Introduction
L'économie du Sénégal est largement
tributaire du secteur agricole. Ce dernier absorbe à lui seul 70% de la
population active et participe jusqu'à 25% du PIB (Produit
Intérieur Brut). Nonobstant, cette importance de taille, ce secteur est
compromis ; ceci du fait de l'accentuation d'un certain nombre de contraintes
comme la baisse de la pluviométrie, la salinisation des terres et le
caractère extensif des exploitations.
Les techniques culturales comme l'amendement des sols sont
utilisées à un degré très faibles d'où
l'appauvrissement progressif des superficies exploitées. Dés
lors, pour prétendre à un accroissement de sa production, le
paysan sénégalais est souvent obligé de jouer sur
l'extension des surfaces agricoles.
Signalons entre autre que ce facteur terre n'est pas à
l'abri des problèmes. Il est surtout caractérisé par un
facteur menaçant qui est la dégradation des sols liée
à la remontée capillaire des eaux salées et dans de
secondes mesures à l'action anthropique.
Dans les zones comme la Casamance et le Sine Saloum, cette
dégradation se manifeste en grande partie à travers la
disparition du couvert végétal, l'augmentation de la superficie
des tannes. S'agissant de notre zone d'études en l'occurrence la
communauté rurale de Latmingué et de Ndiaffate, (cf.
carte n°1) les effets de la salinisation sont négatifs sur
le cadre de vie des populations avec des degrés variés en
fonction de la proximité avec les tannes ou l'intensité de
l'évaporation est forte. On peut citer entre autres, l'appauvrissement
des sols, la baisse des rendements agricoles et ses corollaires sur la
qualité de vie des paysans.
Pour mieux saisir les contraintes engendrées par les sels
et les stratégies locales mises en place, ce présent travail est
scindé en deux parties :
- La première partie consiste à mettre en
évidence les chapitres I, II, III et IV.
Il s'agit de traiter la problématique, la
méthodologie, le cadre conceptuel et le cadre opératoire.
- En dernier lieu, nous allons présenter les zones
d'étude et les résultats de notre
recherche. Nous terminons cette partie, sur la base des
résultats obtenus, en formulant des perspectives de recherches.
Chapitre I- La Problématique
La salinisation des tannes met en évidence une cause
principale d'ordre naturel (sécheresse) et une cause aggravante
directement liée à l'action anthropique. En zone aride, des
précipitations faibles et occasionnelles, induisent un drainage des eaux
nettement déficitaire pendant la plus grande partie de l'année :
les écoulements superficiels (bras de mer, marigots) ou hypodermiques
qui sont les lieux privilégiés de manifestations salines dans les
sols. L'importance de ces phénomènes dépend des apports
hydriques et du bilan évaporatoire imposé par le climat.
Le bilan évaporatoire ou différence entre
l'évaporation et les précipitations varie dans de larges mesures
depuis des valeurs inférieures à 300 mm jusqu'à des
valeurs supérieures à 1000 mm. Dans les zones désertiques
extrêmes arides, il est positif toute l'année avec des
épisodes pluvieux dont les effets sont rapidement effacés.
Des études menées au Sénégal entre
les années 1940 et 1970 dans les niveaux fluviomarins n'ont
révélé que l'existence des sols halomorphes
(Massibot et Al. 1946,
Charreau 1963, Maignieu 1965). Les sols
sulfatés acides ont été identifiés avec les
études menées par Beye (1972), et
Marius (1985).
Dans le Bassin arachidier (Sine Saloum), le
phénomène a eu comme conséquence l'hypersalure de la nappe
phréatique qui varie en fonction de la pente des écoulements,
mais surtout de la texture du sol qui subit les infiltrations capillaires.
La salinité des eaux de surface est presque deux
à trois fois plus élevée que celle de l'eau de mer qui
pénètre dans les estuaires avec une insuffisance du lessivage et
de la chasse d'eau salée et une forte évaporation. Mais les
relatives améliorations de la pluviométrie n'ont pas
été accompagnées d'une chute significative de la
salinité des eaux. Cette chute du niveau des nappes douces
superficielles a de graves conséquences sur la salure. En effet, les
eaux de surface et les nappes salées qui les bordent se sont
trouvées à l'échelle de la Sine Saloum à une
entité topographique supérieure à celle des nappes. La
remontée des nappes salées a induit une salure des sols des zones
basses atteignant souvent des teneurs supérieurs au seuil de
tolérance des espèces végétales halines. Les sols
du domaine des tannes du Sine Saloum se caractérisent par une grande
hétérogénéité due à
leur morphologie et à leurs propriétés physico-chimiques.
Leurs caractéristiques sont étroitement liées à la
topographie, au type de matériaux et à l'hydrologie en place.
Leur évolution pédogénètique actuelle est une
conséquence de la sévère sécheresse qui a
régné sur l'ensemble du Sénégal en particulier dans
la zone soudano-sahélienne. La sursalure, peu répandue avant les
années 1970, a vite atteint tous les sols depuis les terrasses jusqu'au
glacis de raccordement. Il ya migration verticale des sels par remontée
capillaire de la solution du sol ou de la nappe phréatique peu profonde,
sous l'action des phénomènes d'évaporation intense due aux
températures très élevées (25°c - 40°c)
et qui maintiennent pendant 8 à 9 mois un profil salin ascendant.
L'accumulation des livraisons salées transportées par les vers
favorise la dégradation des zones couvertes de
végétation.
A cause de ce processus, les sols restent sursalés
pendant presque toute l'année. Néanmoins, on observe pendant
l'hivernage, un dessalement des sols sableux des glacis de raccordement des
levées sableuses et des sols des hautes terrasses à topographie
plane grâce aux eaux de pluies. C'est le constant de tous les
problèmes liés à la salinisation qui a aboutit à la
mise en place de digue anti-sel ou de micro projets. Ces micro-projets ou
digues nécessitent un financement de plusieurs montants de franc qu'il
faut rentabiliser.
Aussi la mise en place de tels ouvrages doit entrainer
nécessairement un aménagement adéquat des vallées
voire un remembrement des terres. Mais au moment où l'Etat se
préoccupe de la politique de maitrise de l'eau pour lutter contre la
sécheresse et développer l'agriculture ( NPA, Plan REVA,
programme GOANA, etc.) dans le pays afin de parvenir à une
sécurité alimentaire, un débat avait opposé deux
courants de pensées des décideurs.
Les uns pensaient à la réalisation de
très grands ouvrages pour propulser le développement sur le plan
macro-économique en comptant sur la coopération régionale
et sous-régionale, tandis que d'autres optent pour la réalisation
de micro barrages nécessitant un moindre coût facilement
maitrisables par les populations à la base.
Concernant les zones où se situe notre cadre
d'étude en l'occurrence les Communautés rurales (CR) de
Latmingué et de Ndiaffate, des études précédentes
ont
révélées l'évolution du
phénomène de dégradation sous l'effet des eaux salines. En
2002, des études menées par la collectivité locale de
Latmingué dans le cadre du Plan Local de Développement (PLD) en
collaboration avec les stagiaires de l'Ecole Nationale d'économie
Appliquée (ENEA) et le PAGERNA, ont montré, que des
ménages subissent l'effet de la salinisation des terres par une baisse
de 10 à 15% de leur rendement habituel.
La proximité de celles-ci avec le bras de mer favorise
l'avancée des eaux salées vers les terres agricoles. Ce processus
renforcé par la surexploitation des terres constituent une contrainte
énorme pour les paysans et réduisent considérablement les
rendements agricoles et de façon progressive la dégradation des
conditions de vie.
La conjonction de ces contraintes entraine un exode de plus en
plus important des jeunes actifs vers les grandes villes. Ceci devient
problématique pour les autorités locales, les partenaires au
développement avec tous ses corollaires sur la productivité
agricole. C'est dans ce contexte que des microprojets pilotés par des
Organisations Non-Gouvernementales (ONG) ont pour objectif premier
d'améliorer le système de production par la mise en oeuvre de
pratiques fertilisant les terres. Il s'agit entre autres pour certaines zones
du Sine-Saloum, de reconstituer les mangroves susceptibles de freiner la
remontée saline dans les terres arables.
Aussi, certaines ONG avec les autorités locales se
fixent comme objectifs de réduire les déplacements des jeunes qui
sont la main d'oeuvre par le financement de quelques activités
génératrices de revenus. Dans la même dynamique des
activités de reboisement sont organisées afin de
régénérer le couvert végétal.
Toutefois, en dépit des efforts consentis dans le sens
de la lutte contre la progression saline pour une production agricole
conséquente, des difficultés persistent encore. Les effets de la
salinisation sont encore sentis par les populations traduisant par une
décroissance de la productivité.
La dynamique de dégradation dépasse largement les
capacités des services administratifs et de leurs moyens même
si ceux-ci sont sensiblement accrus ; les
campagnes de reboisement enregistrées dernièrement
dans la CR de Latmingué remontent en 2003, alors que les coupes de bois
sont quotidiennement constatées. Cependant une conscientisation du
problème a permis, dans certains villages, la mise en place d'une
stratégie locale de lutte par la mise en défens dont les impacts
gagnent peu de terrain. Par ailleurs, ce cortège de problèmes qui
émane de la dégradation des terres dans les zones en
étude, nécessite une analyse approfondie, en vue de lutter
efficacement contre ce phénomène.
Il convient à cet effet, pour une meilleure prise en
compte des préoccupations des populations de la localité
d'impliquer celles-ci dans les différentes phases du projet de
désalinisation entamé par l'Etat. Cette même raison qui
consiste à atteindre les objectifs de promotion agricole doit être
élargie dans les rapports entre les projets et programmes qui oeuvrent
dans ce sens.
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