L'intégration de la protection de l'environnement en droit des aides d'état( Télécharger le fichier original )par Olivier PEIFFERT Nancy-Université - Master 2 à‰tudes européennes 2009 |
B ) L'application des dispositifs d'aides par la CommissionLa Commission, dans une décision C(2008) 8452 du 17 décembre 2008, afférente à l'aide d'Etat n° 387/2008 notifiée par la France et établissant un régime d'aides de l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (ADEME) dans le domaine du transport206(*), a fait application des dispositifs ci-avant décrits. Le régime d'aide notifié a pour but de participer à la réduction des émissions polluantes des transports en agissant « sur les trafics urbains et interurbains pour réguler leur croissance en incitant à transporter moins et mieux »207(*). Il est administré au niveau national par l'ADEME qui dispose en ce sens d'un budget s'élevant à 30 millions d'euros sur 6 ans. Les bénéficiaires du régime sont des entreprises de tous les secteurs de l'économie, des collectivités locales, des autorités organisatrices de transport et des particuliers. Les aides sont versées sous forme de subventions et des engagements sont pris afin de se conformer aux règles communautaires de non cumul, de transparence et de monitoring. Pour s'assurer de l'effet incitatif des aides, le régime prévoit une notification préalable des projets à l'ADEME, le contrôle de la plus-value environnementale escomptée et une analyse économique visant à déterminer l'utilité et le montant de l'aide. En ce sens, une méthodologie de calcul des coûts éligibles, largement calquée sur les dispositions des Lignes directrices, est définie pour chaque volet du régime. Elle vise à vérifier que les coûts admissibles sont limités aux coûts d'investissement supplémentaires nécessaires pour atteindre un niveau de protection de l'environnement supérieur au niveau requis par les normes communautaires208(*). Concrètement, le régime se compose de deux volets de mesures, le premier étant relatif à l'achat de véhicules propres et le second aux économies d'énergies. Ces deux volets prévoient le versement d'aides à des opérations de démonstration, à des opérations exemplaires et des aides à la diffusion. Pourront par exemple être éligibles : au titre d'opérations de diffusion en matière d'achat de nouveaux véhicules, l'acquisition d'un camion fonctionnant au gaz naturel pour véhicules (GNV) ou au gaz de pétrole liquéfié (GPL); au titre d'opérations exemplaires en matière d'économies d'énergie, des actions en faveur des nouveaux services de mobilité comme le covoiturage ou l'autopartage. Les taux d'intensité sont portés de manière générale à 50% pour les aides aux opérations de démonstration, à 40 ou 30% pour les aides aux opérations exemplaires et à 30% pour les aides à la diffusion209(*). Le régime est donc une application fidèle des dispositifs d'aides à l'acquisition de véhicules et en faveur des économies d'énergies ci-avant décrits. La Commission a reconnu dans cette décision la compatibilité du régime notifié avec le marché commun. En premier lieu, elle qualifie le régime d'aide d'Etat : la mesure en cause confère un avantage économique sélectif financé au moyen de ressources d'Etat et sa mise en oeuvre est susceptible de donner lieu à des distorsions de concurrence et d'affecter les échanges entre les Etats. On remarque que la réalisation de ces deux dernières conditions est affirmée de façon lapidaire ; celles-ci font en effet habituellement l'objet d'une interprétation extensive210(*). Ecartant le RGEC du fait du dépassement des intensités d'aides qu'il établit, l'analyse est alors menée à la lumière des Lignes directrices concernant les aides d'Etat pour la protection de l'environnement. La Commission note ensuite que le régime dans son ensemble poursuit bien un objectif d'intérêt commun visé par les Lignes directrices, puisqu'il vise à « promouvoir une politique des transports urbains et interurbains qui soit plus respectueuse de l'environnement »211(*). Son contrôle s'effectuera donc sur la base de l'art 87 paragraphe 3 (c). Le contenu du régime étant « calqué » sur les dispositifs décrits par les Lignes directrices, l'analyse de la Commission consiste principalement à déterminer les dispositifs d'aides applicables en l'espèce et à contrôler le respect des présomptions légales qu'ils instituent. Pour le volet « acquisition de véhicules propres », la Commission constate que les aides envisagées sont bien des aides à l'investissement correspondant au cadre établi par le dispositif relatif à l'achat de véhicules aux points 85 et 86 des Lignes directrices. Elle note que les investissements subventionnés sont bien limités au surcoût induit par le caractère innovant du véhicule et qu'ils permettent une véritable plus-value environnementale ; elle salue également le contrôle a priori de ces conditions par l'ADEME. Par conséquent le régime permet au bénéficiaire d'augmenter effectivement le niveau de protection de l'environnement découlant de ses activités en l'absence de normes communautaires212(*). Enfin, les intensités d'aides prévues et la méthodologie de calcul des coûts admissibles sont conformes aux dispositions pertinentes des Lignes directrices 213(*). Pour le volet « économie d'énergie », la Commission se borne à compendieusement à constater l'adéquation du régime d'aides notifié avec le dispositif établi aux points 94 et suivants des Lignes directrices. Les conditions relatives à l'intensité maximale et la méthodologie de calcul des coûts éligibles sont là encore validées214(*). Dans un second temps, l'analyse de la Commission vise à vérifier que les aides versées sur la base du régime ont bien un effet incitatif. Elle rappelle tout d'abord que la charge de la preuve de cet effet incitatif repose sur les Etats membres et qu'il n'est présumé que lorsque les aides sont versées à des PME. La mesure notifiée étant un régime d'aide, les bénéficiaires ne sont pas a priori identifiables ; la démonstration de l'effet incitatif dépend donc des mécanismes mis en place à cet effet. La Commission relève en ce sens que l'ADEME procédera à un contrôle a priori des projets qui lui seront notifiés. Ce contrôle repose sur l'établissement d'une situation contrefactuelle crédible ; il est par ailleurs fondé sur une analyse économique systématique permettant d'une part de s'assurer des besoins réels de financements publics et de la rentabilité des projets et d'autre part de déterminer le montant des aides qui seront allouées. Il satisfait donc aux conditions établies par les Lignes directrices215(*). Néanmoins, dans l'hypothèse où une mesure individuelle basée sur le régime notifié remplit les conditions de déclenchement de la procédure d'examen approfondi, les autorités françaises devront procéder à sa notification conformément au points 160 et suivants des Lignes directrices216(*). La Commission, hors cette réserve, conclut à la compatibilité avec le marché unique du régime notifié sur le fondement de l'art 87 paragraphe 3 (c). La décision de compatibilité est donc ici largement fondée sur le système de présomptions légales induit par l'existence des dispositifs d'aides. Au delà, on remarque l'accent mis sur la démonstration de l'effet incitatif ; cette insistance s'explique par l'importance que la Commission accorde désormais à l'analyse économique dans l'exercice de son pouvoir décisionnel autonome. A ce stade, il est raisonnablement permis d'affirmer que, si le processus de mise en cohérence environnementale à l'oeuvre en droit communautaire sur le fondement de la clause d'intégration conduit à des résultats mitigés, le droit des aides d'Etat à su faire une place importante aux exigences de la protection de l'environnement. Plus qu'ailleurs en droit de la concurrence, des solutions sont acquises et les récents développements règlementaires ou quasi règlementaires ont conduit à renforcer les hypothèses de compatibilité des aides à l'environnement avec le marché unique. L'introduction de la protection de l'environnement au sein du RGEC corrobore cet état du droit et renforce la sécurité juridique des interventions des Etats membres. Cependant, une fois constatée et décrite l'intégration en droit des aides d'Etat, il convient d'en étudier les effets. Or rappelons-le, l'intégration a pour objet de faire de l'environnement un objectif à part entière des diverses politiques communautaires ; il s'agit alors de s'interroger sur la contribution de la politique des aides d'Etat à la protection du milieu naturel. * 206 Décision C(2008) 8452 du 17 déc. 2008, relative à l'aide d'Etat n° 387/2008 par laquelle la France envisage de mettre à exécution un régime d'aides de l'ADEME dans le domaine du transport, http://ec.europa.eu/competition/state_aid/register/ * 207 point 4 de la décision * 208 Pour ce faire, les coûts admissibles sont calculés en deux temps : tout d'abord, le coût de l'investissement directement lié à la protection de l'environnement ou aux économies d'énergie est identifié par le recours à l'analyse contrefactuelle, suivant la méthode établie par les Lignes directrices. Le choix du scénario contrefactuel dépend de l'existence ou non de normes communautaires. En l'absence de telles normes, il convient de veiller à ce que le bénéficiaire se conforme au niveau de protection de l'environnement requis par les normes nationales pertinentes. Si des normes communautaires sont établies, le bénéficiaire devra alors aller au-delà, ou se conformer le cas échéant aux normes nationales plus strictes. Ensuite, de cet investissement directement lié à la protection de l'environnement seront déduits tous les bénéfices et coûts d'exploitation qu'il génère durant 5 ans. Le reste constitue les coûts éligibles. * 209 la description du régime est effectuée aux points 3 à 38 de la décision * 210 v. not. L. DUBOUIS et C. BLUMANN, Droit matériel de l'Union européenne, préc., n° 960 et s. ; M. DONY, en collaboration avec F. RENARD et C. SMITS, Contrôle des aides d'Etat, Commentaire J. MEGRET, préc., n° 104 et s., not. n° 109 * 211 point 47 de la décision * 212 points 48 et s. de la décision * 213 points 54 et s. de la décision * 214 points 57 et s. de la décision * 215 points 61 et s. de la décision * 216 point 67 de la décision |
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