Contre histoire de la philosophie / le laboratoire de la philosophie vivante chez Michel Onfray( Télécharger le fichier original )par Rania Kassir Universite Libanaise - DEA 2008 |
C. La morale aristocratique et élective :Il est à rappeler que le but de Michel Onfray était de fonder une intersubjectivité jubilatoire. Or cette dernière n'est possible que dans une « éthique élective ». L'éthique élective, par opposition à la morale égalitariste chrétienne et par souci hédoniste, instaure des degrés entre les êtres humains. Elle sépare donc entre ceux qui me procurent de jouissance et ceux qui me macèrent dans les souffrances. Dans cette logique de séparation, les passions (plaisir, déplaisir, jouissance, souffrance...) qui irritent les chrétiens vont de nouveau mener le bal. Sur ce point, Michel Onfray est fidèle à Nietzsche, ce philosophe antichrétien, pour qui « les morales ne sont pas autre chose que le langage symbolique des passions. »535(*) Ce jeu entre l'éthique et la pathétique est générateur des « cercles éthiques » eux-mêmes responsables de l' « arithmétique des plaisirs » c'est à dire de l'augmentation du plaisir et de la diminution du déplaisir. Grâce à ces « cercles éthiques », que nous citons par la suite, chacun peut « élire » ceux qui lui procurent de jouissance : donc augmenter sa joie. Et « éviter », à l'encontre de ce que prêche le christianisme, ceux qui causent la gêne : donc il diminue sa souffrance. Dans cette logique, Michel Onfray déclare : « Contre la fausse bijection dans la relation triangulaire chrétienne, je tiens pour une géométrie des cercles éthiques qui, partant d'un point central et focal, Moi - chacun étant le centre de son dispositif -, organise autour de lui, et de manière concentrique, le placement de chacun en fonction des raisons d'entretenir ou non avec l'autre une relation de proximité. »536(*). Dans la logique aristocratique,537(*) on ne trouve plus une relation triangulaire où l'amour du « je » pour « autrui » passe par l'amour de « Dieu ». Cette relation triangulaire sera supplantée par les « cercles éthiques » qui permettent, moyennant les passions (plus ou moins de plaisirs, plus ou moins de déplaisirs), de déterminer la nature de la relation : amitié, amour, tendresse, camaraderie... Ainsi l'éthique est moins affaire de concepts éthérés (le Bien, le Juste, le Vrai) que de passions échangées en permanence. Deux mouvements déterminent les cercles éthiques : élection ou force centrifuge pour les trois premiers cercles et éviction ou force centripète pour le quatrième cercle. Ces cercles sont les suivants : Le premier cercle comporte les affinités supérieures comme l'amitié et l'amour. Le second comprend ceux avec lesquels on entretient des relations de fraternité, de camaraderie ou de sympathie. Le troisième comporte ceux qui relèvent de la relation obligée comme le voisinage et le travail. Le dernier cercle comporte les neutres : les inconnus et les négatifs : les ennemis.538(*) Michel Onfray propose, par souci hédoniste, de ne pas saturer les premiers cercles mais de préférer les quantités minimales et les qualités maximales. Par contre, il suggère, en périphérie, les quantités maximales et les qualités minimales. Enfin, si la morale aristocratique met en jeu les passions longtemps décréditées pour établir une relation avec autrui, il convient dès lors de s'interroger sur le comment de ces passions. Pour quelles raisons cette personne me suscite le dégoût alors qu'une autre me ravit ? Qu'est-ce qui déclenche les passions,et, par suite, le classement des hommes ? * 535 Nietzsche, Fragments posthumes, in Michel ONFRAY, La sculpture de soi, op.cit., p.145 * 536 La puissance d'exister, op.cit., p.111 * 537 L'aristocrate contre le croyant chrétien est celui qui admet la différence entre les êtres humains. * 538 Cf. La sculpture de soi,op.cit., p.170 |
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