WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'infraction politique en droit pénal camerounais

( Télécharger le fichier original )
par Thomas OJONG
Université de Douala - DEA de droit privé fondamental 2005
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Paragraphe 1 : La banalisation de l'infraction et du délinquant politique.

Elle s'illustre par la soumission de certaines infractions politiques aux juridictions de droit commun (A) et au caractère expéditif de la procédure devant la Cour de Sûreté de l'Etat (B).

A- LA SOUMISSION DE CERTAINES INFRACTIONS POLITIQUES AUX JURIDICTIONS DE DROIT COMMUN.

S'il est établi comme un principe que seules les juridictions d'exception sont compétentes pour connaître des infractions politiques, il est exceptionnellement reconnu aux juridictions de droit commun le pouvoir d'en avoir également connaissance dans certains cas bien spécifiés. Cette soumission des infractions politiques à la compétence des juridictions de droit commun date d'avant la réforme pénale de 1990 (1) et n'a pas été abrogée par ladite réforme (2), au contraire.

1- Avant la réforme pénale de 1990.

Avant la loi n°63/30 du 25 octobre 1963, les infractions de subversion relevaient des tribunaux de droit commun. A titre d'illustration, les premières personnes poursuivies et condamnées sur la base de l'ordonnance du 12 mars 1962198(*) ont été des leaders de partis politiques.

Le tribunal correctionnel de Yaoundé199(*), en date du 11 juillet 1962, condamnait André Marie Mbida, Charles René-Guy Okala, Benjamin Mayi Matip à trente mois d'emprisonnement et 250.000 francs CFA d'amende.200(*)

Cette compétence des juridictions de droit commun a été maintenue en matière politique malgré les amendements législatifs intervenus en 1990.

2- Depuis la réforme pénale de 1990.

En supprimant la peine de détention qui sanctionnait la plupart des infractions politiques pour la remplacer par la peine d'emprisonnement, la réforme pénale de 1990 a par la même occasion soumis ces infractions politiques par nature à la compétence des juridictions de droit commun. Il s'agit des délits électoraux prévus aux articles 122 c.p. (fraudes électorales) et 123 c.p. (corruption), de la coalition contre les lois et le fonctionnement d'un service et la sûreté de l'Etat201(*), de l'empiètement sur le législatif202(*), de l'empiètement de l'exécutif sur le judiciaire203(*), des empiètements du judiciaire sur certaines immunités204(*).

Par ailleurs, certaines infractions politiques précédemment prévues et réprimées par l'ordonnance du 12 mars 1962 portant répression de la subversion qui ont été transférées dans le code pénal205(*), relèvent désormais elles aussi de la compétence des juridictions de droit commun. La procédure qui leur est applicable sera fonction de la gravité de l'infraction. Tandis que la procédure devant la C.S.E est en principe sommaire.

B- LE CARACTERE EXPEDITIF DE LA PROCEDURE DEVANT LA C.S.E.

Une justice démocratique recherche constamment le compromis entre l'intérêt de la société et la sauvegarde des libertés individuelles206(*). La bonne garantie de ce compromis suppose que les preuves des actes à réprimer soient réunies par un juge d'instruction, qu'un second juge puisse réexaminer l'affaire en cas de contestation contre la décision du premier juge. Toutes les étapes de l'examen de l'affaire doivent en outre être sur un fond de procédure calme et réfléchie.

A bien des égards, ces garanties minimales de la manifestation de la vérité manquent dans l'ensemble dans la procédure organisée par la loi n°90/060 du 19 décembre 1990. Cette procédure est en effet marquée par deux innovations contestables en la matière : l'usage de la procédure du flagrant délit (1) et l'absence de principe d'une information judiciaire (2).

1- L'institution de la procédure de flagrant délit

Aux termes de l'article 6 al.1 de la loi n°90/060 précitée, les auteurs, coauteurs et complices des infractions contre la sûreté de l'Etat sont traduits à la C.S.E. par voie de flagrant délit. Cette extension critiquable de la procédure de flagrance avait toujours épargné la criminalité politique. Ces prescriptions de la loi de 1990 dérogent à la procédure pénale militaire.

En effet, l'article 8 (1) de l'ordonnance n°72/5 du 26 août 1972 relative à l'organisation judiciaire militaire disposait expressément : « La procédure de flagrant délit est inapplicable devant le tribunal militaire ». Cette procédure est ainsi, par hérésie, transposée à la juridiction politique qu'est la Cour de Sûreté de l'Etat. Hérétique, elle l'est parce qu'elle est contraire aux exigences démocratiques que fait respecter la loi du 20 mai 1863207(*). Hérétique, elle l'est aussi parce que les infractions pour lesquelles la loi fait appliquer la procédure de flagrance ne sont pas nécessairement celles que le droit commun indique pour cette procédure spéciale208(*).

La procédure appliquée devant la C.S.E. est ainsi, en principe unique, que l'infraction soit flagrante ou non. En droit commun, la procédure exigée est lente et calme lorsque l'infraction n'est pas flagrante, accélérée et nerveuse lorsqu'elle l'est. En réalité, la loi a créé de nouveaux cas de flagrance dans la mesure où elle ne respecte pas uniquement les conditions de la flagrance de droit commun.

En droit commun, l'infraction est flagrante lorsque :

- le crime ou le délit se commet actuellement ou vient de se commettre209(*)

- dans un temps voisin d'un acte criminel, le suspect est poursuivi par la clameur publique ;

- le suspect est trouvé muni des pièces présentant des traces ou des indices prouvant qu'il a participé à un acte criminel ;

- une personne requiert le procureur de la République ou un officier de police judiciaire de constater une infraction qui a été commise dans une maison qu'elle occupe ou dont elle assure la surveillance.

L'extension de la procédure de flagrant délit210(*)à des infractions non flagrantes laisse conclure que le droit répressif camerounais se caractérise par un recours excessif aux procédures sommaires avec pour conséquence la limitation des cas où l'information judiciaire est admise.

2- L'absence de principe d'une information judiciaire.

C'est le corollaire de l'institution de la procédure de flagrance en la matière.

Aux termes de l'article 5 de la loi n°90/060 précitée, le procureur général procède ou fait procéder par tous officiers de police judiciaire à tous actes nécessaires à la recherche, à la constatation et à la poursuite des crimes et délits de la compétence de la C.S.E, dans les affaires de sa compétence, et a les mêmes attributions que le procureur de la République. Cette Cour ne respecte pas le principe de la séparation des fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement. La loi de 1990 réitère l'accélération de la procédure instituée à une époque où l'on conseille de plus en plus la césure du procès pénal.

Mais, cette loi a elle-même prévue des cas exceptionnels où le procureur général doit ouvrir une information judiciaire. Aux termes de l'article 6 al.2, « toutefois, lorsqu'un mineur de plus de 14 ans est impliqué dans une affaire ou que l'auteur est en fuite, le procureur général ouvre une information ».

La loi 90 /060 n'a fait que respecter la tradition dans ce domaine ; car, l'information est toujours ouverte lorsqu'un mineur est impliqué dans une infraction211(*). Cependant, elle a innové dans la mesure où elle a fixé la minorité pénale à 14 ans en matière de poursuites contre la sûreté de l'Etat, alors que le code pénal fixe à 18 ans la minorité pénale. La réduction de cette minorité par la loi n°90/060 témoigne de la sévérité de la répression politique dans notre pays. C'est un recul regrettable au moins par rapport à l'ordonnance n°59/91 qui ne permettait de juger les mineurs de 18 ans coupables d'atteintes à la sûreté de l'Etat212(*)qu'à la condition qu'ils fussent séparés des majeurs de plus de cet âge et jugés en chambre de conseil.

La loi de 1990 marque le recul et la relativité excessifs de la répression dans un même pays. La conception camerounaise du procès en matière de criminalité politique est aujourd'hui aux antipodes de toutes ces tendances modernes qui prônent la séparation des trois fonctions. Pourtant, avec l'ordonnance n°72/20 du 19 octobre 1972213(*), le législateur camerounais n'était pas loin de cette césure moderne. En effet, en instituant le "rejugement", il consacrait à sa façon, sans le savoir peut-être, cette césure. Malheureusement, cette mesure si salutaire pour le délinquant avait été prise plutôt dans un but beaucoup plus répressif qu'humanitaire214(*). L'abrogation entière de cette ordonnance n'est pas judicieuse. Elle marque également un recul regrettable de la politique criminelle du pays. Elle méritait plutôt des modifications dans le sens de la protection à la fois des intérêts du délinquant et de la société. Mais, c'est malencontreusement à la fragilisation de la protection du délinquant politique que l'on a assisté.

* 198 Portant répression de la subversion

* 199 Juridiction de droit commun.

* 200 Op.cit.

* 201 Art. 124 c.p.

* 202 Art. 125 c.p.

* 203 Art. 126 c.p.

* 204 Art. 127 c.p.

* 205 Il s'agit des articles 157 a) ; 154 al.2 et 113 c.p.

* 206 Eugène Schaeffer, procédure pénale et développement (...), Annales africaines, n°1, 1962, p.247.

* 207 Loi du 20 mai 1863 sur l'instruction des flagrants délits devant les tribunaux correctionnels, art. 7 :"exclut expressément la procédure de flagrance en cas d'infraction politique."

* 208 Sur l'ensemble de la question, v° Tchokomakoua (V) ; « Les particularités de la procédure de flagrant délit en droit camerounais depuis 1972 », R.C.D, n°30, 1985, pp.5 et sq.

* 209 Art. 103 (1) c.p.p.

* 210 Kameni Djongue (J - D) ; Le domaine de la procédure de flagrant délit en droit camerounais depuis la réforme du 19/12/1990, Mémoire de maîtrise en droit privé, université de Yaoundé 1992.

* 211 Anoukaha (F) ; Le magistrat instructeur, Thèse de doctorat de 3è cycle en droit privé, Yaoundé, 1982, pp.82 et 83.

* 212 Ils n'étaient justiciables devant le tribunal militaire qu'en temps de guerre ; les atteintes à la sûreté de l'Etat faisaient partie des infractions qui relevaient de la compétence du tribunal militaire.

* 213 Loi n°72/20 du 19 octobre 1972 complétant les dispositions relatives à la compétence de la juridiction militaire.

* 214 Goudem (J) ; op.cit., pp. 509-517.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote