Section 2 : Valorisation des entreprise et
critères de décision :
Dns cette section, nous allons essayer de reprendre sans trop
détailler, les techniques utilisées par l'investisseur en capital
investissement pour la valorisation de l'entreprise à financer, puis,
nous préciserons les critères sur lesquels il se base pour
formuler ses décisions.
I. La valorisation de l'entreprise :
L'évaluation des entreprises demeure, aujourd'hui, l'un
des problèmes financiers les plus complexes. En effet, la
démarche à suivre est directement liée à
l'idée que l'on se fait et à la définition que l'on se
donne de l'entreprise. Cette dernière peut être
considérée comme un ensemble d'actifs matérialisés
par le patrimoine industriel et immobilier. A partir de cette
définition, différentes méthodes d'évaluation ont
été proposées, s'appuyant soit sur le concept patrimonial
soit sur celui de la rentabilité ou des flux, soit sur une combinaison
des deux approches.
L'évaluation doit aboutir à deux constats
essentiels :
- La participation en pourcentage du capital investisseur lui
assurant une position minoritaire.
- La possibilité de réaliser des plus-values
à la sortie
Ces méthodes d'évaluation sont en constante
évolution et dépendent de plus en plus des nouveaux produits
financiers73 , elles diffèrent selon le cas, qu'il s'agisse
d'une entreprise en création ou d'une entreprise déjà
créée.
1.1. La valorisation d'une entreprise en création
:
Les entreprises en création sont confrontées
à un double problème ; le premier est que les fondateurs doivent
détenir suffisamment de capital pour être majoritaire et conserver
ainsi leur position le plus longtemps possible ; le deuxième est qu'ils
doivent collecter suffisamment de ressources pour boucler le plan de
financement afin d'assurer le succès de l 'entreprise.
Durant cette phase, l'intervention du capital investisseur peut
s'opérer de deux manières différentes :
L'entrée au pair : En l'absence d'un
passé comptable, le capital investisseur retient comme valeur de
l'entreprise en création son capital social. Il souscrira alors, de la
même façon que les fondateurs, des actions en numéraire
pour leur valeur nominale.
Cependant, si le montage financier de l'affaire veut que les
financiers soient minoritaires, leur participation peut être
volontairement limitée, toute autre apport se fera sous forme de
<< comptes courants associés ».
L'entrée avec paiement d'une prime
d'émission 74: les investisseurs souscrivent des actions
en numéraire à une valeur supérieure à leur valeur
nominale.
73 Intervention de la théorie des options
dans l'évaluation des entreprise, en particulier, des start-up
innovantes pour plus de précision voir l'article de : M Chérif et
Bareto, << valorisation des start-up >> ; les options
réelles >>, BANQUE STRATEGIE , mars 2001, pp. 11 à
14.
74 La prime d'émission à pour but
d'assurer l'égalité entre les anciens et les nouveaux
actionnaires.
Tout apport effectué par l'entrepreneur à la
société ; un savoir faire particulier, un marché, un
brevet déposé ou tout autre actif valorisable, fera l'objet d'une
estimation par un commissaire aux apports, le capital investisseur entrera dans
le capital de l'entreprise en payant une prime d'émission, puisque, la
valeur de l'entreprise aura progresser par conséquent.
Dans la plupart des cas de création d'entreprise dans
les secteurs à fortes intensités capitalistiques telles que les
biotechnologies et l'électronique, le capital investisseur se retrouve
majoritaire, vu les sommes importantes nécessaires au démarrage
de l'affaire. Cependant, l'entrepreneur et son équipe pourront renforcer
leur position au fur et à mesure que l'entreprise génère
des bénéfices, ils pourront, alors utiliser les stock-option ou,
encore, les bon de souscription d'actions75 qu'il percevront au
cours du développement de l'entreprise.
1.2. La valorisation d'une entreprise déjà
existante :
L'évaluation de l'entreprise est souvent une question de
points de vue, fortement subjective et divergeant selon les hypothèses
de bases retenues.
Pour les entreprises non cotées, l'évaluation se
base sur des éléments objectifs prenant en compte le passé
comptable et financier de l'entreprise ainsi que des prévisions sur les
résultats futurs dont la réalisation est incertaine leur
conférant donc un caractère subjectif. Pour l'investisseur,
l'entreprise est un capital qui génère des revenus, ce pourquoi
le capital investisseur retient la valeur de ce capital (situation nette
comptable ou réévaluée) ou la capitalisation des flux de
revenus passés, présents et futurs. L'investisseur en capital
peut, aussi, utiliser des méthodes comparatives de valorisation telles
que l'analyse du PER des entreprises comparables à celle
financées.
Dans ce cas, les méthodes les plus couramment
utilisées par les capital-investisseurs sont : 1.2.1. Les
méthodes patrimoniales :
Elles sont au nombre de trois, l'actif net comptable, l'actif
net comptable corrigé et l'actif net avec la prise en compte du
goodwill. Elles constituent par leur simplicité des approches
privilégiées pour beaucoup d'évaluateurs.
Leur fondement essentiel est, comme leur nom l'indique, une
approche en terme de valorisation des différents éléments
patrimoniaux qui composent la firme, aussi bien en actif (équipements,
matériel, immeubles) qu'en passif (dettes). De ce fait la valeur de
l'entreprise n'est que la somme de la valeur individuelle de ses
éléments constitutifs.
1.2.2. la valorisation par la rentabilité
:
Cette méthode reproche à celles patrimoniales leur
caractère statique.
Même si la méthode du goodwill introduit une
certaine dynamique dans la méthode de l'actif net corrigé en
proposant des solutions quand à l'évaluation des actifs
incorporels, la rentabilité de l'entreprise reste, toute fois,
inexplorée.
Prime d'émission = prix d'émission (prix de
souscription des actions à l'émission) - valeur nominale (montant
du capital social /nombre d'actions composant le capital).
75 Voir infra p.80;
Les méthodes prospectives et dynamiques ont
été développées afin d'apprécier la valeur
de l'entreprise en tenant compte de la gestion future du projet et des
prévisions de rentabilité. Parmi ces techniques nous citerons :
la capitalisation de l'EBIT76 ou de l'EBITDA77, la
capitalisation des cash-flow et la capitalisation des cash-flow
actualisés.
1. présentation des méthodes de
valorisation 78:
Pour chaque méthode, nous avons présenté
:
- la formule de calcul de la valeur de l'entreprise ;
- la facilité d'utilisation de la méthode
(attribution d'une note de 1 à 5) ;
- le(s) stade(s) de développement du projet au(x) quel(s)
cette méthode est adaptée;
i. création ;
ii. préfiguration et lancement commercial ;
iii. croissance de l'entreprise.
Nom de la méthode
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présentation
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Stade79
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Facilité d'utilisation
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Situation nette comptable (SNC)
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La situation nette comptable correspond à l'actif de la
société diminué du montant des dettes, c'est-à-dire
le capital apporté additionné des bénéfices mis en
réserve. Généralement, on valorise une
société en multipliant la situation nette comptable par un
coefficient compris entre 1 et 3.
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1 à 3
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1
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Situation nette réévaluée (SNR)
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SNR = Actif réévalué - Dettes.
L'actif réévalué suppose une
réévaluation des immobilisations, de l'actif circulant (stock,
créances) et des éléments de passif. On multiplie cette
situation nette réévaluée par 1 à 3 pour valoriser
l'entreprise.
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4
|
5
|
Méthode de l'EBIT ou de l'EBITDA
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EBTT = Résultat net + Intérêts + Taxes +
éléments exceptionnels = résultat d'exploitation -
participation des salariés - amortissements et provisions
EBITDA = Résultat net + Impôts + amortissements
et provisions + Intérêts + éléments exceptionnels =
résultat d'exploitation - participation des salariés
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3 et 4
|
2
|
76 Earning Before Interests and Taxes.
77 Earning Before Interests, Taxes, Depreciation and
Amortizations.
78 PALANCA-PASTOR Gildo et a, Business Angel ; une
solution pour financer les start-up, Ed d'Organisation, Paris. 2000, pp.
197 à 199.
79 Le stade de développement du projet auquel
le projet est adapté :
1 : création, 2 : préfiguration et croissance
commerciale, 3 : croissance de l'entreprise, 4 : maturité de
l'entreprise.
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On multiplie ces soldes par 4 à 6.
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|
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Capitalisation des cash-flows
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MBA = amortissements + provisions + résultat net On
multiplie par 3 à 6 les cash- flows de l'entreprise.
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2 et 3
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3
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Méthode de l'actif net avec prise en compte du goodwill
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La valeur de l'entreprise correspond à
l'actif net additionné du goodwill.
Le calcul du goodwill et de l'actif net comptable sont
détaillés au pied du tableau.
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2-3
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3
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Méthode des cash-flows actualisés
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Fondée sur la trésorerie, cette
méthode évalue l'entreprise en fonction de sa
capacité à générer des cash-flows.
La formule qui permet de calculer ce qu'on appelle les free cash-flows ou PCF
est la suivante :
PCF = (EBE * (1 - IS) + (DAP * 1S) - (Investissement +
Variation BFR).
Valeur de l'entreprise = S (FCF/ (1+i)1). Cette
valeur est calculée sur un certain nombre d'années et i
représente le taux d'actualisation des cash-flows année
après année.
Le détail de la formule est repris au pied du tableau.
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2 à 4
|
3
|
Méthode du PER (Priée Earning Ratio)
|
Le PER est un multiple du résultat net. Le PER est
également l'inverse du taux d'actualisation attendu.
On le compare généralement avec les PER
d'entreprises cotées du même secteur.
PER = l / (taux d'actualisation attendu). Valeur de l'entreprise
= PER* résultat net.
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2 à 4
|
1
|
Pour la méthode du goodwill :
L'actif net corrigé (ANC) = actif - dette.80
Le goodwill (GW) = ?t = 1 ... n (B - i * ANC) /
(1 + r) t où :
(B - i * ANC) : sur valeur de l'année n.
B : bénéfice de l'année n.
80 A la différence de l'Actif Net, ces comptes
sont réajustés pour tenir compte des disparités qui
peuvent apparaître entre l'image comptable de l'entreprise et sa
réalité comptable et financière.
I : le taux de placement. Généralement le taux du
marché obligataire. n : est la période d'actualisation.
Pour la méthode de free cash-flow :
EBE : Excédent Brut d'Exploitation = Résultat
d'exploitation + DAP
IS : Impôt sur les Sociétés.
DAP : Dotation aux amortissements et aux prévisions.
S : Somme pour t = 1 n où n est le nombre d'années
considérées pour l'actualisation.
II. Les critères de prise de décisions
:
A ce stade des relations entre investisseur et entrepreneur,
le capital investisseur a déjà un pied dans le projet qui lui a
été soumis. La probabilité de rejet est très faible
,sauf risque majeur, mais il devra, toutefois, prendre une décision
définitive quant à son engagement.
L'étude du business plan révèlera cinq
principaux critères de décision sur lesquels se basera le capital
investisseur dans sa prise de décision finale : le management, le couple
produit/marché, stratégie, les aspects financiers et les
possibilités de sortie.
1. le management :
Le capital investissement attache une très grande
importance à la qualité des hommes ; non seulement leurs
individualités et la valeur ajoutée que pourrait apporter chaque
membre de l 'équipe, mais, aussi, la cohérence qu'il
dégage et leur force d'équipe.
Les Américains sont à cheval sur ce genre de
critères, ils affirment qu'il suffirait d'un business plan et d'une
fiche de référence pour décider d'un investissement.
Le jugement des hommes demeure néanmoins très
difficile lorsque le capital investisseur se retrouve face à un jeune
entrepreneur tout fraîchement sorti d`un laboratoire ou tout simplement
face à des entrepreneurs sans expérience entrepreneuriale mais
affichant néanmoins une très grande
volonté.
2 . le couple produit/marché :
Le capital investisseur a pour principal souci de mettre sur
un marché porteur un produit ou un service de qualité. En effet,
si le produit promu est trop sophistiqué et jugé trop complexe
pour le client, il lui sera difficile, voir impossible de trouver un
marché.
D'autre part, le marché auquel le produit est
destiné doit être d'une taille optimale. En effet, si le
marché est trop petit l'entreprise risque de s'y s'étrangler car
la rentabilité qu'elle génère ne couvre plus ses
investissements. Par ailleurs, si le marché est trop vaste, l'entreprise
risque de se perdre face à ses concurrents.
En fin, le capital investisseur prendra le soin de
vérifier que le taux de croissance de l'entreprise fiancée est
supérieur à celui du marché dans lequel elle est
destinée à évoluer
3. la stratégie :
La stratégie adoptée par l'entrepreneur doit
être adaptée à ses ressources, tant humaines que
financières, et étudiée sous ses divers aspects :
aspect industriel et économique : inclus le choix qu'aura
l'entrepreneur à faire quant au recours à la sous-traitance.
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Aspect commercial : l'entrepreneur doit justifier les moyens
de ses objectifs commerciaux, il optera ainsi, soit pour l'emploi de ses
propres réseaux commerciaux, soit pour le recours à des agents
externes de concession.
Si l'entrepreneur a l'intention d'investir des marchés
étrangers, il devra commencer par l'implantation d'agents commerciaux
à l'étranger puis par la création de filiales.
|
Dans le cas de produit innovant, l'entreprise doit
élargir au maximum son marché par sa commercialisation dans les
points de vente de grandes consommation.
4. les aspects financiers :
Le capital investisseur aura trois questions auxquelles il devra
trouver une réponse :
· quelle serait l'éventuelle rentabilité
dégagée par le projet ?
· quel est le niveau de rentabilité optimale pour la
société de capital investissement ?
· à quelle hauteur engager la société
?
Pour ce qui est de la rentabilité du projet,
l'entrepreneur devra assurer une rentabilité supérieure à
celle de la moyenne du secteur dans lequel il intervient. En effet, si le
projet apporte une nouveauté technique ou technologique, le capital
investisseur exige de lui une rentabilité supérieure à
celle de son marché.
Par ailleurs, les exigences du capital investisseur seront
d'autant plus importantes que les risques que présente le projet
à financer sont importants.
En moyenne, le métier de capital investissement
génère un TRI de l'ordre de 15 à 18 %, un taux
relativement faible si l'on considère que dans la majorité des
cas le TRI attendu est de l'ordre de 30 %.Ce taux est souvent
écorné une fois greffés les frais de gestion et les
provisions.
En fin, le capital investisseur prendra compte du montant
d'investissement que la société peut fournir et des
modalités de financement et surtout du timing de financement.
5. les possibilités de sortie :
La sortie du capital de la société cible est
une étape cruciale lors de financement par capital investissement, ce
pourquoi l'investisseur accorde une grande importance à la
liquidité future de sa participation et doit assurer au maximum sa
sortie.
Les modalités de sortie seront abordées avec plus
de détail ultérieurement.
Nous venons dans ce chapitre de présenter dans le
détail le business plan, son évaluation de la part du capital
investisseur et les principaux critères de décision sur la base
desquels il prendra une décision finale.
A ce stade, une majorité de dossiers sont
rejetés. D'après une étude française, seul un
projet sur cent est retenu pour financement, les autres sont évidemment
rejetés pour risques importants.
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