IV. La pratique du capital investissement en Tunisie :
La Tunisie est le premier pays magrébin à
s'être intéressé à l'activité de capital
investissement. Ayant compris l'importance que requiert ce métier, elle
ne ménage aucun effort dans l'avènement de ce nouveau mode de
financement, créant ainsi les Sociétés d'Investissement en
Capital Risque (SICAR).
1. Le cadre juridique :
Les SICAR tunisiens sont régis par la loi 88-92 du 02
août 19988 relative aux sociétés d'investissement qui sera
révisée respectivement en 1992 et 1995.
La loi 95-87 du 30 octobre 1995, dans son article 21
définit clairement l'objet et le champ d'intervention des SCAR comme
organisme de participation pour leur propre compte ou pour celui d'un tiers, en
renforcement des fonds propres :
- Des nouvelles entreprises ;
- Des entreprises implantées dans des zones de
développement régionales ; - Des entreprises en
difficultés ;
- Des entreprises contribuant à la promotion de la
technologie et de l'innovation.
Avec l'accord du Conseil de Marché Financier
(CMF)52, les SICAR ont la possibilité d'effectuer des
opérations connexes et comptables avec leur activité.
2. le cadre fiscal :
Le cadre fiscal appliqué aux SICAR a été
défini par la loi 95-88 du 30 octobre 1995 octroyant nombre d'avantages
aux intervenants dans le métier.
2.1. Déduction des nouveaux revenus ou
bénéfices réinvestis :
Conformément à l'article 1 et 2 de la loi 95-88,
les personnes physiques ou morales peuvent déduire de leurs revenus
ou bénéfices imposables, les montants réinvestis dans la
souscription
52 Le CMF est une autorité publique,
indépendante, qui dispose de la personnalité civile et de
l'autonomie financière chargée de la protection de
l'épargne investie en valeurs mobilières. Il assure dans ce
cadre, l'organisation des marchés et veille à leur bon
fonctionnement afin d'en prévenir leurs éventuels
disfonctionnements. Il est également chargé du contrôle de
l'information financière et de la sanction au manquement ou infraction
à la réglementation.
des SICAR ou placés auprès d'elles dans des fonds
gérés, pour une durée minimum de cinq ans à compter
du 1ier janvier de l'année qui suit celle du placement.
La déduction ne doit pas aboutir à un
impôt, sur les sociétés53 ou sur le revenus des
personnes, inférieur au minimum d'impôt prévu
respectivement par l'article 12 et 12 bis de la loi 89-114 du 30
décembre 1989, qui est de 20 %.
2.2 L'imposition de la plus-value de cession
:
L`article 3 de la loi 95-88 stipule l'exonération
totale de l'impôt, sans conditions sur les plus-values de cession des
actions et des parts sociales réalisées par les SICAR pour leur
propre compte ou pour le compte d'autrui.
2.3 L'apport de la loi 99-101 :
En vertu de l'article 20 de la loi 99-101 du 31
décembre 1999 portant loi de finance 2000, les personnes physiques
peuvent sous réserves des dispositions de l'article 12 bis de la loi
89-114 relative au minimum d'impôt, déduire de leur assiette
imposable les revenus réinvestis dans la souscription au capital des
SICAR ou placés auprès d'elle dans des fonds gérés
quand ces derniers justifient l'emploi de 30 % au moins de leurs fonds propres
dans le financement de projets implantés dans des zones de
développement régional.
3. Les instruments d'intervention :
La prise de participation des SICAR dans les projets qu'elle
finance peut se faire par le biais des instruments suivants :
- La souscription d'actions dans des sociétés
anonymes ;
- La souscription d'actions à dividendes prioritaires sans
droit de vote ;
- L'octroi de prêts participatifs ;
- La participation de portage avec constitution de garanties.
4. Analyse critique de l'expérience tunisienne :
4.1. Les atouts du capital investissement tunisien :
Malgré l'expérience récente de la Tunisie
dans l'activité de capital investissement, le secteur se porte
relativement bien et affiche déjà des potentialités
importantes dues :
4.1.1. Au rôle joué par l'Etat :
Les interventions de l'Etat tunisien sont inspirées de
celles de l'Etat français dans la promotion du capital investissement.
En ce sens, il a pris quelques dispositions, nous en citons :
- Les cadres réglementaires et fiscaux : la
confection d'un cadre règlementaire propre au capital investissement et
l'adoption d'un régime fiscal adapté sont les deux
éléments moteurs pour la promotion du métier ;
53 IBS est de l'ordre de 35 % en Tunisie.
- Les fonds budgétaires ; la mise en place de ces
fonds permet de procurer des ressources aux SICAR ou d'intervenir à leur
coté ;
- Les alternatives de garantie : la mise en place d'un
système de garantie allège les risques pris par
les SICAR.
4.1.2. Aux acquis :
Il s'agit de gains réalisés par le capital
investissement dans son parcours depuis 1995 :
- L'aspect culturel : les entreprises et personnes
tunisiennes ont de plus en plus recours au financement par capital
investissement, et ce, grâce à une large diffusion
informationnelle ;
- Son champ d'intervention : la multiplication des SICAR
a permis de toucher d'avantage de secteurs et de répondre à une
demande de plus en plus large ;
- La création d'emplois : partout dans le monde la
résorption du chômage est une caractéristique commune du
capital investissement.
4.2 Les faiblesses du capital investissement tunisien
:
Le capital investissement tunisien présente, toutefois des
lacunes ci-après citées :
· Le manque de compétence professionnelle
: la majorité des praticiens tunisiens en la matière sont des
banquiers de formation, alors que les deux métiers sont
diamétralement opposés. Cet aspect peut s'avérer
très dangereux pour l'économie tunisienne ;
· Le portage d'action et la constitution de garanties
: ce sont des aspects qui ne s'accordent pas à l'activité de
capital investissement. ces aspects sont étroitement liés au
point précédent.
Le portage d'action s'assimile plus à une
activité bancaire et moins à une participation en fonds propres.
Quand à la constitution de garanties (réelle ou personnelle) elle
ne s'accorde en aucun cas avec la philosophie du capital investissement, autant
d'éléments faisant de la pratique tunisienne une activité
bancaire.
· L'absence d'une structure centrale
d'information : le rôle de ces structures (AFIC en France, EVCA en
Europe) est prépondérant dans la mesure où celles-ci
représentent des sources d'informations détaillées et
fiables sur les interventions en capital investissement.
A travers cette section, nous avons pu constater l'essor
qu'a pris le capital investissement, aux Etats-Unis et en Europe. Ces pays ont
promu cette activité par la mise en place d'un environnement
réglementaire propice à son développement. Par ailleurs,
les efforts de la Tunisie ne sont pas à négliger même si la
pratique du métier de capital investissement s'apparente à celui
bancaire.
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