CHAPITRE I : Les cas de rattachement
Le statut de l'étranger s'est nécessairement
élaboré en même temps que celui du citoyen. Définir
« celui qui est » implique, par défaut, de pouvoir le
distinguer de « celui qui n'est pas ». Dans la Grèce antique,
l'étranger était désigné par le terme de
métèque, dont l'étymologie nous apprend qu'il signifie
« celui qui habite avec ». Homme libre, il est certes
protégé par les lois de la cité mais ne peut participer
à la vie politique ni même posséder des biens
immobiliers.
Cette réalité antique est loin d'être
dépassée (même si elle a quelque peu évolué)
de nos jours où l'étranger est désigné par le nom
de son ethnie ou de l'ethnie de ses concitoyens (les Burkinabé de
Côte d'Ivoire sont appelés Mossi) ou par sa nationalité
d'origine (les Noirs sont appelés de façon générale
Africains en Occident) ou tout simplement immigré. Dans tous les cas, il
s'agit de distinguer les expatriés des nationaux. Cette tendance aurait
dû être aussi observée du côté de
l'étranger qui, à travers un certain comportement montre son
attachement à son pays d'origine. De ce fait, le rattachement peut
être exprimé diversement.
Dans ce chapitre, distinction sera faite entre les expressions
courantes d'affectivité (section I) qui traduisent la conscience et le
fait de revendiquer l'identité nationale et les retours
périodiques et autres organisations formant la vie associative (section
II) servant de lien avec la nation burkinabé.
Section I : Les expressions courantes
d'affectivité
Il est utopique de croire que c'est chose aisée de
rester soi-même dans un pays qui n'est pas le sien. Néanmoins,
nombre de Burkinabé font cet effort qui, au-delà de leur
fierté personnelle, honore l'identité nationale. Ils expriment
leur rattachement au Burkina Faso non seulement par l'usage des langues
nationales et par le mode vestimentaire (paragraphe I), mais aussi par les
plats alimentaires (paragraphe II).
Paragraphe I : L'usage des langues nationales et le
mode vestimentaire
- La langue
L'utilisation de la langue dans la vie courante peut
être interprétée comme un signe d'attachement au pays
d'origine parce qu'elle rappelle l'ethnie à laquelle on appartient. Elle
peut s'effectuer dans le cadre familial, associatif ou des manifestations
culturelles ou artistiques.
Dans le cadre familial, il s'agit de parler et d'apprendre
à parler aux enfants la langue qui exprime l'identité nationale.
Parmi les symboles des grands peuples, figurent la religion, la culture et la
langue (écrite et orale). Si de nos jours, à cause du fait
colonial il est difficile pour les peuples de conserver leurs religions et
souvent même leur culture, au niveau des langues il n'en est pas de
même. Les peuples africains en général et le peuple
burkinabé en particulier sont connus pour leur tradition orale. C'est
donc dire qu'à défaut de l'écriture qu'ils n'ont plus, ces
peuples ont la responsabilité morale de perpétuer la langue du
moins par le parler. Des entretiens réalisés auprès des
Burkinabé de l'étranger, il ressort que la grande majorité
sinon la totalité de la communauté parle la langue maternelle
à domicile.
Dans le cadre associatif la volonté de parler la langue
nationale existe et est entretenue mais elle est inhibée du fait de la
multiplicité des langues nationales. Il s'avère difficile voire
impossible de faire le choix d'une langue, soit-elle majoritairement
parlée, au risque de faire des exclus alors que la tendance est de
rassembler autour de la fibre patriotique. Il est plutôt courant de faire
usage de la langue française comme langue de conversation commune.
Concernant les manifestations culturelles et artistiques, il
faut remarquer que le Burkina Faso est un pays riche en culture. Cette
diversité culturelle se retrouve effectivement hors des
frontières du pays pour former la culture burkinabé. Chaque
peuple ayant sa culture utilise librement la voie d'expression de cette
culture. Ainsi la musique faite et/ou écoutée par les
Burkinabé de l'étranger est
souvent chantée dans le patois local ou dans d'autres
langues universelles comme le français ou l'anglais. Il est par exemple
heureux d'entendre sur les ondes ou dans des boites de nuit et autres espaces
d'ambiance de la musique chantée en more comme le font certains groupes
musicaux assez célèbres comme le groupe ivoirien Magic System et
le groupe ghanéen Zuguz & Chaka Beat (Assana et Fouseina). Il en est
de même de la musique « made in Burkina » que l'on
entend sur des ondes étrangères ou qui est écoutée
et dansée dans des pays étrangers. Cela fait la fierté du
Burkina. La diaspora montre son rattachement en faisant la promotion de la
culture burkinabé.
La culture ne s'exprime pas seulement que par la langue ; elle
s'exprime aussi par un mode vestimentaire identifié comme appartenant
à un peuple donné.
- Le mode vestimentaire
S'agissant de mode vestimentaire qui distingue le peuple
burkinabé, on en compte un certain nombre. A la question «vous
sentez-vous Burkinabé et fier de l'être dans votre pays d'accueil
? », un cadre d'un institut de renom à Dakar au
Sénégal répond par l'affirmative. A la question suivante
« et comment exprimez-vous votre identité nationale ? »
il dit « (...) et j'adore le faso danfani que je porte
à chaque occasion ».
Par ailleurs, dans un reportage sur les conditions de vie des
Burkinabé d'Abidjan, on peut lire dans les colonnes de la presse
« l'univers des ressortissants burkinabé vivant à
Abidjan dans les zones incertaines est peu enviable (...). Cependant,
ce qui nous plaît le plus à Abidjan c'est la vue de ces femmes
burkinabé avec leurs foulards aux oiseaux noués sur la
tête. Que vous soyez à Koumassi ou à Yopougon, au
Plateau ou à Marcory ça vous fait vraiment chaud au coeur de voir
ces femmes exprimer fièrement leur burkindlem20. Plus qu'un
phénomène de mode, le fameux lwili peende21 est devenu
un signe identitaire. »22
20 Mot en langue nationale more qui signifie en
substance «nationalisme burkinabé»
21 Foulard de couleur rouge au motif d'oiseaux en
blanc porté par les femmes burkinabé
22 Cf. L'Observateur Paalga n°7249 du mercredi 29
octo bre 2008, page 15
Certains modes vestimentaires sans être typiquement
burkinabé montrent néanmoins l'appartenance au continent
africain. Il s'agit par exemple du pagne ou du Bazin et de leurs
dérivés (chemises, boubous, foulards ...).
Ce sont des habillements qui sont utilisés couramment
ou à des occasions spéciales comme les rencontres et fêtes
communautaires, les cocktails, les dîners, etc. suivant la profession et
le milieu. Les membres des missions diplomatiques et consulaires
burkinabé sont connus dans ce sens.
A en croire le témoignage de certains Burkinabé
de l'étranger, nombreux sont ceux d'entre eux qui arborent
fièrement des vêtements aux couleurs, aux armoiries et même
au nom du Burkina Faso.
Il faut cependant rappeler que ces modes distinctifs ne sont
utilisés que par les immigrés qui ne craignent ni d'être
expulsés ni de se faire spolier voire lyncher ou d'être victimes
de discrimination liée à leur origine. Cette quiétude
n'étant pas la chose la mieux partagée, il reste que peu
d'immigrés burkinabé s'exhibent de la sorte.
Un dicton populaire dit que la copie n'est pas et ne peut
être égale à l'original. Pour ce faire, ce n'est pas en
imitant le comportement vestimentaire de quelqu'un sur son sol que l'on pourra
l'impressionner. Ca sera simplement chercher à lui ressembler et non
à se distinguer. C'est donc exprimer son identité et son
affection à son pays et à son peuple que de s'habiller
Burkinabé.
Outre l'habillement, d'autres facteurs identifient les
Burkinabé de l'étranger à leur pays d'origine. Il s'agit
entre autres des recettes culinaires.
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