PARAGRAPHE II : LES FACTEURS PSYCHOLOGIQUES ET LA
THEORIE DU TCR
Les anticipations et la spéculation des agents
économiques jouent un rôle essentiel dans l'instabilité des
TCR. En effet les anticipations des agents économiques face aux diverses
politiques ou interventions officielles sur le marché contribuent soit
à stabiliser le marché soit à exacerber le
déséquilibre sur le marché de change et par ricochet sur
la variation du TCR. De même, à travers la spéculation des
agents notamment les risques de change, l'on assiste à une
spéculation stabilisante ou déstabilisante. La spéculation
stabilisante tendra à ramener le TC du marché vers son taux
initial et celle déstabilisante tendra à l'en écarter. Ces
déterminants psychologiques sont aux coeurs des analyses du TC à
travers les théories de la sur-réaction (A) et celle des bulles
spéculatives (B).
A - Théorie de sur-réaction du taux de change
réel
Proposée par Rudi Dornbusch (1976), la thèse de
la sur- réaction est fondée sur l'idée selon laquelle le
TCR d'équilibre de long terme dépend des déterminants
fondamentaux. Ses variations de court terme qualifiées de
volatilités sont dues aux facteurs financiers qui génèrent
un dépassement de la valeur d'équilibre. L'hypothèse
fondamentale de cette théorie s'articule sur le fait que, les prix des
marchés financiers s'ajustent instantanément aux variations de
l'offre et de la demande alors que les prix des biens et services sont rigides
à court terme. Ce déséquilibre peut être à
l'origine de sur- ajustement. Il y a surévaluation, lorsqu'à
court terme, la dépréciation de la monnaie nationale sera plus
forte que ce qui est nécessaire pour établir le TCR
d'équilibre à long terme.
Pour Dornbusch, l'impulsion monétaire est à
l'origine des mouvements amplifiés du TCN en générant une
sur- réaction de ce dernier. La dynamique des changes selon Dornbusch
est alors la suivante: à court terme un choc monétaire
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![](Taux-de-change-reel-dequilibre-et-evolution-de-ses-fondamentaux-dans-lUEMOA20.png)
Mémoire de DEA-Master Recherche, réalisé et
soutenu par HOUNGBEDJI Sèwanoudé Honoré
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(augmentation de l'offre de monnaie), entraîne une
baisse du taux d'intérêt national ; qui, du fait de l'anticipation
d'une dépréciation de la monnaie liée au laxisme
monétaire, déclenche une dépréciation
instantanée du TC allant au - delà de sa nouvelle valeur de long
terme respectant la PPA. Il y aura ainsi sur- réaction du TC, au sens
où le mouvement immédiat du change est trop fort et doit
être compensé par la suite. Dans un second temps, à la
suite de la dépréciation de la monnaie initiale, les
échanges de biens et services réagissent par une
amélioration de la balance courante qui amène à une
dépréciation de la monnaie jusqu'à ce que la norme de PPA
soit à nouveau respectée. Le graphique ci-après
décrit le mécanisme de surajustement à la Dornbusch.
Graphique N° 1 : Modèle sur-ajustement de
DORNBU SCH (1976)
![](Taux-de-change-reel-dequilibre-et-evolution-de-ses-fondamentaux-dans-lUEMOA22.png)
Prix
AA
AA'
PP'
E'
P'Lt
Sur-ajustement
E
PLt
PP
![](Taux-de-change-reel-dequilibre-et-evolution-de-ses-fondamentaux-dans-lUEMOA23.png)
E» E (TCR)
e» eLT' eLT
Source : Pisani - Ferry (2006)
La droite (AA) décrit l'équilibre du
marché de la monnaie. Elle est indépendante de la dynamique des
prix. (PP) indique la dynamique des prix qui est fonction décroissante
du TCR.
I- Mécanisme de l'ajustement
1- L'équilibre de long terme passe de E en E' ;
2- Le marché de la monnaie s'ajuste instantanément
: l'équilibre de court terme se déplace sur la courbe AA' ;
3- Mais à court terme, le prix est rigide :
l'équilibre se déplace en E» ;
- le taux de change se déplace de E en E» ;
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- il y a sur ajustement par rapport à l'équilibre
de long terme.
Les principales leçons issues du modèle de
sur-ajustement peuvent être appréhendées en quelques points
:
· le modèle associe l'ajustement instantané
des marchés d'actifs et la rigidité des marchés des biens
; cela explique le sur-ajustement du TC ;
· le sur-ajustement ne vient pas d'un défaut du
marché financier mais de la combinaison entre réactivité
du marché financier et rigidité du marché des biens ;
· la conclusion centrale du modèle de
sur-réaction est que les déséquilibres qui prennent place
sur le marché des changes ne se résolvent pas
nécessairement par un processus de convergence régulière
vers l'équilibre.
La théorie de la sur-réaction a marqué
une étape importante dans la compréhension des changes flexibles
en proposant un cadre d'analyse permettant d'expliquer la volatilité des
TC. Cette approche a fourni un argument théorique militant contre le
flottement des monnaies.
II- Les limites du modèle
Ce modèle n'inclut pas la dynamique des
quantités. De même, le rôle des comptes courants est exclu.
Cependant le sur ajustement standard dépend de la structure du
modèle qui paraît très simplifié [Rogoff, (2002)].
Le modèle de Dornbusch ignore la dynamique flux-stocks. Or celle-ci joue
un rôle important à moyen terme. En effet, un pays en
déficit extérieur permanent s'endette à
l'extérieur. Cela induit : un accroissement du déficit des
paiements courants sous le poids des charges d'intérêt ; le TCR se
déprécie et il y a apparition d'une prime de risque sur la
monnaie. La résultante de ces facteurs est la dépréciation
du TC. En revanche, l'effet est inverse pour un pays en excédent.
En somme, malgré son intérêt, cette
théorie n'a pas pu expliquer la surévaluation durable des
monnaies internationales (notamment le dollar US) entre 1980 et 1985. Ainsi, la
théorie des bulles spéculatives a été
développée pour approfondir le rôle des anticipations sur
le TCR et son évolution.
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