mari lui montrait. (p.119)
En dehors de l'exemple 27, nous avons affaire ici aux cas de
métaphore in absentia. En effet, le comparé et le comparant ne
sont pas exprimés, il n'y a donc que ce seul cas d'énoncé
qui comporte un verbe être d'équivalence.
Dans l'énoncé 25, l'agent de police sans galons
(comparé) est assimilé à un tableau vide
(comparant) du fait qu'aucun signe de décoration n'est encore
porté sur ses épaulettes. Ces agents sont
généralement réduits à l'accomplissement des ordres
de leurs supérieurs hiérarchiques.
La métaphore chose dans l'occurrence n°26
désigne l'organe génital féminin. Il est utilisé
dans le contexte camerounais par souci de pudeur face au sexe qui est parfois
perçu comme tabou. En réalité, le mot chose pris
hors contexte n'est en fait qu'un référent vide.
L'énoncé 27 présente un cas de
métaphore in praesentia ; le groupe prépositionnel sans
caleçon (comparant) renvoie ici à l'expression
vaurien qui est fréquent dans l'usage populaire au Cameroun
pour désigner quelqu'un dépourvu de toute valeur et de toute
personnalité. C'est en fait le cas de D. Eloundou dans le corpus qui est
désormais néantisé et ridiculisé par les siens.
Les deux dernières occurrences laissent
apparaître deux cas de métaphorisation obtenues par composition
d'éléments.
Le premier : sans-payer qui est un groupe
prépositionnel obtenu par trait d'union est ici comparé au car de
police avec lequel ses agents patrouillent dans les villes et
sous-quartiers et dans lequel on entre sans payer.
Le second cas : mambas verts qui est un groupe
nominal (Nom + adjectif) désigne dans le contexte camerounais, des
billets de banque à valeur de dix mille francs chacun. Rappelons
cependant que cette comparaison relève de l'ancienne couleur (verte) que
présentaient les billets de dix milles francs à l'époque
(de 1960-1994) avant leur modification.
Comme on peut le percevoir, le phénomène de
métaphorisation, qui est très récurrent dans le
français hors de France, est utilisé dans l'IBR pour
exprimer la réalité culturelle camerounaise dans une forme
imagée et très expressive. En réalité, ces
différents phénomènes de resémantisation
analysés supra trouvent souvent leur origine dans des traductions
littérales ou calques traductionnels.
3.6 Les calques
traductionnels.
Les calques traductionnels sont selon A.Lipou57(*) des traductions
littérales et des transpositions en français des constructions
lexico-sémantiques issues des langues africaines.
En effet, pour J. DUBOIS et alii,
On dit qu'il y a calque quand pour dénommer une
notion ou un objet nouveau, une langue A traduit un mot simple ou
composé, appartenant à une langue B, en un mot simple existant
déjà dans la langue ou en un terme formé de mot existant
aussi dans la langue.58(*)
Dans le contexte africain, J. TABI MANGA note que
Ces calques ou particularités
phraséologiques représentent la projection en français
local de schémas syntactico-sémantiques plus ou moins
lexicalisés du substrat linguistique. Sur le plan de la
sémantaxe, la réactivation de la substance du contenu africain
à travers une forme d'expression française traduit un
phénomène proprement culturel.59(*)
Au Cameroun, l'utilisation des calques ressortit à un
souci d'expressivité, où les locuteurs parlent français
tout en y ajustant une coloration culturelle.
Notre corpus est ici émaillé de calques
d'expression qui sont indubitablement des transferts des langues camerounaises
en français. Les énoncés ci-après les illustrent
parfaitement.
30) C'est le commissaire principal qu'il croisa dans le
couloir et il lui offrit un sourire amical. Tu es de la maison,
lui dit-il, tu le demeures. (p.26)
31) Il avança d'ailleurs à l'ombre des maisons,
en ralentissant son pas, mangeant son ombre à ses pieds.
(p.37)
32) Il avait marché dans ses pieds,
avait traversé ses intestins, avait pénétré ses
bras suivant l'intérieur de son corps. (p.46)
33) Taba était un vendeur de cola, et malgré ses
réprimandes qui à la longue faisait chacun se demander qui chez
lui portait vraiment le pantalon, personne dans le quartier,
mais personne ne pouvait lever le petit doigt. (p.117)
34) Il voyait tous ces gens, Taba, lui bâtir un
château d'argent, mais se rendait bien vite compte que toute la fondation
était encore dans l'eau quand Moni vint lui annoncer
que Mana était à l'hôpital. (p.133)
35) Taba en avait tout d'abord été
effrayé imaginant la jalousie des gens du quartier qui lui
mangeraient sa truie de loin. (p.137)
36) Tu devrais nous donner la bière
lui dit celui qui avait fait l'effort le plus grand, et qui haletait
sous les flots. (p.184).
Les énoncés qui précèdent
traduisent littéralement, c'est-à-dire mot à mot les
expressions telles qu'elles se présentent dans la langue source.
Dans l'exemple 30, l'expression tu es de la maison
signifie faire partir des nôtres. Elle est utilisée
généralement pour rassurer quelqu'un en difficulté, tout
en lui accordant certaines faveurs. Son emploi ici par le commissaire principal
vise à redonner confiance à son adjoint qui va
bientôt partir à la retraite.
Les expressions littérales mangeant son ombre
à ses pieds et marché dans ses pieds traduisent ici
le champ sémantique de l'espionnage, qui est dans ce contexte le propre
de la police.
Ainsi, mangeant son ombre à ses pieds signifie
se dissimuler avec prudence tout en faisant disparaître
les reflets de sa silhouette pour ne pas être vu.
Tandis que marché dans ses pieds renvoie
à l'expression filer quelqu'un discrètement.
Le calque d'expression portait vraiment le pantalon
signifie commander, donner des ordres. C'est une expression couramment
utilisée pour se référer au chef de famille dans un
couple.
L'occurrence était encore dans l'eau est
fréquente dans l'usage du français au Cameroun et signifie
être ruiné. Dans le corpus, il s'agit en fait de la
situation économique du personnage Taba qui est dramatique.
Quant au calque donner la bière qui est
employé ici par l'un des personnages de L'IBR (le gendarme de
la GR), il signifie récompenser. C'est une expression
très fréquente dans le lexique de la corruption pour ce qui est
du français Camerounais.
Enfin, l'expression mangeraient sa truie veut dire
tuer celle-ci par des voies mystiques. Elle traduit une
réalité ambiante dans le quotidien culturel des camerounais.
Il découle donc de cette analyse que, les calques
traductionnels renvoient à un phénomène proprement
culturel. Les locuteurs utilisent les éléments linguistiques du
français et les transposent littéralement dans leurs langues
maternelles pour mieux exprimer leur manière de voir les choses.
Ce phénomène de contextualisation de la langue
prend aussi en compte les registres de langue qui émaillent les
échanges des locuteurs au quotidien. Dans le cas de l'IBR, il s'agit en
particulier du langage familier et vulgaire qui relève du niveau
basilectal.
3.7 Le langage
familier.
Dans les pratiques langagières, il existe plusieurs
registres de langue. En effet, l'Encyclopédie libre WIKIPÉDIA
définit les registres ou niveau de langue comme
L'ensemble des différentes formes d'expressions
employées par les sujets parlants pour formuler leurs pensées.
Généralement, ces diverses manières de s'exprimer
s'apparentent comme étant assez ou très proche par le sens les
unes des autres. Aussi celles-ci dépendent en grande partie de la
culture respective des locuteurs, de leurs degrés d'intimité et
les rapports hiérarchiques existant entre eux.60(*)
On distingue à cet effet le soutenu, le courant et le
familier. Ce dernier occupe une large place dans notre corpus. Il est
émaillé de termes argotiques et d'injures locales.
3.7.1 Les termes
argotiques.
Napon définit l'argot comme un système clos
utilisé par le groupe pour le distinguer des autres groupes parlant
diverses variétés d'une langue.61(*)
Allant dans le même sens, P. Giraud précise que
l'argot est un langage artificiel dans son emploi.62(*)
L'IBR présente les exemples
ci-après :
37) Des gens s'arrêtaient, lui donnaient un sourire,
mais au fond ne répétaient en sa conscience que la question
silencieuse que déjà la rue dans un bar têtuement
bruyant lui avait lancée. (p.26)
38) Il se rendait compte qu'il avait dans sa main le pistolet
de son pouvoir, celui qu'il n'aurait jamais utilisé s'il n'y aurait eu
cette maudite mbok. (p.58)
39) c'est au bout de notre cavale litique
qu'un jour, dans le salon de notre tante, nous rencontrons un homme que nous
croyons être son père à elle. (p.92)
Les termes têtuement bruyant
(entêté par ses bruits) maudite mbok (prostituée)
cavale litique (relations sexuelles) relèvent bel et bien du
langage familier, ils sont généralement employés à
l'oral. En effet, leur présence dans l'IBR relève du
fait que cette oeuvre est le reflet du langage utilisé dans le quotidien
des locuteurs camerounais tant au niveau urbain que rural.
Cet emploi s'étend même au niveau des injures
locales.
3.7.2 Les injures
locales.
Ce sont des mots ou des jurons généralement
présents dans l'usage populaire du français au Cameroun et qui
servent d'insultes ou de plaintes à l'endroit d'un tiers.
Nous avons recensé un nombre important dans notre
corpus comme laisse apparaître les exemples suivants :
40) Pourquoi avait-elle choisi de se battre,
« la sapack », pensa-t-il. (P.56)
41) Notre cher commissaire pouvait même dire trois
mouf à la patrouille de police qui lui avait
été refusée. (P.98)
42) Tu vas manger tout ça seul ?
Chicheron
C'est la chicherie qui va tuer les Bamiléké.
(P.138)
43) L'imbouc que le chauffeur impertinent
reçut en échange, avec la menace d'un grand couteau. (P.150)
Ces termes injurieux sont puisés dans le
répertoire des emplois des locuteurs camerounais. . Ils sont ici
assumés par certains personnages et parfois reportés par
l'auteur-narrateur. Tous ont à l'évidence une signification
particulière.
- Dans l'exemple 40, sapack signifie
prostituée.
- Le terme mouf est synonyme d'une insulte
quelconque, il signifie en effet que le locuteur s'en fout de quelque chose
bien précise.
- Le lexie chicheron qui est une
dérivée du mot chiche en français standard
renvoie ici à un égoïste.
Quant à l'occurrence imbouc, elle est
l'équivalence d'imbécile dont elle semble en être le
diminutif. Mais ce terme signifie en réalité
illettré dans son usage vulgaire.
En filigrane, l'utilisation du langage familier permet de
confirmer le fait que l'IBR reflète le répertoire
linguistique du commun des locuteurs camerounais. Bien plus, il apparaît
fort bien que cette oeuvre est puisée d'une main légère et
puissante dans le langage populaire en vogue au Cameroun et servant à
ses locuteurs de s'exprimer sans difficultés.
Au bout du compte, l'IBR de Patrice NGANANG s'inscrit
au coeur de la société et des différentes cultures
présentes au Cameroun, tout en transcrivant autant que faire se peut, la
réalité quotidienne des locuteurs ainsi que leur
sensibilité linguistique : d'où la vérification de
l'hypothèse de recherche n°1
Par ailleurs, les faits lexico-sémantiques
étudiés ici traduisent bien la vision du monde des locuteurs
soucieux de faire apparaître leur culture dans la langue française
ainsi que l'a souligné J. TABI MANGA :
Les cultures africaines traversent la langue
française et y laissent des traces durables. Ces dernières
transforment et bouleversent profondément les repérages
sémantiques classiquement répertoriés dans les
dictionnaires de référence. 63(*)
Ce procédé d'enrichissement peut aussi
s'observer au niveau morpho-sémantique à travers le
phénomène de créativité néologique.
CHAPITRE
QUATRIÈME : LA VARIATION MORPHO-SÉMANTIQUE
La variation morpho-sémantique est liée à
la construction de nouvelles unités lexicales aux signifiants des mots
tout en leur accordant des significations nouvelles, reflétant le
contexte de production.
En fait, au niveau morphologique, l'appropriation du
français par les écrivains résulte d'un processus
continuel d'enrichissement de la langue au niveau lexical. Ce processus, selon
S. MEJRI, vise à répondre aux exigences de l'évolution
du monde (sciences, mode de vie, technique, mentalité).64(*)
Par ailleurs, L. GUILBERT ajoute à ce sujet
que :
La création lexicale consiste dans l'application
d'un certain nombre de règles possédant la même puissance
récursive que les règles de la grammaire. Le locuteur dispose de
la même faculté de production d'unités lexicales nouvelles
par transformation d'une structure syntaxique de phrase en une structure
syntaxique d'unité lexicale.65(*)
Notre analyse tout au long de ce chapitre consistera à
relever tous les procédés de créativité
néologique dans l'IBR, suivie éventuellement des
significations particulières que revêt chaque
élément créé. Aussi étudierons-nous les
phénomènes de siglaison, de dérivation, de composition
dans lequel nous rangerons le procédé néologique par
emprunt.
4.1 La siglaison.
La siglaison relève du procédé
d'abrégement, qui consiste à réduire le signifiant d'un
mot, tout en laissant son signifié inchangé. Ce processus
contribue à l'extension du vocabulaire, limite l'emploi des longs mots,
et économise ainsi la dépense articulatoire et
mémorielle.66(*)
En effet, pour L. GUILBERT, la siglaison :
Consiste à assurer la présence de chacun des
constituants de l'unité syntagmatique dans la nouvelle séquence,
soit par la première lettre de chaque composant, soit par fraction
syllabique très réduite.67(*)
Les sigles qui en résultent peuvent être
classés en deux principales catégories : les sigles à
valeur alphabétique et les sigles à valeur syllabique.
4.1.1 Les sigles à
valeur alphabétique.
Ce sont ceux qui se prononcent lettre par lettre ; les
graphèmes qui composent le sigle correspondent alors à des
phonèmes qui sont lus individuellement.
Dans L'IBR, nous avons relevé les exemples
suivants :
44) Le commissaire principal en tête, ayant tenu
à remercier au cours d'une cérémonie des plus grandioses,
et pas seulement ses collègues et commissaire principal :
même le S.G. (p.19)
45) Oh, monsieur l'adjoint n'avait pas espoir de recevoir le
ministre de l'A.T. dans sa modeste case. (p.19)
46) Et même s'il vit le jour là dans la voiture
qui ne bougea pas d'un pouce malgré mille supplications du conducteur
aux gendarmes surarmés de la [...] G.R. impassibles.
(p.159)
Ces différentes occurrences renvoient aux portes
feuilles qu'occupent les personnages ainsi cités. Cet usage est
répandu au Cameroun et permet, dans la majorité des cas, de
désigner quelqu'un sans fournir beaucoup d'effort. Bien plus, cette
appellation revêt parfois une valeur affective ou de
familiarité.
Le sigle S.G. signifie Secrétaire
Général.
L'A.T. renvoie à l'Administration
Territoriale
Quant à G.R., il désigne la
Garde Républicaine. Ce terme n'est plus utilisé
au Cameroun pour désigner ce corps de métier ; car il a
été remplacé par celui de G.P. (Garde
Présidentielle).
4.1.2 Les sigles à
valeur syllabique
Les sigles à valeur syllabique sont ceux qui sont
formés à la fois par des consonnes et des voyelles, les
différentes séquences qui constituent le sigle se
présentent à la manière d'une syllabe. Ceux-ci sont aussi
appelés des acronymes.
Nous avons relevé les occurrences suivantes :
47) Ici, que valait une telle offre quand on savait que la
SOTUC fermerait bientôt ses portes. (p.159)
48) Et voila, c'est lui qui maintenant se transformait en
fouilleur de poubelle, discutant sa place avec les fous, ou avec
HYSACAM. (p.161)
Ces sigles équivalent, comme le souligne M. Grevisse
à des noms communs.68(*)
Le sigle SOTUC est ici sujet de fermerait et
signifie : Société des Transports Urbains du Cameroun.
Rappelons toutefois que cette société n'est plus fonctionnelle
aujourd'hui du fait de sa faillite causée par des malversations
financières.
Le sigle HYSACAM qui a pour fonction
complément circonstanciel d'accompagnement signifie :
Hygiène et Salubrité du Cameroun. Cette société
existe jusqu'aujourd'hui au Cameroun et est chargée d'assainir les
villes. Ce sigle est aussi utilisé pour désigner les membres de
cette société comme c'est le cas ici.
Au regard de ceci, on constate que la siglaison est
employée dans L'IBR pour désigner ou décrire un
phénomène bien précis existant au Cameroun.
Phénomène souvent déplorable comme c'est le cas dans
l'exemple 47, où à travers le sigle SOTUC, l'auteur
dénonce la mauvaise gestion des entreprises publiques au Cameroun, ce
qui entraîne ainsi leur faillite.
Outre le procédé de siglaison, la
néologie morphologique s'exprime également dans L'IBR
à travers le procédé de dérivation.
4.2 La
dérivation.
Selon G. PRIGNITZ, la dérivation est sans conteste
le procédé le plus exploité, celui qui est le plus
productif dans les particularités africaines du
français.69(*)
L. GUILBERT la présente comme un processus qui
présuppose un élément lexical de base, morphème ou
mot, et un mode de combinaison d'au moins deux
éléments.70(*)
La dérivation est donc un procédé qui
aboutit à la formation d'unités lexicales à partir
d'éléments préexistants dans la langue. Elle peut
s'effectuer soit par préfixation soit par suffixation.
4.2.1 La dérivation
préfixale.
Un préfixe est selon M. GREVISSE, une suite de sons
qui n'a pas d'existence autonome et qui s'ajoute devant un mot existant pour
former un mot nouveau.71(*)
En réalité, le préfixe influence le sens
du mot auquel il est lié du fait qu'il possède lui-même un
sens étymologique. Cette liaison peut s'effectuer avec ou sans soudure.
Toutefois, l'analyse de notre corpus fait état des dérivés
avec soudure ainsi qu'il suit :
49) En sa solitude effrayée, là dans son bureau
d'une vie de faux, sans sourciller, il se décidait à
retuer la mort. (p.29)
50) Le pistolet le regardait. Il regardait le pistolet encore,
et quand cette fois le pistolet le reregardait, il se voyait
définitivement lâche. (p.58)
51) C'est sa première femme qui essaya une parole. D.
Eloundou ne pouvant plus se désencolérer, dit
tout simplement : Non. (p.88)
52) C'était étonnant cependant,
concédons-le, que la dernière énergie qu'elle parvenait
encore à arracher à son squelette
déviandé, elle le transformait en un plat
sourire. (p.147)
Les dérivés contenus dans les exemples qui
précèdent sont formés sur la base des préfixes
re et dé.
En effet, le préfixe re exprime l'idée
de répétition ; tandis que le préfixe
dé indique la privation, ou le fait de se débarrasser
de. Dans les exemples 49 et 50, le préfixe re est joint au
verbe tuer et signifie tuer à nouveau, puis au verbe
regarder pour signifier regarder à nouveau.
Relevons que ce dernier verbe laisse au substantif
pistolet une marque + humain synonyme d'une certaine
personificaiton.
Les occurrences désencolérer et
déviandé signifient respectivement se
débarrasser de sa colère pour le premier et
dépourvu de toute chair pour le second. Ce dernier traduit le
degré de pauvreté et de misère dans lequel vivent certains
personnages de L'IBR réduits à la seule quête de
pitance vitale le cas patent étant celui de Taba et sa famille
À côté de cette dérivation
préfixale qui resémantise les différentes lexies de base,
nous avons aussi la dérivation suffixale qui est aussi porteuse de
sens.
4.2.2 La dérivation
suffixale.
La dérivation suffixale s'opère à travers
l'adjonction d'un suffixe à un radical. En effet un suffixe, comme le
définissent J. DUBOIS et alii, est un affixe qui suit le radical
auquel il est étroitement lié.72(*)
Notons que ce dernier n'a pas d'existence autonome ; il
s'ajoute uniquement à un mot déjà existant pour former un
nouveau mot. Par ailleurs, le corpus littéraire africain permet de se
rendre compte qu'il n'existe pas une classe exhaustive desdits suffixes. Ils
constituent une classe ouverte et les mots sont formés au gré de
l'écrivain. Toutefois, ceux-ci s'inscrivent dans la
réalité sociale.
· les suffixes en - ment.
De manière générale, le suffixe -
ment est considéré comme un suffixe d'adverbe qui, joint
à des radicaux adjectivaux, permet de former des adverbes. Il permet
aussi de former des noms ; dans ce cas, il n'est plus lié à
un adjectif. Notre corpus présente les cas suivants :
53) Sourd, il décomposait la femme dont les parties
silencieuses et têtuement ramassées sur la chaise
devant son bureau l'énervaient.(p.54)
54) Évidement, ce n'était plus seules les femmes
de D. Eloundou qui parlaient, mais toute sa famille, qui pleine d'effroi que
la mangement n'ait plus lieu mentionnait avec
frénésie. (p.88)
55) Si les membres cette fois ne cotisèrent que
chichement, c'était parce que l'homme du jour n'avait
que son honneur à offrir aux enchères. (p.118)
les exemples 53 et 55 présentent des
dérivés formés à partir des radicaux adjectivaux,
tandis que dans l'exemple 54, on a un dérivé mangement
formé sur la base du radical verbal mange.
L'occurrence têtuement signifie de
manière entêtée. Chichement signifie avec
réserve ou rétention. Car dans le cadre de la tontine, chaque
individu verse ses cotisations si et seulement s'il est sûr que le
bénéficiaire sera en mesure de verser à son tour la
même somme qu'il aura déboursé. Or Taba étant
reconnu comme pauvre ne bénéficiera pas d'une riche
cotisation surtout qu'il n'a aucun gage matériel sur lequel on pourrait
compter. Le lexème mangement renvoie à une fête
accompagnée de collation (boire et manger). Cette pratique est courante
dans le contexte camerounais, et est désormais devenue un rituel servant
à ponctuer tout événement heureux.
· les suffixes en -er.
-er selon E. BILOA,73(*) peut être considéré comme un
suffixe de verbe qui joint à des noms ou à des
éléments tenant lieu de radicaux nominaux, permet de former des
verbes.
L'IBR fait état des exemples
ci-après.
56) D. Eloundou retrouva son équilibre, car sinon -
sinon quoi ? Sinon la secrétaire qu'il avait saluée aurait
de quoi kongosser avec les collèges. (p.81)
57) Nous nous en foutons des paroles des garçons de
notre quartier qui dans notre dos, se chuchotent que « tout le monde
peut la couiller » (p.92)
Le verbe kongosser signifie calomnier
quelqu'un c'est en fait un dérivé du mot kongossa
qui est un emprunt d'une langue locale camerounaise et renvoie aux
différents commérages faits sur une personne qui est absente.
Cette pratique est courante dans le quotidien des camerounais et a donné
lieu à l'expression familière faire le kongossa sur le nom de
quelqu'un.
Le verbe couiller signifie entretenir des rapports
sexuels avec une femme. C'est un dérivé du support nominal
couilles qui est un emploi vulgaire de testicule.
· Les autres suffixes.
En plus de ces groupes de suffixes mentionnés supra,
l'IBR présente encore d'autres cas isolés qui
résultent de la créativité de son auteur. Ainsi, nous
avons relevé les exemples suivants :
58) Il avait atteint au bout de moult stages de recyclages,
promotions, jonglages et pistonnages, son
grade actuel d'adjoint au commissaire principal. (p.17)
59) C'est au bout de notre cavale litique
qu'un jour, dans le salon de notre tante, nous rencontrons un homme que nous
croyons d'abord être son père à elle. (p.92)
Dans le premier cas, jonglages et
pistonnages sont des substantifs appartenant au registre familier du
français.
Dans ce contexte, jonglages renvoie à toute
forme de truquages, de tentatives frauduleuses en vue de faire
bénéficier à quelqu'un ce qu'il ne mérite pas.
Pistonnages signifie le fait d'apporter son appui à quelqu'un
(recommandation) pour qu'il obtienne une place, un avantage dans une
sélection.
Ces deux termes sont utilisés dans L'IBR pour
mettre à nue les réalités de la société
camerounaise en générale et de la police en particulier.
L'occurrence litique s'inscrit aussi dans le langage
familier du français au Cameroun. Il s'agit ici de toute action
entreprise sur le lit, en particulier les rapports sexuels.
Par ailleurs, le phénomène de dérivation
dans L'IBR influence aussi les catégories grammaticales de base
qu'il transforme : il s'agit ici de la dérivation impropre.
4.2.3 La dérivation
impropre.
La dérivation impropre est une opération qui
consiste à changer la fonction habituelle d'un mot sans que ni sa forme,
ni sa substance morpho-sémantique n'en soient altérées.
Dans L'IBR, ces transcatégorisations
grammaticales s'exercent sur les noms communs et les adjectifs
qualificatifs.
· un nom commun devient un nom
propre.
En français, les noms communs sont
généralement substantivés et s'écrivent en
minuscule pour ce qui est de la première lettre, surtout lorsque ceux-ci
ne sont pas précédés d'une ponctuation forte, ou
lorsqu'ils ne sont pas en début de phrase.
Notre corpus présente plutôt des noms communs
assimilables aux noms propres du point de vue morphologique.
60) Il ne reconnut pas sa cour, couverte qu'elle était
des milles parties de la vache que Boucher avait
déjà abattue. (p.86)
61) Elle l'avait réveillé par des cris, par des
jurons, par des menaces, mais aussi par des pleurs, car Voisin
s'en était pris plutôt violemment à Gérard.
(p.140)
62) Voila certainement pourquoi quand il arriva chez
Boutiquier il fut surpris que ce dernier lui donne un sac de
riz sans discuter. (p.139)
63) Vendeur de soya ne put s'empêcher
d'éclater de rire. (p.131)
Ces lexèmes sont tous précédés de
l'article O et portent une majuscule à la première lettre, ce qui
en fait des noms propres, surtout qu'ils servent ici à identifier
nommément les différents personnages évoqués. Nous
obtenons là une structure du type : Article + Nom commun (en
majuscule) Nom propre.
· un adjectif qualificatif devient un
nom
Généralement, les adjectifs qualificatifs
servent de caractérisants, ils apportent une information
supplémentaire au nom qu'ils qualifient. C'est pourquoi ils sont
considérés comme des expansions du nom.
Cependant, l'une des particularités de l'IBR
réside dans la transformation de certains adjectifs qualificatifs en
nom, ceci à travers leur substantivation et leur caractère
d'écriture.
64) Dans le tableau d'honneur des jeunes policiers, il ne
faisait pas seulement figure de doyen, il était le
Grand. (p.18).
65) Même si Innocent tombait devant le commissaire
principal [...] avec dans sa bouche sa révélation de la
Morte, cela ne changerait rien à l'évidence de son sort.
(p.73)
66) Comme une diarrhée secoua le derrière du
Vieux ! (p.79)
Il est bien évident de remarquer que ces adjectifs se
comportent comme des noms, non pas seulement du fait qu'ils soient
précédés d'un substantif, mais aussi à travers leur
caractère d'écriture (la première lettre est en
majuscule), comme s'il s'agissait des noms propres.
À la suite de cette analyse, nous pouvons conclure que
la dérivation entre dans le processus de contextualisation de la langue
française au Cameroun en général et dans l'IBR en
particulier. Toutefois, ce phénomène n'est pas un simple jeu de
style, mais une façon de représenter la réalité
quotidienne et/ou socio-linguistique des locuteurs, entre autres : la
sexualité (prostitution), la corruption, etc. c'est dans cette
même lignée que s'inscrit le phénomène de
composition.
4.3 La composition
La composition renvoie à la juxtaposition des
éléments les uns à côté des autres pour
former une nouvelle lexie. Selon J. DUBOIS et alii, le procédé de
composition s'opère par la jonction d'au moins deux constituants, ainsi
définissent-ils la composition comme étant :
La formation d'une unité sémantique à
partir d'éléments lexicaux susceptibles d'avoir par
eux-mêmes une autonomie dans la langue.74(*)
N. CATACH (1986 :8) citée par E.DASSI75(*) souligne que le seul
critère de la reconnaissance d'un mot composé retenu aujourd'hui
est celui de son fonctionnement. Celui-ci se comporte dans une phrase comme un
mot simple et répond aux critères de délimitation des
unités linguistiques existant dans la langue.
La nouvelle lexie ainsi obtenue est indépendante et
autonome sur le plan de la signification comme le relève J. M.
ESSONO : les classes sémantiques auxquelles appartiennent les
vocables constitutifs du mot composé sont neutralisées au profit
de la classe sémantique du composé pris en bloc.76(*)
Nous avons, pour les besoins d'analyse, classé ces mots
composés en fonction de leur morphologie. Aussi avons-nous
répertoriés : les mots composés graphiquement
soudés, les mots composés simples, les mots composés avec
trait d'union et enfin les mots composés avec préposition.
4.3.1 Les mots
composés graphiquement soudés.
Les mots composés de ce genre sont constitués de
deux racines autonomes et ayant un lien morphologique manifeste. Ces mots sont
attestés dans l'IBR.
67) Ceux qui avaient investi leur argent dans les affaires
du famlaman, comme on disait maintenant [...] n'avaient
même plus ce courage de venir lui demander les dividendes. (p.176)
68) Les beauregards du ministre des soyas
sont tout simplement les plus appétissants de la terre ! (p.191)
L'occurrence famlaman est formée de l'addition
de deux emprunts : à la langue Bamiléké
famla et l'anglais man, on a donc une association Nom + Nom
qui désigne un individu appartenant à une société
mystique dont les pratiques sont pernicieuses. Ce terme revêt une
connotation péjorative, ceci du fait que les dégâts
causés par ceux-ci coûtent le plus souvent en vies humaines.
Le composé beauregards est synonyme de viande
de porc braisé. Il est composé de l'adjectif beau et du
substantif regard.
Selon la légende, ce terme est tiré des bars et
gargotes du Cameroun, où un homme expérimenté en
viande de cochon fut séduit par une tête de porc grillé
posée sur une grillade. Ce dernier décida de l'acheter en le
baptisant par ce nom qui entre désormais dans la dénomination
populaire de la viande de porc braisé au Cameroun.
4.3.2 Les composés
simples.
Les mots composés sont formés également
de deux racines autonomes et n'ayant aucun lien morphologiquement manifeste.
Notre corpus présente des exemples suivants :
69) Qui s'en plaint n'a qu'à se rappeler le taximan
à qui un tableau vide avait tiré une balle dans
la nuque jadis. (p.36)
70) Celui-ci refusait de lui donner les mille francs
réglementaires que les pièces incomplètes coûtent
dans le registre officiel des barbes mouillées.
(p.36)
71) Comment pouvait-il donc [...] quand sa bouche, au lieu de
dire son innocence, s'ouvrait plutôt pour continuer un ndolo
l'amour dont il avait commencé le refrain en route. (p.49)
Les occurrences tableau vide et barbes
mouillées sont tous deux formées sur la base Nom + adjectif
(N + Adj), et entrent ici dans un champ sémantique se rapportant aux
agents de la police camerounaise.
Tableau vide est utilisé pour désigner
un jeune policier nouvellement recru et n'ayant pas encore de galon, ni
d'expérience poussée.
Barbes mouillées renvoie ici au nom
donné aux policiers corrompus. Ce phénomène consiste
à soudoyer le policier en lui donnant discrètement une somme
d'argent afin qu'il efface tout motif d'accusation vous concernant.
Le mot composé ndolo l'amour résulte de
l'addition du mot ndolo (emprunt de la langue duala) et du mot
français l'amour. Il renvoie ici au titre d'une chanson de
Makossa en langue duala dans laquelle il est question d'une histoire
d'amour.
De toute façon, ces mots présents dans
L'IBR visent à décrire ou à identifier une
réalité présente dans la société
camerounaise contemporaine. Réalité qui est aussi peinte à
travers les mots composés avec trait d'union.
4.3.3 Les mots
composés avec trait d'union.
Les mots composés avec trait d'union sont des
unités lexicales formées de deux éléments à
forme pleine, ayant pour lien graphique un trait d'union.
Le trait d'union est comme le définit M. GREVISSE,
un signe d'unité dont la fonction est de constituer une suite de
mots en une unité.77(*) Notre corpus présente les occurrences
suivantes :
72) Traquer les assassins était donc redevenu son
boulot, lui l'ancien mange-mille. (p.40)
73) Très tôt nous avons trouvé du
réconfort dans les bras de l'amitié d'un mari et femme ?
- non d'un copain-copain, juste pour voir
comment. (p.90)
74) Un cou-plié, qui s'y
connaît, et puis qui nous aura surtout donné une vision claire de
cela que peut conquérir notre beauté. (p.91)
Ces différents lexèmes ont pour
référents des humains.
Le lexème mange-mille est formé sous la
base verbe + trait d'union + déterminant (adjectif numéral
cardinal) et désigne un agent de police escroc. Cette triste
réputation relève du fait que les policiers lors de leur
contrôle routier ont pour habitude d'extorquer une somme de mille
francs aux conducteurs.
Le lexème copain-copain est formé sur
la base Nom + trait d'union + Nom ; il renvoie à la relation
sentimentale qu'entretiennent les amoureux, ceux-ci n'étant pas encore
mariés.
Cou-plié lui, relève de l'addition Nom
+ trait d'union + Adjectif qualificatif. Cet usage désigne un homme
âgé et délabré physiquement, ayant pour
maîtresse une très jeune fille qui a presque l'âge de sa
fille. Ce phénomène est déjà accentué au
Cameroun et est dû au problème de pauvreté et de la
recherche du bien être qui pousse certaines jeunes filles à se
livrer sexuellement à des personnes qui ont l'âge de leur
parent.
Dans cette même perspective de peinture du social, on
peut aussi relever l'emploi des mots composés prépositionnels,
attestés dans l'IBR.
4.3.4 Les mots
composés prépositionnels.
Les composés prépositionnels sont formés
au moyen d'un élément de jonction qui est la préposition.
Cette dernière est un mot invariable établissant un lien de
subordination entre des mots ou des syntagmes.78(*) Les occurrences
relevées dans L'IBR donnent lieu à des substantifs
formés sur la base Nom + Préposition + Nom.
75) Tout le monde ici dirait qu'il l'aurait coffré dans
les murs du silence. (p.51)
76) Un policier demeure un policier comme quoi, laissé
soudain seul dans un bureau clos avec cette Sita dont il aurait
libéré le client du soir faute de preuves.
(p.52)
77) Mais la raison de l'étonnante sympathie de
cette petite-fille de lutteuses comme il l'appelait [...] peut
aussi être vu ailleurs. (p.64).
78) Les beauregards du ministère des
soyas sont tout simplement les plus appétissants de la terre.
(P.198)
Ces différents composés ont une signification
particulière dans le contexte camerounais que reflète
l'IBR.
Le composé murs du silence se comporte ici
comme une métaphore et désigne l'intérieur de la prison
qui est généralement obscure et caractérisé par le
silence.
Client du soir est un terme utilisé dans le
jargon des prostitués pour désigner l'homme avec qui une
prostituée va passer quelques minutes de la soirée. C'est ici le
cas de l'amant du personnage Sita qui a été pris en
flagrant délit avec qu'elle.
Pour ce qui est de ministère des soyas, ce
composé décrit un corps d'activités informelles qui s'est
développé dans les rues et bars du Cameroun. Il s'agit du lieu
par excellence où l'on braise les viandes (porcs, boeufs, poulets,
etc.). La zone désignée ici est la Briqueterie, un des
sous-quartiers de Yaoundé.
En filigrane, tous les mots composés relevés
dans l'IBR décrivent un référent bien précis. Par
ailleurs, les lexies ainsi obtenus s'inspirent sans coup férir de
l'actualité et de l'environnement socio-économique et culturel
camerounais dont l'auteur présente ici les images saisissantes.
En plus de tous ces procédés de
créativité néologique présents dans l'IBR,
l'enrichissement de la langue française passe aussi par le
phénomène d'emprunt.
4.4 Les emprunts.
Les linguistes classent l'emprunt parmi les
procédés néologiques de forme qui s'imposent à la
langue tout en enrichissant ses structures.
À cet effet, M. M. NGALASSO souligne que :
Les emprunts sont des éléments qui passent
d'une langue à une autre, s'intègrent à la structure
lexicale, phonétique et grammaticale de la nouvelle langue et se fixent
dans un emploi généralisé par des usagers, que ceux-ci
soient bilingues ou non.79(*)
Dans l'écriture littéraire camerounaise, ces
emprunts sont souvent dus au fait d'un manque de correspondance entre le
français et la réalité culturelle à décrire.
Aussi permettent-ils aux locuteurs de puiser dans leur répertoire
culturel des formes linguistiques plus propres à exprimer ce qui lui
vient à l'esprit.
L'analyse de notre corpus nous a permis de relever deux types
d'emprunt : l'emprunt aux langues locales camerounaises et l'emprunt au
Pidgin english.
4.4.1 Les emprunts aux
langues locales camerounaises.
Ces langues sont ici celles utilisées dans les
différents groupes ethniques existants sur le territoire camerounais.
Dans L'IBR, nous avons relevé le duala, le béti, le
bamiléké et le fulfulde.
4.4.1.1 Le duala, le bassa et
le béti.
Les langues duala et bassa sont deux langues parlées
par les autochtones de la ville de Douala, bien que le bassa s'étende
jusqu'à certaines zones du centre. Quant au béti, cette langue
est parlée dans le centre et sud Cameroun.
Nous avons relevé les occurrences de ces langues dans
notre corpus.
79) Car il faut bien reconnaître que c'est leur aide qui
jeta D. Eloundou dans les mapans des sous-quartiers de
Yaoundé. (p.34)
80) Une insulte rapide dans sa langue qu'il avalait avec une
grosse salive, ilang et puis une course surprise dans le vide
de cette cours qui s'ouvrait devant lui. (p.37)
81) Quand sa bouche, au lieu de dire son innocence, s'ouvrit
plutôt pour continuer un ndolo l'amour. (p.49)
82) Elle jouait tellement à la mani
nyanga que soudain l'adjoint au commissaire principal sentit
se passer en lui cela qui depuis des années ne lui était pas
arrivé. (p.53)
83) Ces policiers que l'on surprenait dans les bars du
quartier, en train de danser le Makossa avec leur fusil.
(p.74)
L'exemple (78) mapans relève de la langue
bassa, et est le pluriel de lipan qui signifie brousse.
Toutefois, dans ce contexte, ce lexème renvoie aux pistes tortueuses que
l'on retrouve dans les bidonvilles de Yaoundé ou encore les
sous-quartiers.
Les lexèmes ilang et nyanga sont
empruntés à la langue beti. Ilang est une insulte
grossière qui veut dire tes fesses ou ton cul.
Quant à nyanga, c'est un mot masculin
d'origine beti-bulu-fang qui signifie élégance.
Les occurrences ndolo et Makossa sont
d'origine duala. Le premier signifie amour et l'amour dont il s'agit
ici est celui qui existe entre les amants.
Le second est une danse traditionnelle duala et qui
aujourd'hui est comptée parmi les grandes variétés
musicales camerounaises, répandues à l'échelle
internationale. Il est utilisé ici pour dénoncer l'attitude de
certains agents de police, qui supposés être en train d'assurer la
sécurité dans la ville, sont plutôt en train de se livrer
à l'alcool et aux danses oisives.
À côté de ces langues bantoues, l'IBR
emprunte aussi les langues semi-bantoues et sahéliennes.
4.4.1.2 Le
bamiléké et le fulfulde.
Le bamiléké est cette grande famille
linguistique qui renferme plusieurs dialectes. Ses locuteurs sont originaires
de la province de l'Ouest Cameroun. Quant au fulfulde, c'est la langue
maternelle du peuple Foulbé. Elle constitue la langue véhiculaire
de la partie septentrionale du Cameroun.
Ces deux variétés linguistiques sont
présentes dans l'IBR A travers les exemples
ci-après :
84) La vache qu'elle lui avait recommandée d'acheter
avait été livrée la veille par le boucher
maguida sans failles. (p.64)
85) On pourrait dire que c'était son ultime pacte avec
le famla, tout cela ne serait que paroles vides. (p.145)
86) Un grand souffle, un très grand souffle, et
voilà l'homme qui se laissait une fois de plus à danser le
ben skin de la douleur. (p.186)
Le mot maguida est d'origine fulfulde ; il
désigne un père de famille et homme riche. Par extension, on
l'utilise pour désigner toute personne originaire de la partie
septentrionale du Cameroun (Adamaoua, Nord, et Extrême-nord).
La lexie famla est d'origine bamiléké,
celle-ci renvoie à une pratique magique ou de sorcellerie. Ses membres
sont très pernicieux et s'enrichissent par des pratiques malsaines comme
des sacrifices humains.
Quant au groupe nominal ben skin, il désigne
une danse traditionnelle pratiquée par la tribu Bagangté dans
l'Ouest-Cameroun. Toutefois, les deux éléments qui constituent
cette lexie sont empruntés mot-à-mot au pidgin english.
Un autre versant de l'emprunt dans l'IBR est celui du Pidgin
english qui entre désormais dans le répertoire linguistique des
locuteurs camerounais.
4.4.2 Les emprunts au
pidgin english.
C. De FERAL présente le Pidgin english comme une
langue qui a subi des processus d'adaptation, de réduction et de
simplification par rapport aux langues dont il est issu.80(*)
L'usage de ce parler est abondant dans l'IBR :
87) L'ultime mariage, ainsi que la naissance des deux derniers
enfants du commissaire [...] avaient fabriqué le visage d'un D. Eloundou
qui croyait pouvoir éternellement faire la loi dans la ville, qui avait
peur de la retraite où il serait un nathin ;
avaient ouvert devant les pas de ce D. Eloundou futur - Le
Nathin - le sourire caché de tout le Cameroun.(p.23)
88) D. Eloundou [...] avait toujours fermé les yeux sur
la vérité quand le tchoko touchait ses mains.
(p.31)
89) Il ne pleura pas parce qu'il ne voulait pas montrer ses
larmes à ce tchotchoro qui n'a de policier que les
diplômes. (p.80)
90) Il voyait sa femme, Taba, chancelant au bon milieu du
marché de Mokolo, avec autour d'elle toutes les
bayam-sellam, toutes les crieuses de la ville. (p.134)
Le mot pidgin nathin est calqué sur l'anglais
nothing (rien) et renvoie à toute personne qui a perdu sa
valeur humaine, due soit à un acte ignoble ou à la perte de son
emploi. C'est tout dire un vaurien. Ce mot ici caractérise le personnage
D. ELoundou qui se trouve aux portes de la retraite et réalise qu'il n'a
pas atteint son objectif de vie.
Le lexème tchoko désigne la somme
d'argent que le policier demande pour le corrompre ou le soudoyer afin qu'il
juge une affaire à votre avantage. Par extension, le lexème
renvoie, dans le contexte camerounais, à toute forme de corruption ou de
négociation effectuée en vue de bénéficier
(illégalement) d'un service.
L'occurrence tchotchoro veut dire enfant, mieux, une
personne inexpérimentée dans un domaine, et dont les paroles ne
sont pas dignes d'intérêt. Ce terme est utilisé dans le
corpus pour souligner le degré d'orgueil qu'a le personnage D. ELoundou
envers son supérieur hiérarchique qui n'a même pas
l'âge de son fils.
Le groupe composé bayam-sellam est un mot
généralement employé dans le contexte camerounais et
désigne les commerçantes revendeuses de vivres que l'on rencontre
dans tous les marchés de Yaoundé et dans d'autres marchés
des villes et villages du Cameroun.
Au bout du compte, la créativité
morpho-sémantique dans l'IBR laisse apparaître divers types de
procédés mis en oeuvre par son auteur pour rendre compte de la
réalité socioculturelle et économique qui prévaut
au Cameroun.
Bien plus, ces diverses lexies obtenues sont parfois
caractérisées par un habillage sémantique qui laisse
quelque peu percevoir l'esprit satirique qui anime l'auteur. Par ailleurs, la
rencontre entre le français et les autres langues locales du Cameroun
permet d'avoir ici de nouvelles lexies, marque évidente de la nouvelle
sensibilité qui traverse l'écriture littéraire au
Cameroun : d'où la vérification de l'hypothèse
n°2.
Cette forme de contextualisation s'étend au niveau des
structures plus large de la phrase française, ce à travers les
modifications des constructions syntaxiques dues aux langues du substrat et
à la transposition du français oralisé à
l'écrit. C'est ce qui constituera la toile de fond du chapitre qui
suit.
CHAPITRE
CINQUIÈME : LA VARIATION SYNTAXIQUE OU LE FRANÇAIS
ORALISÉ
L'appropriation du français par les écrivains
négro-africains se manifeste aussi souvent par une restructuration de la
syntaxe, élément très peu poreux aux variations.
Pour R. S. WAMBA et G.-M NOUMSSI,81(*) cette modification de la norme
syntaxique est due au substrat linguistique, perçu comme influence
inconsciente de la langue maternelle sur le français langue seconde.
Plus spécifiquement, la syntaxe s'intéresse
à l'architecture de l'énoncé, à la manière
dont les unités se combinent les unes aux autres en discours. Sur ce J.
Dubois et alii la définissent comme étant :
La partie de la grammaire qui étudie les rapports
entre les groupes de termes constituants la phrase (syntagmes), entre les
membres de ces groupes (mots) ou entre les phrases dans le discours.82(*)
Dès lors, la syntaxe comporte trois
éléments : les mots, les syntagmes, les phrases. Toutefois,
il ne s'agit pas pour nous de procéder à une analyse exhaustive
de l'agencement linéaire des éléments combinatoires des
phrases contenues dans notre corpus. Aussi nous attellerons-nous à
relever dans celui-ci des phénomènes qui au niveau syntaxique
constituent des particularismes.
À cet égard, notre étude à ce
niveau portera sur les changements de construction à travers : les
calques syntaxiques, les formes de l'interrogation, la transcription des
expressions orales populaires ; puis suivront l'analyse de certains traits
énonciatifs ainsi que celle des modifications d'expressions
figées.
5.1 Les changements de
construction.
Dans le corpus littéraire des écrivains
d'Afrique noire, ces changements de construction sont pour la plupart dus au
fait que les langues locales, qui sont caractérisées par
l'oralité, influencent fortement les locuteurs. À cet effet, R.
S. WAMBA et G.-M. NOUMSSI affirme que :
Certaines constructions morpho-syntaxiques originales [du
français au Cameroun contemporain], trahissent les usances du
français oral dans les textes écrits.83(*)
Dans l'IBR, les constructions s'illustrent à
travers la présence des calques syntaxiques, les formes de
l'interrogation et la transcription de l'oral populaire.
5.1.1 Les calques
syntaxiques.
Les calques syntaxiques, d'après A. LIPOU,84(*) se manifestent par
l'importation des structures des langues africaines en français, dans
une traduction qui colle au texte de départ.
Au cours de cette transcription, la langue française
copie et restitue la structure des langues locales. De même, cette
construction s'éloigne du point de vue syntaxique et sémantique
des normes prescrites par la grammaire française.
Pour cause, L. M. ONGUENE ESSONO relève que :
Ce phénomène passe par le processus cognitif
des locuteurs camerounais qui réfléchissent d'abord en leurs
langues et qui reproduisent ensuite le résultat en
français.85(*)
Les exemples relevés dans notre corpus sont des paroles
proférées par certains personnages et se présentent sous
forme d'interrogatoire.
91) Il se calmait, essayait de se concentrer sur l'oreille de
la Sitabac, son oreille qui jouait la sourde : tu m'entends ou
quoi. (p.54)
92) Tu vas répondre ou quoi, lui
demandait-il. (p.54)
93) Tu vas encore faire quoi, non Doyen le
temps des patrouilles est fini bientôt, hein. (p.74)
94) Le gars travaille même le vendredi soir, pense D.
Eloundou, il est même marié ? (p.108)
95) Que c'est lui qui a travaillé à ta
place ?il faut lui montrer que tu t'en fous de lui. (p.102)
Ces énoncés permettent de se rendre compte
à quel point le phénomène de calque syntaxique provoque
des transformations dans la distribution des catégories grammaticales de
la langue réceptrice.
Comme on peut le percevoir, ces énoncés ne
fonctionnement qu'à l'oral, avec une certaine intonation
particulière permettant de déduire la modalité de
phrase.
Ainsi dans les occurrences tu m'entends ou quoi,
tu vas répondre ou quoi, on note une certaine sorte
d'insistance dans l'interrogatoire qui est effectuée par le commissaire
principal adjoint D. Eloundou. En réalité, en dehors de la
modification de la structure attestée, le pronom interrogatif
quoi utilisé ici remplace la particule négative
pas. En fait, la structure normale aurait été :
vas-tu répondre ou pas ?; m'entends-tu ou
pas ?
Dans l'exemple tu vas encore faire quoi, non, le
substrat linguistique se manifeste par la modification du syntagme interrogatif
resté in situ complété par la particule non forme
d'intonation ascendante. Tout ceci donne à l'énoncé
l'allure d'une phrase déclarative.
Dans le cas de l'énoncé il est même
marié ?, le même phénomène se produit.
Nous avons une phrase interrogative qui se présente sur la structure
d'une phrase déclarative. Dans ce contexte seule l'intonation ascendante
à l'oral permet de faire savoir qu'il s'agit d'une phrase interrogative,
la structure n'ayant subi aucune transformation à l'écrit.
Le dernier énoncé que c'est lui qui a
travaillé à ta place ? présente une structure
emphatique. Le que présent en tête de phrase ici n'est
qu'explétif et n'a aucune fonction syntaxique. En effet, l'interrogation
présente ici n'est que formelle du fait qu'il y a une sorte de
mélange de modalité : morphologiquement, il s'agit d'une
interrogation mais sémantiquement, il s'agit d'une assertion.
Pour se référer au contexte de l'oeuvre, cette
assertion est proférée par l'une des femmes du commissaire
principal adjoint qui est surprise du fait qu'un prisonnier en liberté
puisse empêcher son mari de réaliser sa fête de remise de
médaille. Elle l'incite par le fait même à marquer une
indifférence à l'égard de ce dernier.
Parlant de la structure interrogative, plusieurs cas sont
attestés dans l'IBR, ce qui laisse croire que cette oeuvre serait un
reflet des conversations orales populaires.
5.1.2 La modalité
interrogative.
La modalité peut être définie comme
l'attitude ou le comportement qu'un individu adopte vis-à-vis de
l'énoncé qu'il produit. En ce qui concerne les modalités
d'énonciation dans le corpus, parmi lesquelles l'assertive ou
affirmative ; l'exclamative ; l'injonctive et l'interrogative, nous
avons retenu la modalité interrogative du fait qu'elle revêt un
intérêt particulier.
En effet, plusieurs usages sont faits de cette modalité
dans l'IBR, et ceux-ci s'illustrent par les bouleversements syntaxiques qu'ils
entraînent. Syntaxiquement, la phrase interrogative est
particulière du fait qu'elle est marquée par une inversion du
sujet, et peut également à l'oral être marquée par
une certaine intonation.
Dans l'IBR, cette modalité subit quelques
bouleversements dus au non respect des règles qui sous-tendent la
formation des questions.
5.1.2.1 L'absence du
morphème interrogatif.
Certaines interrogations dans l'IBR sont construites sans
morphèmes interrogatifs. Ceux-ci relayés par un trait
intonationnel. L'intonation qui marque l'interrogation ici, reste
ascendante ; et l'énoncé interrogatif ne diffère
désormais de l'énoncé déclaratif que par la
présence du seul point d'interrogation (à l'écrit) et de
l'intonation ascendante (à l'oral).
Dans L'IBR, cette intonation est renforcée par
les particules non et hein qui traduisent soit
l'étonnement soit la moquerie. Celles-ci remplacent l'expression
n'est-ce pas ?
96) Tu voulais faire non ? fais alors
(p.56)
97) La retraite, ce n'est pas pour demain,
hein ? (p.27)
98) Innocent [...] ? pourquoi pas d'ailleurs, c'est un
bassa non ? (p.45)
La présence de ces particules ici traduit l'influence
de l'oralité qui pullule notre corpus à plusieurs niveaux. Bien
plus, celles-ci permettent de renforcer l'interrogation tout en laissant
apparaître parfois un effet de surprise (exemple 96) une ironie (exemple
97) : ou un fait évident (exemple 98).
Par ailleurs, certaines interrogatives sont formées
sans déplacement du morphème interrogatif.
5.1.2.2 La présence du
morphème interrogatif in situ.
Pour former des questions, les langues utilisent
généralement deux stratégies, soit en
déplaçant le morphème interrogatif, l'envoyant ainsi en
début de la phrase (proposition) ; soit en le laissant à la
position de départ (in situ). Cependant, dans la langue
française, le déplacement est facultatif dans certains cas pour
des éléments qu'on appelle arguments (qui, que, quoi). Mais les
autres éléments comme les adjoints référentiels
(quand, où, combien...) et les adjoints non référentiels
(comment, pourquoi...) doivent toujours être déplacés en
français standard.
Les exemples relevés dans notre corpus se comportent
plutôt comme des cas de non respect de la norme.
99) - On va faire quoi avec tout ceci
alors ? Ici, c'est Chantal qui parlait, montrant au sol les parties de la
vache que Boucher accumulait dans son sac en grommelant un peu. (p.88)
100) Ils t'ont donné combien ?
Demanda Mana. (p.119)
101) Ce n'étaient plus seulement des regards, mais des
paroles qui s'embrouillaient dans ses oreilles. Tu pars
où avec le cochon là ? (p.141)
102) Qu'est-ce qu'il y a ? [...] - Mon cochon a fait
quoi. (p.141)
Ces exemples sont bel et bien construits en marges des
prescriptions de la grammaire générative et transformationnelle
(G.G.T.), qui auraient imposé un déplacement de tous ces pronoms
interrogatifs en tête de phrase. Cependant, dans les langues locales
camerounaises, ce déplacement est facultatif ; le morphème
interrogatif peut être en tête de phrase ou peut rester in situ
sans gêne.
Dans cette même foulée de construction insolite,
certaines interrogatives dans L'IBR ne présentent aucun signe
de ponctuation (le point d'interrogation) à l'écrit permettant de
les identifier.
5.1.2.3 Les interrogatives sans
point d'interrogation.
Ces phrases interrogatives à l'oral ne sont
perceptibles qu'à travers la prononciation. Il s'agit certainement d'un
choix de l'auteur qui recherche des effets de style ou le besoin d'une plus
grande expressivité.
Notons à cet effet les exemples suivants :
103) L'aveugle, il avait déjà vu
quoi (p.70)
104) Il allait faire comment alors, D.
ELoundou, adossé au mur de son bureau, avec la diarrhée de son
humiliation qui lui secouait l'estomac. (p.82)
105) N'est-ce pas je t'avais dit, dit-il, tu
as eu ce que tu voulais, non, et dans les délais. (p.178).
Nous remarquons bien que ces différentes interrogatives
ne portent aucunement une marque de ponctuation à la fin. Bien plus nous
avons ici le reflet des interrogations telles qu'elles sont produites dans le
langage oral. De même celles-ci épousent parfois la structure des
langues substrats (langues locales). Les exemples 103 et 104 présentent
en outre un syntagme interrogatif in situ qui n'est en fait qu'une marque du
langage oral dont les illustrations les plus frappantes s'observent à
travers un autre fait remarquable qui est la transcription des expressions
orales populaires.
5.1.3 La transcription des
expressions orales populaires.
Il s'agit ici des expressions figées, utilisées
dans le discours oral populaire soit pour se moquer, soit pour lancer un
défi ou encore pour exprimer son découragement. Ces expressions
sont très nombreuses dans l'IBR et traduisent de ce fait
l'originalité de cette oeuvre qui se démarque par sa
facilité à retransmettre fidèlement la parole
populaire.
Nous les avons regroupés dans les occurrences
suivantes :
106) tu vas encore faire quoi, non doyen, le
temps de patrouilles fini bientôt, hein. (p.74)
107) Il faut lui montrer que tu t'en fous de lui.
- qu'il n'est même rien.
(p.102)
108) Il n'était plus sûr si ce n'était pas
lui qui avait éparpillé des morceaux de la Sita dans la cour de
sa maison, ou alors si ceux-ci avaient décidé de se rassembler
dans son dos et de venir s'éparpiller chez lui, juste pour lui
montrer. (p.87)
109) Et quand l'homme ne peut pas, au lieu de lui dire
peut alors comme le font d'autres filles au quartier, de nous
concentrer plutôt sur sa tenue de commissaire. (p.93)
109. Sa truie ne pouvait que gagner, fait quoi
fait quoi. (p.145)
Ces expressions sont toutes puisées dans le langage
vulgaire tel qu'il se manifeste dans les rues à travers les couches peu
ou non scolarisées. Elles reflètent donc ce que D.
BICKERTON86(*) appelle
dans sa typologie le français basilectal.
Elles sont cependant expressives et recouvrent bien une
signification qui est partagée par ses interlocuteurs.
Les exemples tu vas encore faire quoi et il n'est
même rien sont généralement utilisés dans le
langage populaire pour ridiculiser quelqu'un en lui faisant découvrir
son inefficacité face à une situation. La première
occurrence s'adresse au commissaire principal adjoint, D. ELoundou,
qui va bientôt à la retraite et ne sera plus en mesure d'exercer
des pratiques d'influence sur la population.
La seconde traduit le sursaut d'orgueil et
d'indifférence auxquels D. Eloundou est invité à faire
preuve, afin de tenir en échec le personnage Innocent qui en
veut à sa vie.
Les expressions juste pour lui montrer et peut
alors marquent une sorte de défi. La première signifie
donner une leçon à quelqu'un, le punir ;
elle s'adresse en fait à D. Eloundou qui se voit perturbé par la
conscience de son acte criminel effectué sur le personnage
Sita.
La seconde expression peut alors quant à elle
veut dire montrer de quoi ont est capable. Cette construction
impersonnelle s'adresse à D. Eloundou qui ne parvient pas à
satisfaire sexuellement la jeune fille qui est en effet sa femme.
Pour ce qui est de l'expression fait quoi fait quoi,
elle présente ici une construction syntaxique particulière,
(verbe + pronom interrogatif + verbe + pronom interrogatif). Elle traduit la
détermination. C'est en fait celle qui anime le personnage
Taba qui compte sur la victoire de sa truie aux comices
agro-pastoraux pour résoudre ses difficultés
financières et sortir ainsi de la pauvreté.
Au bout de l'analyse, on peut retenir que ces changements de
construction dans L'IBR sont le résultat de la forte pression
du substrat local sur la langue française, ainsi que celle de la norme
endogène caractérisée par l'oralité et la
liberté dans les constructions phrastiques. C'est dans cette même
perspective qu'on peut situer les traits énonciatifs présents
dans notre corpus.
5.2 Les marques
énonciatives
L'énonciation consiste à produire un
énoncé en utilisant les possibilités offertes par la
langue. M. PERRET la réfère à l'acte de parler dans
chacune des réalisations particulières, c'est-à-dire
qu'est acte d'énonciation chaque acte de production d'un certain
énoncé.87(*)
Dans le discours, l'énonciation se démarque par
la manière dont le locuteur adhère à son
énoncé (forte, mitigée, neutre).
À cet effet, A. LIPOU affirme que
l'énonciation discursive exploite de manière intensive la
modalité du discours oral rapporté sous la forme de la
citation.88(*)
Comme traits énonciatifs, nous avons relevé dans
notre corpus les marqueurs de modalisation et la fonction déictique des
marqueurs -ci et -là.
5.2.1 Les marqueurs de
modalisation.
Dans notre corpus, il s'agit des mécanismes de
modalisation qui apprécient la valeur de la vérité du
discours qu'un locuteur énonce à l'endroit de ses interlocuteurs,
en employant une tournure d'emphase.
En réalité, ces mécanismes de
modalisation sont selon A. LIPOU des opérateurs argumentatifs dont
la fonction est de conclure avec force sur l'authenticité de l'objet du
discours.89(*)
Ces marqueurs sont généralement utilisés
à l'oral, et leur présence à l'écrit
témoigne bien de l'influence de celui-là sur celui-ci.
Voici les exemples qui ont été relevés
dans notre corpus.
110) Le commissaire principal était un garçon
tout frais sorti de l'École des polices, à peine son propre fils,
au nom de Dieu comme il pensait à le dire. (p.17)
111) Je ne vous dis pas, le Secrétaire
Général à la sûreté nationale avait en une
note de service, fait signe à la hiérarchie qu'il serait
présent à la cérémonie honorifique. (p.19)
112) Il suffisait pourtant de voir l'entrain de sa famille, le
zèle de ses femmes, l'activité de ses enfants. - mais voyait-il
tout ça ? Demandez-moi. (pp.65-66)
113) Elle avait les gestes précipités par la
promesse d'une grasse mangeoire, et tout couper court, elle voulait sa part de
viande un point un trait. (p.143)
Ces expressions jouent un rôle dans la modalisation des
énoncés ici présents et permettent par le fait même
de peser l'affirmation du locuteur comme étant vraie sans autre forme de
procès.
L'énoncé au nom de Dieu ici marque
l'étonnement de D. ELoundou, devant ce supérieur
hiérarchique qui est à peine son fils. Dans le discours oral,
cette expression sert à jurer ; c'est en fait un marqueur ponctuant
un argument d'autorité dont on ne saurait nier la pertinence.
La tournure je ne vous dis pas est une forme de
prétérition. Dans le discours oral, elle est l'expression de la
surprise de celui qui parle, surprise qu'il veut partager avec ses
interlocuteurs, bien qu'il feigne de ne pas le dire. C'est une expression
courante dans le discours populaire au Cameroun.
L'occurrence demandez moi est une forme de
négation voilée, sous le couvert d'une injonction. C'est en
réalité une stratégie argumentative qui vise à
amener celui à qui on s'adresse à vérifier lui-même
la justesse de l'information. L'expression aurait été :
ce n'est pas à moi que vous devez demander
(vérifiez-le vous-même).
Enfin, l'exclamation un point un trait est une marque
de l'oral qui a une valeur de conclusion intransigeante et sans appel. Elle
décrit ici les gestes de Mana épouse de Taba
qui veut elle aussi bénéficier des retombées que pourra
apporter la viande de leur truie.
On peut donc conclure après cette analyse que les
marqueurs de modalisation représentent eux-aussi une forme
d'appropriation du français chez l'auteur. Cette forme de
contextualisation est fortement colorée par le langage oral. Langage
dont l'une des marques non négligeables dans le corpus s'observe
à travers des déictiques de monstration -ci et -là.
5.2.2 La valeur des
déictiques -ci et -là.
Le terme déictique, du grec déiktikos
signifie démontrer. Les déictiques sont des
éléments qui servent à désigner des
références situées hors discours. Ceux-ci insistent sur le
référent ou sur le prédicat dont parle
l'énonciateur.
M. PERRET, les considère comme des embrayeurs
et les définit comme : Des éléments du lexique
qui ont comme spécificité d'avoir des référents
très différents, très variables (on parle de
labilité référentielle) qui ne sont fonction que de la
situation de l'énonciation.90(*)
En ce qui concerne les déictiques -ci et
-là E. DASSI remarque qu'il y a une sur- emploi de ceux-ci en
position post nominale. Il le souligne à juste titre :
En réalité, il s'agit là d'une
interférence sémantico-syntaxique des langues camerounaises
à la faveur de la création d'un démonstratif nouveau en
forme discontinue « articles défini... là...91(*)
Les déictiques à cet effet participent donc de
la contextualisation du français au Cameroun. Voici quelques exemples
tels qu'ils apparaissent dans le corpus.
114) Car il était évident que D. Eloundou
était tout et pouvait être tout dans ce
Cameroun-ci. (p.41)
115) Et la femme répondait : je ne sais pas comme
si elle ne savait pas que son Innocent là avait
annoncé une note significative qu'il le tuerait. (p.53)
116) Qui donc, qui aurait dit à tous ces gens dans sa
cour et dans sa maison que le D. Eloundou là dont ils
préparaient avec fureur le couronnement de carrière n'existait
pas. (p.66)
117) Pourtant, même si ce
sang-là traçait une autoroute en dessous de sa
cantine (...), il savait D.Eloundou qu'il pouvait tout simplement l'essuyer.
(p.70)
118) Le gamin de vingt ans que le ministre lui avait mis au
trousses : « le gars là »
pensait-il (p.74)
119) Elle savait que dans ce
Yaoundé-ci, vingt mille francs ne valaient rien :
elle qui avait compté sur cet argent. (p.119)
Le marqueur -là est couplé aux
anthroponymes (Innocent et D. Eloundou) et aux substantifs sang et gars ;
tandis que le marqueur -ci est couplé aux toponymes (Cameroun
et Yaoundé). En plus d'insister sur les référents qu'ils
décrivent, ceux-ci décrivent une certaine particularité
des personnages, des choses et des lieux qu'ils indiquent, en créant une
certaine idée de méfiance vis-à-vis de ces derniers.
À partir de tous ces exemples relevés supra et
qui attestent la présence des marques de l'oralité dans notre
corpus, il n'en fait plus aucun doute à croire que L'IBR est
une sorte de conte populaire, calquée exactement sur la langue telle
qu'elle est employée dans les rues et sous-quartiers du
Cameroun.
Sous la plume de Patrice NGANANG, cette copie du langage
quotidien passe aussi par une modification de certaines expressions
figées existant en français standard.
5.3 La modification des
expressions figées.
Les expressions figées sont des structures
phraséologiques reconnues comme telles dans la langue et se comportant
comme des unités lexicales significatives.
Dans notre corpus, les expressions que nous avons
relevées ont subi une modification par substitution d'un
élément qui est soit un nom soit un verbe. Ceux-ci sont
remplacés par d'autres éléments identiques pour ce qui est
de leur nature grammaticale.
En voici du reste quelques exemples.
120) Dans cette veille de son épiphanie, nous n'allons
pas lui jeter de la boue. (p.18)
121) Il avait passé vingt ans, sans parler de sa
famille la plus élargie, ces dizaines de ventres qu'il avait
nourris, habillés et parfois même éduqués.
(p.20)
122) Comme si cette Chantal savait lire son coeur, comme si
elle était entrée dans son ventre. (p.98)
123) Il faut lui présenter l'éclat de sa
fête, car alors seulement, il mourra de jalousie qui lui creuse
le coeur. (102)
Dans les expressions suivantes, les noms boue,
ventres, ventre, et le verbe creuse sont des substituts des
éléments de base qui ont été modifiés pour
donner lieu à une image expressive et saisissante.
En réalité, on dit
généralement : jeter la pierre ;
bouches à nourrir ; entrer dans les
pensées ; ronger le
coeur.
La modification de ces éléments tient à
coup sur de l'influence des substrats linguistiques de base dont la traduction
ici donne lieu à un autre élément français, plus
indicatif et plus significatif.
Tout cela traduit sans coup férir l'ultime geste de
l'auteur à faire du français, tant dans sa morphologie, sa
syntaxe, que sa signification une langue camerounaise capable de traduire
fidèlement les réalités culturelles des camerounais.
Tout compte fait, l'étude de la variation syntaxique
dans L'IBR vient une fois de plus renforcer la contextualisation de la
langue française dans l'écriture littéraire camerounaise.
Bien plus, la forte influence de l'oralité dans les différents
aspects que nous avons analysés supra (calques syntaxiques, formulation
de l'interrogation, transcription des expressions orales, traits
énonciatifs, etc.) nous permet de constater davantage la nouvelle forme
de sensibilité naissante dans l'écriture due au contact du
français et des langues locales camerounaises. Ceci nous conduit
à juste titre à renforcer la vérification de notre
hypothèse n°2.
Par ailleurs, la prédominance des expressions vulgaires
qui dominent ici les différentes structures de la langue tant au niveau
des phrases déclaratives qu'interrogatives ainsi que les autres marques
énonciatives analysées, permet enfin de valider
l'hypothèse n°3, selon laquelle les formes de français
constatées dans l'écriture camerounaise seraient un reflet de
cette langue telle qu'elle est parlée au Cameroun par le commun des
locuteurs pour exprimer sa vision du monde.
En conclusion, on pourrait noter avec A.-M. NTSOBE que
Mu par une illusion de transitivité linguistique et
parfois de translittérarité, le locuteur africain opte pour une
transposition des structures syntaxiques morphologiques et énonciatives
qui se fonde sur les langues locales. Cette situation rend compte d'une
appropriation du français, de sa contextualisation.92(*)
CONCLUSION
GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES.
Parvenu au terme de ce travail, il convient d'en tirer les
conclusions et faire quelques suggestions.
En effet, la présente étude avait pour objectif
d'identifier, d'analyser et de dégager la signification contextuelle des
différents éléments sujets à la variation dans
l'écriture littéraire au Cameroun, ce à travers un corpus
d'application choisi pour des raisons mentionnées supra.
Cette étude a révélé que la
contextualisation de la langue française sous la plume des
écrivains négro-africains passe par la restructuration presque
totale des éléments fondamentaux de cette langue, en vue de
l'accorder aux contextes des locuteurs africains, de sorte à faciliter
l'expression de leur univers culturel.
Dans la pratique, l'exploitation de l'IBR de Patrice
NGANANG nous a permis de relever trois grands niveaux de variation du
français à savoir : le niveau lexico-sémantique, le
niveau morpho-sémantique et le niveau syntaxique.
Au niveau lexico-sémantique, la variation de la langue
est rendue par la modification du sens des lexies et expressions existant en
français standard. Bien plus, ceux-ci trouvent une signification selon
le contexte dans lequel ils sont utilisés. Ainsi, nous avons
relevé des exemples liés à la prostitution, à la
corruption, aux pratiques mystiques et à la misère, exemples qui
sont en fait des réalités entrant dans le quotidien des locuteurs
camerounais livrés au joug d'une crise socio-économique.
Par ailleurs, les changements de connotation et de
dénotation, les glissements sémantiques et la
métaphorisation permettent à Patrice NGANANG de présenter
de façon crue, les images saisissantes du Cameroun contemporain, telles
qu'elles se vivent, se racontent dans les rues et gargotes par les
locuteurs en proie aux tourments multiformes.
De même, les lexèmes et expressions
appropriés revêtent non pas le sens créé
par l'auteur, mais celui que lui impose le milieu ; car il faut le
préciser, cette oeuvre semble se raconter d'elle-même. C'est en
fait une sorte de miroir que l'on promène le long de la rue,
copiant fidèlement ce qu'il voit.
La présence du langage familier et vulgaire
employé par l'auteur et ses personnages est ici une illustration
parfaite de la retransmission fidèle des réalités
camerounaises tant sociales que linguistiques.
Au niveau morpho-sémantique, la contextualisation du
français chez Patrice NGANANG se manifeste à travers une
habileté dans la création de nouveaux lexiques, venant s'ajouter
à ceux existant déjà en français standard. Ce
procédé, loin d'être iconoclaste, apparaît ici
plutôt comme un mode d'enrichissement de la langue française, du
fait qu'il suit le même processus de créativité des mots
nouveaux. De ce fait, l'IBR présente les cas d'abrègement, de
dérivation de composition et d'emprunts qui sont des faits naturels
à toute langue.
Ceux-ci permettent en même temps de répondre aux
exigences langagières des locuteurs et de décrire leur univers
culturel par des termes appropriés et que la langue française se
révèle incapable de nommer. Bien plus, l'habillage
sémantique que revêt ces nouvelles lexies laisse
transparaître un regard satirique que jette Patrice NGANANG sur la
société camerounaise, société dans laquelle les
tracasseries policières (le cas du personnage policier D. Eloundou), la
promiscuité et l'avarice (le cas de Taba et sa famille), ainsi que la
jalousie et les médisances (caractérisant plusieurs personnages
de L'IBR) s'érigent désormais en règles foulant
au pied les principes de la morale.
Enfin, le niveau syntaxique que nous avons encore
intitulé le français oralisé dans L'IBR
présente un visage plus renforcé de la contextualisation de la
langue chez les locuteurs camerounais. En fait, les exemples que nous avons
relevés laissent apparaître à première vue ce que
L.M. ONGUENE ESSONO appelle les techniques d'indigénisation de
l'écriture qui, loin d'enrichir le français, le dénaturent
et l'altèrent au point de conclure à des dysfonctionnements de
discours.93(*)
Toutefois, l'analyse des différents
énoncés, tant des personnages que ceux de l'auteur nous a permis
de constater qu'il ne s'agit en réalité que d'une transposition
des structures du français oral tel qu'on le parle dans les rues et les
bidonvilles du Cameroun, par les locuteurs garant d'une certaine norme
endogène qui a désormais droit de cité ; le seul
souci ici étant de communiquer et de se faire comprendre.
Par ailleurs, la plupart des constructions que nous avons
analysées en l'occurrence : les calques syntaxiques et certains
traits énonciatifs permettent de se rendre à l'évidence de
la forte influence qu'exercent les langues locales camerounaises sur les
structures du français. C'est pourquoi J. TABI MANGA mentionne à
juste titre que :
Autant la culture et la langue française transforment
la culture camerounaise, autant celle-ci, par ses langues influence largement
l'usage du français en l'accordant à l'environnement
camerounais.94(*)
Ainsi, le français oralisé dans l'IBR
cache plusieurs motivations parmi lesquelles l'influence du substrat
linguistique, celle du milieu social ainsi que le problème de crise
économique qui serait à l'origine de la baisse du taux de
scolarisation, laissant ainsi libre cours à la montée du
français basilectal acquis dans la rue.
Ces conclusions prises à différents niveaux
d'analyse impliquent la forte coloration de l'écriture littéraire
au Cameroun à travers une oeuvre qui se fait l'écho du paysage
socio-linguistique du milieu. Ceci étant, devrait-on pour autant parler
d'une éventuelle subversion linguistique ou d'une créolisation du
français comme le dégage notre problématique ?
L'étude de l'oeuvre de Patrice NGANANG, intitulé
l'IBR, montre que le français des écrivains
négro-africains est variationnel, différentiel et plurilingue
à souhait ; posant ainsi le problème d'une norme en
éclats. Ce phénomène qui participe de la contextualisation
du français contribue à son enrichissement.
Ainsi, J. TABI MANGA remarque que ces mutations qui
bouleversent les schémas, les canevas romanesques et dramatiques se
doublent sur le plan linguistique d'une approche interculturelle.95(*) De même, il affirme
qu'
Enfin, toute créolisation éventuelle du
français semble impossible pour l'instant dans la mesure où la
syntaxe du français parlé et écrit au Cameroun n'est pas
différente de celle du français standard. Il s'agit donc
fondamentalement d'une même langue mais accordée à un
environnement socioculturel particulier.96(*)
Il en ressort donc que, loin d'une éventuelle
subversion linguistique dans l'écriture littéraire au Cameroun,
il y a plutôt lieu de parler d'une autre forme d'écriture,
née du désir des écrivains de prendre en compte les
référents culturels des leurs, tout en traduisant leur vision du
monde. Cette pluralité de type d'écriture aujourd'hui permet
À la francophonie africaine [...] de faire
connaître ses idiotismes, d'être pleinement vivante à
travers la richesse de ses expressions, de contribuer à sa
manière du français afin qu'apparaissent sa vérité
dans sa variété.97(*)
Cependant, dans le cadre d'une éventuelle recherche, il
y a lieu de se demander si cette contextualisation du français serait
liée au style particulier de l'auteur ou à l'insuffisance de
cette langue à traduire toutes les sensibilités des locuteurs
camerounais. Qui plus est, on ne saurait aujourd'hui généraliser
l'appropriation du français chez les romanciers et dramaturges
camerounais comme par le passé. Car chacun a sa façon de
créer ou d'enrichir la langue, d'où l'importance d'une lecture
stylistique du corpus africain telle que le font déjà les
études ethnostylistiques.
RÉFÉRENCES
BIBLIOGRAPHIQUES
1. Corpus.
NGANANG, P., (2005), L'Invention du beau regard,
Paris, Gallimard.
2. Autres romans de l'auteur.
NGANANG, P., (1997), La Promesse des fleurs, Paris,
l'Harmattan.
NGANANG, P. (2001), Temps de chiens, Paris, serpent
à plumes.
NGANANG, P. (2003), La Joie de vivre, Paris, Serpent
à plumes.
3. Usuels
DUBOIS, J. et alii, (1973), Dictionnaire de
linguistique, Paris, Larousse.
DUBOIS, J., (1984), Dictionnaire de linguistique et des
sciences du langage, Paris, Larousse.
MOUNIN, G., (1974), Dictionnaire de linguistique,
Paris, P.U.F.
4. Ouvrages et articles de grammaire et
stylistique.
FONTANIER, P., (1997), Les Figures du discours,
Paris, Flammarion.
FREI, H., (1982), La Grammaire des fautes,
Genève-Paris, Slatkine reprints, 1ère édition,
1929.
MENDO ZÉ, G., (2004), « Introduction
à la problématique ethno-stylistique », in Langues
et communication n°4, Propositions pour l'ethnostylistique
pp.30-31
PERRET, M., (1994), L'Énonciation en grammaire du
texte, Paris, Nathan.
RIEGEL, M., PELLAT, J.-C., et RIOUL, R., (1999), Grammaire
méthodique du français, Paris, P.U.F, Col. Linguistique
nouvelle.
5. Ouvrages et articles de linguistique et
sociolinguistique.
1. Les ouvrages.
BAYLON, C., et FABRE, P., (1990), Initiation à la
linguistique, Paris, Fernand Nathan.
BENVENISTE, E., (1996), Problèmes de linguistique
générale, Paris, Gallimard, t.2
BICKTERTON, D., (1975), Dynamic of creole system,
Cambridge University Press.
BILOA, E., (2003), Langue française au
Cameroun, Bern, Peterlang.
CHAUDENSON, R., (1988), Propositions pour une grille
d'analyse des situations linguistiques de l'espace francophone, Paris,
ACCT.
DUMONT, P. et MAURER, B., (1995), La Sociolinguistique du
français en Afrique francophone, Paris, Édicef,
Universités francophones.
DUMONT, P., (1990), Le Français langue
africaine, Paris, L'Harmattan.
DUMONT, P., (1992), La Francophonie par les textes,
Paris, Édicef.
L'ÉQUIPE IFA, (1988), Inventaire des
particularités lexicales du français en Afrique noire,
Paris, Édicef, AUPELF-UREF.
ESSONO, J.-M., (1998), Précis de linguistique
générale, Paris, l'Harmattan.
GAMARDI, J., (1981), La Sociolinguistique, Paris,
P.U.F., Col. Linguistique.
GUILBERT, L., (1975), La Créativité
lexicale, Paris, Larousse.
GUIRAUD, P., (1985), L'Argot, Paris, P.U.F.
GUMPERZ, J.-J. (1989), Sociolinguistique
interactionnelle : une approche interprétative, Paris,
L'Harmattan.
HAGÈGE, C., (1985), L'Homme de paroles, Pairs,
Fayard, (extrait du chapitre IV «écriture et
oralité»)
HYMES, D., (1974), Formations in sociolinguistics: an
Ethnographic approach, University of Pennsylvania Press.
LABOV, W., (1976), Sociolinguistique, Paris,
Minuit.
MANESSY, G., (1994), Le Français en Afrique noire,
Mythes, stratégies, pratiques, Paris, L'Harmattan
MARTINET, A., (1980), Éléments de
linguistique générale, Paris, A. Colin, nouvelle
édition, 1ère édition, 1960.
MEILLET, A., (1938), Linguistique historique et
linguistique générale, 2e vol., Paris,
Champion.
MENDO ZÉ, G., (1992), Une crise dans les crises, le
français en Afrique noire francophone : cas du Cameroun,
Paris, ABC.
MAKOUTA MBOUKOU, J.P., (1973), Le Français en
Afrique, Paris, Bordas.
NTSOBE, A.-M., (2001), Avant-propos à langues et
communication, n°1, université de Yaoundé, Vol.1,
pp.11-14
WAMBACH, M., Méthodologie des langues en milieu
multilingue. Pédagogie convergente à l'école
fondamentale, Bruxelles CIAVER, 2001
WHITNEY, W.D., (1901), Language and the study of
language, New York, Scribner's.
2. Les articles.
BERKELY et SCHEGLOFF, E., (1987), « Entre micro et
macro, contextes et relations », in
Sociétés n°14, mai-juin pp.12-27.
DASSI, E., (2003), « De la Création d'emploi
à la composition nominale (au Cameroun) », in
Revue électronique internationale des sciences du langage,
Sudlangues, n°3, pp.108-124.
DASSI, E. (2004), « De l'Esthétisme
académique à l'oralisation effrénée de la
langue française », in Les Actes du colloque sur
la norme en Francophonie, Paris, AUPELF-UREF, PP.
ELOY, J.-M., (2003), « Pour une approche complexe de
la nature sociale de la langue », in Langues, contacts,
complexité : approches théoriques en
sociolinguistiques, Cahier de sociolinguistique n°8.
ESSONO, J.-M., (2003), « La Faute de
français », in, Langues et communication n°03,
Université de Yaoundé I, PP.217-235
FREY, A., (1982), « Vers une description des
variantes du français en Afrique noire » in Le
Français dans le monde, n°170, pp. 72-73
GUILBERT, L., (1972), « Peut-on définir un
concept de la norme lexicale », in Langue
française n°16, PP.4-27.
LAFAGE, S., (1990), « Métaboles et changement
lexical du français en contexte africain », in
Visages du français, variétés lexicales de l'espace
francophone, Paris, AUPELF-UREF, John Libbey Eurotext, PP.33-46.
LATIN, D., (1990), « Quelques considérations
sur l'apport de l'invention des particularités lexicales du
français en Afrique noire (IFA) à la lexicologue du
français en francophonie », in Visages du français,
variétés lexicales de l'espace francophone, Paris,
AUPELF-UREF, John Libbey, Eurotext, pp.27-32.
LIPOU, A., (2001) « Normes et pratiques scripturales
africaines », in Colloque sur la diversité culturelle
linguistique : quelles normes pour le français ?
Paris, AUF, pp.115-135.
MARCELLESI, J.-B., (1974),
« Sociolinguistique », in Langue française
n°3, Paris, Larousse, pp.3-4.
MEJRI, S., (1990), « Néologie et
variété lexicales », in Visage du français,
variétés lexicales de l'espace francophone, Paris,
AUPEL-UREF, PP.11-22.
NAPON, A. (1999), « Quelques faits d'appropriation
du français à l'école secondaire à
Ouagadougou », in Le Français contemporain en
Afrique, Sudlangues, Nice, Cedex, n°13, PP.93-103.
NGALASSO, M.M., (2001), « De le Soleil des
indépendances à attendant le vote des bêtes sauvages :
quelles évolutions de la langue chez Ahmadou
Kourouma ? », in Littératures francophones :
langues et styles, Paris, l'Harmattan, pp.13-45.
NOUMSSI, G.-M. et FOSSO, (2001), « Le
Français en Afrique au début du troisième
millénaire : variations, problèmes sociolinguistiques
et perspectives didactiques », in Présence
francophone, n°56, PP.73-91
NTSOBE, A.-M, (2003), « Le Français en
Afrique : variations, viabilité, perspectives didactiques
et mondialisation », in Langue et communication n°03,
vol. II, Université de Yaoundé I, PP.99-110
ONGUENE ESSONNO L.M, (1993), « La Norme
endogène dans le français écrit des médias
camerounais », in Inventaires des usages de la
francophonie : nomenclatures et méthodologies, Paris,
AUPELF-UREF, John Libbbey, Eurotext, PP.249-260.
ONGUENE ESSONO, L.M., (1999), « Normes
endogènes et normes standard dans Ndzana Ngazo'o »,
in Dzana Ngazogo : les nouveaux défis de la littérature
orale africaine, Yaoundé, P.U.Y, pp.115-134
ONGUENE ESSONO, L.M, (2003), « La Langue
française des écrivains camerounais : assimilation
et/ou révolution ? » in Patrimoine
n°003, pp.24-25
ONGUENE ESSONNO L.M, (2003), « La Norme en
éclats pour un français correct au Cameroun »,
in, Langues et communication n°03, vol II, université de
Yaoundé I.
PRIGNITZ, G., (1993), « Place de l'argot dans la
variation linguistique en Afrique : le cas de
Ouagadougou », in Cahier de linguistique sociale :
le français au Burkina Faso, CNRD/URA-SUDLA, Col. Bilan et
perspectives, pp.117-128.
TABI MANGA, J., (1990), « Variation lexicale du
français au Cameroun », in Visages du
français, variétés lexicales de l'espace francophone,
Paris, AUPELF-UREF, John Libbey, Eurotext, pp.91-96.
TABI MANGA, J., (1993), « Modèles
socioculturels et nomenclatures », in Inventaire des usages de la
francophonie : nomenclatures et méthodologies, Paris,
AUPELF-UREF, John Libbey, Eurotext, pp.37-46.
TABI MANGA, J., (2000), « Prolégomènes
à une théorie de l'emprunt en français langue
seconde », in Contacts des langues et identités
culturelles, AUF/Presses de l'Université de Laval, pp.159-176.
TONYE, A.J., (2003), « La Variation syntaxique du
français dans Assèze l'africaine et les honneurs perdus
de Calixte Beyala » in Langues et communication
n°03, pp195-206
WEINREICH, U.et alii, (1968), «Empirical foundations for
a theory of language change», in Lehman et Malkiel,
Paris, Minuit, pp.100-120
6. Mémoires et thèse.
EBANGA, E.A., (2005), Les Particularités
morphosyntaxiques du français écrit par Patrice Nganang dans
Temps de chien, Université de Yaoundé I, mémoire de
maîtrise, inédit.
GUEMLE KAMGANG, B., (2005), Les Particularités
lexicales du français dans Temps de Chien de Patrice Nganang,
Université de Yaoundé I, mémoire de maîtrise,
inédit.
NGAMALIEU KAMENI, M., (2006), Les Procédés
grammaticaux de thématisation et d'extraction discursive dans La
Promesse des fleurs d'Alain patrice Nganang, Université de
Yaoundé I, mémoire de maîtrise, inédit.
ZANG ZANG, P., (1991), Le Processus de dialectalisation du
français en Afrique : le cas du Cameroun. Étude
fonctionnelle des tendances évolutives du français,
Thèse de doctorat 3e cycle, Université de
Yaoundé I. inédit
7. Références de recherches sur
internet.
BLANCHET, P. et ROBILLARD, (2003), « Langues,
contacts, complexités : approches théoriques en
sociolinguistiques » in
http://www.file://A:/abstractcs.Cds.html.
GADET, F., (2004), « La Variation sociale en
français », in http://www.ophrys.
fr/sources/catalogue/resume liste.aps ?num.416f cle=1
L'Encyclopédie libre WIKIPÉDIA, in
http://fr.wikipedia.org/wiki/registre-de-langue
MESSAOUIDI, L., (2003) « Études
sociolinguistiques » in
http://www.kenitrasocilinguistique.blogspot.com/
NOUMSSI, G.-M., (2004), « Dynamique du
français au Cameroun : créativité, variation
et problèmes socio-linguistiques », in
http://www.refer.sn/sudlangues
n° 4.
WAMBA, R.S. et NOUMSSI, G.-M., (2005), « Le
Français au Cameroun contemporain : statuts, pratiques et
problèmes sociolinguistiques », in
http://www.refer.sn/sudlangues
n° 5, pp.1-20.
TABLE DES
MATIÈRES
DEDICACE i
REMERCIEMENTS ii
LISTE DES ABRÉVIATIONS ET
SIGLES iii
LISTE DES TABLEAUX iv
INTRODUCTION GÉNÉRALE
1
CHAPITRE PREMIER : CADRE THÉORIQUE ET
REVUE DE LA LITTÉRATURE.
7
I.1 Mise au point théorique sur le
phénomène de variation linguistique.
8
I.1.1 Aux origines de la variation
linguistique.
8
I.1.1.1 Les fondements de la variation
linguistique.
9
I.1.1.2 La variation linguistique du point de vue
variationniste.
10
I.1.1.3 La variation linguistique du point de vue
interactionniste.
11
I.1.2 L'économie des travaux sur la
variation linguistique du français en Afrique noire francophone.
12
I.1.2.1 Les précurseurs.
12
I.1.2.2 De l'appropriation du français en
Afrique perçue par les enseignants de la faculté de lettres de
l'université de Yaoundé I.
13
I.2 Problématique.
16
I.3 Formulation des hypothèses de
recherche.
16
I.4 Présentation de la théorie de
référence.
17
I.4.1 Les fondements de cette théorie.
17
I.4.2 L'hypothèse de la
sémantaxe.
18
CHAPITRE DEUXIÈME :
MÉTHODOLOGIE : CONSTRUCTION DE L'OUTIL D'ANALYSE DU CORPUS.
20
2.1 Formulation des variables.
21
2.1.1 Les variables indépendantes.
21
2.1.2. Les variables dépendantes.
21
2.2 Présentation critique des grilles
existantes.
23
2.2.1 La grille de l'équipe IFA.
24
2.2.2. La grille de Claude Poirier.
24
2.2.3 La grille de Suzanne Lafage.
25
2.2.4 Présentation de l'outil
d'analyse : la grille synthétique.
26
2.2.5 Limites d'étude
26
CHAPITRE TROISIÈME : LA VARIATION
LEXICO-SÉMANTIQUE
28
3.1 Le changement dans la dénotation.
29
3.1.1 Les verbes.
30
3.1.2. Les substantifs.
31
3.2 Les changements dans la connotation.
32
3.2.1. Les verbes connotés.
32
3.2.2. Les substantifs connotés.
33
3.2.3. Les expressions connotées.
34
3.3. Les glissements de sens.
35
3.4 Les extensions sémantiques.
36
3.5 La métaphorisation.
37
3.6 Les calques traductionnels.
39
3.7 Le langage familier.
41
3.7.1 Les termes argotiques.
41
3.7.2 Les injures locales.
42
CHAPITRE QUATRIÈME : LA VARIATION
MORPHO-SÉMANTIQUE
44
4.1 La siglaison.
45
4.1.1 Les sigles à valeurs
alphabétique.
46
4.1.2 Les sigles à valeur syllabique
46
4.2 La dérivation.
47
4.2.1 La dérivation préfixale.
47
4.2.2 La dérivation suffixale.
48
4.2.3 La dérivation impropre.
50
4.3 La composition
52
4.3.1 Les mots composés graphiquement
soudés.
52
4.3.2 Les composés simples.
53
4.3.3 Les mots composés avec trait
d'union.
54
4.3.4 Les mots composés
prépositionnels.
55
4.4 Les emprunts.
56
4.4.1 Les emprunts aux langues locales
camerounaises.
56
4.4.1.1 Le duala, le bassa et le béti.
56
4.4.1.2 Le bamiléké et le
fulfulde.
57
4.4.2 Les emprunts au pidgin english.
58
CHAPITRE CINQUIÈME : LA VARIATION
SYNTAXIQUE OU LE FRANÇAIS ORALISÉ
60
5.1 Les changements de construction.
61
5.1.1 Les calques syntaxiques.
62
5.1.2 La modalité interrogative.
63
5.1.2.1 L'absence du morphème
interrogatif.
64
5.1.2.2 La présence du morphème
interrogatif in situ.
64
5.1.2.3 Les interrogatives sans point
d'interrogation.
65
5.1.3 La transcription des expressions orales
populaires.
65
5.2 Les marques énonciatives
67
5.2.1 Les marqueurs de modalisation.
67
5.2.2 La valeur des déictiques -ci et
-là.
68
5.3 La modification des expressions
figées.
70
CONCLUSION GÉNÉRALE ET
PERSPECTIVES.
72
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
75
TABLE DES MATIÈRES
75
* 1 A. MARTINET,
Éléments de linguistique générale, Paris,
Armand Colin, 1980, p.12
* 2 D. COMBE et alii,
Poétiques francophones, Paris, Hachette, 1994, p.4
* 3 Ch. BONN et alii,
Littérature francophone. Le Roman, Paris, Hatier, AUPELF-UREF,
oct. 1997, p.13
* 4 J. TABI MANGA,
« Écriture de l'insolite : le français
écrit au Cameroun » in Littérature camerounaise, le
livre dans tous ses états, Revue du livre n°100,
Janvier-mars 1990, p.10
* 5 J. DUBOIS et alii,
Dictionnaire de linguistique, Paris, Larousse, 1973, p.507
* 6 G. MANESSY, Le
Français en Afrique noire, Mythes, stratégies, pratique,
Paris, l'Harmattan, 1994.
* 7 L'Équipe IFA,
L'Invention des Particularités lexicales du français en
Afrique noire, Paris, EDICEF, AUPELF-UREF, Col, université
francophone, 1988
* 8
S.LAFAGE, « Métaboles et changement lexical du
français en contexte africain », in Visages du
français variétés lexicales de l'espace
francophone, Paris, Duculot, De Boeck Université AUPELF-UREF 1995,
pp. 13-56
* 9 C.POIRIER,
« Les Variantes topolectales du lexique français :
propositions de classement à partir d'exemples
québécois » in Le Régionalisme lexical,
Paris, Duculot, Deboeck Université AUPELF-UREF, 1995, pp.13-56.
* 10 W. LABOV,
Sociolinguistique, Paris, les éditions de Minuit, 1976,
p.232.
* 11 Idem
* 12 W.D. WHITNEY,
Language and the study of language, New , New York, Scribner's,
1901,p401
* 13 U. WEINREICH et alii,
«Empirical foundation for a theory of language change», in Lehman
et Malkiel, 1968, pp.100-101
* 14 W. LABOV, op.cit,
p.282.
* 15 H. FREI, La
Grammaire des fautes, Genève-Paris, Slaktine reprints, 1982
(1ère édit, 1929).
* 16 A. MARTINET,
Éléments de linguistique générale, Paris,
A. Colin, 1960.
* 17 A. MEILLET,
Linguistique historique et linguistique générale, 2vol.
T1, Paris, Champion, 1921, p.17
* 18 W. LABOV, op.cit.
* 19 J.J. GUMPERZ, La
Sociolinguistique interactionnelle, une approche interprétative,
Paris, l'Harmattan, 1989.
* 20 L. MESSAOUDI,
« Études sociolinguistiques », in
http : //www.kenitra sociolinguistique. blogspot.com/ 2003
* 21 P. DUMONT, Le
Français langue africaine, Paris, l'Harmattan, 1990, pp.8-9.
* 22 Terme emprunté
à P. Dumont, op.cit.
* 23 J. TABI MANGA,
« Modèles socioculturels et nomenclatures » in
Inventaire des usages de la francophonie : nomenclatures et
méthodologies. Éd. AUPELF/ UREF, Paris, 1993, p.37
* 24 P. ZANG ZANG, Le
Processus de dialectalisation du français en Afrique : le cas du
Cameroun.Etude fonctionnelle des tendances évolutives du
français, thèse de Doctorat 3ecycle,
Université de Yaoundé I
* 25 A.-M. NTSOBE,
« Le Français en Afrique, variation, viabilité,
perspective didactiques et mondialisation »in Langue et
communication n°03 vol II, oct. 2003, université de
Yaoundé I, p.
* 26 L. M. ONGUENE ESSONO,
La Norme en éclat pour un français au Cameroun, in
Langue et communication n°3, vol II, oct.2003, université
de Yaoundé I, pp.
* 27 A.M. NTSOBE, Avant
propos à la langue de communication, vol. I. n°1,
Université de Yaoundé I, p.12
* 28 G.-M. NOUMSSI et FOSSO,
« Le Français en Afrique noire au début du
troisième millénaire : variations, problèmes
sociolinguistiques et perspectives didactiques », in
Présence francophone, n°56, pp.73-91
* 29 J.M. ESSONO,
« La faute du français », in Langue et
communication n°03, vol.2, oct.2003, université de
Yaoundé I., p.219.
* 30 J. TABI MANGA, op.cit,
p.40
* 31 J. TABI MANGA, 1990,
op.cit pp.10-17
* 32 G. MENDO ZÉ,
Une Crise dans les crises, le français en Afrique noire
francophone : cas du Cameroun, Paris, ABC, 1992, p.15.
* 33 G. MANESSY, Le
français en Afrique noire, Mythe, stratégie, pratiques,
Paris, l'Harmattan, 1994.
* 34 J. TABI MANGA,1993,
op.cit., p.38.
* 35 G. MANESSY, op.cit, pp
.86-87.
* 36 L'EQUIPE IFA,
Inventaire des particularités lexicales du français en
Afrique noire, Paris, EDICEF/AUPELF-UREF, 1988, 1ère
édition 1983.
* 37 C. POIRIER,
« Les Variantes topolectales du lexique français, proposition
de classement à partir d'exemples
québécois », in Le Régionalisme
lexical, Paris, Duculot, AUPELF-UREF, 1995, pp.13-56.
* 38 S. LAFAGE,
« Métaboles et changement lexical du français en
contexte africain », in Visages du français
variétés lexicales de l'espace francophones, Paris,
EUPELF-UREF, 1990, pp.33-46
* 39 R. CHAUDENSON,
Propositions pour une grille d'analyse des situations linguistiques de
l'espace francophone, ACCT, Paris, 1988.
* 40 G. MENDO ZÉ,
« Introduction à la problématique
ethnostylistique », in Langues et communication.
Propositions pour l'ethnostylistique, n°4, op.cit,
pp.30-31
* 41 A. FREY,
« Vers une description des variantes du français, l'inventaire
des particularités lexicales du français en Afrique
noire », in Le Français dans le monde, n°170,
juillet 1982, pp.72-73
* 42 J. TABI MANGA, 1993,
op. cit. pp.37-46
* 43 P. DUMONT et B. MAURER,
La Sociolinguistique du français en Afrique francophone, Paris,
Edicef, 1995, Université francophone, p.163.
* 44 L.M. ONGUENE ESSONO,
« Normes endogènes et norme standard dans Ndzana Nga Zo'o
description des procédés d'enrichississement du
français au Cameroun », in NDZANA GA ZOGO,
Yaoundé, Presses Universitaires de Yaoundé, 1999, PP.115-134
* 45 J. TABI MANGA, 1993,
op.cit. pp.37-46
* 46 G. MOUNIN,
Dictionnaire de linguistique, Paris, PUF, 1974, p.77
* 47 L.M. ONGUENE ESSONO
(op.cit), p.127, souligne que ce verbe signifie en Eton mettre sur soi
et porter (comme un fardeau ou comme un habit)
* 48 E. BILOA, Langue
française au Cameroun, Bern, Peter Lang, 2003 P.110
* 49 E. BENVENISTE,
cité par G. MENDO ZE, « Introduction à la
problématique ethnostylistique », in Langues et
communication. Propositions pour l'ethnostylistique, n°4,
Université de Yaoundé I, 2005, pp30-31.
* 50 E. BILOA, op.cit,
p.110
* 51 E.BILOA, op.cit,
p.108
* 52 J. TABI MANGA,
« Variation lexicale du français au Cameroun », in
Visages du français variétés lexicales de
l'espace francophone, Paris, AUPELF-UREF, John Libbey, 1990,
PP.91-96
* 53 L.M. ONGUENE ESSONO
(1999), p.127
* 54 E. BILOA, op.cit.
pp.107-108
* 55 P.FONTANIER, Les
Figures du discours, Paris, Flammarion, 1997, p. 99.
* 56 M. CRESSOT, et J.
LAURENCE, Le Style et ses techniques, Paris P.U.F., 1977, p.72
* 57 A. LIPOU, Normes
et pratiques scripturales africaines, colloque sur la diversité
culturelle linguistique : quelles normes pour le
français ? Paris, AUF, 2001, P.128
* 58 J. DUBOIS et alii,
Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Paris,
Larousse-Bordas, 1989, p.73
* 59 J. TABI MANGA,
« Prolégomènes à une théorie de l'emprunt
en français langue seconde », in Contacts des
langues et identités culturelles, Laval, AUF, les Presses
Universitaires de Laval, 2000, p.165
* 60
L'Encyclopédie libre WIKIPÉDIA,
http://fr.wikipédia.org/wiki/registre-de-langue.
* 61 A. NAPON,
« Quelques faits d'appropriation du français à
l'école secondaire à Ouagadougou », in Le
Français en Afrique, Sud langues, Nice Cedex/n°13,
1999, p.100
* 62 P. GUIRAUD,
L'Argot, Paris, PUF, 1985, p.33
* 63 J. TABI MANGA, (1993),
op.cit. p.37
* 64 S. MEJRI,
« Néologie et variété
lexicales », in Visage du français variétés
lexicales de l'espace francophone, Paris, AUPELF/UREF, 1990, p.11
* 65 L.
GUILBERT, « Peut-on définir un concept de norme
lexicale ? » in Langue française
n°1972, p.30
* 66 M. RIEGEL et alii,
Grammaire méthodique du français, Paris, P.U.F, Coll.
linguistique nouvelle, 1999, p.551.
* 67 L. GUILBERT, La
Créativité lexicale, Paris, P.U.F, 1975, p.
* .68 M. GREVISSE, Le
Bon Usage, Paris, Duculot, 1988, p.278
* 69 G. PRIGNITZ,
« Place de l'argot dans la variation linguistique en Afrique :
le cas du français à Ouagadougou » in
Le français au Burkina Faso, CNR/URA, 1993, p.124
* 70 L. GUILBERT,(1975),
op.cit, p.142
* 71 M GREVISSE, op.cit.,
p.242
* 72 J. DUBOIS et alii,
Dictionnaire de linguistique, Paris, Larousse, 1973, p.466
* 73 E. BILOA, La Langue
française au Cameroun, Analyse linguistique et didactique, Bern,
Peter Lang, 2003, p.131
* 74 J. DUBOIS et alii,
op.cit., p.109
* 75 E. DASSI,
« De la Création d'emploi à la composition nominale
(au Cameroun) », in Revue électronique
internationale des sciences du langage, Sudlangues, n°03. 2003,
p. 110
* 76 J. M. ESSONO,
Précis de linguistique générale, Paris,
l'Harmattan, 1998, p.114
* 77 M. GREVISSE, op.cit,
p.107
* 78 M. GREVISSE, op.cit,
p.1056
* 79 M. M. NGALASSO,
« De Les Soleils des indépendances à En attendant le
vote des bêtes sauvages : quelles évolutions de la langue
chez Ahmadou Kourouma ? » in Littératures
francophones :langues et styles, Paris l'Harmattan, 2001, p.166
* 80 C. De FERAL,
« Le Français identitaire chez les jeunes au Cameroun et en
France » in Corpus et langage, Université de
Nice-Sophia Antipolis, 1994, p.39
* 81 R. S. WAMBA et G.- M.
NOUMSSI, « Le Français au Cameroun contemporain, statuts,
pratiques, problèmes sociolinguistiques », in
http://www.refer.sn/sudlangues
n°5, 2005 pp.1-20.
* 82 J. DUBOIS et alii,
op.cit., p.1825
* 83 R. S. WAMBA et G. M.
NOUMSSI, op.cit, p.13
* 84 A. LIPOU, 2001, op.cit,
p.127
* 85 L. M. ONGUENE ESSONO,
« La Langue française des écrivains camerounais :
assimilation et/ou révolution ? » in
Patrimoine, n°003, p.24
* 86 D. BICKERTON,
Dynamic of Creole System, Cambridge University, Paris, 1975.
* 87 M. PERRET,
L'Énonciation en grammaire du texte, Paris, Nathan, 1994,
p.9
* 88 A. Lipou, op.cit
p.120
* 89 Idem, p.124
* 90 M.PERRET, op.cit.,
p.59
* 91 E. DASSI,
« De l'Esthétisme académique à l'oralisation
effrénée de la langue française », in Les
Actes du colloque sur la norme en Francophonie, AUPELF-UREF,
2004, p.12
* 92 A.-M. NTSOBE,
« Le Français en Afrique : variation, viabilité,
perspectives didactiques et mondialisation », in Langue
et communication, Université de Yaoundé I, n°03, vol2,
oct. 2003, p.103.
* 93 L. M. ONGUENE ESSONO,
(1999), op.cit, p.125
* 94 J. TABI MANGA, (1990),
op.cit., p.11
* 95 J. TABI MANGA, (1990),
op.cit., p.11
* 96 Idem, op.cit., p.17
* 97 Ibidem
|