6. Conclusion
Médiapart et Arret sur images sont des sites
indépendants d'information qui ont récemment fait le pari du .
participatif >. Autrement dit, de constituer un site alliant a la fois du
contenu journalistique et des contributions amateurs, par
l'intermédiaire de commentaires, de forums, de blogs, ou de votes.
Après un peu plus d'un an d'existence, pour beaucoup, c'est l'heure du
premier bilan en matière de viabilité économique. Mais, du
fait qu'ils aient opté pour un modèle payant basé sur
l'abonnement, cette question est également liée a celle de
l'adhésion des internautes a leur offre. Cette dernière comprend
non seulement la qualité intrinsèque des contenus
rédactionnels, mais aussi leur capacité a modérer et
animer une communauté d'internautes.
La participation de ces derniers est l'une des raisons
avancées par les représentants de ces sites pour expliquer leur
migration sur le web et constitue un élément souvent mis en avant
dans leur positionnement vis-à-vis des médias dits traditionnels
(liberté d'expression, indépendance, proximité avec le
lecteur...). Le 3 participatif . est donc une composante essentielle de leur
démarche initiale. 0r, les discours de ces web journalistes issus de
médias classiques révèlent une certaine ambivalence a
l'égard des contenus générés par leurs
abonnés actifs, ce qui pose la question de savoir qu'elles
représentations ils entretiennent au sujet de la place et du role de ces
derniers sur leurs sites.
Cette notion soulève plusieurs points de crispation
comme les questions du professionnalisme, de la qualité, de la
gratuité ou de l'organisation, qui sont sujettes a débat dans
la profession et de fait chez ces journalistes qui sont a cheval
entre deux modèles de fonctionnement. Celui des
contributions amateurs est basé sur la valeur de partage et de libre
accès des connaissances sur des plates-formes d'UGC marchands ou
bénévoles et auto-organisés. Celui des contenus
journalistiques émane d'une structure hiérarchisée et
professionnelle. Sur les sites indépendants d'information, une
rédaction est « aux commandes . (construction du site, production
d'articles et modération), mais certaines de ses publications sont
amateurs. 0il se situe le curseur des attentes des web journalistes a
l'égard des internautes : cohabitation, échange, collaboration
?
Comme nous l'avons vu au travers de l'analyse des entretiens
menés, les web journalistes officiant sur ces sites développent
par certains cotés un discours enthousiaste quant a la participation des
internautes (même s'ils ont conscience que la part d'abonnés
« actifs . demeure marginale). Ce présupposé fait parti du
postulat de départ ayant initié leur démarche sur
Internet.
Cependant, que ce soit du a leur parcours dans les
médias traditionnels ou a leur expérience empirique du «
participatif ., ils ont d'un autre coté tendance a relativiser la valeur
et l'importance qu'il revet sur leurs sites. Cette demidéception est
révélatrice de représentations du concept du « web
2.0 » ambivalentes. La participation est a la fois « trop .
(virulente, foisonnante, ne correspondant parfois pas a la lige
éditoriale du journal...) et « pas assez » (importante,
vérifiée, éditorialisée...).
Nos résultats tendent a confirmer nos hypothèses
au sujet de l'ambivalence des représentations des web journalistes
d'Arret sur images et Médiapart au sujet de la place et du role des
internautes contributeurs.
De fait, une sorte de statut quo s'instaure sur ces sites et
invite a interroger ces attentes si l'on ne veut pas que ces tentatives
d'intégrer le « participatif . a un site d'information ne
deviennent un voau pieu mort-né. Cette situation appellerait maintenant
a se tourner vers les attentes des internautes afin de cerner les points de
jonction avec celles des web journalistes. Cela permettrait de mieux
définir les enjeux collectifs, qui définiront l'évolution
de ces sites participatifs.
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