WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Contre histoire de la philosophie / le laboratoire de la philosophie vivante chez Michel Onfray

( Télécharger le fichier original )
par Rania Kassir
Universite Libanaise - DEA 2008
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Conclusion : Afin de mourir vivant :

Après cette odyssée dans le monde philosophique d'Onfray, il faut s'interroger sur le but visé par Onfray dans ce démontage théorique de l'épistémè judéo-chrétienne. Onfray donne bel  et bien la réponse suivante : « Afin de mourir vivant660(*) ». Cette expression oxymore nous emmène à nous interroger : Peut-on se considérer comme mort si on reste vivant ? Onfray se contredit-il alors ? Ou bien peut-on dire que le philosophe athée croit à une vie post mortem ? La philosophie d'Onfray perd-elle alors son unité et sa cohésion ?

Avant d'examiner ce qu'est « mourir » et « vivant » chez Onfray, il nous faut en premier lieu retourner à l'aube du cheminement spirituel de Michel Onfray, autant dire à sa période de jeunesse.

Durant cette période, sa pensée s'ouvrit sur le constat d'une vie répugnante et mauvaise. Cela se lit, en fait, dans Les vertus de la foudre « Au sortir de mes vingt ans, l'âge auquel on ne veut pas s'entendre dire qu'on devrait se réjouir d'avoir toute la vie devant soi, je ne prenais plaisir à lire que Schopenhauer ou Cioran (...). Le pire était toujours certain, à quoi bon autre chose qu'un regard braqué sur cette certitude ? (...) »661(*).

Pour donner une certaine consistance à cette pensée naissante, le jeune Michel Onfray rédigeait un ouvrage intitulé Permanence de l'apocalypse dans lequel il avait condensé l'essentiel des acquis des penseurs pessimistes (Cioran, Schopenhauer, Leopardi...) :

- La souffrance est le lot de tous ceux qui existent dans ce monde.

- La consolation et le divertissement comptent pour rien.

- L'éternel mouvement du temps.

- Le cheminement de tous vers le néant.

En résumé, on pourra dire que dans le climat intellectuel du pessimisme évoqué par Onfray, le pire emporterait tout sur son passage.

Toutefois, le pessimisme défendu par Michel Onfray ne peut être considéré comme l'aboutissement de la pensée du philosophe. Il est, de l'avis d'Onfray, un état transitoire et nullement la position philosophique adoptée car cet état rend un culte au point le plus reprouvé par Michel Onfray : le règne de Thanatos au quotidien. De ce fait, une nouvelle position philosophique s'éveilla. Elle est baptisée du nom de « l'hédonisme ».

La motivation centrale de cet infléchissement dans la pensée du philosophe est la question qui fut posée à lui. « Lisant ma Permanence de l'apocalypse, une belle âme bien inspirée ce jour-là me demande pourquoi, écrivant ce que j'écrivais, pensant, ce que je pensais, affirmant ce que j'affirmais, je ne m'étais pas encore mis une balle dans la tête. (...) je cherche la réponse en moi plus qu'en ma bibliothèque. Et la trouvai. Si le réel est véritablement tel, noir comme la plus profonde des nuits de haute mer, on peut tout de même faire de son existence quelque chose de lumineux comme une trace de comète dans le ciel zébré. »662(*)

Sur ce, Michel Onfray écrit un second ouvrage Traité de consolation663(*) dans lequel il établit une distinction entre le penseur tragique et le penseur pessimiste. Le premier voit le réel tel qu'il est : triomphe de la souffrance, du temps et de la mort. Il ne souscrit pas à la thèse du meilleur monde possible.664(*) Néanmoins, même si le réel est sombre, le penseur tragique est à même de tirer de son fond les plus ardentes jouissances. Il trouve que la noirceur sert seulement d'un arrière-plan pour une histoire solaire et hédoniste. La pensée tragique se déploie donc dans deux moments : au sus de la réalité, on ajoute la volonté. Michel Onfray vient alors placer son système philosophique au coeur même du tragique. D'où « l'hédonisme tragique »665(*). Tandis que le second voit le pire partout. Sa pensée se manifeste dans un seul temps car elle impose silence à tout volontarisme. Pour lui, on ne peut rien contre le réel. D'où son « pessimisme mortifière ».

En revanche, nous remarquons que la plupart des pessimistes donnent libre cours à la joie et à la distraction dans leur vie quotidienne. Michel Onfray a lui-même reconnu cette vérité quand il a fait voir que « la vie quotidienne des grands contempteurs du monde ne cesse de fournir un réservoir de consolations : le vin, le haschisch, la musique, la table, les femmes, la lecture, les voyages, l'écriture, la conversation, l'amitié (...) »666(*)

Là, nous nous demandons : Faut-il conclure que la pensée des pessimistes se déploie dans deux moments ? Onfray avait-t-il tort alors ?

La réponse se trouve chez Cioran667(*)- l'un des pessimistes- qui dit : « je ne pense pas toujours, donc je ne suis pas toujours triste. »668(*). En analysant de près cette phrase, nous remarquons que la consolation revendiquée n'est pas de l'ordre de la philosophie. Faire de la philosophie c'est « vendre le pire à longueur de pages » pour reprendre l'expression de Michel Onfray669(*) : La pensée pessimiste se déploie donc dans un moment. En revanche, ne pas faire de la philosophie c'est vivre pleinement sa vie.

Cette façon d'affronter le réel ne trouve pas satisfaction chez Onfray qui aborde le problème différemment. Il pose la formule suivante : je pense donc je suis hédoniste. Il dit en ce sens :  La philosophie est « un art de vivre, de bien vivre, de mieux vivre.670(*)» et « un art de penser et de vivre, de vivre pour penser et de penser pour vivre.671(*) » La solution ne se trouve pas chez lui dans le refus de penser, dans la réduction à rien de la philosophie, dans la haine du questionnement de la vie (voir première partie) mais dans la réduction de la négativité à n'être qu'un temps dans un mouvement aboutissant ou conduisant à la victoire.672(*)

Ceci étant posé, nous nous penchons sur l'étude de l'« hédonisme tragique ». Notre philosophe est donc conscient que pour faire obstacle au christianisme, il faut mobiliser « l'hédonisme tragique » et non «le pessimisme mortifière ». Car ce dernier tout comme le christianisme, malgré quelques différences prises673(*), professent une même haine de soi et de la vie.

Dans les pages qui suivent, nous examinons comment par le truchement de l'hédonisme tragique, Michel Onfray brave en premier lieu, le temps et la souffrance qui régissent la vie (c'est-à-dire comment être vivant) et en second lieu la mort (comment penser la mort).

Tout d'abord, pour dépasser le tragique dans la vie, à savoir l'écoulement du temps et de la souffrance, et pour s'écarter également de l'humilité chrétienne qui invite au renoncement de soi, Michel Onfray nous invite à célébrer l'instant (le temps) et à braver la souffrance.

Pour ce qui est du temps, l'impératif catégorique de l'hédoniste c'est l'usage du temps. Le seul qui nous concerne quand l'écoulement et l'immobilité du temps nous échappent. L'essentiel consiste donc à chercher la jouissance là où elle se trouve, à vivre chaque seconde comme s'il devait être la dernière, à extraire le suc de ce moment unique et irrécupérable. Sinon, ça sera très tard après car le temps perdu ne se rattrapera jamais. Onfray regrette que la plupart imprégnés d'épistémè judéo-chrétienne cherchent hors l'ici et le maintenant les occasions de jubiler. A ses yeux, il faut se méfier de la lecture du christianisme du temps : le passé, un âge d'or (avant le péché d'Eve), le présent, un temps souillé et lugubre auquel il faut renoncer. Et le futur, une belle rencontre avec le temps passé. Pour Onfray, dans l'hédonisme tragique, il est un seul et unique devoir : ne pas gâcher la vie.674(*)

Or le fait de profiter de sa vie est synonyme de la lutte contre la souffrance laquelle le destin nous cache et à laquelle le christianisme nous invite675(*) en nous faisant imaginer que grâce à la souffrance on pourra gagner son passeport pour l'au-delà. La lutte contre la souffrance chez Onfray s'est manifestée à travers l'affirmation de soi dans chaque domaine de la société.

Il a fondé, à titre d'exemple, un « hédonisme éthique » qui met au point une « éthique élective » à même de séparer, via l'amour-propre, les passions et les principes sélectifs (langage, politesse) ceux qui me donnent de la joie et ceux qui sont source de malaise. Cette « éthique élective » nous protège de l'éthique chrétienne de l'amour du prochain avec ses deux divisions : L'amour du prochain des détenteurs du pouvoir qui humilient les autres étant donn qu'ils sont des missionnaires de Dieu, et l'amour du prochain du peuple qui oblige chacun à aimer l'infernal et l'abominable pour l'amour du Dieu. Ces deux amours du prochain sont source de déplaisir puisqu'ils sont à l'encontre d'une intersubjectivité joyeuse, heureuse et utilitariste de part et d'autre.

Cet hédonisme au niveau des relations entre les êtres se poursuit au niveau des relations entre les sexes. D'où « l'hédonisme érotique ». Le but de cet hédonisme est de permettre à chacun de construire avec joie sa propre histoire sexuelle ou amoureuse. En élargissant la sphère des possibilités, chacun se trouve à l'abri du couple fusionnel et de ses conséquences fâcheuses : traiter la femme comme sa propriété et se sentir pris dans un cercle vicieux « rien, tout, rien ». A ce titre, seuls des bons contractants, fidèles à la parole donnée et toujours célibataires peuvent collaborer à réussir une histoire bien choisie et non subie.

L'hédonisme se poursuit chez Onfray pour atteindre la médecine. C'est l' « hédonisme bioéthique ». Cet hédonisme se déploie dans une bioéthique prométhéenne qui élut Prométhée pour fabriquer la science, combattre la souffrance et réaliser le corps élargi pour tout malade. Cette bioéthique met en doute « la personne virtuelle » des idéalistes chrétiens pour apporter le renfort à des parents désireux d'enfants, elle écarte le corps chrétien et favorise le « corps athée » et ceci pour créer le « corps faustien » débarrassé de ses manques, et enfin elle professe une authentique pédagogie de la mort où la mort choisie serait de loin supérieure à une vie subie. En ce sens, la bioéthique prométhéenne se bat contre la bioéthique française débitrice au christianisme mortifière de son enseignement.

Enfin, on assiste à un « hédonisme politique » qui permet de passer d'un corps exclu et oublié à un corps triomphant et gai. Cette politique s'est implantée tout d'abord dans les origines modestes d'Onfray : une mère qui fait le ménage chez des hommes riches, un père ouvrier agricole qui subit les ordres de son patron, un frère pauvre et endetté, et un enfant (Onfray avant) épouvanté par la fromagerie de son village pour financer ses études.676(*) Mais, cette politique a fini par donner la parole à tous les oubliés, les écartés et les invisibles dans le monde des hommes de droite.

Toutefois cet hédonisme professé est inconcevable en dehors de la question de la mort. Il faut, à l'encontre de ce que prêche le christianisme, mourir vivant mais il faut aussi mourir pour être vivant. C'est la fatalité de cette dernière qui nous pousse à se consacrer entièrement à la vie.677(*)

Puisque la mort, explique Onfray, va consumer un jour la vie, du moins nous nous moquerons d'elle et nous la donnerons une vie qui a été bien remplie. C'est ce qu'il a nommé « affronter la mort ». Cette expression ne signifie plus mettre fin à la mort, ce qui est impossible puisque pour ce philosophe matérialiste la mort est naturelle et s'impose de manière dictatoriale. Mais elle signifie le fait d'arriver à sa dernière heure tout en étant debout, vivant et triomphant.678(*)

Fort de ces constats, Onfray établit que faute d'un net affrontement de la mort, les chrétiens subissent le retour du refoulé dans leur vie quotidienne.

A force de refuser la mort naturelle, ils ont accéléré son avènement. Du coup, ils arrivent à la dernière heure déjà éteints, morts et pareils à des cadavres. Pas de meilleure façon de rendre un culte à la mort.679(*)

Néanmoins, malgré le placement de son système hédoniste dans le tragique (l'inéluctabilité de la mort), bien que Michel Onfray trouve que la mort nous donne de l'énergie plus qu'elle nous paralyse, on ne peut pas nier que la mort ne cesse de pétrifier l'humanité toute entière. Combien sont nombreux alors ceux qui gâchent leur vie devant la pensée de leur propre mort ?

Pour faire l'économie de ces pensées et défendre ses idées, Michel Onfray, après Montaigne, vient établir une distinction entre « mourir » et « avoir à mourir »680(*).

Le « mourir » ne nous concerne dans cette vie que comme accélérateur de cette dernière. Toutefois, personne ne peut rencontrer la mort de son vivant. Autant dire, personne ne peut jamais la rencontrer puisque vivre c'est être, et mourir c'est tout simplement ne pas être. Michel Onfray vient renouer avec la conception épicurienne de la mort : la mort ne nous concerne ni mort, ni vivant puisque lorsque nous sommes, elle n' y est pas et lorsqu'elle est, nous ne sommes plus. Ceci dit, la mort ne doit pas nous épouvanter car aucun vivant ne peut la heurter.681(*)

En revanche, si pour Onfray, comme pour Epicure, la mort ne suscite aucune inquiétude de notre part, Onfray ne souscrit pas à la thèse d'Epicure selon laquelle « la mort n'est rien pour nous ». La mort pour Onfray, même absente, nous préoccupe en tant que pensée : c'est le sens de « avoir à mourir ».682(*) Or cette pensée fait effectivement problème et donne du souci. A ce titre, il convient par souci hédoniste d'agir sur cette représentation de la mort. Là aussi, Michel Onfray reprend-t-il à son compte les thèses d'Epicure sur la mort. Pour lui, la pensée de la mort ne doit pas nous faire craindre et ceci pour les raisons suivantes :

La mort, tout d'abord, obéit à la loi atomique qui régit l'univers. Tout provient du mouvement des atomes dans le vide et tout va subir la décomposition des atomes. Les agencements qui constituent chacun de nous se décomposent puis se recomposent pour former une autre vie. Notre identité se perd alors dans cette décomposition et avec elle les sensations, la conscience, la raison. De ce fait même, personne ne doit éprouver la crainte car personne ne peut subir la sanction et la damnation.683(*) Ces choses-ci requièrent alors une identité bien déterminée.684(*)

Deuxièmement, la pensée de la mort ne doit pas nous faire craindre, car tout homme est invit à être immortel. A l'encontre de ceux qui affichent l'inutilité d'une vie qui se dirige vers la mort, Michel Onfay vient montrer que la mort ne concerne que la décomposition des atomes tandis que l' « âme » survit à cette opération physique. Qu'est-ce qu'à dire ? L'âme pour ce philosophe athée n'a aucun rapport avec l'âme des métaphysiciens et des religieux : l'âme immortelle qui subit le tribunal divin. L'âme chez Onfray est ce qui demeure du mort vivant dans la mémoire de ceux qui l'ont côtoyé, croisé, connu, aimé. Cette âme est appelée par lui « l'aura ». Si pour Benjamin l'« aura » signifie l'oeuvre d'art unique. Il s'avère que pour Onfray, cette « aura » peut être appliquée à toute personne. D'où les impératifs catégoriques : enfanter une identité avant de partir et éviter le ratage auquel nous invite le christianisme.685(*)

En fin de compte, pour nous écarter de toute existence creuse et pour nous inciter à mourir vivant, Onfray ne s'empêche de crier : « chaque ligne de mes livres procède d'une volonté farouche de déchristianiser la civilisation dans laquelle nous passons furtivement, entre deux néants. Le séjour me paraît trop bref pour qu'on le gâche par des croyances fautives et infantiles. »686(*)

Après avoir exposé, à travers ces trois parties, l'orientation générale de la philosophie de Michel Onfray, notre partie analytique touche à son terme. Il est indéniable que ce philosophe contemporain nous a ouvert de nouveaux horizons infinément enrichissant sur le plan pédagogique, historiographique, religieux, érotique, bioéthique... Dans ce cadre, apparaît l'importance d'y s'arrêter un peu et de soutenir une réfléxion critique sur certains points traités par Onfray, avant de faire, dans la conclusion générale, le point sur sa pensée.

Quatrième partie : Examen critique

René Daumal687(*) considère que : « la seule chose qu'un livre peut nous apporter est une question. »688(*). Or cette aptitude à interroger le lecteur est aisément repérable dans l'oeuvre de Michel Onfray. A ce propos, on pourra se rallier à son avis ou s'y opposer activement mais dans les deux cas, on ne peut s'empêcher de lui poser et de se poser des questions. L'originalité de ce philosophe est donc d'inquiéter simultanément les adversaires et les partisans.

Dans ce qui suit, nous restons fidèle à Michel Onfray et nous nous attachons 689(*) à faire usage du premier mouvement revendiqué par tous ceux qui désirent l'édification de soi. Ce mouvement a été appelé par Onfray « le questionnement de la vie » qui précède « la sculpture de soi », l' « avènement de la forme » ou «  la transfiguration de la vie ». Comme nous n'avons pas encore créé d'une façon définitive notre propre philosophie, nous nous limitons à la première étape de tout travail philosophique : le fait de questionner la vie or cette vie est en relation étroite avec soi, autrui (Onfray, ses adversaires et ses adeptes) et l'époque dans laquelle nous vivons.

Quatre points méritent une attention particulière dans le système philosophique établi par Onfray : la possibilité d'une bioéthique prométhéenne (voir l'introduction du mémoire et le chapitre V de la troisième partie), Jésus, un personnage conceptuel (voir deuxième partie, chapitre III, A), la guerre entre l'Occident judéo-chrétien et l'Orient musulman (voir troisième partie, préambule) et enfin les contradictions internes du système forgé par Onfray. Nous examinons successivement chacun de ces quatre points.

A. La possibilité d'une bioéthique prométhéenne :

La première question que nous posons tient au récit de la Genèse à partir duquel Onfray s'inspire pour élaborer sa thèse : le triomphe de la vraie philosophie à la religion et la philosophie idéaliste. Autant dire de l'intelligence, de la rébellion, de la vie contre l'imbécillité, la soumission et la mort.

Ce faisant, nous sommes amenés à poser avec Mathieu Baumier690(*) l'auteur de L'anti traité d'athéologie « la philosophie peut-elle lire la Genèse en lui attribuant un sens unique ? »691(*). Le paradis, le péché originel, Eve, le fruit défendu, la mort, le rachat des fautes, etc. doivent-ils avoir une lecture à sens unique ? Et Baumier d'ajouter : « pour répondre par l'affirmative, il faudrait ignorer les oeuvres de penseurs comme Paul Ricoeur ou René Girard. »692(*) Selon ces deux penseurs693(*), la Bible de part sa richesse impose une pluralité de lectures et d'interprétations.

A ce titre, nous privilégions une interprétation immanente et non transcendante de la Bible. A travers cette interprétation, nous montrons à la fois une lecture alternative à celle de Michel Onfray et à celle des idéalistes puisqu'elle met la vie ici-bas au centre des préoccupations de ce récit. Néanmoins, il n'est pas question ici de trancher si le christianisme est fondé sur la pulsion de vie ou sur la pulsion de mort. A nos yeux, le récit de la Genèse relève du mythe or la force du mythe c'est de nous renseigner sur l'existant par le truchement des symboles. Dans cette logique, nous embauchons ce mythe pour des questions existentielles. Ce questionnement vise essentiellement la possibilité d'une bioéthique prométhéenne.

Retournons à Baumier pour l'interprétation de ce mythe694(*). Baumier voit tout d'abord que « le jardin paradisiaque » ou « le paradis » dont parle la Genèse n'est pas le paradis céleste. Il est plutôt la nature qui nous entoure, le monde dans lequel nous vivons, le sol, la terre. En somme, la vie ici-bas.

Cette dernière, remarque Baumier, va être exploitée par l'homme qui considère le jardin paradisiaque comme sa propriété et duquel il peut user à sa guise. Cet acte nocif est ce qu'on nomme « le péché originel ». Le péché n'est pas toutefois l'apanage d' « Eve », la première femme de l'humanité, puisqu'il est le fait de tout un chacun et de tout temps. Baumier écrit alors : « il me semble que considérer cette femme comme une victime de la haine immémoriale parce qu'elle serait jugée responsable de la faute originelle traduit une lecture simpliste de la Bible (...) le rôle mythique d'Eve est un rôle essentiel. Eve est la première personne humaine tentée. Elle n'est pas la dernière. »695(*). Dans cette logique, Eve symbolise l'humanité toute entière qui en mangeant du jardin (donc nuit à la terre) va travailler à sa perte, à la perte de sa vie et à celle de l'humanité future.

Il est notable que ce qui a poussé Eve à pécher, c'est le fait d'être tentée, or cette tentation ne provient pas du serpent, cet animal que nous voyons parler avec Eve. Mathieu Baumier est fidèle ici à l'interprétation de Paul Ricoeur696(*) selon laquelle le serpent est le mal qui loge à l'intérieur de chacun de nous. Baumier appelle ce mal le « Prométhée » qui met en danger la vie sur terre.

D'où la punition qui nous attend : être mis à la porte du paradis c'est-à-dire être mort de son vivant. C'est le vrai sens de la « mort » selon Baumier et c'est cette mort que chacun de nous va la combattre.

Toutefois, ajoute Baumier, chacun de nous peut triompher sur cette punition en rachetant simplement sa faute. Le rachat y est dans cette vie en sauvegardant le monde dans lequel nous vivons.

Finalement Mathieu Baumier constate : « c'est en cela que certains courants écologistes contemporains, réunis sous le terme générique d'écologie des profondeurs, relisent la Genèse et considèrent qu'elle est un texte fondateur. » 697(*)

Parmi les plus célèbres de ces écologistes, nous pouvons citer Hans Jonas qui dans son ouvrage, Le Principe responsabilité a formulé un impératif sous un quadruple mode : « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur terre. »698(*). Dans cet impératif, se lit la volonté de la sauvegarde de la vie chez Hans Jonas. La protection de cette vie peut passer par l'éthique de l'environnement, par la bioéthique... Nous nous penchons particulièrement sur la bioéthique pour la simple raison que celle-ci a été analysée par notre philosophe (Onfray).

Jonas s'emploie à mettre en oeuvre une éthique nouvelle qui dépasse l'éthique traditionnelle formulée par Kant. L'éthique traditionnelle avait condamnée le contenu au profit de la forme or, remarque Jonas, les changements de l'agir humain dans nos jours réclament une nouvelle éthique.699(*) Ceci a été bien dit par Jonas dans la préface de son ouvrage Le Principe responsabilité : «  Le Prométhée définitivement déchaîné, auquel la science confère des forces jamais encore connues et l'économie son impulsion effrénée, réclame une éthique qui, par des entraves librement consenties, empêche le pouvoir de l'homme de devenir une malédiction pour lui. La thèse liminaire de ce livre est que la technique moderne s'est inversée en menace. »700(*)

Il est nécessaire ici de séparer entre la vision de Prométhée chez Michel Onfray et chez Hans Jonas bien que nous trouvions que ces deux penseurs peuvent bien s'accorder dans la défense de la vie.

Notre lecture de la bioéthique prométhéenne de Michel Onfray montre cette équivalence établie entre Prométhée et le chirurgien. Prométhée est donc celui qui élit la science et jette la croyance.

L'élection de la science chez Onfray fait preuve que la science est amorale. Celle-ci vise un domaine où il n'y a ni bien ni mal mais plutôt santé et souffrance. Dans ces conditions, la science n'a besoin d'aucune éthique et la bioéthique proposée par Onfray n'est qu'un encouragement pur et simple de tout ce qui est scientifique. Ainsi posée, cette bioéthique prométhéenne peut basculer vers un positivisme scientiste ou un scientisme.701(*)

A l'inverse de cette position, Jonas trouve que Prométhée n'est pas la science mais ses effets pervers sur la vie humaine. A ce compte, la bioéthique, pour lui, ne doit pas rester neutre devant les graves mutations de l'agir humain. Elle doit poser sa responsabilité (d'où le titre de son ouvrage le principe responsabilité), dire son mot, préciser ce qui est légal et ce qui ne l'est pas..

En s'appuyant sur les analyses de Jonas, Jacqueline Russ a défini la bioéthique de la façon suivant : « Bioéthique vient, en effet, du mot éthique et de bios (vie, en grec). Elle peut désigner, dès lors, ou bien une réflexion sur les valeurs subordonnées à Bios, la vie, ou bien une métamorale s'intéressant aux enjeux et aux retombées de la biologie et de la médecine. »702(*) A ce titre, si le discours scientifique s'intéresse au comment de la bios, de la vie, de son évolution et de son amélioration. Le discours éthique s'intéresse au pourquoi de cette vie, à sa fin, à sa valeur. Sans ce dernier discours, on est dans l'incapacité de fonder la bioéthique sur la responsabilité, et cette perte de responsabilité équivaut corrélativement à une perte de la bioéthique elle-même. Peut-on dès lors imaginer une éthique de la biologie et de la médecine qui s'attache à se libérer du poids des débats éthiques ?

Cette revendication de la responsabilité, nous la trouvons encore chez un scientifique et non un théologien : il s'agit de Jean Bernard. Dans l'avant-propos de son ouvrage La bioéthique, Jean Bernard avait posé dans un premier temps la nécessite de la science, de la connaissance et dans un deuxième temps la nécessite de la réflexion éthique. Nous lisons alors : «  La médecine a évolué (...) l'homme d'autrefois était vieux à quarante ans (...). L'espérance de vie est aujourd'hui, en France de soixante et onze ans pour le sexe masculin, quatre-vingt-un ans pour le sexe féminin. Deux révolutions se sont succédées. La première, la révolution thérapeutique (...). La seconde, la révolution biologique (...). Ces deux révolutions ont transformé le destin des hommes. »703(*) Néanmoins, ajoute Jean Bernard « Mais elles ont posé des questions morales nouvelles ignorées de nos devanciers. »704(*)

En lisant ces deux passages, on remarque que la science offre sans contredit un terrain favorable à l'expansion de la vie. Et si l'on a prêté l'oreille à certains adversaires de la science, nous restons toujours exposés à endurer les douleurs des septicémies, de la diphtérie, de la tuberculose.705(*) Jusqu'ici, Jean Bernard et Michel Onfray peuvent bien s'entendre.

Toutefois, Jean-Bernard dépasse Onfray en ajoutant que Prométhée pourra nuire à la vie si l'on n'a pas rendu active la réflexion éthique. D'où la nécessité, pour ce scientifique, des comités d'éthique qui comportent aussi bien les philosophes, les sociologues, les juristes que les médecins et les biologistes. Ces comits exigent que toute recherche scientifique acquière avant d'être appliquée l'approbation des divers membres du Comité. Fini alors les chercheurs ou les Ponce Pilate qui se contentent de dire : « j'ai fait une découverte. Les conséquences ne me concernent pas. Que les sociétés humaines se débrouillent. Je m'en lave les mains. »706(*) Il est notable aussi qu'à l'encontre de ce qu'avancent les uns, Jean Bernard trouve que ce ne sont pas les spiritualistes qui doivent s'attribuer le monopole de la décision. Ces comits sont ouvertes à ceux qui croient et à ce qui n'y croient pas, aux spiritualistes et aux matérialistes puisqu'il y a un but commun unissant les deux : dresser un réquisitoire contre les mauvais effets du secteur médical afin que tout homme et tout l'homme soit respecté.707(*)

Pour mettre en exergue le rôle de la réflexion éthique dans l'application des nouvelles techniques, nous examinons principalement certains exemples donnés par Onfray et nous essayons de les faire passer au crible de la raison critique.

Afin de favoriser la vie, Michel Onfray a soutenu sans restriction la P.M.A, la greffe, le clonage, la médecine prédictive et l'euthanasie. Par rapport à l'euthanasie, nous sommes sans conteste favorables à cette pratique si et seulement si le patient n'est qu'un mort-vivant. Dans ce contexte, il fallait séparer entre la maladie incurable et l'état végétatif chronique. Jean Bernard définit cet état de la façon suivante : « l'état végétatif chronique survient parfois après une maladie (...) De très nombreuses fonctions du cerveau ont disparu. D'autres fonctions persistent (...) le retour à une santé normale, à une conscience normale est exceptionnel, mais n'est pas tout à fait impossible. »708(*) A ce compte, la mort douce est légitime uniquement dans le cas des maladies incurables. Néanmoins, pour les autres pratiques nous trouvons qu'il fallait dans certains cas émettre des réserves sur leur application. Cette restriction devient urgente lorsque ces pratiques s'acheminent vers la pulsion de mort plus que vers la pulsion de vie.

Tout d'abord, dans le cadre de la P.M.A, nous pouvons critiquer la pratique des mères porteuses qui déforme le rôle éminent de la mère plus qu'elle ne résout le problème de la stérilité. L'épithète « porteuse », nous dit Jean-François Mattei709(*), confine la mère à son simple rôle d'incubateur qui consiste à abriter l'enfant jusqu'à l'accouchement. Dans cette perspective, Mattei voit qu'on pourra un jour recourir à l'utérus d'une guenon ou d'un autre mammifère pour porter l'enfant.710(*) Cette pratique des mères porteuses fait abstraction du dialogue et des échanges qui se déroulent entre la mère et l'enfant. Ce qui est paradoxal, c'est que Onfray lui-même a parlé de ce dialogue entre la mère et son fils quand il a abordé la question de la naissance de l'humain (voir première patrie). L'enfant, à son dire, réagit aux parfums, aux vibrations de la voix, aux jouissances et aux angoisses de sa mère.711(*) La position de Michel Onfray se trouve dans une position critique face à la technique des mères porteuses. En plus, ce qui donne consistance à cette position, c'est que certaines mères porteuses refusent de donner l'enfant à ses parents sociaux ou biologiques.712(*)

Dans le cadre de la procréation médicalement assistée, nous pouvons critiquer également la conception après la ménopause défendue par Michel Onfray. Mattei avance que l'inégalité de l'homme et de la femme vis-à-vis de l'âge de la procréation n'est pas une malédiction mais elle est due à cette inégalité de participation dans la conception de l'enfant. Le rôle du père y est éphémère alors que la gestation revendiquée de la mère exige d'elle des efforts physiques et des tensions psychologiques considérables. Mattei fait la remarque suivante : « la grossesse est, en effet, une épreuve pour l'organisme féminin, et les risques cardio-vasculaires, ostéo-articulaires, musculo-ligamentaires augmentent avec l'âge et ne sont pas sans conséquence sur l'enfant. (...) Pour toutes ces raisons, les grossesses après la ménopause me semblent un contresens naturel. »713(*)

De la P.M.A, on passe à la greffe toujours avec cette intention d'interroger la moralité de ces pratiques. Là nous-nous demandons : Peut-on concevoir un être humain dans le dessein de guérir un autre atteint d'une maladie ? Ce problème éthique a été évoqué simultanément par les deux médecins français Jean Bernard et Jean-François Mattei. Les deux avouent qu'ils se confrontent souvent à des demandes étranges : Les parents d'un enfant leucémique veulent concevoir un autre enfant pour greffer sa moelle sur le corps de son frère. Et si le problème d'incompatibilité des deux enfants se posait, ces parents ne récusent aucune interruption de grossesse qui sera sans cesse renouvelée jusqu'à ce que l'enfant « prothèse » soit compatible avec l'enfant voulu. De même, ajoutait Mattei, on fabrique parfois des clones destinés uniquement à fournir des organes à des sujets adultes nécessitant un foie, un coeur ou un rein. A ce compte nous posons à Onfray : ces êtres à dispositions des autres ne sont-ils pas limités au statut des pièces détachées ? La greffe qui sauve la vie des uns ne peut-elle réduire à rien la dignité humaine des autres ?

La troisième pratique critiquée est la médecine prédictive. Michel Onfray a avancé que grâce à la médecine prédictive qui consiste à identifier certains gènes, on pourra prédire l'avenir de chacun. A son tour, Mattei trouve que la boule de cristal ou le jeu de tarot vient céder la place à l'analyse biologique des molécules d'ADN. Grâce à l'identification des gènes délétères, on pourra prévenir vite les patients des maladies qu'ils risquent de développer au cours de leur vie et travailler par la suite à empêcher la maladie de survenir à travers la prescription d'un traitement préventif. Ceci est vrai uniquement pour certaines maladies cardio-vasculaires, rénales, oculaires, neurologiques, psychiatriques et diabétiques. Toutefois, la médecine prédictive perd toute sa valeur lorsque tout traitement préventif ou curatif fait défaut. C est ainsi, depuis l'identification du gène de la chorée, de la myopathie et de la maladie d'Alzheimer, on est dans l'incapacité de triompher à ces pathologies qui conduisent inéluctablement à la mort de la personne concernée. La prédiction dans ce cas mène à la pulsion de mort. Certains malades, pour se dérober à la fatalité du destin, prennent le parti de se suicider. Ils préfèrent mourir immédiatement au lieu d'attendre avec souffrance l'inéluctabilité de leur mort durant quelques années. (vingt ans pour la myopathie, quarante ans pour la chorée et soixante ans pour la maladie d'Alzheimer.). De même, certaines femmes ayant connaissance qu'elles sont porteuses du gène du cancer de sein, ne voient leur guérison qu'à travers l'amputation de leurs seins et de leurs ovaires. A travers le diagnostic de cet oncogène (gène responsable du développement d'une tumeur), le médecin se trouve face à un dilemme : accepter la demande de la patiente ou renoncer aux connaissances qui ne sont pas toujours souhaitées.714(*)

Enfin, nous parlons de la dernière pratique : le clonage reproductif. Par rapport au clonage, celui-ci met à mal tous les liens de parenté entre les hommes. Avec cette pratique, l'être clonal devient un jumeau à sa mère et un fils à sa grand-mère. Cette disparition des liens de parenté dénature à son tour tous les liens d'affectivités et les sentiments chez l'homme. On peut dire également que le clonage reproductif constitue une menace pour la dignité de l'être clonal. Certes, comme l'a montré Onfray, l'interaction avec le monde est indéniable, mais on se demande : quel être humain peut-il imaginé, sans aucun risque psychique, qu'il est un clone provenant d'un autre ?

Bref, en appliquant la métaphore de la Genèse à l'existant, on pourra se prémunir dans le domaine biomédical du Prométhée sans pour autant récuser le progrès scientifique. D'où les deux écueils à éviter : le laisser-faire où le médecin qui maîtrise la technique se voit comme un prestataire de service et le malade comme un consommateur. Et le pur-renoncement où se déploie la tentation du refus catégorique de la recherche.715(*) Ce sont d'ailleurs, les deux objectifs fixés par Joseph Maalouf dans son ouvrage : Que la nécessité d'un débat éthique du progrès scientifique soit plus pressante. Et que les religions regardent ce progrès d'un esprit ouvert et objectif.716(*)

* 660 Cette expression est utilisée par Michel Onfray dans son ouvrage Les vertus de la foudre, op.cit., p.73.

Elle nous fait penser à la célèbre phrase de Nietzsche : « ce qui ne me tue pas me fortifie. »

* 661 Ibid., p.74

* 662 Ibid., p.75 ; p.76

* 663 Permanence de l'apocalypse et Traité de consolation ne figurent pas dans la liste des oeuvres écrites par Onfray. Ce qui nous laisse entendre qu'Onfray les conservait chez lui et n'a pas pris la décision de les publier.

* 664 Celle de Leibniz l'optimiste par exemple.

* 665 Si Onfray a opté pour une pensée tragique, il n'a pas oublié que Nietzsche l'a devancé dans la mise en place de cette pensée. Son ouvrage La Sagesse tragique- Du bon usage de Nietzsche qui s'ouvre sur cette citation de Nietzsche en témoigne : « Je suis en droit de me considérer comme le premier philosophe tragique - c'est-à-dire l'extrême opposé et l'antipode exact d'un philosophe pessimiste. (...) ».

(Nietzsche, Ecce homo, « Idées » Gallimard, pp.79-80, in Michel ONFRAY, La Sagesse tragique, op.cit, p.7)

* 666 Ibid., p.76 ; p.77

* 667 Emile Cioran (1911-1995) est un philosophe et écrivain roumain, d'expression roumaine et française. Le pessimisme est son caractère le plus marquant. Son principal ouvrage est De L'inconvénient d'être né (1973)

* 668 La lueur des orages désirés, op.cit., p.270.

* 669 Les Vertus de la foudre, op.cit., p.77

* 670 La lueur des orages désirés, op.cit., p.23

* 671 Ibid., p.151

* 672 Cf. Les vertus de la foudre, op.cit, p.78 ; p.79

* 673 Cioran par exemple - un des pessimistes- trouve, à l'encontre du christianisme, que la chute ne peut être compensée par la mort. Cette dernière n'offre aucune solution et il n'y a ici aucune reprise du Paradis perdu. Cf. Hamid ZANAZ, La Mélancolie Joyeuse - Excursions dans la philosophie de Cioran - , Editlivre , Editions aparis, 2008

* 674 Cet impérative de l'hédonisme tragique s'avère un écho de la phrase écrite par Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra, De la libre mort p.95:

«(...) A la bonne heure sache mourir! (...) c'est ce qu'enseigne Zarathoustra. Certes celui qui à la bonne heure jamais ne vit, comment devrait-il jamais à la bonne heure mourir?» , (Cf. Ainsi parlait Zarathoustra, op.cit, De la libre mort p.95)

* 675 En avançant que le christianisme attache de la valeur à la souffrance, Michel Onfray ne fait que reprendre des idées déjà établies par Nietzsche.

C'est ainsi dans L'Antéchrist § 52, Nietzsche voit que cette souffrance tire son origine du Christ qui est mort sur la croix. Cet instrument de supplice de Jésus-Christ, loin d'être un moyen pur sauver les hommes, il s'avère, pour Nietzsche, un exemplaire pour mener la vie ici-bas. Le Christ a laissé aux hommes la leçon suivante: ne pas se soulever contre ses bourreaux, ne point se défendre et ne point revendiquer son droit. Il faut alors souffrir, aimer le mal et même le provoquer.

Cet éloge de la souffrance se déploie dans L'Antéchrist § 9 par l'inversement du sens des concepts «vrai» et «faux». « Vrai » sera aux yeux des chrétiens synonyme de tout ce qui est malsain, du mal-portant, de tout ce qui porte atteinte à la vie. Alors que « faux » sera l'équivalent de tout ce qui est sain, de tout ce qui exhausse la vie et la fait triompher.

* 676 Cf. Le désir d'être un volcan, op.cit., p.51 ; Politique du rebelle, op.cit., pp.9-26.

* 677 Cf. Les Vertus de la foudre, op.cit, p.12 ; p.78 ; p.79

* 678 Cf. Les Vertus de la foudre, op.cit., p.79 ; p.80. Féeries anatomiques, op.cit., p.377 ; p.379. La lueur des orages désirés, op.cit, p.12 ; p.13 ; p.14.

Le chemin de la grandeur revendiqué par Onfray suggère la célèbre maxime écrite par Nietzsche dans L'Antéchrist

« Qu'est-ce qui est bon? - Tout ce qui élève dans l'homme le sentiment de la puissance, la volonté de puissance, la puissance elle-même.

Qu'est-ce qui est mauvais? - Tout ce qui naît de la faiblesse.

Qu'est-ce que le bonheur? - Le sentiment que la puissance croît - qu'une résistance est surmontée (...)

Qu'est-ce qui est plus pernicieux que n'importe quel vice? - la compassion active pour tous les débiles et tous les malvenus - le christianisme. » (Nietzsche, L'Antéchrist, op.cit, § 2, p.10)

Dans la même perspective, Nietzsche s'est attaqué aux tarentules - ces prédicateurs de l'égalité - qui méprisent les puissants et les affirmateurs de soi.

Les tarentules, à l'avis de Nietzsche, incarnent à merveille la vengeance et l'humilité chrétiennes. (Cf., Ainsi parlait Zarathoustra, op.cit, Des tarentules, pp129-130-131.)

* 679 Cf. Féeries anatomiques, op.cit., p.379 ; p.380

* 680 Ibid., p.382 ; p.383

* 681 Ibid., p.382

* 682 Cf. Les Vertus de la foudre, op.cit., p.211

* 683 Ce refus de la sanction chère aux chrétiens a été de même manifeste dans l'oeuvre de Nietzsche qui vient tourner en dérision le Jugement dernier. Pour Nietzsche, ce jugement a été inventé par les faibles pour se dédommager de leur vie terrestre perdue.

Le Jugement dernier, le paradis chrétien n'est donc que la venue du royaume des faibles.

La phrase de Thomas d'Aquin, répétée par Nietzsche, est révélatrice de ses intentions : « Les bienheureux au royaume céleste, verront les peines des damnés pour = = en recevoir un surcroît de béatitude (Commentaires sur le livre de Sentences, IV, l, 2, 4; indication de source fournie par la KSA. In La Généalogie de la morale, op.cit, p.104)

A ce royaume fictif, Nietzsche (tout comme Onfray aujourd'hui) vient opposer un royaume réel : le royaume de la terre. « Mais nous, en ce royaume des Cieux, d'aucune manière ne voulons entrer, hommes virils sommes devenus : - ainsi c'est le royaume de la terre que nous voulons. » (Ainsi parlait Zarathoustra, op.cit, La Fête de l'âne, p.380.)

* 684 Cf. Féeries anatomiques, op.cit., p.382. Les Vertus de la foudre, op.cit., p.234. La lueur des orages désirés, op.cit., p.12.

* 685 Cf. Féeries anatomiques, op.cit, p.389 ; p.390

* 686 Ibid.,p.101

* 687 René Daumal (1908 - 1944) est un poète, essayiste et écrivain français.

* 688 René DAUMAL, La revue- Le Grand jeu-, 1930 in Mathieu BAUMIER, L'anti traité d'athéologie, op.cit., p.58

* 689 Voir le premier chapitre de la deuxième partie : les deux mouvements du philosophe

* 690 Mathieu Baumier est un essayiste et romancier français âgé de trentaine d'années. Il est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages et l'animateur de la revue intellectuelle et littéraire La Soeur de l'Ange.

* 691 L'anti traité d'athéologie, op.cit., p.54

* 692 Idem.

Paul Ricoeur (1913-2005) est un philosophe français. Il s'est intéressé à la phénoménologie de Husserl et à l'étude de la Bible (voir par exemple l'Herméneutique biblique). Il est l'auteur d'une trentaine d'ouvrages.

René Girard, né à Avignon en 1923. Il est prof émérite de littérature comparée à l'université Stamford et à l'université Duke aux Etats-Unis et membre de l'académie française. Auteur d'une vingtaine d'ouvrages.

* 693 Cf. Paul RICOEUR, Penser la Bible, Seuil, 1998 ; René Girard, La Violence et le sacré, Grasset, ou encore Le Bouc émissaire, Grasset, 1982.

* 694 Cf. L'anti traité d'athéologie, op.cit., pp.33-41 ; p.68

* 695 Ibid., p.38 ; p.39

* 696 Paul Ricoeur est l'auteur d'un ouvrage sur le mal. Voir, Paul Ricoeur, Le mal - Un défi à la philosophie et à la théologie, Labor et fides, 2004

* 697 Ibid., p.37

* 698 Hans JONAS, Le principe responsabilité - une éthique pour la civilisation technologique - , Paris, Cerf, 1997, p.30. Voir les trois autres formules à la page 31.

* 699 Cf. La pensée éthique contemporaine, op.cit., p.71 ; p.72.

* 700 Le principe responsabilité, op.cit., p.13

* 701 Jacqueline Russ dans La pensée éthique contemporaine définit le scientisme de la façon suivante : « le scientisme, qui prétend résoudre tous les problèmes philosophiques et humaines par la science, qui idolâtre cette dernière en y voyant une matrice à résoudre toute question, représente l'obstacle décisif à la constitution d'une authentique bioéthique, soucieuse de dégager la base axiologique de toutes les données. (La pensée éthique contemporaine, op.cit., p.107)

* 702 Ibid., p.98

* 703 La bioéthique, op.cit., p.7 ; p.8.

* 704 Ibid., p.8

* 705 Ibid., p.85

* 706 Ibid., p.91 ; p.92

* 707 Ibid., p.84 ; p.85

* 708 Ibid., p.80 ; p.81

* 709 Jean-François Mattei est un médecin et homme politique français né le 14 janvier 1943 à Lyon. Il est professeur de pédiatrie et de génétique médicale. Il est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages traitant de bioéthique et de politique.

* 710 Cf. MATTEI Jean-François, Les droits de la vie, Odile Jacob, 1996, p.28

* 711 Cf. Les vertus de la foudre, op.cit., p.201

* 712 Les droits de la vie, op.cit, p.29

* 713 Ibid., p.32

* 714 Ibid., pp.71-74

* 715 Cf. Les droits de la vie, op.cit, pp.158-164.

* 716 ÑÇÌÚ. ÌæÒ. ãÚáæ ÇáãÓáÉ ÇáÎáÇÞíÉ í ÇáÚáæã ÇáØÈíÉ ãÑÌÚ ÓÇÈÞ Õ 12.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote