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Approche des représentations du "participatif" des journalistes des sites indépendants d'information @rrêtsurimages et Médiapart

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par Claire PHILIPP
EAC - Master de Manager de projet culturel 2009
  

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4.2.3. Critere de la legitimite e t de professionnalisme par la valeur (qualitative et pecuniaire) : le cas des blogs

Un autre point, qui a attiré notre attention et sur lequel nous avons basé nos entretiens, est l'opposition répétée qu'opère les journalistes entre médias professionnels et non professionnels comme critère de fiabilité de l'information. L'une des critiques souvent adressée par les journalistes aux internautes concernant la qualité et la fiabilité de leurs contributions est qu'elles sont issues d'un travail amateur. Leur statut remet par la-même en cause leur légitimité a vouloir contribuer a la production de l'information, comme le font notamment les bloggers. Même si notre étude ne porte pas directement sur la blogosphère, le Club de Médiapart est constitué de blogs. Par ailleurs, ces derniers incarnent de manière exacerbée ce point de friction entre journalistes professionnels et internautes.

Viviane Serfaty, qui a étudié le role des blogs politiques lors de la campagne présidentielles de 2004 aux Etats-Unis, note que :

3 le contenu politique des blogs etudies, de meme que leur frequence de publication, semblent indiquer que c'est par rapport aux medias, et notamment a la presse ~crite, que se definissent les redacteurs de blogs. Pourtant, aucun des auteurs evoques dans cette etude ne cherche a supplanter les medias traditionnels ; tous reconnaissent le caractere limite de leur activite de collecte et de verification de l'information *93.

0r, l'audience des blogs politiques étudiés par Serfaty, si elle demeure modeste comparée a celle des médias traditionnels, oscille tout de même entre 30 000 et 170 000 visites quotidiennes pour les plus populaires d'entre eux.

Elle explique ce phénomène par le fait que les bloggers se sont donné pour objet la surveillance attentive des médias traditionnels et constitués en tant que contreexpertise. Cette veille remet en cause l'autorité << naturelle > des médias de masse et une concurrence s'instaure entre les journalistes et les bloggers au profit de ces derniers94. Constat qu'elle appuie sur l'exemple désormais célèbre du journaliste de CBS, Dan Rather, concernant l'intervention de Georges Bush père pour couvrir la désobéissance de son fils lors de son service militaire. L'authenticité des

93 SERFATY Viviane, . Les Blogs et leurs usages politiques lors de la campagne présidentielle aux Etats-Unis en 2004 ., in Mots. Les langages du politique, n°80, mars 2006, p. 31.

94 !bib, p. 32.

documents avancés avait été mise en question sur un forum, ce qui avait amené le journaliste a avouer son impossibilité de vérifier leur véracité, puis a démissionner deux semaines plus tard.

0n pouvait par ailleurs lire dans l'enquête du journaliste du Monde, Xavier Tiernisen :

3 Pourtant, la plupart des blogueurs ne se considèrent pas comme

journalistes. Leur pratique inclut même souvent une critique implicite de la

presse. "L'espace public numérique joue un role de complément, il est donc

assez logique qu'il soit en réaction et en correction, explique Nicolas

Vanbremeersh, alias Versac, qui a tenu un blog politique de 2003 a 2008. >>95 Ainsi, si les bloggers ne s'affirment pas dans ce cas en tant que concurrents directs des journalistes dans la mesure oil ils reconnaissent eux même ne pas en être, ils se constituent en contradicteurs et en entité . de complément >. A ce titre, la réaction de Narvic (suite a un article publié dans Le Monde au sujet des bloggers96) est éclairante. Ce blogger estime que les rectifications apportées par la blogosphère constituent une . bonne lecon . pour Yves Eudes. Selon Narvic, contrairement a ce que continuent de penser les journalistes, ils n'ont plus le monopole de l'accès a la parole publique et leurs erreurs ne restent plus sans réaction97.

Basant une majeure partie de leur travail sur les mêmes sources officielles (agences de presse...) que les journalistes, les bloggers viennent cependant apporter un autre éclairage a l'actualité. En effet, alors que les médias traditionnels cherchent le consensus (tribunes accordées a des << personnalités contenues ., sélection et formatages des courriers des lecteurs...), Viviane Serfaty estime que la radicalité des prises de position des bloggers revivifient la notion de débat publique. Ils suscitent l'intérêt aussi bien pour la forme (approche hétérogène et ludique, oralité de l'écrit...), que pour le fonds de leurs propos, moins lisses et qui intègrent la participation des internautes. Serfaty conclut en disant :

3

il semblerait plutAt qu'ils fonctionnent comme un niveau de médiation supplémentaire, qui élabore un schéma d'interprétation de l'actualité

95 TIERNISEN Xavier, . Les blogs : info ou influence ? ., in Le Monde, 06.03.09.

96 EUDES Yves, . Profession blogueur ., in Le Monde, 11.11.08.

97 Narvic, . La Lecon des bloggers au grand journaliste du Monde ., Növovision, 13.11.08, http://novovision.fr/?La-lecon-des-blogueurs-au-grand

partisan et polémique et participe de faFon ponctuelle a la mise en agenda de certains themes. .98

Ainsi, les journalistes ne sont pas directement concurrencés par les internautes émetteurs de contenus, mais leur role de « watchdog » entre ici en friction avec l'activité de ces derniers. Les internautes contributeurs constituent un intermédiaire supplémentaire a l'information et au débat publique, voire parfois un niveau de vérification supplémentaire.

Cependant, nous avons constaté un phénomène, encore marginal, de va-et-vient entre les médias et les internautes dans la mesure oil les premiers viennent a leur tour puiser des informations sur des sites de partage de contenus. Les images amateurs des attentats de Londres ou du Tsunami sont par exemple souvent citées pour l'impact qu'elles auraient eu sur la conception même du métier de journaliste Ces cas restent rares, peut être en raison du fait que les UGC (outre leur mauvaise qualité d'image dans le cas de la vidéo) ne sont pas considérés comme des sources légitimes par les journalistes, qui ne semblent les invoquer que faute de mieux, c'est-à-dire d'une source journalistique.

Comme le note le journaliste Xavier Tiernisen du journal Le Monde99, les bloggers sont souvent appelés des « journalistes en pyjama », ce qui souligne le fait qu'ils n'ont pas la culture de l'enquête de terrain et les confine a un role de commentateur ou de « leader d'opinion ., plutot que d'informateur. L'article se poursuit en mettant en avant la nouvelle donne en matière de relations publiques et de communication que les blogs ont suscité, notamment en raison de leur caractère d'électrons libres. Ils ne possèdent pas la carte de presse et n'obéissent pas a la même déontologie que les journalistes professionnels.

Le fait que ces « pro-ams . soient non rémunérés pose ainsi problème, dans la mesure oil les anciens critères, qui permettaient de distinguer les « vrais » journalistes des amateurs, semblent s'atténuer. Eric Marquis, vice-président de la Commission de la carte d'identité des journalistes avance :

- A force de dire que tout le monde peut être journaliste, on dévalorise ce
métier et on occulte le fait que la bonne information a un coOt. Apres tout,
on ne parle pas de "chirurgien citoyen". Le terme de "citoyen" ne sert qu@~

98 Ibid, p. 33 et 34.

99 TIERNISEN Xavier, « Les blogs : info ou influence ? ., in Le Monde, 06.03.09.

habi((er une deva(orisation de ('information et une precarisation de (a profession. Nous sommes déjà descendus tres bas dans (es criteres d'attribution de (a carte de presse, jusqu'd (a moitie d'un smic pour (es revenus tires du journa(isme.1 .

0n constate donc ici que la remuneration est percue comme un critere discriminant essentiel, dans la mesure oil sont lies la qualite du travail, la notion de metier et la remuneration. A contrario, le fait que l'information soit gratuite, sur les blogs par exemple, discredite le travail dont elle est issue, puisque ce dernier n'est pas reconnu par une valeur pecuniaire. La legitimite d'une information est donc ici intimement liee au fait que l'on appartienne a un corps de metier avec ses r~gles, donnant acces a une remuneration.

Par ailleurs, la concurrence entre information payante fournie par des journalistes et gratuite fournie par des « journalistes citoyens » est clairement etablie par Eric Marquis. En effet, ces derniers « precarisent . les journalistes professionnels en « devalorisant . leur travail. Les bloggers voient alors leur production attaquee a la fois parcequ'ils ne demandent pas de remuneration (representant en quelque sorte des « jaunes >) et au sens oil leur travail de moins bonne qualite. Leurs publications, en etant assimilees par le public a la production journalistique, viendrait degrader l'image de celle-ci. Greffe et Sonnac expliquent :

« que ce soit pour exp(iquer (es crises du Monde ou de Liberation, (es mecomptes de (a Fnac ou de Virgin, un mode(e s'accredite, re(aye evidemment par (e medias c(assiques : (a mauvaise monnaie chasse (a bonne, dans une (oi de Gresham101 cu(ture((e. Des monceaux de contenus sans qua(ite, mais gratuits, font concurrence aux contenus professionne(s, payants certes, mais de qua(ite. .102

0r, nous pouvons nous demander dans quelle mesure cette confusion existe dans la mesure oil, les bloggers eux-mêmes ne se considèrent pas comme etant des journalistes. Bien au contraire, ces derniers ont tendance paradoxalement a s'en defendre, comme si etre assimiles aux journalistes signifiait avoir perdu de son independance. Un billet de Narvic sur son blog « Növovision . disant que, Laurent

100 Ibid.

101 Reference a la theorie du financier britannique Thomas Gresham, qui etabli au 16eme siècle que, lorsque deux monnaies en circulation, les agents economiques thesaurisent la « bonne . monnaie, et privilegient l'utilisation courante de la « mauvaise ..

102 GREFFE Xavier et S0NNAC Nathalie (sous la direction de), Cu(ture Web. Creation, contenus, économie numérique, Paris, Dalloz, 2008, p. 56.

Gloaguen (« Embruns »103) et Guy Birenbaum (« Sarfoff »104) font « un excellent journalisme », a cree une polemique. Les bloggers concernes ont virulament reagit en se defendant de faire du « gonzo journalisme » 105. Si on suit son argumentaire, Guy Birenbaum semble s'appuyer sur le fait qu'il dise ce qu'il pense106 pour prouver qu'il n'est pas journaliste. Il balaye egalement la question du type de traitement, qui correspond a une nomenclature rigide, alors que ce dernier revendique une liberte de ton. Versac quanta lui « defend » Laurent Gloaguen en avancant qu' « il ne blogue pas pour gagner sa vie ».

0n constate ici, que l'argument disant que le journalisme n'est concevable que comme un metier avance par les journalistes, l'est egalement par les bloggers. Cette conception emane peut etre de loi de 1935 cette derniere confere le statut de journaliste professionnel aux personnes employees par une entreprise de presse comme journaliste professionnel. Autrement dit, ne sont journalistes professionnels que ceux qui peuvent tirer de cette activite au moins 50% de leurs revenus, independants ou non.

A l'instar de Denis Ruellan, on peut toutefois se demander si le journalisme ne peut etre envisage que depuis le prisme du professionnalisme. Ruellan avance que des :

« que l'on prefere s'attacher aux qualites reellement dynamiques propres au groupe (que sont l'imprecision de ses frontieres et la creativite des modes de production), le journalisme apparatt dans toute sa riche specificite : un metier dont l'original inter.t est sa capacite a produire rapidement un discours attractif, ephemere et imprecis par necessite sur ce qui a ete, avec les moyens qu'il juge utiles et des procedures que lui seul apprecie. »107

Si l'on reprend la definition du terme « metier » que donne Ruellan, l'activite journalistique englobe davantage de pratiques que la production purement professionnelle.

0n observe donc une tension entre une definition formelle et une definition
davantage basee sur l'observation des pratiques sociales suscitant un discours

103 http://embruns.net/logbook/2008/07/04.html#c65479

104 http://www.lepost.fr/article/2008/07/01/1216898_sarkoff.html

105 Traitement journalistique ultra-subjectif d'un sujet, invente par Bill Cardoso et popularise par Hunter S. Thompson dans les annees 1970 aux Etats-Unis.

106 Na
·

rvic, «Les blogueurs sont dejà des journalistes », Növovision, 08.07.08, http://novovision.fr/?Les-blogueurs-sont-deja-des

107 RUELLAN Denis, Le journalisme, ou le professionnalisme du flou, Grenoble, PUG, 2007, 230p.

ambivalent aussi bien du coté des journalistes que des internautes émetteurs de contenus. Denis Ruellan note ainsi:

3 nouveaux venus aux marges du journalisme, les blogueurs dont une fraction (...) commence a frapper a la porte du groupe pour faire reconnaitre cette activite qu'ils presentent encore (fin 2006) dans un discours de double pretention a la professionnalisation et a l'autonomie, dialectique caracteristique des impetrants. .108

Par ailleurs, si les bloggers incarnent spécifiquement cette problématique et cristallisent le débat du fait qu'ils constituent des individualités plus aisément désignables ; a une plus large échelle, l'ensemble des UGC pose la question de savoir si la production de l'information ne peut être concue comme légitime qu'en tant que profession. Selon la tradition du Net, l'autonomie a au moins autant de valeur, sinon plus, que le professionnalisme de ce point de vue.

A fortiori, nous pouvons nous demander si la production amateur constitue un réel danger pour la profession des journalistes, qui est ici représentée comme un ordre, au même titre que celui des médecins. Il paralt contradictoire d'avancer qu'il existe une concurrence directe entre ces deux offres dans la mesure oil la définition même de cette notion marketing signifie : un même produit pour une même cible a un même prix. En poussant ce raisonnement jusqu'au bout, au risque d'être quelque peu caricatural, on peut se demander : pourquoi avoir peur de l'offre amateur si celle-ci n'a pas les qualités pour constituer une concurrence ?

Par ailleurs, ce raisonnement suppose que les pratiques de lecture ne sont pas complémentaires et ne se cumulent pas. Cela revient a considérer l'arrivée du participatif en quelque sorte comme une . innovation destructrice ., qui viendrait mettre en cause l'ancien modèle d'information. 0r, le lien entre les nouvelles pratiques numériques d'information et la crise économique des journaux papiers n'est pas prouvé. Pierre Haski déclare d'ailleurs :

3 La plus part des gens ont lu le même quotidien toute leur vie et rares sont les gens, sauf pour des raisons professionnelles, qui en lisent trois, quatre. Sur Internet, c'est exactement l'inverse. C'est-a-dire que le mot navigation veut dire ce qu'il veut dire, on passe d'un site a l'autre. .109

108 Ibid.

109 http://www.observatoiredesmedias.com/2009/04/28/les-sites-dinfos-pureplayers-en-francedebat-sur-les-modeles-economiques/

Les chantres du web 2.0, tel que Joël de Rosnay, s'appuient en outre sur les même chiffres de précarisation de la profession pour prouver le désamour du lectorat pour leur offre au profit de celle participative. Pierre Haski semble sous-entendre que c'est la concurrence de cette dernière qui est a l'origine de la situation. Si la cause est sensiblement différente, cela revient paradoxalement dans les deux cas a reconnaitre aux UGC une capacité a concurrencer les médias traditionnels et ainsi a les légitimer. Cette concurrence non assumée, mais latente, entre les journalistes et les contributeurs, pose la question de la nouvelle répartition des roles qui est en train de se jouer.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius