CHAPITRE I
DE L'INTERTEXTUALITÉ COMME MÉTHODE DE
CRITIQUE LITTÉRAIRE
Depuis un certain temps, la critique littéraire du
discours africain se répartit en trois principales tendances. Le premier
courant est celui de la critique afrocentriste qui affirme l'originalité
de la littérature africaine. Elle cherche à démontrer et
à exalter l'africanité des oeuvres. Celle-ci se présente
comme « une vision téléologique et essentialiste dont
l'aspect pratique est la valorisation des cultures et civilisations du monde
noir.44»
Le deuxième courant est une critique eurocentriste.
Elle met l'accent sur la comparaison du roman africain avec les oeuvres
européennes. Prônant l'existence des règles immuables
propres au roman que chaque auteur est tenu de respecter en vue de produire un
vrai roman, cette tendance rejette toute idée de l'africanité des
oeuvres et, surtout, l'originalité des textes africains.
D'après Semujanga, le point commun pour ces deux
courants, c'est qu'ils ont tendance à réduire la liberté
créatrice de l'écrivain. Ils cherchent à l'embrigader
«dans une africanité ou une européanité dont les
formes sont répertoriées et fixées à
l'avance.45» Ceci constitue donc une sorte de contrainte pour
la critique, dont le souci est de situer les oeuvres des Africains dans le
contexte culturel du IIIe millénaire, qui se distingue par la
diversité des traits génériques et transculturels.
Le présent travail, sur la lecture intertextuelle de
L'ivrogne dans la brousse d'Amos Tutuola, s'inscrit alors dans la
troisième tendance de la critique scientifique. Celle-ci
privilégie l'application aux textes des méthodes
44Josias Semujanga, op.cit., 1999, p.15.
45 Ibid., p. 21.
littéraires, comme par exemple la sociocritique, la
narratologie, la psychocritique, la sociologie de la littérature ou
l'intertextualité.
Cette dernière notion d'intertextualité est
essentiellement un instrument d'analyse des textes littéraires
destiné à décrire une poétique, que
Ducrot et Todorov définissent comme « toute
théorie interne de la littérature oàl'auteur
choisit parmi tous les possibles littéraires : thématique,
composition et style.46» Pour Semujanga, « la
poétique est animée par une finalité
pratique consistant à savoir comment écrire un texte nouveau
par rapport aux prescriptions génériques existantes, à
une époque donnée de son évolution.47»
Le sens courant de ce concept nous renvoie également
à la définition de Marc Angenot. Cet auteur énonce, en
effet, la poétique comme l'«ensemble de principes
esthétiques qui guident un écrivain dans son
oeuvre.48» Selon Delcroix, la poétique est
«l'ensemble de règles construites par une école et qu'un
écrivain donné respecte.49» Pour Barthes, la
poétique est simultanément «un ensemble de lois, de
règles, de recettes et un processus de renouvellement des principes
d'écriture.50» Cette définition rencontre
pleinement l'idée de Thérenty qui, à son tour,
perçoit la poétique comme un ensemble de « règles
46Oswald Ducrot et Tzvetan Todorov, Dictionnaire
encyclopédique des sciences du langage, Paris, Seuil, 1972,
p.102.
47Josias Semujanga, op.cit., 1999, p.13.
48 Marc Angenot, Glossaire pratique de la critique
contemporaine, Québec, Hurtubise, 1979, p.155.
49 Maurice Delcroix et Fernand Hallyn, Méthodes du
texte. Introduction aux études littéraires, Paris, Duculot,
1990, p.11.
50Roland Barthes, S/Z, Paris, Seuil, 1970,
p.173.
esthétiques (métrique, narratologie,
dramaturgie) qui expliquent le fonctionnement d'un texte, d'un
genre.51»
L'objet de la poétique étant alors transcendant
par rapport aux oeuvres, la poétique entend se distinguer, en tant que
science de la littérature, de pratiques telles que la linguistique qui
s'occupe de la langue, et la rhétorique qui aborde l'ensemble des
discours. Il faut noter toutefois que la description d'une poétique dans
l'analyse des textes littéraires, nécessite toujours une approche
de nature technique et pratique. C'est dans ce cadre que nous proposons une
lecture intertextuelle de notre corpus. Celle-ci se veut à la fois, dans
le vaste champ de la critique, une théorie littéraire et une
technique de lecture.
Étroitement liée aux travaux théoriques
du groupe des Telqueliens, l'intertextualité aide le lecteur à
mieux situer une oeuvre littéraire dans tout son foisonnement culturel.
Grâce à l'étude de l'intertextualité, il
s'avère qu'une oeuvre n'est jamais seule dans le vaste thésaurus
de textes qu'est la littérature. Car, en effet, toute oeuvre est
influencée par des oeuvres antérieures, tout en demeurant
spécifique.
Comme le fait remarquer Semujanga, « toute oeuvre
artistique [ou littéraire] est traversée et
déterminée par ses relations avec d'autres oeuvres, tant sur le
plan formel que sur le plan thématique.52» Elle
fourmille toujours de références culturelles, souvent non
facilement repérables, qui se rattachent de
51Marie-Ève Thérenty, Les mouvements
littéraires du XIXe et du XXe siècle,
Paris, Hatier, 2001, p.151.
52Josias Semujanga, op.cit., 1999, p.7.
18 façon directe ou non à d'autres oeuvres, ou
même à des discours d'autres époques.
De là, nous pouvons esquisser une première
définition. L'intertextualité «se veut avant tout
convocation de la parole de l'autre.53» Elle renvoie au
rapprochement qu'on peut opérer entre un texte et d'autres auxquels il
fait écho. Bref, c'est l'ensemble des relations que peut entretenir un
texte donné avec d'autres textes. Il s'agit bien d'«une pratique de
mise en relation entre les textes et discours antérieurs et
récits nouveaux.54» Selon Larousse,
l'intertextualité est un
ensemble des relations qu'un texte, et notamment un texte
littéraire, entretient avec un autre ou avec d'autres, tant au plan de
sa création (par la citation, le plagiat, l'allusion, le pastiche, etc.)
qu'au plan de sa lecture et de sa compréhension, par les rapprochements
qu'opère le lecteur.55
Le concept d'intertextualité a fait irruption sur la
scène de la critique littéraire, d'abord dans Théorie
d'ensemble 56 de Michel Foucault et ses compagnons dont Roland
Barthes, Jacques Derrida, Philippe Sollers et Julia Kristeva. Mais c'est cette
dernière qui va ensuite mettre ce terme à la portée du
grand public. Elle en fait usage pour la toute première fois dans
Séméiôtikè : recherches pour une
sémanalyse57.
53 André Lamontagne, Le roman québécois
contemporain : les voix sous les mots, Québec, Fides, 2004,
p.14.
54Josias Semujanga, Le génocide, sujet de
fiction? Analyse des récits du massacre des Tutsi dans la
littérature africaine, Montréal, Nota bene, 2008, p. 24.
55Le Petit Larousse Illustré, Paris,
Larousse, 1995, p.560.
56Michel Foucault et al., Théorie
d'ensemble, Paris, Seuil, 1968.
57 Julia Kristeva, Séméiôtikè.
Recherches pour une sémanalyse, Paris, Seuil, 1969.
Quoique l'introduction dans l'usage du terme
d'intertextualité soit due à Kristeva, il importe de souligner
que cette notion théorique est proche du dialogisme bakhtinien,
présenté par Lamontagne comme « propriété que
possède un énoncé d'entrer en relation avec d'autres
énoncés.58» Le dialogisme comme la polyphonie
sont des marques déposées de Mikhaïl Bakhtine. Ces deux
concepts sont définis dans son essai critique, La Poétique de
Dostoïevski59, où il traite l'aspect dialogique et
polyphonique de la production romanesque dostoïevskienne.
Selon Bakhtine, «le langage est un médium social
et tous les mots portent les traces, intentions et accentuations des
énonciateurs qui les ont employés auparavant.60»
Tout texte se réfère, implicitement ou explicitement, à
d'autres énoncés antérieurs par ce qu'il nomme une
relation dialogique, expression que Kristeva s'appropriera en parlant
d'intertextualité. L'énoncé renvoie à un objet,
à un locuteur et il communique avec les énoncés
antérieurs. Aussi faut-il rappeler que dans le roman polyphonique, ce
dialogisme permet d'établir un parallélisme entre des discours
contradictoires, dans le but de mettre en évidence des ressemblances ou
des dissemblances.
Bakhtine soutient que le dialogisme tire ses racines de la
satire ménippée et du dialogue socratique (maïeutique) : une
technique qui consiste à susciter la réflexion intellectuelle.
C'est une forme de recherche philosophique
58André Lamontagne, Les mots des autres. La
poétique intertextuelle des oeuvres romanesques de Hubert Aquin,
Québec, PUL, 1992, p.5.
59 Mikhaïl Bakhtine, La poétique de
Dostoïevski, Paris, Seuil, 1970.
60 Paul Aron et al. (dir.), «Dialogisme», Le
dictionnaire du littéraire, Paris, PUF, 2002, p. 146.
par la discussion. Le meneur de jeu conduit son partenaire
à découvrir des connaissances qui foisonnent en lui-même.
Ce dialogue pose pour principe que la vérité n'est pas l'apanage
d'un seul homme. Son édification se réalise grâce à
l'interrelation provenant du dialogue.
La satire ménippée, comme le dialogue
socratique, prend naissance dans l'Antiquité. C'est une pratique de la
fusion entre la démarche philosophique, le fantastique et le «
naturalisme des bas-fonds.61» Il s'agit d'une
littérature carnavalesque, qui manifeste un vif intérêt
pour les contrastes et les contradictions, la mise en cause des idées
reçues.
La conception du roman de Bakhtine comme la seule forme
littéraire véritablement révolutionnaire, résulte
du fait que ce genre est le lieu où peuvent se faire entendre plusieurs
voix, formant ainsi une ouverture au dialogue. Le roman est doté d'une
capacité d'introduire et d'intégrer dans son entité toutes
sortes de genres et pratiques, tant littéraires
qu'extra-littéraires. Cette capacité de phagocyter d'autres
genres remonte à l'époque romantique, où la critique a
conféré au roman le statut de métagenre.
Dans le prolongement des études de Bakhtine, Julia
Kristeva définit l'intertextualité comme fondement de toute
textualité. C'est la façon par laquelle un texte s'insère
dans l'histoire. Pour mieux marier le dialogisme avec les conceptions de Tel
Quel, elle emprunte à d'autres théories. Par exemple, la notion
de transformation qu'elle tire de l'analyse transformationnelle de
61Mikhaïl Bakhtine, op.cit., p.171.
Chomsky62. Celle-ci permet de comprendre le texte
non seulement comme un réservoir de sens, mais surtout comme un
processus à l'oeuvre. Barthes insiste sur cette dimension : « Le
texte est un appareil translinguistique qui redistribue l'ordre de la langue en
mettant en relation une parole communicative visant l'information directe avec
différents énoncés antérieurs ou
synchroniques.63»
L'intertextualité est effectivement basée sur
cette idée de redistribution, de franchissement translinguistique, de
lien avec d'autres énoncés. Aussi des analyses de
Saussure64 sur l'anagramme, Kristeva conclut que « le texte
porte disséminés dans son tissu même des lambeaux d'un
autre texte ou d'un autre mot qu'il recompose en un sens
différent.65» Elle considère
l'intertextualité comme un processus indéfini, une dynamique
textuelle. Il s'agit moins d'emprunts, de filiation et d'imitation que de
traces souvent inconscientes, difficilement isolables. Le texte se
réfère non seulement à l'ensemble des écrits, mais
aussi à la totalité des discours qui l'environnent, au langage
ambiant.
Roland Barthes, de son côté, voit tout texte
comme un intertexte, parce que «d'autres textes sont présents en
lui, à des niveaux variables, sous des formes plus ou moins
reconnaissables : les textes de la culture antérieure et
62 Noam Chomsky, Structures syntaxiques, Paris, Seuil,
1969.
63Sophie Rabau, L'intertextualité,
Paris, Flammarion, 2002, p.57.
64 Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique
générale, Paris, Payot, 1972. 65Sophie Rabau,
op.cit., p.54.
ceux de la culture environnante. Tout texte est donc un tissu
nouveau de citations révolues.66»
Il est bien vrai que l'histoire de l'intertextualité
remonte à une théorie du texte, qui s'affirme tout au long du
XXème siècle. La notion d'intertexte n'a pu alors
s'imposer qu'une fois reconnue l'autonomie du texte. Car, en effet, le texte
cessant d'être référé à l'histoire et surtout
à l'auteur, l'interférence des oeuvres sera perçue comme
un moteur de l'évolution littéraire. L'avènement de la
notion d'intertextualité a bel et bien été
préparé par les théories poétiques des formalistes
russes. Ceux-ci ont ainsi contribué à recentrer le texte
littéraire sur lui-même, en refusant de l'expliquer par des causes
extérieures.
La définition de l'intertextualité par Kristeva
est également liée à son commentaire des oeuvres de
Bakhtine. Elle établit un parallèle entre le statut du mot,
dialogique, chez Bakhtine, et celui du texte. Comme le mot appartient à
la fois au sujet et au destinataire et qu'il est orienté vers les
énoncés antérieurs et contemporains, le texte est toujours
croisement d'autres textes qu'il absorbe et transforme à sa guise.
La notion d'intertextualité s'insurge, en effet, contre
une forme de lecture critique : la critique traditionnelle des sources.
Celle-ci vise à établir la part de l'influence, à situer
l'oeuvre dans la tradition littéraire, à relever quelle est
l'originalité de l'auteur. Voici ce que dit Rabau à ce sujet :
66Sophie Rabau, op.cit., p.59.
L'intertextualité n'est pas un autre nom pour
l'étude des sources ou des influences, elle ne se réduit pas au
simple constat que les textes entrent en relation (l'intertextualité)
avec un ou plusieurs autres textes (l'intertexte). Elle engage à
repenser notre mode de compréhension des textes littéraires,
à envisager la littérature comme un espace ou un réseau,
une bibliothèque si l'on veut, où chaque texte transforme les
autres qui le modifient en retour67.
Le rôle premier de l'intertextualité, dans ses
origines, se limitait bien à définir, à
caractériser la littérature et à analyser les
procédés littéraires. Plutôt que de comprendre le
texte littéraire en fonction d'objets extérieurs comme l'auteur
qui le produit, le monde qu'il imite ou l'oeuvre qui l'influence, il doit
être envisagé comme l'élément d'un vaste
système textuel. On doit l'interpréter en fonction d'un
réseau où il se trouve pris. « Au lieu d'obéir
à un système codifié [dit Tiphaine Samoyault]
l'intertextualité cherche davantage aujourd'hui à montrer des
phénomènes de réseau, de correspondance, de connexion, et
à en faire un des mécanismes principaux de la communication
littéraire.68» C'est «un processus de
remémoration qui est acte de lecture, un processus de reconstruction
identitaire délié des critères
véridictionnels.69» Ou simplement, «un travail de
commentaire qui n'a pas à s'autoriser d'une quelconque
vérité et qui, en ce sens, peut approfondir des pistes de
lectures.70»
En somme, les tenants de l'intertextualité ont retenu des
théories de Bakhtine, la possibilité de penser le lien du texte
littéraire avec la société, dans
67Sophie Rabau, op.cit., p.15.
68Tiphaine Samoyault,
L'intertextualité. Mémoire de la
littérature, Paris, Nathan, 2001, p.29.
69 André Lamontagne, op.cit., 2004, p.15.
70Sophie Rabau, op. cit., p.45.
24 les termes d'un dialogue verbal. Ici, le critique analyse
des procédés par lesquels un texte B s'approprie un ou plusieurs
textes A. Bref, il cherche à «expliquer comment un texte est
né d'un autre.71»
Comme l'a fait la narratologie avec les formes du
récit, la critique poststructuraliste des années soixante-dix et
quatre-vingt propose aussi des typologies systématiques de ces
procédés. Julia Kristeva, dans La révolution du
langage poétique 72 , insiste ainsi sur le
procédé de transposition, pour démarquer nettement
l'intertextualité de la critique des sources. Pour elle, le texte est
une combinaison de mots recueillis des textes antérieurs, susceptibles
d'être reconnus pour construire un texte nouveau.
L'intertextualité n'est donc pas un mode de lecture qui cherche à
faire la généalogie de l'oeuvre, en révélant les
différents emprunts. C'est la profondeur d'une mémoire collective
que confère au texte l'intertextualité ainsi définie.
Quant à la critique des sources, elle requiert une mémoire
individuelle. C'est ce que résume Sophie Rabau en ces termes :
[L]'intertextualité n'est pas la critique des sources.
Elle en diffère car elle se centre sur la transformation des sources qui
s'opère au sein même du texte au lieu de partir des sources
extérieures au texte, pour ensuite expliquer le texte.73
Toutefois, l'idée de privilégier l'étude du
texte en faisant ressortir les formes implicites de l'intertexte, au
détriment de l'auteur et ses sources, suscite
71Ibid., p.46.
72Julia Kristeva, La révolution du langage
poétique, Paris, Seuil, 1974. 73Sophie Rabau,
op.cit., p.7.
25 des opinions divergentes chez les théoriciens de
l'intertextualité. Ainsi Laurent Jenny affirme que
contrairement à ce qu'écrit J. Kristeva,
l'intertextualité [...] n'est pas sans rapport avec la critique des
"sources" : [elle] désigne non pas une addition confuse et
mystérieuse d'influences, mais le travail de transformation et
d'assimilation de plusieurs textes opéré par un texte centreur
qui garde le leadership du sens.74
Proposant de tracer les frontières de cette notion,
Jenny limite le sens de l'intertextualité. Il lui confère ainsi
le statut d'un outil d'analyse littéraire, un mode de lecture du texte.
Pour lui, on doit parler d'intertextualité seulement lorsqu'on est en
mesure de repérer dans tel texte des éléments
structurés antérieurement à lui, au-delà du
lexème, mais quel que soit leur niveau de structuration. Ce
phénomène de la présence dans un texte doit alors se
distinguer d'une simple allusion ou réminiscence.
Pour sa part, Michaël Riffaterre, définit
l'intertexte comme un « ensemble des textes que l'on peut rapprocher de
celui que l'on a sous les yeux [...] que l'on retrouve dans sa mémoire
à la lecture d'un passage donné. 75 » Il distingue ainsi
l'intertextualité aléatoire de l'intertextualité
obligatoire. Pour cette dernière,
le lecteur ne peut ne pas [la] percevoir puisque l'intertexte
laisse dans le texte une trace indélébile, une constante formelle
qui joue le rôle d'un impératif de lecture et gouverne le
déchiffrement du message dans ce qu'il a de littéraire,
c'est-à-dire son double décodage selon la
référence.76
74 Laurent Jenny, «La stratégie de la forme»,
Poétique, 27, 1976, pp.257-262. 75Michaël
Riffaterre, «L'intertexte inconnu», Littérature, 41,
1981, p.4. 76Michaël Riffaterre, op.cit., 1980,
p.4-18.
Quant à l'intertextualité aléatoire,
[elle]doit son nom au fait qu'elle est fonction de la
compétence du lecteur, de son degré de culture qui lui permet de
reconnaître dans un texte une allusion à un autre texte, une
citation non précisée, un passage plagié ou tout type de
rapprochement qu'un texte établit avec un ou plusieurs
autres.77
En peu de mots, elle relève de «l'arbitraire de la
culture du lecteur.78»
Dans Palimpsestes, Gérard Genette
établit une classification plus générale de pratiques
qu'il appelle transtextuelles, et non intertextuelles. Il définit la
transtextualité par « tout ce qui [...] met [un texte] en relation,
manifeste ou secrète, avec d'autres textes.79»
L'intertextualité n'est donc pas un élément central. C'est
une relation à côté de l'architextualité, la
paratextualité, la métatextualité et
l'hypertextualité.
L'architextualité est, selon Genette, la plus abstraite
et la plus implicite des relations transtextuelles. Elle désigne la
relation d'un texte aux diverses classes auxquelles il appartient. Pour
Delcroix, « [elle] détermine le statut générique
(roman, poème, etc.) d'un texte ; elle oriente l'horizon d'attente du
lecteur.80» En gros, l'architextualité vise
essentiellement à démêler ou à établir la
part de chaque genre dans une oeuvre ; c'est le rapport du texte aux genres
littéraires, mais « de pure appartenance
taxinomique.81»
La paratextualité désigne le rapport du texte
à ses marges, à son paratexte (ou péritexte),
c'est-à-dire tout ce qui se situe en dehors d'un
énoncé.
77André Lamontagne, op.cit., 1992,
p.29.
78 Éric Le Calvez, Texte(s) et inter-texte(s),
Amsterdam, Rodopi, 1997, p. 16-17. 79Gérard Genette,
op.cit., p.7.
80Maurice Delcroix et Fernand Hallyn,
op.cit., p. 129.
81Gérard Genette, op.cit., p. 12.
27 Le paratexte comprend un certain nombre de signes servant
à présenter, à encadrer, à isoler, à
introduire, à interrompre ou à clôturer un texte
donné. Il s'agit de
titre, sous-titre, intertitres ; préfaces, postfaces,
avertissements, avantpropos, etc. ; notes marginales, infrapaginales,
terminales ; épigraphes ; illustrations ; prière
d'insérer, bande, jaquette, et bien d'autres types de signaux
accessoires, autographes ou allographes, qui procurent au texte un entourage
(variable), et parfois un commentaire, officiel ou officieux, dont le lecteur
le plus puriste et le moins porté à l'érudition externe ne
peut pas toujours disposer aussi facilement qu'il le voudrait et le
prétend.82
La métatextualité est la relation de commentaire
qui s'établit entre tout texte avec «un autre texte dont il parle,
sans nécessairement le citer (le convoquer), voire, à la limite,
sans le nommer.83» La critique littéraire est la forme
la plus usitée de ce type de pratique littéraire.
Pour l'hypertextualité, la notion désigne,
« toute relation unissant un texte B ([...] hypertexte) à un texte
antérieur A ([...] bien sûr, hypotexte) sur lequel il se greffe
d'une manière qui n'est pas celle du commentaire.84» En
termes clairs, l'hypertextualité renvoie à tout
phénomène de transformation ou d'imitation d'un texte par rapport
à un modèle antérieur. Pour Rabau, il s'agit d'une «
imitation ou [...] transformation d'un texte premier ou hypotexte pour produire
un autre texte ou hypertexte.85» C'est bien ce que reprend
Delcroix, lorsqu'il dit que « si [un texte] B résulte [d'un texte]
A sans donner lieu à un commentaire, par transformation du sujet ou de
la manière, on parlera
82Sophie Rabau, op.cit., p. 71.
83Gérard Genette, op.cit., p. 11.
84Ibid., p. 13.
85Sophie Rabau, op.cit., p. 69.
d'hypertextualité.86» Bref, c'est une
notion générale du texte au second degré, ou tout texte
dérivé d'un autre texte préexistant.
Toujours dans Palimpsestes, Genette établit
les catégories hypertextuelles, en soulignant que la relation de
dérivation se présente sous forme d'imitation ou de
transformation. Il parle de cette dernière lorsque, pour aboutir au
texte B, la transformation n'affecte que la chose à dire et non la
manière dont elle est dite. On traite des sujets différents avec
le style semblable, on adopte une même manière de dire les choses
qui, elles, diffèrent. Dans pareil cas, la transformation est dite
indirecte, ce que Genette propose d'appeler imitation. Celle-ci «porte sur
la manière du texte original et suppose que l'on établisse une
matrice d'imitation, c'est-à-dire que l'on dégage les traits
stylistiques et thématiques propres à l'original pour pouvoir
s'en servir, potentiellement à l'infini.87» On parlera
cependant d'une transformation simple si, malgré la différence de
style, la manière ne peut faire oublier les ressemblances ou les
similitudes du thème.
Dans la typologie genettienne, l'hypertextualité couvre
le pastiche et la parodie. Cette dernière est une imitation stylistique,
ou un emprunt thématique à visée satirique. « La
parodie, dit Delcroix, modifie le moins possible le texte de base. 88 » On
parlera par contre de pastiche, dont la
86Maurice Delcroix et Fernand Hallyn,
op.cit., p. 129.
87Jacqueline Henry, La traduction des jeux de
mots, Paris, Presses Sorbonne nouvelle, 2003, p.291.
88Maurice Delcroix et Fernand Hallyn,
op.cit., p.130.
«caractéristique est donc de s'orienter vers le
divertissement89», si l'emprunt stylistique consiste en
l'imitation stylistique d'un texte préexistant, sans visée
satirique.
Il convient de souligner que chacune de ces deux types de
pratiques hypertextuelles est placée en relation avec le régime
sous lequel elle s'exerce et se constitue. Ainsi, le régime ludique
donne lieu au pastiche en tant que mode d'imitation, et à la parodie
comme mode de transformation. La charge comme mode d'imitation et le
travestissement comme mode de transformation se rangent sous le régime
satirique. Le régime sérieux, lui, comprend comme mode
d'imitation la forgerie, et la transposition comme mode de transformation.
La parodie, notons-le, retravaille ou transforme
sémantiquement l'hypertexte dans un but purement ludique en modifiant
non le style, mais le sujet. Pour le pastiche, il est une « imitation
[d'un style] sans fonction satirique.90» Outre le style,
«le pastiche imite [...] parfois aussi la thématique du
modèle et cherche donc à rendre l'unité du contenu et de
l'expression.91»
Avec le travestissement, il faut entendre une transformation
stylistique à fonction dégradante : « le contenu [de
l'hypotexte] se voit dégradé par un système de
transpositions stylistiques et thématiques dévalorisantes.
92» La charge qui, d'après Lamontagne, se
démarque du pastiche « en ce que sa
89Jacqueline Henry, op.cit., p. 292.
90Gérard Genette, op.cit., p. 38.
91Jacqueline Henry, op.cit., p.241.
92André Lamontagne, op.cit., 1992, p.
34.
fonction -la dérision - exige une exagération
plus marquée du style de l'auteur imité93 », est
une simple imitation satirique.
S'agissant de la transposition, elle n'est qu'une
transformation sérieuse d'un hypotexte, alors que la forgerie est une
«imitation transparente et sérieuse d'un hypotexte. Elle [...]
entend poursuivre ou étendre un accomplissement littéraire
préexistant. 94 » Ce qui est généralement
appelé intertextualité se divise, pour Genette, en deux
catégories distinctes : la parodie et le pastiche appartiennent à
l'hypertextualité, tandis que la citation, le plagiat et l'allusion
relèvent de l'intertextualité.
La citation consiste à convoquer, dans un texte, le
texte d'un autre que l'on signale par des marques discriminantes, par
opposition au plagiat qui est une citation non démarquée. Dans la
citation, un auteur, au sein de son texte, cite fidèlement et entre
guillemets, un extrait du texte d'un autre auteur en précisant l'origine
de son emprunt. Il prend bien soin de révéler le titre de
l'oeuvre et le nom de l'auteur. La citation se présente alors ici comme
une « mention littérale du texte cité et non simple
évocation.95» C'est, en bref, un emprunt licite.
Dans Les mots des autres, Lamontagne distingue
quelques catégories de la citation, dont la citation authentique qu'il
oppose à la citation paraphrasée. Il définit cette
dernière comme « tout fragment reconnu comme citation au moyen
d'indices linguistiques, typographiques ou sémantiques et qui subit
[...]
93Ibid.
94Jacqueline Henry, op.cit., p. 290. 95
Sophie Rabau, op.cit., p. 231.
une modification d'ordre paraphrastique. 96 » Il parle
aussi de la citation apocryphe, dont l'intérêt «réside
donc dans la fonction qu'elle remplit dans la dynamique de la
fiction.97»
Pour le cas du plagiat, il se distingue de la citation en ce
qu'il cite littéralement un texte étranger sans signaler sa
présence. Il y a absence de marques citationnelles. Le plagiat doit
s'entendre comme un emprunt soit thématique, soit stylistique non
avoué, c'est-à-dire sans référence aucune à
l'oeuvre d'origine, fait à une oeuvre littéraire
préexistante. Il est, en d'autres termes, une pure et simple
reproduction à l'identique, d'un extrait d'oeuvre littéraire ou,
simplement, un emprunt illicite.
Lamontagne relève aussi deux formes de plagiat, selon
qu'il repose sur les emprunts thématiques, actantiels et
diégétiques ou sur la reproduction stylistique des fragments du
texte plagié. Il s'agit là de ce qu'il appelle d'abord plagiat
hypertextuel, qui est « difficile à reconnaître de
façon certaine en raison de la possibilité d'une convergence
fortuite entre deux textes sur les plans actoriel, thématique et
diégétique.98» Il y a aussi le plagiat
intertextuel, qui « se résume en deux des modalités
possibles de la citation, soit la citation littérale non
déclarée et la paraphrase non
déclarée.99» Quant à l'allusion, elle ne
se rapporte pas à un passage précis du texte convoqué,
mais apparaît à travers un réseau d'indices plus ou moins
clairs.
96André Lamontagne, op.cit., 1992, p.
53.
97Ibid.
98 Ibid., p.77.
99Ibid.
On pourrait encore préciser que
l'intertextualité, qui désigne la « relation de
co-présence entre deux ou plusieurs textes100 », peut
également être considérée non plus comme un produit
de l'écriture, mais comme un effet de lecture. C'est une
herméneutique ; ce qui revient à dire qu'elle n'est pas un fait,
mais le résultat d'une interprétation ou, mieux encore, la
construction d'un lecteur.
En effet, c'est au lecteur qu'il appartient de déceler
l'intertexte. Il lui revient de faire travailler « sa mémoire, sa
culture, son inventivité et son esprit de jeu101» pour
le reconnaître et l'identifier. Sur ce, Riffaterre insiste aussi sur
l'idée que l'intertextualité doit être
repérée par un lecteur et, comme le souligne Rabau, « elle
est un effet voulu par l'auteur et appelle une reconnaissance et une
compréhension par le lecteur.102»
Dans la même optique, Umberto Eco103souligne
que tout lecteur est censé connaître d'autres textes qui existent
et qui nourrissent des textes nouveaux, affirmant ainsi qu'aucun texte n'est lu
indépendamment de l'expérience que le lecteur a d'autres textes.
C'est l'idée que reprend Kareen Martel104 qui ajoute que le
lecteur aborde toujours un texte avec l'expérience lectoriale qu'il a
accumulée.
100Gérard Genette, op.cit., p.8.
101Tiphaine Samoyault, op.cit., p.68.
102Sophie Rabau, op.cit., p. 34.
103Umberto Eco, Lector in Fabula ou la
coopération interprétative dans les textes narratifs, Paris,
Grasset, 1979.
104Kareen Martel, «Les notions
d'intertextualité et d'intratextualité dans les théories
de la réception», Protée, 33, 1, 2005, p.
93-102.
Toutefois, la conception de l'intertexte comme un effet de
lecture reviendrait à revendiquer et assumer la subjectivité de
la lecture. Dans Le plaisir du texte, Roland Barthes évoque les
embranchements générés par une mémoire
alertée par un mot ou un thème, à partir d'un texte
donné. Cet auteur avoue même que Proust est, pour lui, le prisme
à travers lequel il mène toutes ses lectures :
Lisant un texte rapporté par Stendhal (mais qui n'est
pas de lui), j'y retrouve Proust par un détail minuscule. [...]Ailleurs,
mais de la même façon, dans Flaubert, ce sont les pommiers
normands en fleurs que je lis à partir de Proust. Je savoure le
règne des formules, le renversement des origines, la désinvolture
qui fait venir le texte antérieur du texte ultérieur. Je
comprends que l'oeuvre de Proust est, du moins pour moi, l'oeuvre de
référence, la mathésis générale, le mandala
de toute la cosmogonie littéraire [...] ; cela ne veut pas du tout dire
que je sois un «spécialiste» de Proust : Proust, c'est ce qui
me vient, ce n'est pas ce que j'appelle ; ce n'est pas une
«autorité» ; simplement un souvenir circulaire. Et c'est bien
cela l'inter-texte : l'impossibilité de vivre hors du texte infini, que
ce texte soit Proust, ou le journal quotidien, ou l'écran
télévisuel : le livre fait le sens, le sens fait la
vie.105
En définitive, l'objet de l'intertextualité
n'est pas de repérer les emprunts, mais de tenter d'en cerner les
enjeux. Il ne suffit pas de découvrir ce que reprend un auteur.
L'intérêt, c'est de montrer ce qu'il fait des
éléments qu'il reprend. En examinant la façon dont une
oeuvre s'inscrit dans le sillage d'une culture, il est possible de
démontrer comment les valeurs propres à une certaine
époque nécessitent une relecture de l'intertexte. L'étude
intertextuelle dévoile non seulement la singularité d'une oeuvre
dans son époque, mais aussi l'évolution dans le temps d'un
thème ou d'une tradition.
105Roland Barthes, Le plaisir du texte,
Paris, Seuil, 1973, p. 50-51.
De toutes ces études sur la théorie de
l'intertextualité, le constat en est que : un texte n'existe jamais tout
seul. Il « n'est fait que des textes qu'il recompose [et] se trouve
à la jonction de plusieurs textes.106» D'une part, le
texte appartient le plus souvent à un ensemble plus étendu
d'autres textes qui entrent en concurrence avec lui, et qui servent à
lui imprimer son sens. D'autre part, il se dégage souvent dans un texte
de références culturelles comme des allusions,
réminiscences, pastiches, parodies, citations, transpositions ou
imitations, le tout tirant racine dans d'autres écrits.
En dépit des mises au point et des efforts de
classification de Genette, la notion d'intertextualité demeure un peu
complexe, multiforme et multidimensionnelle. Son caractère très
extensif permet de multiples interprétations, conduisant ainsi à
la révision ou aux nouvelles définitions du concept. En effet,
limitée aux seules relations que tel texte entretient avec d'autres
textes existants, l'intertextualité qui, naturellement, est
utilisée dans le domaine littéraire, rivalise avec
l'interdiscursivité dans le champ de l'analyse du discours.
L'interdiscursivité désigne ainsi «toutes relations entre
les textes et les discours reconnus comme textes : le discours historique,
médical, scientifique, etc.107» C'est l'étude des
relations qui relient une oeuvre littéraire aux divers discours.
Ainsi définie, l'interdiscursivité renvoie
«aux rapports plus larges que tout texte oral ou écrit entretient
avec les énoncés (ou discours) enregistrés dans
106Sophie Rabau, op.cit., p.21-22.
107Josias Semujanga, op.cit., 1999, p.29.
la culture correspondante et ordonnés selon une
idéologie. 108 » C'est une «interaction et influence
réciproque de différents discours circulant dans une instance
sociale donnée, incluant, cela va sans dire, celles-là qui ont
été choisies d'être ou de ne pas être reproduites
dans le texte.109» Quant à l'intertextualité,
faut-il le rappeler, elle est «circulation et transformation
d'idéologèmes, c'est-àdire de petites unités
signifiantes dotées d'acceptabilité diffuse dans une doxa
donnée.110» Pour Marc Angenot111,
l'interdiscursivité sert à convoquer diverses formes de discours
faisant partie du processus relationnel du texte littéraire avec les
idéologèmes. De la sorte, elle renvoie à
l'intertextualité ouverte à l'ensemble des discours sociaux qu'on
peut déceler dans les textes. Partant de là, il est
légitime de conclure que l'interdiscursivité se rapproche de la
transtextualité, qu'entend Genette par tout ce qui met un texte «
en relation, manifeste ou secrète, avec d'autres textes.
112» L'unique différence, disons d'ordre pratique, qui
se dessine entre les deux termes, est due au fait que Marc Angenot
procède à l'analyse des discours dans l'ensemble, alors que
Gérard Genette, au contraire, vise les liens entre les textes
littéraires uniquement.
D'après Lamontagne, toute pratique interdiscursive
exige qu'il y ait divers textes qui entrent dans le processus de structuration
du texte et la circulation générale des
idéologèmes. D'où l'analyse de l'interdiscursivité
au
108Éric Le Calvez, op.cit., p. 24.
109M.-Pierrette Malcuzynski, Entre-dialogues avec
Bakhtin ou sociocritique de la (dé)raison polyphonique, Amsterdam,
Rodopi, 1992, p. 53.
110Ibid.
111Marc Angenot, «L'intertextualité :
enquête sur l'émergence et la diffusion d'un champ
notionnel», Revue des sciences humaines, 189, 1,1983, p.
121-135.
112Gérard Genette, op.cit., p.7.
36 sein d'un texte donné sera possible seulement si ce
dernier procède par imitation ou transformation d'un discours fort
marqué par le pastiche, soit de genre, soit de discours.
Pour conclure ce chapitre consacré à la
théorie de l'intertextualité, rappelons que cette notion
s'étend sur un champ vaste de la critique textuelle. Partant de sa
naissance, nous avons présenté différents points de vue
des théoriciens. Malgré la divergence de leurs opinions et la
complexité du concept, ils considèrent tous
l'intertextualité comme un outil privilégié de l'analyse
des textes, étant donné qu'elle permet de penser la
littérature comme un système qui échappe à une
simple logique causale. Selon Rabau, « les textes se comprennent les uns
par les autres et chaque nouveau texte qui entre dans ce système le
modifie, mais n'est pas le simple résultat des textes
précédents.113» Et pour Jacques Poulin,
il ne faut pas juger les livres un par un. [...] il ne faut
pas les voir comme des choses indépendantes. Un livre n'est jamais
complet en lui-même ; si on veut le comprendre, il faut le mettre en
rapport avec d'autres livres, non seulement avec les livres du même
auteur, mais aussi avec des livres écrits par d'autres personnes. Ce que
l'on croit être un livre n'est la plupart du temps qu'une partie d'un
autre livre plus vaste auquel plusieurs auteurs ont collaboré sans le
savoir.114
Dans la partie qui va suivre, nous allons mettre L'ivrogne
dans la brousse en relation avec d'autres écrits pour mieux le
comprendre, après avoir situé l'auteur dans l'environnement
littéraire africain de son époque.
113Sophie Rabau, op.cit., p.15.
114Jacques Poulin, Volkswagen Blues,
Montréal, Leméac, 1988, p.186.
CHAPITRE II AMOS TUTUOLA DANS L'UNIVERS
LITTÉRAIRE AFRICAIN
2.1. Analyse de L'ivrogne dans la brousse
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