La problématique de la réinsertion socio-économique des filles ex-soldats dans la cite d'Uvira( Télécharger le fichier original )par Aline NSIMIRE ZIHALIRWA Université Evangelique en Afrique - Licence 2009 |
CHAPII : OBSTACLES A LA REINSERTION SOCIO-ECONOMIQUE DES FILLES EX-SOLDATES DANS LA CITE D'UVIRADans ce chapitre, nous allons aborder les points relatifs aux caractéristiques des enquêtés, les obstacles liés au contexte politique et militaire puis les obstacles d'ordre culturel qui bloquent la réinsertion des filles ex soldates. 1. Analyse des caractéristiques des enquêtés Dans cette section, les caractéristiques suivantes y sont analysées : l'âge, le sexe, la situation matrimoniale, la confession religieuse et la localisation des personnes enquêtées ayant constitué notre cible de recherche pour la réalisation de cette étude Tableau N° 1 : Age des enquêtés
Il ressort de ce tableau que 17 enquêtés soit 47.2% de nos enquêtés ont l'âge compris entre 16 et 20 ans ; 8 enquêtés soit 22% ont l'âge compris entre 10 et 15 ans. Le constat qui se dégage est que ces deux tranches sont celles comprenant l'effectif important d'enfants ex combattants ; ces derniers ont été recrutés trop jeunes. Tableau N° 2 Sexe des enquêtés
Nous pouvons lire à travers ce tableau que nos enquêtés du sexe féminin ont été majoritaire avec un pourcentage de 77 .8% des personnes enquêtées. Celles ci sont des filles sorties des forces et groupes armés que nous avons contactés pour la réalisation de cette étude étant donné que notre thématique porte sur les filles sorties des forces et groupes armés. Tandis que les enquêtés du sexe masculin représentent 22.2% qui sont les responsables des organisations locales ayant facilité le retour à la vie civile des ex combattantes. Trouver les filles ex combattantes n'a pas été facile compte tenu des obstacles contextuels et culturels auxquels nous allons faire allusion dans les sections suivantes de ce chapitre. Tableau N° 3 Situation matrimoniale :
Les enquêtés célibataires sont nombreux par rapport aux mariés avec une proportion de 67% contre 33%. Ca se justifie par le fait que tous les enquêtés exception faite aux responsables des organisations religieuses de la réinsertion ont confirmé qu'ils sont encore célibataires, ce sont des filles ex soldates qui n'ont pas encore trouvé un partenaire avec qui fonder un foyer. Tableau N°4 : Confession religieuse :
Nos enquêtés pour la plupart ont été chrétiens, 47.2% des catholiques et 36.1% des protestants contre 16 .6% confessions tierces comme le Kimbanguistes, les témoins de Jéhovah ; les Bahaï, etc. Cet effectif élevé des chrétiens explique une forte concentration des églises chrétiennes dans la plaine de la Ruzizi où notre recherche a été faite, cette concentration des chrétiens une influence significative sur le vécu quotidien, les pratiques des populations voire même des ex filles soldates qui sont fidèles croyants dans l'une ou l'autre église du milieu. Tableau N° 5 : Lieu ou localisation :
Ce tableau révèle que 47.2% de nos enquêtés sont de kanvinvira, 28% sont de kasenga 16% de Mulongwe et 3% de Kalundu. Ces quatre quartiers sont parmi les quartiers qui constituent la cité d'Uvira dans la province du Sud Kivu ayant connu et voire même à ce jour, continuent à connaitre une forte activité des groupes armés ayant enrôlé au sein de leurs forces combattantes des enfants filles et garçons pour leurs aventures militaires. Tableau N°6 PROFESSION
Partant de nos enquêtes nous voyons que 47,2% de nos enquêtés sont des chômeurs, 28% sont des Agriculteurs, 16% des écoliers et 8% sont responsables des organisations de réinsertion. Ce taux de chômeurs est du à la sous utilisation des ex combattants dans la région. 1. ETHNIE
Si nous observons bien ce tableau nous remarquons que 41.6% de nos enquêtés sont de Fuliru, 30.5% sont de bembe et 27.7% sont de ba Vira. Ces communautés tribales sont celles étant majoritaires dans notre zone d'étude. Et les filles sorties des forces et groupes armés ont été recrutées dans ces communautés vivant depuis très long temps en cohabitation. Source : Nos enquêtes de terrain SECTION 2 : Obstacles à la réinsertion sociale des filles ex soldatesLes organisations de la réinsertion des enfants ex-combattants nous ont affirmé que les filles demeurent invisibles et ne participent pas nombreuses au processus de réinsertion sociale des enfants ex-combattants pour des raisons diverses.ces obstacles sont des divers ordres : institutionnels, liés au contexte politique de la région et culturel. Les organisations avancent une moyenne de 35 % de participation au processus de réinsertion dans la province du Sud Kivu et justifient cette faible participation par : - Les filles sont cachées par les autorités (commandants) militaires qui les considèrent comme leurs femmes malgré les viols et violences sexuelles commises sur elles et donc elles sont leur propriété personnelle. A ce titre, elles n'ont pas la chance de participer à la démobilisation formelle. La seule solution qui leur reste c'est la désertion. Les organisations nous ont affirmé que 65 % d'auto démobilisation sont constitués des filles qui ont trouvé la seule solution d'échapper aux violences ; c'est la désertion. - Le problème de la culture : la tradition ou coutume locale dans la plaine de la Ruizizi considère qu'une fille qui a déjà passé plusieurs jours en dehors de toit paternel est considérée comme femme d'autrui, les filles ont intériorisé cette tradition. Lorsqu'une fille a eu un contact sexuel avec un homme que ce soit de manière volontaire, par viol ou par présomption, du fait d'avoir été prise par un groupe armé, en dehors du mariage et du système de dot, elle est considérée comme n'ayant plus aucune valeur par la société. Connaissant ces points de vue, les filles pourraient ne pas chercher à être relâchées et démobilisées de la même manière que les garçons car elles craignent davantage la stigmatisation sociale à laquelle elles devront faire face à leur retour dans leurs familles et leurs communautés. Cette situation se complique certainement encore davantage si la fille attend un enfant ou a eu des enfants de ses relations. Pour Beth VERHEY, quand les groupes armés se déplacent ou se redéployent, on peut observer peu après des groupes de « jeunes femmes » se déplaçant à l'arrière troupe,... les filles se sentent obligées de rester ou même le désirent avec le groupe armé ou leur « époux militaire » car elles ne profitent pas de ces occasions pour s'échapper. Alors l'idée du manque de choix pour ces filles impliquées dans des relations avec les groupes armés est bien ancrée, l'ignorance des filles de la possibilité de démobilisation ou de l'irrégularité de leur enlèvement en premier lieu par des groupes armés.17(*) Pour persuader les filles à participer au processus de réinsertion sociale, les organisations oeuvrant dans la réinsertion sociale des enfants sortis des forces et groupes armés dans la plaine de la Ruzizi procèdent par la sensibilisation sur le genre à travers les théâtres, les visites à domicile des filles et par des conseils psychosociaux en vue de conscientiser les membres des familles ainsi que les filles elles-mêmes. Dans le processus de construction de la paix, il est impérieux de tenir compte de la fille ou des femmes. Les femmes sont des bâtisseuses de la paix ; en se limitant à considérer les femmes (filles soldats comme victimes des conflits), on peut occulter le rôle qu'elles sont susceptibles de jouer en tant que conciliateurs dans le processus de reconstruction et de rétablissement de la paix. Pour le CAD, dans le monde entier, des femmes et leurs organisations ont amorcé le dialogue et la réconciliation dans des communautés et des villages. Leurs expériences de survie durant la guerre leur ont fait acquérir des points de vue et des connaissances spécifiques non négligeable. De ce fait, leurs opinions en ce qui concerne les questions de paix et de sécurité sont essentielles pour le processus de paix à tous les niveaux.18(*) C'est ainsi qu'il est important pour les organisations de la réinsertion de sensibiliser les autorités et vulgariser le cadre opérationnel des enfants cités aux forces combattantes en vue d'obtenir la sortie officielle des filles dans les forces combattantes. Celles s'étant auto démobilisé ou déjà été réinsérés doivent de créer des regroupements en vue de les suivre pour envisager la stigmatisation qui les embourbe et de renforcer leur capacité de production aussi de faire de leur éducation une priorité parmi tant d'autres. Les organisations nous ont affirmé au cours de nos enquêtes que les filles qui parviennent à participer au processus de réinsertion optent de plus en plus pour les activités génératrices de revenu que la réintégration scolaire. Ainsi il faut arriver à marier l'adage selon lequel « éduquer une femme c'est éduquer toute une nation. » Les filles mineures associées aux forces armées ont longtemps été négligées dans la question des enfants-soldats, car en le considérant comme « épouses » des combattants adultes, on omettait leur emploi dans des fonctions militaires. Par conséquent, l'ouvrage de Mazurana et McKay 19(*)montrent que les filles remplissent manifestement des tâches militaires. Ces travaux apportent ainsi des connaissances importantes sur la vie de ces filles pendant, mais également après le conflit. Les filles utilisées comme combattantes, espionnes, kamikazes, porteuses, pilleuses, cuisinières et esclaves sexuelles dans presque toutes les forces armées non-étatiques du globe, plus rarement dans les forces armées étatiques, constituent selon les estimations de Mazurana et McKay entre un dixième et un tiers des enfants-soldats. Pourtant leur présence dans les groupes armés et leur participation active au combat restent largement ignorées, d'autant plus qu'elles deviennent presque « invisibles » lors de la situation post-conflit comme nous l'avons décrit ci haut et ont ainsi peu de chance d'avoir accès aux programmes de démobilisation, désarmement et réintégration (DDR). Les raisons de cette invisibilité dans le processus de réinsertion sont multiples. Parmi les raisons principales invoquées, on retrouve l'idée, toujours tenace chez ces filles, sous-tendant qu'elles seraient obligées de rendre une arme pour avoir le droit de participer au programme DDR, ce qui n'est plus le cas avec les programmes actuels mais cette information erronée continue d'être propagée. De plus, les combattants adultes qui considèrent les filles comme leurs « épouses », les empêchent de participer au processus DDR. Dans certains cas, ces filles préfèrent d'ailleurs rester avec leurs « époux-rebelles » parce qu'elles ne voient pas d'autres alternatives quand leurs familles demeurent introuvables ou n'acceptent plus de vivre avec elles. Par conséquent, il s'avère être très important pour ces filles stigmatisées - car elles ont participé aux combats et ont servi comme esclaves sexuelles - d'avoir accès aux programmes DDR pour se créer un avenir et pouvoir être acceptées dans la société. La question qui se pose est celle de définir l'identité d'une fille-soldat. D'un côté elle dispose d'un statut d'enfant en tant que mineure mais de l'autre elle subit aussi des expériences violentes liées à son « genre » féminin. Etant donné que ces expériences se distinguent de celles des garçons (ce qui indique l'aspect du genre), il paraît dès lors utile d'analyser ce phénomène également à partir des théories féministes en se focalisant sur la dialectique « les femmes et les conflits armés ». Mais si les femmes et les filles partagent des expériences communes dans des forces et groupes armés, la problématique des filles-soldats n'a pas encore trouvé sa place c'est bien le sexisme et la misogynie qui aggravent la situation des filles dans les groupes armés. Toutefois, l'abus sexuel dont la plupart des filles-soldats sont victimes appartient malgré tout à une catégorie différente puisqu'il s'agit d'abord d'une violence sexuelle contre des enfants. Mais le fait qu'elles soient enfants et aussi de sexe féminin (« genre ») ne suffit pas parce que ces filles-soldats se retrouvent dans la catégorie des plus vulnérables. Pour cette, l'approche de la sécurité humaine permet d'apporter un éclairage nouveau sur cette problématique. Elle souhaite ici pointer du doigt les situations d'effondrement étatique et, par la même occasion souvent d'effondrement sociétale. Des situations où un Etat n'est plus capable de protéger ces enfants et encore moins son propre avenir contre les menaces représentées par des groupes armés ou bien que cet Etat commette lui-même des actes violents. De plus, les filles font face à une double insécurité parce que l'Etat ne réussit pas à les protéger contre les menaces résultant du conflit armé mais également de la situation post conflit, n'obtenant pas l'aide et le soutien dont elles auraient besoin pendant le processus de réinsertion. Mary-Jane Fox20(*) se prononce donc en faveur d'une démarche sous l'angle de la sécurité humaine car cette approche contribue à considérer les violations de droits subies par ces filles en tant que problèmes d'insécurité qui ne peuvent être résolus par l'État seul. Par conséquent, un déplacement de cette question au niveau international aide à mieux appréhender la problématique des enfants-soldats en général et celle des filles-soldats en particulier. Selon Mary-Jane Fox21(*), la sécurité humaine et les études de genre (« gender studies ») constituent le cadre théorique idéal pour analyser la question des filles associées aux groupes armés. C'est pourquoi elle souligne la nécessité de prendre en considération cette problématique dans ces deux domaines de recherche et de préférence en créant un lien entre les approches. Cet article se montre particulièrement intéressant pour ceux qui cherchent une première introduction au sujet des filles-soldats à travers la littérature la plus actuelle concernant cette problématique. En revanche, s`il propose l'apport d'une perspective sécurité humaine. Victimes de la cruauté du destin, ces fillettes, et tous les enfants en général, restent profondément traumatisés, aussi bien physiquement que psychologiquement, par les dures épreuves qu'ils ont dû traverser à un âge bien trop tendre. Mais, à ces souffrances durables s'ajoute pour les filles la négligence dont elles sont l'objet lors des programmes de DDR, dont l'objectif est d'aider à la réhabilitation des jeunes qui ont été associés aux forces et groupes armés. Alors même qu'elles devraient faire l'objet d'une attention spéciale dans les processus de sortie de crise, elles sont tout bonnement dépouillées de leur statut de soldats lorsqu'il s'agit de faire profiter les ex-combattants des programmes de DDR. Quand le moment arrive de faire la paix et de partager pouvoir, honneurs, prébendes et dividendes entre les différents acteurs du conflit, les soldats féminins ayant combattu auprès de leurs collègues masculins disparaissent subitement de la scène publique. Une telle injustice les prive non seulement, à moyen terme, des bénéfices des programmes de DDR des anciens combattants, mais aussi, à plus long terme, de réelles chances de réintégration sociale. L'on observe, par exemple, que sur un groupe de 2 000 enfants ayant bénéficié du programme de DDR à l'est de la République Démocratique du Congo, à la fin de l'année dernière, on ne comptait que deux cents filles. En Sierra Leone voisine, un rapport récent reconnaît que le processus de DDR n'a pas pris en compte les besoins spécifiques des filles, alors qu'elles ont souvent subi des violences encore plus abominables que les garçons. L'exclusion des filles-soldats de la catégorie de combattants est également perceptible dans les images et symboles utilisés dans les campagnes de sensibilisation contre l'utilisation des enfants comme outils de violence armée. Les posters montrent presque exclusivement de petits garçons affublés de larges tenues militaires et de fusils d'assaut aussi hauts et lourds que leur petit être. Le message, tacite ou « subliminal », est clair : il n'existe pas de filles combattantes. Dans cette logique, l'assistance destinée au DDR sera orientée vers les garçons, les filles étant soit abandonnées à elles-mêmes, soit, dans la meilleure des hypothèses, déclarées zones compétentes du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés et des organisations humanitaires. Une fois démobilisées, les filles ex-soldats sont habituellement « réintégrées » dans une société qui n'a changé ni d'attitude envers elles, ni de conception sur leur rôle au sein de cette société. Les probabilités pour qu'elles soient abusées et exploitées n'ont pas changé. La stigmatisation des viols et grossesses extra maritales non seulement mine leur estime d'elles mêmes, mais complique aussi leur retour dans leur communauté et leur réinsertion dans une société qui les considère comme impures. Le seul sort qui attend bon nombre de ces anciennes combattantes est la marginalisation. Les mères célibataires sont même souvent considérées comme des prostituées. Concrètement, la mise en place de programmes efficaces et appropriés d'aide à la réinsertion post-conflit exige de tenir compte des besoins différents des filles et des garçons et de leur statut social dans la société. Il est crucial, en particulier, d'aider les femmes qui ont été violées en leur offrant un suivi sanitaire et psychologique, ainsi que l'occasion de se lancer dans des activités rémunératrices. Fort heureusement, grâce à un important travail de sensibilisation et d'éducation conjointement mené par les Nations Unies, la société civile et certains États, les attitudes et convictions d'hier sont en train de changer de manière graduelle, réaliste et positive. A ces obstacles s'ajoutent le fait que la région de la plaine de la Ruzizi est une région encore en ébullition par le fait que les groupes armés y sont encore très actifs. La situation s'était dégradée davantage après la conférence sur la paix, la sécurité et le développement des provinces du Nord et du Sud Kivu. En effet, après cette conférence, les groupes armés fictifs qui y été représentés ont procédé au recrutement des éléments pouvant constituer l'ossature de leurs troupes. Les filles et garçons sortis des forces et groupes armés étaient leurs premières cibles car disposaient déjà d'une expérience assez importante leur permettant de s'adapter à cette nouvelle vie à la quelle ils étaient conviés. Disposant déjà d'un cadre précaire de réinsertion, ces ex combattantes nous ont confirmé qu'elles ont été recrutées pour la deuxième fois dans la forces et groupes Il y a aussi le fait que les organisations qui se chargeaient de la réinsertion sociale des filles et garçons sortis des forces et groupes armés n'avaient pas dans leurs activités des programmes bien spécifiés pour les filles soldates ;tous les enfants sortis des forces et groupes armés étaient pris dans un seul lot. Les filles ex soldates ne se sentaient pas liées directement à ces activités de réinsertion c'est pourquoi on n'a pas assisté à un engouement important desdites filles au processus de réinsertion sociale organisé dans la communauté de retour qu'est l'ensemble des villages et groupements de la plaine de la Ruzizi. * 17 B. VERLHEY, Atteindre les filles, Etudes sur les filles associées aux forces et groupes armés, Londres, SAVE THE CHILDREN, 2004, p16. * 18 Les lignes directrices du CAD : prévenir les conflits violents : quels moyens d'action. * 19 D. MAZURANA, S, Mc Kay ,K. Carlson et J, KASPER: Girls in fighting forces and groups: their recruitment , participation, demobilisation, and reintegration, peace and conflict ; journal of Peace psychology, 2002, P112 * 20 M. JANE FOX: Beyond the second sex :New directions in the Anthropology of gender, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1990, p292 * 21 MARY JANE FOX , op cit, p 295 |
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