Olivier Arnoux de Maison Rouge
LES STRATÉGIES DE DÉFENSE EN
MATIÈRE D'OPA
DEA DE DROIT DES AFFAIRES 2000-2001
Mémoire rédigé sous la direction de
Maître Riffard
LES STRATÉGIES DE DÉFENSE EN MATIÈRE
D'OPA
« Le monde des financiers est un brelan où
tout est confondu :
tel pense avoir gagné qui a souvent
perdu. »
Mathurin RÉGNIER (1573-1613)
TABLE DES MATIÈRES
Pages
INTRODUCTION 5
§1. - Qu'est-ce qu'une OPA ? 5
§2. - Pourquoi une OPA ? 9
§3. - Procédure de l'OPA 11
² ² ²
PREMIÈRE PARTIE :
LES STRATÉGIES DE DÉFENSE PRÉVENTIVE
I. CONCENTRATION ET STABILITÉ DU CAPITAL 16
A. Capital social et droit de vote 17
§.1 La technique des obligations convertibles en
actions : l'accès au droit de vote 17
§2. Les titres sans droit de vote 18
§3. L'aménagement du droit de vote 19
B. Stabilisation et fidélisation du capital
21
§1. Le franchissement de seuil 21
§2. L'identification de l'actionnariat 22
§3. La fidélisation de l'actionnariat 23
§4. La constitution de blocs d'actionnaires 24
²
II. LE RENFORCEMENT STRUCTUREL 26
A. La restructuration de la forme de la société
27
§1. La société en commandite par action
27
§2. La composition d'un holding non coté
30
§3. La société par actions
simplifiées 30
§4. L'absorption d'autres sociétés
32
B. Le renforcement du fonctionnement de la
société 34
§1. Le soutien du conseil d'administration 34
§2. L'accès au conseil d'administration 36
§3. Les poison pills 38
DEUXIÈME PARTIE :
LES STRATÉGIES DE DÉFENSE ACTIVE
I. LA DÉFENSE ACTIVE ÉMANANT DES DIRIGEANTS
43
A. Les stratégies de défense financière
43
§1. La contre-OPA 43
§2. Le rachat de ses propres actions par la
société cible 45
§3. L'achat d'une autre société 47
§4. L'augmentation de capital 48
B. Les autres moyens de défense active 51
§1. La stratégie du chevalier blanc 51
§2. Les recours judiciaires 53
²
II. STRATÉGIES DE DÉFENSE ET
INTÉRÊT SOCIAL 55
A. Intérêt social et OPA 55
§1. L'intérêt social durant une OPA
55
§2. OPA et comité d'entreprise 58
B. Défense et intérêt social 60
§1. L'action sociale 61
§2. Le soutien des actionnaires salariés
62
² ² ²
CONCLUSION 64
Index des abréviations 66
Index alphabétique 67
Biographie 68
INTRODUCTION
DE L'OPA EN GÉNÉRAL
1. - S'agissant de se pencher sur les
stratégies de défense en matière d'offre publique d'achat
(OPA), il convient tout d'abord de rappeler nécessairement ce qu'est une
OPA.
A ce titre, dans cette introduction, nous essaierons
d'atteindre cet objectif en répondant à trois questions qui nous
paraissent essentielles, à savoir :
1° Qu'est-ce qu'une OPA ?
2° Pourquoi réaliser une OPA ?
3° Quelle est la procédure d'une OPA ?
§1. Qu'est-ce qu'une OPA ?
2. - « La procédure
d'offre publique d'achat consiste pour une personne physique ou morale (le plus
souvent une société) à faire connaître publiquement
aux actionnaires d'une société qu'elle est disposée
à leur acheter les titres qu'ils détiennent afin de prendre le
contrôle de cette dernière »1(*).
L'objectif d'une OPA est donc la prise de contrôle par
une société (ou encore une personne physique) d'une autre
société. L'OPA peut s'inscrire notamment dans un but notamment de
fusion, de restructuration ou encore de concentration soit verticale soit
horizontale.
Une OPA se pratique sur une société faisant
appel public à l'épargne2(*). En effet, l'opération consiste pour le
raider, c'est-à-dire pour la société qui se
présente comme cessionnaire, à racheter les titres
côtés en bourse de la société cible. Par toutes
voies de presse et de publicité, l'initiateur de l'opération se
propose de racheter aux actionnaires de la société
concernée tout ou partie des titres qu'ils détiennent
généralement à un cours supérieur à celui du
marché et pendant un délai déterminé.
Cet achat d'actions permettra au raider d'avoir la
majorité à l'assemblée des actionnaires et donc de prendre
la direction de la société cible.
L'OPA est dite amicale lorsqu'elle se déroule avec
l'accord des dirigeants des deux sociétés concernées par
l'opération. L'OPA est dite hostile lorsqu'elle s'oppose à la
volonté des dirigeants de la société convoitée.
Elle suppose alors que les dirigeants de la société visée
ne soient pas majoritaires dans son capital.
3. -Le marché des OPA met
généralement en scène différents acteurs
économiques : les raiders, les industriels et les
spéculateurs.
Les OPA lancées par les raiders ont un objectif
purement financier. Mais une OPA peut également être
motivée par des considérations industrielles et sera alors
conduite par ce que nous appellerons des industriels qui
procèdent d'une logique de restructuration d'un secteur
concerné.
Une OPA, quelle que soit sa finalité, met en oeuvre une
séquence qui peut être schématisée de la
façon suivante. Au départ réside le constat de la
sous-évaluation du capital boursier d'une entreprise par le futur
acquéreur. Ce dernier achète alors des actions de l'entreprise
(le ramassage en bourse) en vue d'effectuer ultérieurement une OPA
proprement dite. Cette étape est souvent indispensable car la
détention d'un certain nombre d'actions, en jouant un rôle de
garantie, lui permettra d'emprunter auprès des banques les fonds
nécessaires au financement de l'OPA envisagée. De plus, il entre
auparavant dans le capital social et peut intervenir dans les assemblées
d'actionnaires. Enfin, l'acquéreur se déclare en proposant
d'acheter les actions de l'entreprise ciblée à un prix
supérieur au cours en vigueur.
4. - On distingue les offres publiques
d'achat (OPA) qui sont un échange d'actions contre liquidités des
offres publiques d'échange (OPE) où il est proposé aux
actionnaires d'autres titres en substitution des actions préalablement
détenues. Dans une OPA, le prix offert par l'acquéreur potentiel
doit être suffisamment attractif pour convaincre les détenteurs
d'actions de la société visée de céder leurs titres
au raider.
Le spéculateur est la personne qui envisage
d'opérer une OPA sur une société cotée pour la
revendre peu après à un cours supérieur. En France, par
exemple, M. Vincent BOLLORÉ s'est ainsi illustré3(*).
5. - Il convient également de
distinguer l'OPA du simple ramassage en bourse. Cette dernière technique
peut en effet être l'une des séquences de l'OPA. Elle consiste
à opérer à un simple rachat d'actions étalé
dans le temps. La personne à l'origine de ce comportement espère
ainsi à terme se retrouver majoritaire dans la société.
A contrario, l'OPA est une démarche
construite, réfléchie et organisée qui fait l'objet d'une
réglementation précise. Elle est ainsi encadrée dans le
temps, elle fait l'objet d'une déclaration préalable et elle est
soumise à une procédure particulière.
Si le ramassage en bourse est ignoré par la
législation, une OPA proprement dite peut cependant se réaliser
par la voie d'un ramassage d'actions qui reste dans tous les cas le but
poursuivi (on parle alors d'OPA de ramassage). L'OPA est effectivement
encadrée juridiquement dans une procédure tendant à
assurer un traitement égal de tous les actionnaires lors de la prise ou
du renforcement du contrôle de la société.
6. - Historiquement, l'OPA est née aux
Etats-Unis. Ce pays est à l'avant-garde du capitalisme, que l'on
qualifie généralement de sauvage, dont la doctrine
économique permet aux spéculateurs d'opérer des assauts
sur des concurrents. C'est pourquoi les offres publiques inamicales (OPI) se
sont considérablement développées outre-atlantique.
De même, ces techniques ont fortement influencé
la Grande-Bretagne alors que la France, l'Allemagne et le Japon ne semblaient
pas se laisser tenter par l'aventure.
En revanche, pays où les OPA sont monnaie courante, les
Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont su développer parallèlement
des techniques visant à contrer les OPI4(*) tandis que les autres pays occidentaux adoptaient une
législation sur les OPA sans pour autant prévoir de garanties de
défense aux sociétés cible5(*).
7. - Ainsi, pour la France, les OPA
sont-elles apparues ponctuellement sur le marché boursier dans les
années 1960. Elles ont cru petit à petit sans toutefois atteindre
le rythme connu outre-manche ou bien outre-atlantique.
La première OPA sur une société a
été réalisée en 1964. A cette époque, aucune
règle juridique n'existait pour encadrer l'opération. Il
s'agissait d'un simple et pur ramassage en bourse ; désormais la
loi du 24 juillet 1966 a établi les conditions nécessaires
à la réalisation d'une OPA en toute franchise et les
autorités boursières ont également édicté
des règlements afin de défendre les actionnaires contre les
manoeuvres des uns et des autres tandis que les sociétés, pour
leur part, cherchaient à se prémunir contre les agressions.
Les OPA se sont faites rares jusqu'en 1985 date à
laquelle la bourse a connu une vague d'hostilités qui a poussé
les autorités à autoriser les sociétés cibles
à parer les attaques belliqueuses (pour l'année 1985 : 11
OPA ; 1986 : 12 ; 1987 : 12). Le krach boursier de 1987 a
effectivement considérablement favorisé les OPA hostiles, une
trentaine ont été comptabilisées pour l'année 1988
et ont conduit la Commission des Opérations de Bourse (COB) à
adopter le règlement du 30 septembre 1989 qui clarifie le marché
et évite de faire de toute société cotée une proie
par trop attrayante. Cependant, l'année 1997 a vu de nombreuses
tentatives d'OPI.
8. - Par ailleurs, c'est une constatation,
une OPA hostile tend à faire utiliser, pour les observateurs comme pour
les protagonistes, un vocabulaire particulièrement guerrier. En effet,
le raider, qui est aussi un prédateur, lance une OPA hostile,
c'est-à-dire qu'il entame les hostilités. Auparavant, il a
affûté ses armes ; placé ses pions et ses espions. Il
commence alors l'offensive. Il se lance à l'assaut de l'entreprise
devenue sa cible. Il livre bataille contre sa proie qui s'arme et se
défend. Cette dernière lutte pour sauver ses marchés, ses
terres, tandis que l'assaillant combat pour obtenir de nouvelles
conquêtes, pour accroître sa fortune. Les hostilités sont
dures et les coups sont rudes.
En revanche, la cible n'est pas sans défense. Elle
contre-attaque et établit les plans d'une contre-offensive. Si le combat
devient désespéré, elle ne rendra pas pour autant les
armes aussi facilement. Elle peut tout d'abord faire appel à un
chevalier blanc qui, s'il n'est pas franc peut s'avérer être un
chevalier noir.
Si la partie est définitivement perdue, la
société prise dans le filet peut en dernier ressort pratiquer la
politique de la terre brûlée. Se voyant perdue,
déshonorée, livrée à l'ennemi, elle ingurgitera
quelque pilule empoisonnée afin de ne pas se rendre vivante.
§2. Pourquoi une OPA ?
9. - L'OPA peut, en premier lieu, permettre
de réaliser en toute transparence et dans le respect des
intérêts des actionnaires, des concentrations ou des
rapprochements d'entreprises basées sur une logique de
rationalité économique et/ou financière.
En second lieu, l'OPA encourage également les
opérations purement spéculatives. « Dans cette
optique, estiment LEE et CARREAU, le
« prédateur » est moins intéressé par
des opérations économiquement saines que par des profits à
court terme pouvant entraîner le démantèlement de la
société cible (ce que l'on appelle « la vente par
appartement ») »6(*)
10. - Indirectement, l'OPA permet de
dynamiser et de réhabiliter le capitalisme à la française
car les médias ne manquent pas de se faire l'écho de nobles
batailles boursières7(*). Ce libéralisme plus
« mordant » empêche la concentration du capital entre
les membres d'une même famille et favorise la compétitivité
exaltée par un marché plus ouvert.
En outre, une OPA réussie offre la saine
possibilité de remplacer une caste dirigeante, c'est-à-dire de
substituer des équipes d'administrateurs vieillissants ou
incompétents.
C'est parfois ce que proposent certains raiders qui
développeront des trésors d'ingéniosité pour
atteindre leurs objectifs de spéculation en se parant du titre de
« régénérateur » de certaines
sociétés.
11. - Pour contrecarrer l'objectif
spéculateur, les Etats-Unis, où les OPA sont choses courantes et
où règne un capitalisme « sauvage », ont su
élaborer des techniques de défense pour protéger les
intérêts des entreprises visées8(*).
Pour sa part, la France a très peu connu d'OPA
hostiles. C'est pourquoi elle n'a pas souvent facilité la tâche
des sociétés cotées en bourse qui pourraient être
vulnérables. Or, nombreuses sont les sociétés
détenues par des milliers, voire des centaines de milliers, de petits
actionnaires susceptibles d'être rachetées par une OPA de
ramassage. On parle dans ce cas d'actionnariat
« atomisé ».
Aussi, depuis peu de temps, plus précisément
durant la période de cohabitation du premier septennat de M.
François MITTERRAND, le ministre de l'Économie, des Finances et
de la Privatisation, M. Edouard BALLADUR, a accepté l'idée des
« noyaux durs » d'actionnaires qui établissent une
certaine stabilité au sein du capital d'une entreprise.
12. - Une société sera
également vulnérable si elle est peu endettée. Elle est
ainsi très attractive pour un prédateur et ce d'autant plus si
elle détient un actif net important et un patrimoine conséquent.
Le spéculateur sera particulièrement intéressé si
toutes ces conditions sont réunies. Il pourra alors se livrer,
après le rachat de la société, au
démantèlement en vendant en tout premier lieu le patrimoine qui
lui rapportera une plus-value conséquente.
Enfin, la sous-capitalisation boursière de la
société cible est une autre cause d'OPA hostile. La
société qui est effectivement sous-cotée se rend plus
séduisante encore pour les spéculateurs qui pourront à
leur tour la revendre au prix fort qui sera supérieur au prix du
marché. Elle peut encore, pour la même raison, jouir d'une
mauvaise image de marque auprès de ces investisseurs qui,
déçus par les résultats boursiers de leur placement,
seront tentés de se séparer de leurs titres au moindre
coût.
13. - Outre favoriser des restructurations
rapides d'entreprises, assurer la transparence du marché, une tentative
d'OPA permet indirectement aux dirigeants de la société cible de
renforcer leur pouvoir. Pour prévenir une OPA certains dirigeants
n'hésitent pas à prendre des décisions leur donnant une
totale mainmise sur la société9(*).
Ils peuvent ainsi gérer de façon stricte
l'entreprise de manière à éviter que leurs actions soient
sous-évaluées en bourse et ce afin de ne pas connaître la
situation ci-dessus décrite.
Leurs pouvoirs servent aussi à fidéliser
l'actionnariat ; les dirigeants sont effectivement tentés de
soigner leurs investisseurs en accroissant les moyens d'information tant
financiers que politiques, en établissant une distribution
régulière de dividendes, en attribuant des actions gratuites...
« Bien traités [les actionnaires] seront moins
sensibles aux sirènes des initiateurs d'OPA »10(*).
14. - Cependant, une OPA n'est pas sans
danger. Un inconvénient majeur est que l'OPA entraîne
« une déstabilisation importante de la
société si la procédure est déclenchée de
façon agressive, inamicale, voire dans le but inavoué de la
démanteler à terme »11(*). Le spéculateur, en cas
d'échec, laissera donc une entreprise exsangue dont peu de personnes
pourront tirer profit. De plus, il aura déstabilisé le tissu
économique qui n'est pas économiquement neutre.
En cas de réussite de sa part, il va
désagréger une société viable et saine pour en
tirer un profit substantiel.
Dans les deux cas, seul l'intérêt financier
l'aura emporté sur l'intérêt économique.
§3. La procédure de l'OPA
15. - Le financier étant imaginatif et
audacieux, un ramassage d'actions en bourse ne lui semblait pas insurmontable
et lui permettait rapidement d'avoir la mainmise sur une société
qu'il lorgnait.
Aussi, après les premiers ramassages boursiers de 1964
introduits en France par la pratique, l'OPA a été
réglementée à partir de 1966. L'OPA, telle que
définie juridiquement, est par excellence le mode de prise de
contrôle adapté aux règles du marché boursier, par
son caractère public, son respect de la loi de l'offre et de la demande
et de l'égalité entre les actionnaires.
16. - L'OPA est un acte juridique
volontaire12(*).
Elle se compose de plusieurs phases impératives pour la
réussite de l'opération.
1. La phase discrète : chaque bataille,
pour conserver ses chances de succès, doit se préparer dans
l'ombre ; il en est de même pour l'OPA. Durant ce temps, le
prédateur prend sa décision, établit son plan d'attaque,
évalue le rapport de forces et cherche des appuis. Un de ses soutiens
les plus solides est celui du banquier sans lequel une OPA ne saurait aboutir.
L'argent étant le nerf de la guerre dans les hostilités
boursières, ce soutien doit être sans faille. Le prédateur
devra donc être convainquant auprès de son bailleur de fonds s'il
veut parvenir à ses fins. Certaines banques d'affaires se sont
spécialisées dans ce genre de montages juridico-financiers. Une
fois les termes de l'offre arrêtés, le raider doit ensuite
déposer son dossier devant le Conseil des Marchés Financiers
(CMF)13(*), laquelle
autorité a cinq jour pour donner son aval. Le projet est
également soumis au ministre de l'Économie et des Finances qui ne
peut s'opposer à une telle démarche que si le prédateur
n'est ni français ni ressortissant de l'Union Européenne. Enfin,
le projet est notifié à la COB.
2. La phase publique : Dès l'instant
où le projet a été étudié et avalisé
par le CMF, le raider doit informer le public de son intention de
procéder au rachat des actions d'une société
donnée. Tous les moyens de publicité s'offrent à sa
disposition. Dans tous les cas de configuration, il doit joindre la note
d'information visée par la COB qui détermine les modalités
précises de l'offre. Dans le cas d'une OPA, l'initiateur offre en
contrepartie du numéraire quand, dans le cas d'une OPE, il propose en
substitution d'autres valeurs mobilières. En outre, une note
d'information de la société est diffusée dans laquelle
sont mentionnées les opinions des dirigeants. Cette riposte fait
également l'objet d'un visa de la COB.
17. - Dans tous les cas de figure, l'offre
doit être maintenue en bourse pendant une durée d'au moins
vingt-cinq jours de bourse14(*). Durant cette période, les actions de la
société cible restent en cotation. C'est ainsi que leur prix peut
se voir dépasser l'offre du prédateur qui devra essuyer un
échec. Le raider peut toujours demander à revoir sa proposition
pour offrir un prix plus attractif mais sa nouvelle offre devra être
impérativement supérieure de 2% par rapport au prix du
marché.
Ce n'est qu'à la fin du terme de l'opération que
le CMF constate le succès ou l'échec de l'initiative.
Il est à noter que la loi du 15 mai 2001, relative aux
nouvelles régulations économiques, désignée par les
auteurs comme un fourre-tout juridique, contient des dispositions en
matière d'offre publique. Ainsi, outre les obligations de l'initiateur
vis-à-vis du comité d'entreprise que nous aborderons dans notre
dernière partie notamment, la loi aborde des ajustements rendus
nécessaires, aux dires de certains, après la tentative d'OPA
bancaire de la BNP sur Paribas et la Société
Générale au cours de l'été 1999. Ainsi, la loi
nouvelle élargit-elle la publicité des pactes entre actionnaires
mais également entre tiers. Si la convention ne devait pas être
publiée les sanctions seraient civiles : les cocontractants et les
tiers pourraient dénoncer la convention, alors suspendue durant l'offre.
En outre, le texte précise que le CMF peut décider de
clôturer l'offre à tout moment passé le délai de
trois mois de manière à ne pas faire durer l'incertitude sur le
marché boursier.
Enfin, concernant les OPA bancaires, le gouverneur de la
Banque de France doit en être informé huit jours avant le
dépôt de l'offre.
A l'égard des autorités de régulation, la
loi offre la possibilité au CMF d'ester en justice15(*).
18. - Sans parler encore des moyens de
défense, il est ici possible de déceler d'autres phases tendant
à la prise de participation au sein d'une société.
Ainsi, conformément au droit des sociétés
et à la lettre de la loi du 2 août 1989, le franchissement des
seuils est notifié aux associés de la société
cible. La loi prévoit effectivement que lorsqu'un associé
détient 5%, 10%, 20%, 1/3, ½ ou les 2/3 du capital de la
société, les autres associés doivent en être
informés dans les quinze jours et le CMF dans les cinq jours. Lorsque le
franchissement atteint les 20% ou plus du capital, l'intéressé
doit en outre faire connaître ses intentions.
L'initiateur ne peut donc pas avancer à visage couvert.
En cas de non-respect, les sanctions sont pénales et civiles. Il peut
notamment être privé du droit de vote pendant cinq années,
ce qui aurait pour conséquence d'anéantir sa tentative de prise
de contrôle.
19. - Par surcroît, le raider doit
également faire savoir son projet d'OPA au comité d'entreprise de
la société visée. Même si celui-ci ne rend qu'un
avis, cette démarche est impérative16(*).
Si par aventure l'initiateur de l'OPA ne devait pas se plier
à cette exigence d'obligation d'information, il serait sanctionné
pénalement car cette omission constitue un délit d'entrave au
fonctionnement du comité d'entreprise.
20. - Autre obligation est celle portant sur
les sociétés travaillant dans un secteur sensible. Si la loi du
14 février 1996 simplifie les OPA dans de nombreux secteurs et facilite
les démarches pour les personnes morales et physiques ressortissantes de
l'Union Européenne initiatrices d'OPA, il existe des secteurs de
l'industrie nationale protégés et pour lesquels il convient
d'obtenir un agrément administratif.
Il en est ainsi dans le domaine de la santé publique ou
de la défense nationale. Aussi, une OPA sera plus difficilement
réalisable sur une société travaillant dans l'un de ces
domaines sur lequel l'État a un droit de regard.
21. - Enfin, les autorités
boursières ont voulu éviter que lors d'une OPA les actionnaires
minoritaires soient lésés.
C'est pourquoi, à l'occasion de la prise de
contrôle par le nouvel actionnaire majoritaire, celui-ci doit offrir aux
actionnaires minoritaires les mêmes conditions financières de
rachat des actions détenues par ses coassociés minoritaires. Il a
alors l'obligation de racheter toutes les actions qui lui seront
proposées.
Il s'agit de l'application du principe de
négociabilité des titres. Ainsi, les actionnaires minoritaires
doivent pouvoir quitter la société quand celle-ci change de
mains.
Pour l'initiateur, cela a pour conséquence de
réaliser l'OPA à un coût beaucoup plus important.
22. - La procédure de l'OPA est donc
enfermée dans un cercle de règles strictes que le raider doit
absolument respecter s'il veut espérer voir son offre aboutir.
Cependant, la société attaquée peut
s'armer à son tour, avant ou pendant l'OPA afin de faire échec
à l'initiative. Toutefois, le droit des sociétés et le
droit des marchés n'a pas toujours été favorable aux
stratégies de défense élaborées par les proies.
Ainsi, avant que la vague des OPA ne touche la France dans les
années 1985-1987, la COB se prononçait à l'encontre des
mesures de défense souvent inspirées du droit
américain.
Les sociétés constituées sous la forme
d'une société en commandite par actions n'avaient pas la faveur
de la COB17(*). De
même, durant l'offensive, une société cible ne pouvait pas
racheter ses propres actions.
23. - Désormais, de nombreuses
possibilités se présentent aux dirigeants de
société cible afin de contrer les OPI.
La combinaison de ces moyens de défense reconnus ou
parfois hasardeux forment ce que nous nommerons les stratégies de
défense en matière d'OPA.
Les sociétés cotées menacées d'OPA
s'ingénient depuis plus d'une dizaine d'années à mettre en
place un arsenal défensif, parfois jugé inopportun. Les
dirigeants de sociétés se défendent ainsi contre toute
tentative d'OPA à la manière d'un seigneur suspicieux à
l'égard de son voisin belliqueux même si, contrairement à
l'adage, la meilleure défense n'est pas l'attaque mais la
prévention.
En premier lieu nous nous attarderons donc sur l'étude
des stratégies de défense préventives (I). Une fois les
hostilités boursières déclarées, en second lieu,
nous inspecterons la contre-attaque toujours plus aléatoire (II).
²
PREMIÈRE PARTIE :
LES STRATÉGIES DE DÉFENSE
PRÉVENTIVE
24. - Les sociétés
potentiellement cibles d'OPA se doivent avant tout de se fortifier, voire de se
« muscler » juridiquement, dans le but de se rendre mois
attrayantes.
Le droit des sociétés comme le droit boursier
offrent un panel de dispositions qui permet à toute
société de parer les attaques des raiders avec néanmoins
des chances de succès parfois aléatoires. Le tout étant de
conjuguer séduction auprès des petits porteurs et
répulsion auprès des raiders. Cela peut consister en un
véritable numéro d'équilibriste.
En adoptant une stratégie de défense
préventive, la société recherche avant tout à se
rendre moins « opéable » ; pour se faire, elle
combat sa fragilité principale à savoir une trop grande
dispersion du capital entre les mains de petits investisseurs. En effet, si un
capital réparti entre de nombreux actionnaires permet à la
société de se financer tout en laissant à certains
actionnaires majoritaires le pouvoir qu'ils possédaient auparavant, tout
raider peut tenter une OPA de ramassage sur ce même capital
atomisé.
25. - Il appartient donc à la
société de se forger une armure autour de deux axes : elle
doit tout d'abord s'assurer de la concentration et de la stabilité du
capital pour palier tout ramassage (I), elle doit ensuite réaliser des
changements structurels de nature à se rendre plus difficile à
avaler (II).
I . CONCENTRATION ET STABILITÉ DU CAPITAL
26. - La volonté exprimée par
le Ministère de l'Économie et des Finances en 1987 de favoriser
les « noyaux durs » a fait école. La finalité
est de concentrer une partie du capital entre les mains de quelques
actionnaires fidèles et sincères, qui ne devraient pas, en
principe, céder leurs parts à l'initiateur de l'OPA.
Cependant, il existe encore d'autres mesures
préventives que le droit des sociétés met à la
disposition des éventuelles proies boursières.
27. - Afin de déjouer les initiatives
des raiders, une société doit avant tout sensibiliser tout au
long de sa vie les actionnaires.
Le droit des sociétés présente de
nombreuses dispositions permettant de mieux dissocier le pouvoir de la masse
des actionnaires. La pratique du monde des affaires a elle-même
créé d'autres formes de séparation aboutissant au
même résultat.
L'objectif est, pour les dirigeants, de conserver le pouvoir
quelle que soit la forme de l'actionnariat.
A. Capital social et droit de vote
28. - Il ne s'agit pas ici de décrire
les simples aménagements de la pratique mais de développer les
mesures de défense à l'encontre des OPA au niveau de
l'actionnariat permises par le droit des sociétés.
Du droit de vote accordé aux actions découle la
prise de contrôle de la société dans une OPA. L'idée
est donc ici est désolidariser le droit de vote, droit politique, du
droit aux dividendes, droit financier.
§1. La technique des obligations convertibles en
actions : l'accès au droit de vote
29. - Proposée par la loi du 24
juillet 1966, cette technique n'a pas été créée
dans le but de faire obstacle aux OPI. Toutefois, dans la pratique, il
apparaît qu'elle permet de retarder les effets d'une OPA.
Raymonde VATINET parle ainsi d'un « regroupement
d'une partie du capital [qui ne] peut être que virtuel, pour
apparaître au moment opportun, grâce à l'utilisation de
produits d'épargne de types particuliers... La formule la plus ancienne
est celle des obligations convertibles en actions dont les titulaires
deviendront actionnaires dans les conditions prévues par le contrat
d'émission : à une époque déterminée ou
à tout moment »18(*).
30. - Ce contrat d'émission peut ainsi
prévoir que les obligations souscrites seront converties en actions
à l'occasion d'une OPA. Rien ne semble en effet s'opposer à ce
que le contrat envisage ce terme. Ces nouvelles actions intégrées
au capital peuvent renverser la majorité au profit des anciens
dirigeants.
Le raider devra alors s'employer à racheter ces
nouvelles actions et devra prévoir une OPA plus onéreuse
qu'à l'origine.
Il existe également des variantes parmi lesquelles les
obligations avec bons de souscriptions d'actions qui ont été
instituées par la loi du 3 janvier 198319(*). A cette obligation sont attachés des bons qui
donnent droit à leur propriétaire de souscrire à des
actions à émettre par la société dans les
conditions et les délais prévus par le contrat d'émission.
Toutefois, les bons sont détachables de l'obligation et peuvent
être cédés séparément. Il convient donc de
les placer dans des mains « sûres ».
31. - A l'inverse, le contrat
d'émission des obligations convertibles peut prévoir qu'en cas de
changement de propriétaire, c'est-à-dire que si l'obligation est
cédée à une autre personne, les délais de
souscription des actions seront reconduits.
Cette autre technique permet ainsi de retarder les effets
d'une OPA camouflée. Un initiateur d'OPA aurait ainsi pu acheter des
obligations convertibles en action pour entrer à terme dans le capital
sans avoir à passer sous l'obligation de déclaration de
franchissement de seuil et activer son OPA ouverte.
§2. Les titres sans droit de vote
32. - Le droit des sociétés
offre d'autres valeurs mobilières dépourvues de droit de vote.
Cette technique éprouvée permet ici encore de favoriser des
bailleurs de fonds qui financent la société sans pour autant
influencer la politique de celle-ci car ses détenteurs ne peuvent
participer aux prises de décisions.
Ces titres ne seront donc d'aucune utilité pour un
éventuel raider.
33. - C'est le cas tout d'abord pour le
certificat d'investissement (CI). Dans ce cas, il existe deux titres : le
CI et le certificat de droit de vote. Le premier représente les droits
financiers de l'investisseur lui donnant droit aux dividendes et au boni de
liquidation ; le second représente le seul droit de vote qui est un
droit politique au sein de la société. Seul un quart du capital
peut faire l'objet de certificats.
Le CI peut donner droit à des dividendes prioritaires
et/ou à des dividendes plus élevés que pour l'action
« simple ». Cela permet d'attirer des investisseurs sans
interférer sur le fonctionnement politique de la
société.
Toutefois, comme moyen anti-OPA, le procédé est
un peu limité : une société ne pouvant émettre
plus du quart de son capital sous cette forme, elle ne peut se protéger
qu'à cette hauteur sous cette forme. Encore faut-il donc combiner ce
moyen avec d'autres techniques.
34. - Les actions à dividende
prioritaire (ADP) sans droit de vote ont été instituées en
1978. De même que précédemment concernant les CI, l'ADP
sans droit de vote (ou ADPSDV) est un droit pécuniaire privé de
droit politique.
L'émission de tels titres exige également
certaines restrictions : les titres ne doivent pas représenter plus
du quart du capital social ; les dirigeants, leurs conjoints et leurs
enfants mineurs ne peuvent pas en détenir.
Les observateurs ont nommé ces titres
« capital muet ». C'est effectivement le cas.
Comme arme anti-OPA, force est d'aboutir aux mêmes
conclusions que pour les CI. Cette technique est également à
conjuguer avec d'autres moyens de défense préventive.
§.3 L'aménagement du droit de vote
35. - Plutôt que de séparer le
droit politique du droit financer, l'objectif est d'aménager la
participation aux assemblées d'actionnaires.
Notons par ailleurs qu'il est toujours possible
d'aménager également et parallèlement les quorum et les
majorités exigées. La loi prévoit pour les
assemblées générales ordinaires (AGO) un quorum d'un quart
et une majorité de la moitié. De même, pour les
assemblées générales extraordinaires (AGE), il est
prévu un quorum de la moitié et un vote des deux tiers.
Si la jurisprudence s'est montrée
réservée sur l'élévation du quorum lors des
assemblées, elle l'a toutefois tolérée pour une
AGE20(*). Quant aux
majorités requises, il paraît difficile de les élever plus
encore.
Néanmoins, cette technique reste envisageable et n'est
pas négligeable. Elle est assimilable à une « pilule
empoisonnée », chère aux américains, qui
bloquerait les décisions après prise de contrôle d'une
société suite à une OPA. Éventuellement, si elle ne
bloque pas les décisions, elle permet au mieux aux anciens actionnaires
majoritaires de conserver la majorité ou de la renverser.
36. - Le vote plural, inscrit dans la loi du
24 juillet 1966, permet de mieux contrôler les décisions des
assemblées d'actionnaires. S'il ne s'agit pas réellement d'un
vote plural à proprement parler, l'article L.225-122 vise les actions
à droit de vote double. Les statuts peuvent ainsi récompenser la
fidélité de ses actionnaires tout en la protégeant contre
les agressions extérieures.
Cependant, l'attribution de ces actions est soumise à
certaines exigences d'ordre public des affaires. L'article L.225-123 pose ces
conditions :
- Les actions doivent être nominatives,
c'est-à-dire que les actions sont numérotées et que le nom
du détenteur figure en face de l'action désignée dans le
registre de la société.
- Les actions doivent avoir été détenues
pendant au moins deux années consécutives par son
propriétaire avant de bénéficier de cet
aménagement.
La loi ajoute que le droit de vote double peut être
réservé par les statuts aux actionnaires de nationalité
française et aux ressortissants de l'Union Européenne ;
aucune autre discrimination n'est permise.
De nos jours, environ 25% des sociétés
cotées en Bourse ont adopté ces mesures. On peut donc en conclure
que la technique des actions à droit de vote double est un moyen
efficace reconnu par le milieu des affaires. Il reste à préciser
que le vote double doit être conféré, lorsqu'il est
dûment rédigé dans les statuts de la société,
à toute personne répondant à ces critères. Les
dirigeants de la société ne peuvent donc pas attribuer des
actions à qui ils veulent.
37. - Le plafonnement du nombre de voix d'une
même personne est encore une technique admise. Cette mesure a pour effet
à son origine d'éviter l'écrasement des petits porteurs
d'actions. C'est pourquoi elle était peu utilisée avant 1989.
Devant la recrudescence des OPI au milieu des années 1980, la technique
a été davantage utilisée.
Les statuts peuvent ainsi prévoir la limitation du
nombre de voix dont dispose un même actionnaire. Il verra ainsi sa
participation limitée au cours d'une assemblée
générale.
Toutefois, et comme pour les actions à droit de vote
double, si cette technique est adoptée par la société,
elle doit l'appliquer sans exclusivité à tous les actionnaires.
Aucun moyen ne permet donc d'exclure expressément un actionnaire de
l'assemblée générale. Certains auteurs ont parlé de
« démocratie appliquée » au sein du monde des
affaires.
Certaines sociétés cotées ont admis ce
moyen de défense anti-OPA. Ce sont plus particulièrement les
sociétés qui ne contrôlent pas leur capital de
manière précise. L'adoption de ce type d'actions évite la
prise de contrôle intempestive de la société par un
actionnaire qui aurait procédé à un ramassage discret
d'actions.
Ainsi, pour exemple, Alcatel a plafonné le droit de
vote de ses actionnaires à 8% du total des voix (16% admis avec les
actions à droit de vote double). Lafarge (ex Lafarge-Coppée) et
autrefois la Compagnie Générale d'électricité (CGE)
en ont fait autant.
Les actions à droit de vote double peuvent être
cumulées avec la limitation du droit de vote comme l'a établi
Alcatel. Dans ce cas, il existe un double plafond. Toutefois, cette technique
de défense anti-OPA trouve sa limite dans l'exigence de la COB d'un
mécanisme de caducité automatique dès lors qu'un
actionnaire viendrait à détenir un certain seuil de participation
à l'issue de l'offre publique21(*).
B. Stabilisation et fidélisation du
capital
§1. Le franchissement de seuil
38. - Notons à ce stade, que,
concernant le capital social, une autre méthode anti-OPA est applicable
quant au franchissement de seuil.
En effet, comme nous l'avons relaté plus haut au sujet
de la procédure de l'OPA, lors d'un franchissement de seuil,
l'actionnaire concerné doit se faire connaître et également
faire connaître ses intentions.
Ces seuils admis par la loi sont les 1/20 du capital, 1/10,
1/5, 1/3, ½ ou encore les 2/3.
39. - Cependant, rien n'empêche une
société cotée en Bourse d'inclure dans ses statuts le
seuil de 0,5%.
S'il ne s'agit pas à proprement parler d'un réel
moyen de défense, la déclaration de l'actionnaire permet à
la société de connaître l'actionnaire devenu hostile. Il
donne une information non négligeable sur l'acheteur qui aurait voulu
avancer à visage découvert. Il donne en outre une meilleure
connaissance de l'évolution de l'actionnariat.
Ce moyen est d'autant plus utile qu'il est possible de
prévoir que cette déclaration doit être renouvelée
à chaque franchissement de ce seuil minimum (0,5%, 1%, 1,5%...).
40. - Le non-respect de ces dispositions est
automatiquement sanctionné par la suspension pendant deux ans des droits
de vote attachés aux actions excédant la fraction qui aurait
dû être déclarée22(*).
Le tribunal de commerce peut de surcroît étendre
cette mesure pour une durée de cinq ans à tout ou partie des
actions détenues par l'actionnaire concerné23(*) (et non pas la fraction
excédant le seuil non déclaré).
41. - La protection liée à
l'obligation de déclarer le franchissement de certains seuils est
renforcée par l'obligation24(*) pour l'actionnaire franchissant le seuil de 1/10 ou
de 1/5 de déclarer publiquement s'il projette dans les douze mois
à venir :
- d'arrêter ses achats ou de les poursuivre ;
- de prendre ou non le contrôle de la
société ;
- de demander à faire partie des organes sociaux, de
direction ou de contrôle.
Le non-respect de ce règlement de la COB est
sanctionné par une amende pouvant atteindre 10 million de
francs25(*).
§2. L'identification de l'actionnariat
42. - Connaître ses actionnaires
principaux est d'une importance cruciale pour une société et ses
dirigeants, notamment afin de détecter les éventuels ramassages
en Bourse. Ce principe est le corollaire du moyen de défense qui vient
d'être exposé ci-dessus.
Le procédé consiste, pour la
société cotée, à insérer dans leurs statuts
une clause selon laquelle les actions émises doivent obligatoirement
revêtir la forme nominative.
Toutefois, la méthode est peu utilisée dans la
mesure où elle se révèle lourde en nécessitant,
pour la négociation des titres, leur passage dans un compte
d'administration ouvert auprès d'un intermédiaire habilité
(Sicovam).
§3. La fidélisation de l'actionnariat
43. - En fidélisant ses actionnaires,
la société stabilise son capital, crée une relation de
confiance avec ses investisseurs qui se montreront moins sensibles aux
sirènes des investisseurs.
Pour se faire, la société doit instaurer une
forme de climat détendu au sein de la société. Outre les
actions à droit de vote double qui est une forme de fidélisation
et de récompense pour les actionnaires les plus méritants, la
société aura tout intérêt à développer
à l'égard de tous ses actionnaires une politique de large
information, de distribution généreuse de dividendes et d'actions
gratuites de nature à mettre son actionnariat en confiance. De
même, elle trouvera son intérêt à faciliter les blocs
d'actionnaires qui pourront faire échec aux tentatives de prise de
contrôle intempestives.
44. - La large information passe notamment
par la mise au courant des développements de la société,
par la mise en place d'une politique d'information étendue et surtout
appropriée. Cette information spécifique doit également
être continue, rapide et stratégique. Elle ne doit pas être
mensongère. La sincérité des dirigeants est au contraire
un gage de confiance mutuelle.
La société peut également envisager de
faire une place aux « petits actionnaires » au sein du
Conseil d'Administration ainsi qu'aux salariés actionnaires.
45. - Cependant, devant la largesse de
certains dirigeants d'entreprise, la loi est intervenue pour encadrer la
fidélisation des actionnaires.
Désormais, est instauré le principe
d'égalité qui empêche toute tentative de
préférence exclusive envers tel ou tel autre actionnaire. Les
avantages conditionnels sont eux aussi supprimés.
L'égalité veut que tous les actionnaires
répondant aux critères érigés dans le statuts ont
droit, sans régime préférentiel et sans
exclusivité, aux primes dites « de
fidélité ».
46. - Devant les abus, l'article L.232-14
fixe les limites de ces primes :
- Ne peuvent en bénéficier que les porteurs
d'actions nominatives détenues depuis au moins deux ans à la
clôture de l'exercice ;
- Le taux de majoration des dividendes doit être
fixé dans les statuts et ne peut excéder 10% des dividendes
« simples » ;
- Dans les sociétés admises aux
négociations sur un marché réglementé le nombre de
titres éligibles à cette majoration de dividendes ne peut
excéder, pour un même actionnaire, 0,5% du capital social.
§4. La constitution de blocs d'actionnaires
47. - Pour parvenir à une meilleure
cohésion des actionnaires, la société trouve son
intérêt en favorisant la constitution d'associations
d'actionnaires26(*). Selon
les cas, ces associations seront des blocs, des pactes, des noyaux stables ou
encore des noyaux durs. La technique a été
éprouvée, et surtout admise par le gouvernement de 1986 afin de
contrer la vague d'OPA qui secouait la Bourse parisienne.
L'association relève de la loi de 1901. Son objet est
de maintenir l'indépendance de la société. Celle-ci doit
donc aiguiller l'association et faire que ses membres soit favorablement
disposés à l'égard des dirigeants de la
société.
48. - En cas d'OPI, l'association
d'actionnaires devra faire bloc autour de la direction et refusera
d'agréer l'offre. Les dirigeants se constituent ainsi des alliés
surs dans leur camp.
Pour LEE et CARREAU « Il s'agirait, en
l'espèce, d'une association de défense réunissant les
actionnaires qui s'engageraient au préalable et, par leur
adhésion même aux statuts de l'association, à
répondre favorablement à toute OPI dès lors que celle-ci
serait jugée contraire aux intérêts de la
société cible et de ses actionnaires »27(*).
49. - Ainsi, cette association devra-t-elle
regrouper les principaux actionnaires de la société qui, opposant
leur refus, empêcherait tout raider de prendre le contrôle de la
société, ne pouvant atteindre la majorité requise des
actions.
Ces mêmes actionnaires doivent également
prévoir entre eux des pactes aux termes desquels ils se reconnaissent un
droit de préemption avec option d'achat en cas de décision de
vente de leurs titres par l'un d'eux28(*).
Selon cette convention, l'actionnaire qui désire vendre
ses titres s'engage à ne pas vendre ses titres à des tiers sans
avoir au préalable proposé à ses cocontractants de les
acquérir à égalité de prix et similitudes de
conditions.
Les tribunaux ont validé ces conventions au motif que
la réglementation des OPA ne faisait « pas obstacle à
l'exécution des conventions passées avant le lancement des offres
entre les actionnaires privés »29(*).
50. - Néanmoins, ce moyen de
défense trouve deux limites.
La première est liée au droit commun des
contrats : un pacte de préemption s'analysant juridiquement comme
une obligation de faire ou de ne pas faire, sa violation ne peut que se
résoudre en dommages et intérêts. Les cocontractants ne
peuvent voir ordonner par les tribunaux l'exécution forcée.
La seconde limite concerne le droit boursier ; la COB
ordonne que ces conventions soient publiées. Certes, le raider
connaîtra la forme de l'actionnariat de la société, mais
surtout il peut tenter de convaincre l'un de ces « gros »
actionnaires dont il a désormais l'identité.
51. -Les pactes de préférence,
outre le droit de préemption, peuvent prévoir d'autres
techniques.
Ils peuvent notamment inclure : l'obligation par le
promettant de vendre ses titres au bénéficiaire du droit de
préférence avant toute négociation avec des tiers ;
octroi au bénéficiaire d'un simple droit de premier
refus30(*) ; option
de vente d'une certaine quantité d'actions à un prix
déterminé qui pourra être levée à l'occasion
du déclenchement d'une OPA par un tiers.
De telles dispositions trouvent encore la faveur des tribunaux
alors qu'elles réduisent la marge de manoeuvre du cocontractant31(*).
52. - La concentration ainsi
réalisée des principaux actionnaires est une solution classique
qui ne présente d'intérêt que pour autant que lesdits
actionnaires détiennent ensemble le contrôle de la
société, ce qui est loin d'être toujours le cas.
Les sociétés dites
« opéables » ayant par définition un
actionnariat atomisé.
53. - En revanche, par rapport aux autres
moyens de défense préventive présentés ci-dessus,
et concernant la stabilisation et la fidélisation du capital, ce
procédé reste le moins onéreux pour la
société.
En effet, entretenir une stratégie de défense
coûte bien souvent très cher à la société.
Des primes de fidélité aux autres avantages, il y a un coût
important à payer et qu'une société doit pouvoir assumer.
Toutefois, ce surcoût est souvent moins élevé, pour les
dirigeants, en face d'une tentative d'OPA dont l'issue est incertaine. En cas
de réussite, tout en empochant des indemnités, ils perdraient et
leur pouvoir et leur salaire.
²
II . LE RENFORCEMENT STRUCTUREL
54. - Après avoir éludé
les moyens de défense préventive relatifs à l'actionnariat
qui, lors du déroulement de l'OPA, est la première cible du
raider, il convient ensuite de s'attarder sur les autres moyens qui peuvent
dérouter l'initiateur de l'OPI.
Pour se renforcer structurellement, une société
peut agir sur deux tableaux : en premier lieu, sur le choix de sa forme
(A), en second lieu, sur le fonctionnement interne de celle-ci (B).
A. La restructuration de la
société
55. - La société peut alors
tout aussi bien choisir de changer de forme sociale mais également opter
pour une autre démarche à savoir absorber elle-même
d'autres sociétés afin de ne pas se voir elle-même
absorbée à son tour.
§1. La Société en commandite par
actions (SCA)
56. - De nombreuses sociétés
cotées ont fait le choix de ses transformer en société en
commandite par actions parmi lesquelles Michelin (détenue aux 2/3 par
des fonds de pension américains), Yves Saint-Laurent, Hermès,
Eurodisneyland, Worms et Cie.
Cette mesure anti-OPA est très certainement la plus
efficace en ce qu'elle permet d'opérer une dissociation entre
détention du capital et exercice du pouvoir.
57. - Plusieurs règles de
fonctionnement spécifiques font de la commandite par actions un moyen de
défense efficace contre les OPA.
Toutefois, la SCA n'a pas toujours eu la faveur des
autorités boursières. Même durant la vague des OPA qu'a
connu la France au milieu des années 1980, la COB voyait ces
sociétés d'un oeil suspicieux. En 1988, Jean-Pierre BERTERL
posait comme question à Patrick MORDACQ, Secrétaire
général de la COB : « Le recours à la
société en commandite par actions, qui apparaît comme une
technique efficace pour se protéger contre les conséquences
habituelles d'une OPA, ne semble pas avoir les faveurs de la COB ;
pourquoi cette réticence vis-à-vis d'une forme sociale qui
présente pourtant des avantages et connaît d'ailleurs actuellement
un certain renouveau ? » Ce à quoi lui
répondait l'intéressé : « La Commission
considère que la mise sur le marché d'une société
par ses dirigeants l'engage dans un double processus : la transparence,
c'est-à-dire une information claire, complète et en temps
utile ; l'égalité, c'est-à-dire le respect dû
à l'associé qui partage le risque avec les actionnaires
majoritaires et donc l'obligation de la faire bénéficier de
profits équivalents. Toutes les techniques qui tendent à rompre
cette égalité entraîne des déséquilibres
d'appréciation sur le marché et transforment le produit qu'est
l'action en un sous-produit qui ne peut stimuler l'intérêt des
investisseurs. »32(*)
Depuis, la COB a changé d'avis et la SCA semble moins
dénigrée par la COB d'autant plus que la loi du 2 août 1989
est venue régulariser l'entrée des SCA en Bourse.
58. - La société en commandite
par actions est une société par actions. Elle comporte trois
organes d'origine légale : les commanditaires, qui sont les
actionnaires, les commandités, désignés par les statuts et
le gérant.
Les commanditaires n'assument les pertes que dans la limite de
leurs apports ; ils sont vocation à recevoir des dividendes, droit
financier également étendu aux réserves et au boni de
liquidation. Ils sont exclus de la gestion de la société. Un
commanditaire ne peut être gérant. Ici réside
l'intérêt de la SCA comme arme anti-OPA.
Le commandité, désigné dans les statuts,
est également astreint à un apport au capital social. Cependant,
il est considéré comme un associé de société
en nom collectif. Il y a donc cohabitation de deux formes juridiques de
bailleurs de fonds dans la SCA. Le commandité participe aux
décisions de la société. Il nomme le gérant, le
révoque, approuve les comptes, modifie les statuts...
Si les actions des commanditaires sont cessibles et
négociables, les parts des commandités, en revanche, ne le sont
pas : un assaillant ne peut donc devenir que commanditaire.
Enfin, le gérant est le véritable
exécutif de la SCA. Il peut y en avoir plusieurs, il peut être une
personne physique ou morale. Il n'est pas nécessairement
commandité. Il est soustrait à l'influence des commanditaires
dont leurs seuls titres sont cotés en Bourse.
59. - Soustrait à l'autorité
des commanditaires, il n'a à répondre que devant les
commandités dont les titres ne sont pas cotés. Ainsi, les
dirigeants d'une SCA ne peuvent voir le pouvoir disputé par une OPA.
Cette forme d'architecture a fait dire à certains qu'il s'agissait d'un
despotisme rencontré en droit des sociétés en l'absence de
contre-pouvoir social.
Ainsi, le raider qui réussit à acheter la
majorité du capital de la société en commandite par
actions sera seulement maître de l'assemblée
générale des commanditaires, sans pouvoir s'immiscer dans la
gestion de la SCA.
60. - Toutefois, la SCA trouve ses limites
dans la durée. Le raider s'étant rendu maître de
l'assemblée des commanditaires peut, en refusant d'approuver les
comptes, priver le commandité de toute rémunération. Par
ailleurs, il peut s'opposer au désir d'augmentation du capital.
A terme, cette attitude conduit à un blocage interne de
la société qui entraînera la nomination d'un administrateur
judiciaire, voire la révocation du gérant.
61. - La cour d'appel de Paris33(*) a ainsi condamné
l'utilisation de la SCA à l'étage inférieur de la
société cotée : les dirigeants de l'OCP avaient
transformé deux filiales regroupant l'essentiel de son activité
en SCA. Si l'OCP en était l'actionnaire commanditaire, ce sont les
dirigeants du groupe qui en étaient les commandités, via deux
sociétés holding. Ceux-ci pouvaient donc favoriser un candidat
dans le cadre d'une OPA sur l'OCP. C'est ce qu'ils firent en s'engageant
à céder les deux sociétés holding
commanditées à l'allemand GEHE, qui déposa une OPA sur les
actions OCP. La cour a estimé qu'en avantageant l'un des
compétiteurs, les commandités entravaient le libre jeu des offres
et des surenchères.
62. - La SCA offre ainsi une capacité
de résistance assez forte aux tentatives de raiders, exclusivement
attirés par la perspective de pouvoir dépecer la
société après en avoir pris le contrôle.
Pour l'industriel intéressé par les parts de
marché et qui a les moyens de sa patience, la forme en commandite par
actions n'est pas suffisamment dissuasive. Elle n'est pas « une
citadelle imprenable »34(*).
63. - La loi du 2 août 1989 a
prévu en outre une procédure de retrait pour les actionnaires
dans le cas où une société anonyme préalablement
cotée désirerait se transformer en société en
commandite par actions35(*).
La procédure édicte que l'offre de retrait doit
émaner des personnes physiques ou morale détenant la
majorité des 2/3 des droits de vote de la société anonyme
transformée.
§2. La composition d'un holding non coté
64. - Les principaux actionnaires d'une
société cotée peuvent être tentés d'en
organiser le contrôle et de le conserver par le biais de holdings qui,
ceux-là, ne seront pas cotés.
Il est même possible d'imaginer toute une pyramide de
holdings qui auront l'avantage de permettre l'association de nouveaux
investisseurs à chaque étage tout en accroissant l'effet de
levier financier.
Ainsi le contrôle du holding de tête
contrôlant lui-même des holdings subordonnés permet de
garder la possession majoritaire de la société cotée avec
un minimum de capital.
En cas de lancement d'une OPA, le coût financier d'une
stratégie de défense fondée sur une augmentation de
capital réservée sera ainsi partagé entre les
différents holdings.
Cependant, une telle structure, pour être pleinement
efficace, ne peut être envisageable que dans des hypothèses de
concentration du capital social d'une société cotée qui
serait détenue en majorité par les membres d'une même
famille ou d'un même groupe.
65. - Si cette méthode présente
de nombreux avantages, elle n'est pas non plus sans présenter des
inconvénients.
Tout d'abord, en cas de holding contrôlant plusieurs
sociétés cotées, il conviendra de s'assurer que leur
gestion sera bien conforme à leur intérêt social propre.
Ensuite, il est bien clair que les actionnaires du ou des
holdings non cotés risquent d'apparaître comme prisonniers de
leurs titres dans la mesure où leur négociation en est rendue
plus difficile, les conditions de cession pouvant être de surcroît
restreintes par des clauses statutaires particulièrement rigides.
§3. La société par actions
simplifiées
66. - la loi du 3 janvier 1994 a
institué la société par actions simplifiées (SAS)
pour palier le manque de souplesse de la société anonyme(SA).
Il s'agit, selon la volonté du législateur,
d'une nouvelle forme juridique de société et non pas d'un
aménagement de la SA. Cependant, elle emprunte certaines de ses
règles. Cela a abouti à faire de la SAS une variante de la SA
sous une forme originale.
Elle laisse aux rédacteurs des statuts de la SAS une
grande liberté pour en organiser le fonctionnement.
67. - A son origine, le législateur
voulait que la SAS présente un capital social d'au moins 1,5 million de
francs lorsqu'elle était l'émanation d'autres
sociétés (la SAS étant alors une société de
société). Elle devait en effet permettre de filialiser d'autres
sociétés. Si tel n'est pas le cas, le capital social peut
être réduit à 250.000 francs.
En outre, elle devait compter deux actionnaires au moins.
Autre contrainte importante, le capital social doit être
entièrement libéré dès sa souscription. Cette
règle était une dérogation à l'esprit de la loi du
24 juillet 1966.
68. - Devant le manque d'enthousiasme
constaté par le législateur pour cette nouvelle forme de
société, il est à nouveau intervenu pur modifier certaines
dispositions relatives aux SAS.
Ainsi, depuis la loi du 12 juillet 1999, le capital social est
fixé à 250.000francs sans aucune autre exigence.
De surcroît, une seule personne peut créer une
SAS. Il n'y a plus d'exigence de pluralité d'actionnaires.
69. - Ainsi, la SAS, par la souplesse de ses
statuts, pourrait être une bonne forme sociale anti-OPA.
Les rédacteurs pourraient envisager de séparer
les droits politiques des droits financiers, ils pourraient également
envisager de poser des conditions draconiennes pour accéder aux organes
de direction...
Cette forme sociale offrirait donc un cadre juridique
idéal pour combiner divers moyens de défense anti-OPA.
70. - Toutefois, et c'est inconvénient
majeur, les SAS ne peuvent pas faire appel public à l'épargne.
Leur forme par trop idéale en ferait une arme
redoutable et ferait de ses dirigeants des souverains inexpugnables que la COB
et le législateur refuse pour l'heure d'offrir aux entreprises.
La SAS n'est donc pas, à l'heure actuelle, un moyen de
défense envisageable contre les OPI.
§4. L'absorption d'autres sociétés
71. - L'absorption de filiales cotées
ou non peut accroître considérablement la taille boursière
de la société et rendre ainsi toute OPA plus onéreuse. Le
but ici recherché est donc de « grossir pour être plus
difficile à croquer ou à digérer ».
Mais la présence d'actionnaires minoritaires dans les
sociétés absorbées peut néanmoins conduire à
la dilution des actionnaires majoritaires36(*).
Bien que les inconvénients soient les mêmes, la
société cible peut également acquérir d'autres
sociétés, et ce pour parvenir au même objectif.
Cette stratégie de défense a toutefois un
coût qu'elle doit pouvoir assumer et justifier auprès de ses
actionnaires.
72. - Une société qui craint
faire l'objet d'une OPI peut en effet tenter de se prémunir par une
politique d'acquisition appropriée. Elle peut ainsi imaginer d'absorber
son propre concurrent appliquant en cela l'adage selon lequel « la
meilleure défense reste l'attaque ».
L'idée étant qu'en acquérant une
entreprise appartenant au même domaine d'activité, une
société peut ainsi éviter une prise de contrôle par
vie d'OPA de la part d'une autre société concurrente, cette
dernière risquant alors de se trouver en position dominante et abusive
sur ledit marché. Il faut alors que ce marché soit
déjà suffisamment concentré pour que l'initiateur de l'OPA
subissent les foudres du conseil de la concurrence.
Tant que les autorités françaises et que la
Commissions Européenne pourront s'opposer aux conséquences d'une
OPA qui viendraient à restreindre les conditions de la concurrence et
notamment résulter en un abus de position dominante. Une telle menace ne
saurait manquer d'être prise au sérieux par un initiateur
potentiel.
73. - Une société
« opéable » peut encore choisir d'acquérir
une société appartenant à un secteur
réglementé.
En France, certaines activités font parties de secteurs
réglementés comme l'audiovisuel, la banque, la santé,
l'exécution d'une mission de service public, la défense nationale
ou la presse. Ainsi, les sociétés qui exercent ces
activités réglementées sont soumises à des statuts
particuliers qui peuvent éventuellement servir de parade anti-OPA. La
cession ou l'acquisition de ces secteurs spécifiques entraîne
ipso facto un droit de regard et l'émission d'un avis de la
part des autorités concernées.
De la sorte, posséder une banque ou un
établissement de crédit dans le patrimoine de l'entreprise ou
à travers un groupe de sociétés est susceptible d'alerter
le Comité des établissements de crédit en cas d'OPA non
seulement pour en prendre le contrôle mais aussi pour franchir certains
seuils de participation37(*). L'initiateur doit encore en informer le gouverneur
de la Banque de France depuis la loi NRE du 15 mai 2001.
74. - Plusieurs groupes français ont
mis sur pied un tel dispositif dans leur stratégie d'ensemble anti-OPA.
Une OPA soumise à l'accord des autorités administratives autres
que celles prévues dans la procédure de l'offre peut constituer
un facteur dissuasif, en particulier pour un acheteur étranger.
Toutefois, une telle filiale à elle seule ne saurait constituer un
facteur totalement dirimant. Tout dépend en effet de la
célérité du Comité des établissements de
crédit.
75. - La société susceptible
d'OPA peut enfin décider d'acquérir une société aux
Etats-Unis. Deux cas se sont effectivement présentés et de tels
procédés amènent à penser que ces investissements
sont très efficaces dans l'échec d'une OPA.
Des OPA européennes peuvent être conduites
à l'échec si elles portent sur une société qui
possèdent des actifs, des intérêts ou des actionnaires aux
Etats-Unis38(*). Ces
points de rattachement outre-atlantique peuvent donner lieu à
l'application des lois anti-trust américaines. Des blocages peuvent
ainsi être ordonnés par les autorités boursières,
par la Security and Exchange Commission (SEC), la division anti-trust du
département de la justice, de la Federal trade commission (FTC), voire
même le président lui-même en vertu de l'amendement
Exon-Florio si la transaction visée est de nature à porter
atteinte à la sécurité du pays. Une telle tentative d'OPA
peut donner à de longs et onéreux procès dissuadant tout
raider même des plus audacieux.
76. - L'affaire Minorco-Consolidated
Glodfields illustre parfaitement le propos. En octobre 1988, Minorco SA, une
société de droit luxembourgeois lançait une OPA contre
Consgold sur le marché boursier de Londres. Les dirigeants de cette
dernière ont saisi les tribunaux fédéraux de l'État
de New York aux fins d'empêcher la réalisation de
l'opération au motif que Minorco n'aurait pas respecté les lois
anti-trust. En appel, la cour admit sa compétence. Elle constata que
Consgold avait parmi ses actionnaires des américains qui
représentaient 2,5% du capital social et qu'il y avait bien trust selon
la législation américaine. Devant les obstacles judiciaires ainsi
dressés, Minorco préféra retirer son offre.
77. - De même, La société
d'investissements Hoylake avait projeté de racheter British American
Tobacco (BAT). Or, peu de temps auparavant, BAT avait acquis une compagnie
d'assurances américaine : Farmers. De la sorte, il fallait l'accord
des « insurance commissionners » avant que tout changement
de contrôle puisse être opéré. A l'instar de Minorco,
Hoylake préféra tourner casaque.
B. Le renforcement du fonctionnement de la
société
78. - Si, pour contrecarrer les plans d'un
raider, il convient de s'assurer de la fidélité des actionnaires,
ceux-ci, et notamment les plus gros, c'est-à-dire ceux qui
désirent conserver la majorité sans pour autant prendre les
rênes de la société, doivent soutenir les dirigeants.
§1. Le soutien du conseil d'administration
79. - Les dirigeants d'une
société doivent pouvoir faire face aussi rapidement que possible
à une OPI.
Ce bloc de dirigeants doit pouvoir réunir dans les plus
brefs délais les banquiers, les juristes et les experts
appropriés pour mettre en place la stratégie adéquate. A
cet instant, le conseil d'administration doit pouvoir réagir au plus
vite au besoin par visioconférence et par convocation
téléphonique (ou par fax ou encore par e-mail).
En outre, comme la constitution du 4 octobre 1958 instituant
la Ve république, en son article 16, les statuts devraient
prévoir un élargissement exceptionnel des pouvoirs du conseil
d'administration, et plus particulièrement de son président, afin
de mettre en oeuvre toutes les mesures anti-OPA jugées
nécessaires dans l'urgence.
80. - Également, il conviendra que le
président du conseil d'administration soit assuré du soutien des
membres du conseil d'administration. Et ce d'autant plus que l'initiateur de
l'OPA aura placé ses « pions » au sein même de
la société cible. Il a tout d'abord acquis une participation pour
être représenté dans les assemblées d'actionnaires
et parfois il pourra voir nommer un administrateur au sein même du
conseil.
Dans cet ordre d'idée, afin d'éviter toute
trahison à l'intérieur de l'exécutif, les actionnaires
majoritaires doivent « veiller au bon traitement de ses
dirigeants notamment par des systèmes d'intéressement impliquant
des participations préférentielles au capital sous la forme de
plans d'achats d'actions (stock options plans) et surtout à
l'homogénéité et à l'efficacité de son
conseil d'administration (ou directoire) »39(*).
81. - Cependant, cette mesure
préventive n'est pas suffisante pour contrer une OPA et de
surcroît elle comporte quelques failles.
Le renforcement du conseil d'administration ne saurait
notamment aller à l'encontre du principe de libre
révocabilité des administrateurs par l'assemblée des
actionnaires. De la sorte, en cas de réussite de l'OPA, l'équipe
dirigeante perdra tous ses pouvoirs.
82. - Un renversement de majorité au
sein du conseil sera également rendu plus difficile par l'instauration
de la faculté offerte par l'une des ordonnances du 23 octobre 1986
d'introduire dans les statuts une disposition prévoyant la participation
avec voix délibérative de représentants des
salariés, susceptibles de représenter jusqu'au tiers du conseil
d'administration.
Cette option était offerte aux sociétés
privatisées pour garder au sein du conseil les administrateurs
salariés. Elle est donc aussi une arme anti-OPA, les administrateurs
représentants des salariés pouvant jouer un rôle d'arbitre
et empêcher la majorité de basculer dans le camp adverse
§2. L'accès au conseil d'administration
83. - Les statuts de la société
« opéable » peuvent encore fortifier les conseils
d'administration et assurer la sécurité de leurs membres par
diverses dispositions relatives aux conditions de renouvellement des conseils,
à leurs conditions de fonctionnement ou encore aux modes de
révocation des administrateurs.
Cette stratégie, si elle peut paraître
bénigne, est cependant admise et mérite d'être
développée au sein d'une société en
parallèle avec un autre moyen de défense anti-OPA.
L'objectif avoué est de verrouiller l'exécutif
de la société. De la sorte, un raider aura plus de mal à
prendre le contrôle de la société s'il lui faut franchir
d'autres barrières juridiques internes à la société
dont il a pourtant la majorité à l'assemblée des
actionnaires.
84. - Selon la loi, les membres du conseil
d'administration restent nommés par l'assemblée
générale ordinaire des actionnaires de la
société.
Cette disposition n'est toutefois admise qu'en théorie
car dans la pratique il en va autrement. Normalement toutes les candidatures
sont reconnues. Or, le milieu des affaires sélectionne très
souvent au préalable les postulants au conseil d'administration. Ils
sont en réalité présélectionnés par le
conseil lui-même et ensuite élus par l'assemblée sur
« injonction » du conseil d'administration.
Rappelons également qu'un membre désigné
au conseil d'administration n'est pas obligatoirement actionnaire. Il a trois
mois pour régulariser sa situation.
85. - En premier lieu, afin de rendre plus
difficile les changements dans la composition du conseil d'administration, les
statuts d'une société cible peuvent exiger que, pour être
valablement désignés, les administrateurs doivent justifier d'une
compétence ou d'une qualité particulière (diplôme ou
ancienneté dans la profession) ou soient ressortissants français
ou de l'Union Européenne ou d'un pays avec lequel la France aurait
passé une convention d'établissement interdisant une telle
discrimination.
Dans le même esprit, les statuts peuvent envisager
d'imposer des conditions particulières d'éligibilité plus
draconiennes encore aggravant les règles relatives au cumul des mandats
ou à l'obligation de non concurrence. Ces mesures peuvent instaurer un
régime d'interdiction visant la nomination d'un administrateur par
ailleurs actionnaire, salarié ou dirigeant d'une société
concurrente.
86. - En second lieu, certains auteurs
s'accordent à penser qu'une société peut instaurer une
procédure d'agrément pour la nomination d'un membre du conseil
d'administration40(*).
Dans un tel cadre, un candidat au conseil d'administration
doit donc correspondre en tous points aux exigences érigées par
la société. Il est alors coopté s'il a obtenu l'accord
préalable des instances concernées.
Cette procédure serait admise à condition
toutefois qu'elle ne supprime pas toute liberté de choix dans la
composition des organes de la société.
87. - A cette condition sine qua
non, la jurisprudence semble favorable à ces clauses relatives aux
nominations des administrateurs. Elle affirme qui plus est qu'une telle
rédaction des statuts assure un équilibre au sein des conseils
d'administration entre les différentes catégories d'apporteurs de
capitaux (notamment les minoritaires)41(*).
En revanche, outre la liberté de choix
évoquée plus haut, une telle clause ne doit pas non plus porter
atteinte à la révocation ad nutum des dirigeants.
88. - En outre, à la condition
expresse que leur accord soit reproduit dans les statuts, les actionnaires
alliés auront intérêt à prévoir ainsi une
répartition catégorielle des sièges, destinée
à interdire à une nouvelle majorité d'occuper à
elle seule l'ensemble des fauteuils.
Un renversement de majorité sera encore retardé
grâce à un échelonnement des mandats.
89. - Il existe enfin le cas des pactes
extrastatutaires. Dans un tel cas, les actionnaires s'entendent pour faire
entrer une personne déterminée dans le conseil d'administration.
Il y véritablement collusion. Dans la pratique, ils s'avèrent
prendre la forme de pactes d'actionnaires. Or la licéité semble
douteuse à première vue car elle s'oppose à la
liberté du droit de vote, principe d'ordre public.
Toutefois, la loi du 24 juillet 1966 ne condamne pas les
engagements de vote sauf s'il y a des garanties attachées au
vote42(*). A contrario,
l'engagement de vote sans contrepartie serait licite.
La jurisprudence se montrerait favorable aux pactes
d'actionnaires portant sur la désignation des membres du conseil
d'administration à deux conditions toutefois :
- Que l'engagement pris ne neutralise pas la décision
des autres actionnaires à l'occasion de l'assemblée ;
- Que l'engagement souscrit soit conforme à
l'intérêt social43(*).
90. - En cas de violation des engagements
pris dans le cadre du pacte conclu entre les actionnaires, la nullité de
la décision prise en assemblée ne peut être reconnue.
La seule sanction est une indemnisation au profit des autres
cocontractants pour inexécution44(*).
La pratique inclut souvent par surcroît une clause
pénale et, en cas de litige, la cession d'un certain nombre d'actions
à un tiers au pacte de confiance.
§3. Les poison pills
91. - Les poison pills,
littéralement « pilules empoisonnées » sont
une série de mesure qui font perdre à la société
toute sa substance en cas d'OPA. Le but est de dissuader l'initiateur de l'OPI
qui sait qu'il va faire perdre de sa valeur à la société
en cas de prise de contrôle.
Le procédé consiste à consentir à
un tiers une option sur les actifs les plus intéressants de la
société ou à permettre audit tiers de rompre brutalement
une relation contractuelle continue et essentielle pour la
société.
Potentiellement vidée de sa substance, la
société n'a plus d'intérêt pour l'assaillant.
92. - Cette stratégie est née
aux Etats-Unis où elle est fréquente. En France, elle se
rencontre peu car la COB jette un regard défavorable sur ce moyen
anti-OPA45(*).
Dès 1988, lors de l'OPA lancée sur
Bénédictine, il s'est avéré que le changement de
contrôle pouvait entraîner la perte du contrôle d'une filiale
commune avec un partenaire. La COB a alors demandé aux protagonistes de
renoncer au rachat de la filiale concernée au motif que
« ce type de clause avait pour effet de faire obstacle aux offres
publiques et donc au fonctionnement normal du
marché »46(*).
93. - Toutefois, il n'est pas rare que de
nombreux contrats commerciaux ou financiers marqués par un fort
intuitu personnae contiennent une clause de changement de
contrôle selon laquelle le cédant ou le créancier sont en
mesure de mettre fin par anticipation au contrat si le cessionnaire ou le
débiteur viennent à passer sous le contrôle d'un tiers.
Une clause de ce genre se rencontre notamment dans des
contrats commerciaux tels que la cession de licence de marque ou l'octroi de
licence d'exploitation de brevet ou dans les contrats de prêt. Ainsi, en
cas d'OPA, entraînant un changement de contrôle du breveté
ou du licencié, le donneur de licence peut procéder à la
résiliation anticipée du contrat ou à tout le moins se
réserver un droit d'agrément ; de la sorte, l'initiateur de
l'OPA sur le licencié sera dans l'incertitude quant à la
possibilité de continuer à exploiter ladite licence de brevet ou
de marque, ce qui est un facteur évident de dissuasion.
De même, il n'est pas rare de rencontrer une telle
clause dans les contrats de prêt. Il peut en effet être
stipulé que le changement de contrôle affectant la
société débitrice constituera un cas de remboursement
anticipé.
Aussi, malgré l'avis de la COB, ces mesures
peuvent-elles être incluses dans une stratégie de défense
anti-OPA si le public en est informé avant toute offre et si elles
s'appliquent à une réalité industrielle.
94. Ainsi, en cas de changement de
contrôle, il pourrait être prévu :
- prêt à rembourser
intégralement ;
- fin de collaboration ou de partenariat avec une autre
société ;
- fin d'exploitation de brevet ;
- fin du soutien d'une banque
« amie » ;
- fin d'un contrat essentiel ;
- vente d'une filiale.
²
95. - En guise de conclusion à cette
première partie, nous pouvons constater qu'il existe effectivement un
panel de mesures anti-OPA mis à la disposition des dirigeants de
sociétés par le droit des sociétés, d'une part, et
le droit boursier d'autre part. En outre, la pratique a elle-même
engendré des dispositifs permettant de faire échec aux offres
hostiles.
Retenons, en premier lieu, qu'il convient tout d'abord de
dissocier le pouvoir exécutif de la société du capital
social. En effet, c'est le capital qui subit les assauts du raider et qui
permet à ce dernier de prendre le contrôle de la
société visée. En mettant en oeuvre des stratégies
de défense au niveau du droit de vote, les dirigeants de la
société cible parviennent à décourager l'initiateur
de l'offre. De surcroît, il sera nécessaire d'introduire des
dispositions qui permettent de réduire la marge donnant accès
à l'exécutif de la société.
96. - L'intérêt de ce large
panel de mesures est de pouvoir les combiner entre elles.
Chaque société cotée devra établir
une stratégie de défense préventive adaptée
à sa forme sociale et à son actionnariat. Ainsi, toutes les
sociétés ne peuvent pas se transformer en société
en commandite par actions. Celles-ci devront alors envisager d'autres moyens
anti-OPA comme la limite du droit de vote et créer des critères
d'accès au conseil d'administration.
Cependant, si les sociétés ont de nombreuses
possibilités de défense, il leur faut également savoir
concilier stratégie de défense préventive et
attractivité en Bourse. En effet, l'application de mesures anti-OPA doit
freiner les ardeurs du raider mais pas celles des investisseurs. Ainsi, la
société doit trouver le juste équilibre pour être
à la fois séduisante auprès des « petits
porteurs » et suffisamment repoussante aux yeux de l'initiateur de
l'offre.
97. - Malgré cette série de
dispositifs censés mettre en échec un raider, la
société n'est pas pour autant en sécurité totale.
Malgré ces barrières financières et juridiques,
l'initiateur de l'offre peut parvenir à ses fins. Il reste alors
à la société d'appliquer une stratégie de
défense active en cours d'OPA.
² ² ²
DEUXIÈME PARTIE :
LES STRATÉGIES DE DÉFENSE ACTIVE
98. - « Une fois l'OPA
déclenchée, la guerre ouverte entre deux sociétés
peut être sans merci. La contre attaque est difficile, et il faut pour
s'y lancer, disposer d'une grande capacité stratégique, d'autant
que les recours pacificateurs sont rares »47(*).
Ce propos illustre parfaitement notre deuxième
partie.
Si l'OPA est lancée sur la société cible,
il faut en conclure à un échec de la stratégie de
défense préventive. Les dirigeants de la société
doivent entreprendre de mettre en place une nouvelle stratégie de
défense active.
99. - Dans le temps qui lui est imparti, soit
vingt-cinq jours à compter de la connaissance de la note d'information
de l'initiateur visée par la COB, la société cible n'a que
peu de moyens en sa faveur48(*). Notons tout de même qu'elle est
désormais habilitée à se défendre car la COB ne
voyait pas autrefois d'un bon oeil les défenses actives engagées
par les sociétés sur lesquelles étaient lancées les
OPI. La loi du 2 août 1989 a permis la contre-attaque jadis
condamnée.
L'objectif est de contre-attaquer l'initiateur de l'OPI. Il
faut savoir le prendre de vitesse lors d'un conflit ouvert et décider
les petits porteurs de continuer de faire confiance à la direction.
C'est pourquoi les stratégies de défense préventive vues
plus haut ne sont plus inutiles. Cependant, il convient d'envisager des moyens
plus radicaux, plus féroces.
100. - En cours d'OPA, il existe
parallèlement deux types d'intérêts au sein de la
société cible : en premier lieu l'intérêt des
dirigeants qui exprime la volonté des actionnaires majoritaires ou leur
propre intérêt, désirant à tout prix conserver leurs
avantages, leur indépendance, leurs salaires... et
l'intérêt social incarné par les actionnaires minoritaires
et les salariés de l'entreprise.
C'est pourquoi, nous débuterons notre étude sur
la défense des dirigeants (I) pour nous interroger ensuite sur la
défense et l'intérêt social(II).
I . LA DÉFENSE ACTIVE ÉMANANT DES
DIRIGEANTS
101. - Une obligation de prudence pèse
sur les épaules des dirigeants de la société cible et
réduit ainsi leur marge de manoeuvre. Une fois l'OPA
débutée, la COB comme le CMF assurent un contrôle attentif
de toutes les opérations de bourse engagées sur le marché.
Dès l'instant où l'OPA est entamée publiquement, les
parties en présence auront à respecter l'intérêt des
actionnaires, à ne pas perturber le marché, à agir de
bonne foi, et, en général, à respecter l'esprit de la
réglementation de la COB.
La société doit, selon l'expression
consacrée, « expédier les affaires
courantes » et ne pas sortir de la gestion normale sauf à en
avertit la COB ; elle doit « faire preuve d'une vigilance
particulière dans ses déclarations »49(*) mais il lui reste
néanmoins une certaine marge de manoeuvre.
102. - Si et seulement si la
société dispose de liquidités suffisantes, elle peut
cependant, seule ou avec ses alliés, engager des batailles
boursières complexes.
C'est ainsi qu'est envisagée ce que nous nommerons la
défense financière active (A), en cas d'échec de celle-ci
elle fera appel au chevalier blanc ou intentera un recours judiciaire (B).
A. La défense financière
active
§1. La contre-OPA
103. - La COB a pour habitude de lancer un
regard suspicieux sur cette stratégie de défense. Toutefois elle
est réalisable à condition que la société cible
puisse engager de nombreux capitaux.
La contre-OPA est également appelée offre
concurrente ; elle s'analyse comme une contre-offensive. Venue des
Etats-Unis, où elle est dénommée Pac-Man, elle
correspond à l'idée de l'arroseur arrosé. Elle consiste,
pour la société cible, à lancer à son tour une OPA
sur l'initiateur de l'OPA.
Elle doit donc répondre aux mêmes conditions et
se voir appliquer la même procédure.
Cette offre nouvelle peut faire échec à l'offre
initiale, le nouvel offrant cherchant à prendre lui-même le
contrôle de la société ou plus simplement à
contraindre le raider initial à surenchérir.
La contre-OPA doit présenter par rapport à
l'offre initiale un montant en capitaux supérieur d'au moins 5%. Le
concurrent doit ainsi viser un nombre plus élevé de titres ou, ce
qui sera plus attrayant pour les actionnaires, offrir un prix plus
élevé.
104. - Le raider peut effectivement
surenchérir en offrant lui-même l'acquisition d'un montant en
capitaux supérieur d'au moins 5% à l'offre concurrente.
En cas de succession d'offres concurrentes, et de
surenchères, le CMF apprécie le montant des capitaux
engagés, en tenant compte de l'ordre de succession des
dépôts. D'autre part aucun offrant ne doit en arriver à
demander plus d'actions que n'en compte le capital social.
105. - Le problème principal que
soulève l'offre concurrente est une question de financement.
Les dirigeants de la société cible auront
à trouver des capitaux auprès d'alliés qui pourront leur
prêter les fonds nécessaires pour engager la contre-OPA. Le
procédé risque de mettre les dirigeants à la merci des
prêteurs.
Il faut encore que l'initiateur soit lui-même
« opéable ». Cela fait donc un nombre de conditions
à réunir et dont l'issue n'est pas toujours des plus
heureuses.
En outre, ce coût considérable fera souvent que
le vainqueur ne profitera pas véritablement de sa victoire. Il ne pourra
que se vanter d'avoir acquis des ruines. Chaque société ne
pouvant sortir qu'exsangue de cette lutte frontale. Très affaibli, le
vainqueur, quel qu'il soit, se verra contraint de vendre des actifs tant
prisés au début de l'offre.
De tels risques expliquent que nombre de batailles
boursières se terminent sur un accord afin d'en sortir indemne. En
effet, le raider ainsi assailli n'aura pas toujours les liquidités
suffisantes pour se battre sur deux fronts à la fois, et devra alors
retirer son offre après avoir négocié avec la
société cible.
106. - Moins coûteuse que la
contre-OPA, il appartient encore à la société cible de
lancer une contre-OPE.
Cette stratégie se révèle être bien
moins onéreuse en favorisant l'échange des titres de la
société cible contre des titres de la société
à l'origine de l'OPI auprès des actionnaires de cette
dernière.
Cette OPE peut notamment porter sur des titres
différents (actions, obligations convertibles, certificats
d'investissements...). En revanche, la société cible, en menant
de front une contre-OPE prend le risque de dérouter les actionnaires.
§2. Le rachat de ses propres actions par la
société cible
107. - Bien qu'en principe l'achat par une
société de ses propres actions soit interdit, il existe certains
cas où cela est possible sans que la société soit tenue
d'annuler les actions ainsi acquises. Il s'agit des achats
réalisés pour attribuer des actions aux salariés ou pour
régulariser le cours de la Bourse.
108. - En 1988, la COB avait
été interrogée sur cette technique que, si elle
l'acceptait, elle ne semblait pas lui donner toute sa confiance. Ainsi, Patrick
MORDACQ déclarait : « La Commission ne
considère pas a priori d'un oeil critique le rachat par les
sociétés de leurs propres titres. Le recours à la
procédure de réduction de capital non motivée par les
pertes se développe aujourd'hui. Elle doit être utilisée
avec le souci d'une information très claire des actionnaires et du
respect strict de l'égalité de traitement prévue par les
textes. En ce qui concerne les achats en vue de régulariser les cours,
ils doivent avoir les mêmes objectifs d'information et de respect des
intérêts sociaux. La Commission regrette seulement que les
mécanismes mis en place ne soient pas plus stricts de telle sorte que la
régularisation soit possible sans pour autant encourager un soutien des
cours qui peut devenir proche de la manipulation. »50(*)
109. - Le rachat se pratique par le lancement
d'une offre publique de rachat d'actions (OPRA) par la société
cible sur ses propres titres cotés en Bourse.
L'OPRA présente le double intérêt du
renforcement de la participation des actionnaires de référence
qui n'apportent pas leurs actions à l'offre, et de la possibilité
offerte aux minoritaires de sortir partiellement.
Jusqu'à aujourd'hui, cette mesure n'a que rarement
été utilisée en période d'offre publique. Elle
présente en effet l'inconvénient d'un traitement fiscal
défavorable, principalement pour les personnes physiques.
110. - En outre, l'OPRA doit répondre
à certaines conditions draconiennes. Eu égard aux exigences
légales, la société qui envisage une OPA ne peut s'y
risquer que pour attribuer les actions rachetées aux salariés de
l'entreprise ou si une baisse des cours a été constatée et
doit être régularisée.
Cependant, la société peut désigner des
salariés « surs » qu'elle peut également
« neutraliser » en remettant les actions au titre de la
participation aux résultats de l'entreprise. A ce titre, les actions
sont bloquées pendant cinq années.
111. - Pour opérer ce rachat, la
société ne peut posséder directement ou par la diversion
d'un prête-nom, plus de 10% du total de ses propres actions.
La société doit disposer de réserves,
autres que la réserves légales, d'un montant au moins égal
à la valeur des actions qu'elle a achetées.
Les actions acquises par la société doivent
être détenues sous la forme nominative et doivent être
entièrement libérées.
Enfin, les droits de vote et droits aux dividendes sont
supprimés pendant la durée de la détention.
112. - Afin d'éviter ces exigences,
certains actionnaires désirant conserver la majorité et contrer
ainsi l'OPA peuvent être tentés d'agir de leur côté
et d'acheter eux-mêmes des actions durant l'OPA par un ramassage.
Si la technique est effectivement appliquée par les
principaux actionnaires eux-mêmes, en rachetant des actions de la
société cotée en Bourse afin de faire monter le cours de
l'action à un prix qui rend l'offre hostile sans intérêt,
elle peut s'avérer payante, mais elle est délicate à
mettre en oeuvre car les actionnaires concernés peuvent se voir
déclarer agir de concert et les actions peuvent être
achetées.
Ils encourent même l'accusation de manipulation de
cours.
§3. L'achat d'une autre société
113. - Pour augmenter la valeur de ses
actions, la société peut encore acquérir une autre
société pendant l'OPA.
Le procédé renvoie à une technique de
défense préventive mais elle voit également son
intérêt durant la phase de défense active.
114. - Au lieu de lancer une contre-OPA sur
l'assaillant, la société cible peut décider
d'acquérir une autre société dans un secteur concurrent
afin d'accroître son potentiel et également sa valeur
boursière.
Pour tenter de l'acheter, l'initiateur sera contraint
d'engager plus de capitaux que prévus.
Ici, encore, la société cible doit pouvoir
engager des capitaux pour racheter cette société tierce
rapidement. En effet, la réussite de cette technique de défense
réside dans la rapidité de l'achat de la société
tierce et la capacité à le faire savoir.
115. - En revanche, si la
société cible ne dispose pas des capitaux nécessaires,
elle peut devenir la proie de créanciers et aura alors plus
intérêt à lancer une contre-OPA.
Cependant, l'acquisition d'une société tierce
n'est pas inutile si elle était auparavant envisagée.
Elle permet une concentration qui était devenue
nécessaire. En outre, en cas de réussite de l'OPA initiale
lancée par le raider, celui-ci peut se voir condamner par les
autorités boursières pour abus de position dominant et encourir
les foudres de la direction de la concurrence.
116. - Il appartient donc à la
société cible de bien choisir sa proie car de ce choix peut
dépendre l'issue de l'OPA.
Il convient effectivement que cet achat corresponde à
une concentration mûrement réfléchie et dont l'impact
économique et boursier sera salué.
§4. L'augmentation de capital
117. - L'augmentation du capital social en
cours d'OPA est une défense financière à envisager. Elle
reste même, sous certaines conditions posées par la loi du 2
août 198951(*) et
celle du 8 août 1994, une stratégie de défense active
ouvrant un vaste champ de réflexion.
L'article 14 de la loi du 2 août 1989 stipule :
« la délégation conférée au Conseil
d'administration ou au Directoire de réaliser une augmentation de
capital est suspendue en période d'offre publique sur la
société, sauf si l'assemblée générale,
préalablement à l'offre et expressément, a
autorisé, pour une période n'excédant pas un an, une
augmentation du capital pendant ladite période et à condition que
l'augmentation de capital envisagée n'ait pas été
réservée. »
118. - La décision d'augmenter le
capital appartient à l'assemblée générale
extraordinaire (AGE). Toutefois, cette assemblée peut confier par
délégation aux dirigeants le soin de l'augmentation
ultérieure si les conditions ont été approuvées par
cette même assemblée.
De la sorte, en période d'OPA, la réalisation de
l'augmentation de capital tomberait à point nommé pour engendrer
un moyen de défense active efficace.
Dans un tel cas, l'augmentation de capital permet à la
société de placer les actions nouvellement émises entre
des mains « fidèles » et ferait échec
à la tentative d'OPA initiée par le raider. Il faut que cette
portion de capital récemment émise soit suffisante pour palier la
tentative de prise de contrôle.
Dans tous les cas de figure, l'assaillant devra prévoir
un coût supplémentaire d'acquisition de nature à le
dissuader.
119. - Toutefois, si cette augmentation de
capital n'est pas réservée, le jeu du droit
préférentiel de souscription permettrait aux actionnaires de la
société d'acquérir de nouvelles actions et ainsi de
consolider leur position au sein de la société.
L'augmentation, si le raider détient déjà
des actions du capital, peut donc jouer en faveur de celui-ci.
120. - Un problème se pose cependant
si l'augmentation du capital social n'a pas été
décidée avant l'OPA.
Certains auteurs défendent la thèse selon
laquelle la société peut toujours décider d'une
augmentation de capital52(*). En effet, pour Thomas FORSCHBACH, l'article 14
précité de la loi du 2 août 1989 ne semble pas apporter de
réponse sur ce sujet. Cet article ne concerne que les augmentations de
capital effectuées par les dirigeants qui ont obtenu
délégation de l'AGE préalablement à l'OPA.
Dans le cas d'une augmentation en cours d'OPA
décidée par l'AGE, au vu du droit des sociétés, les
délais de convocation de l'AGE doivent être respectés (au
moins 30 jours) et ce avant la clôture de l'OPA. La possibilité
est donc extrêmement limitée sauf si, dans le cadre d'offres
concurrentes, les délais de clôture de l'OPA sont
prolongés.
Pour empêcher cette situation, l'initiateur de l'offre
et ses alliés au sein de la place vont tenter toutes les ruses pour
retarder la convocation de l'AGE.
121. - Ainsi, dans l'affaire
Bénédictine53(*), les tribunaux ont reporté l'assemblée
au motif que « l'information des actionnaires ne serait
qu'insuffisamment assurée, notamment en raison du dépôt
inattendu d'une offre publique postérieurement à la convocation,
dès lors qu'une telle situation est de nature à causer un dommage
aux actionnaires ».
De surcroît, l'article 3 du règlement 89-03 de la
COB dispose que « l'initiateur et la société
visée s'assurent que leurs actes, décisions et
déclarations n'ont pas pour effet de compromettre l'intérêt
social et l'égalité de traitement... des détenteurs de
titres des sociétés concernées. » Ainsi, la
procédure de convocation doit être intégralement
respectée et entrave en réalité la stratégie de
défense de la société cible. Toutefois, la COB, sous la
condition que la procédure soit respectée, n'interdit pas
l'augmentation de capital en cours d'offre décidée par l'AGE.
Cette augmentation ne pourrait donc en aucun cas profiter à quelques
amis « sûrs » et privilégiés.
L'atteinte à l'égalité des actionnaires constituerait
alors un abus de majorité répréhensible.
122. - Ainsi, avec l'allongement de la
durée de la procédure d'OPA54(*) d'une part, et par la faculté offerte au
raider de renoncer à son offre, avec l'accord du CMF, dans le cas
où la société cible adopterait « des mesures
d'application certaine et immédiate modifiant sa
consistance », d'autre part, l'augmentation de capital en cours
d'OPA est une arme intéressante qui mérite d'être
exploitée. Si le professeur VANDIER souligne son caractère
« oblique »55(*), force est de constater que jusqu'à
présent cette stratégie de défense active n'a jamais
été appliquée car elle ouvre cependant le capital à
l'assaillant sans restriction possible.
123. - L'article 14 précité
vise l'augmentation du capital par les dirigeants conformément à
la délégation qui leur a été remise. L'augmentation
par les dirigeants ne peut donc être réalisée en cours
d'OPA que si elle a été expressément décidée
par l'AGE préalablement au lancement de l'offre. Cette
délégation n'est valable que pour un an et si et seulement si
cette augmentation n'est pas réservée.
Les auteurs ont longtemps discuté sur
l'interprétation à donner à ce texte faisant naître
certaines ambiguïtés56(*). D'aucuns en déduisent « qu'il
soit possible, par délégation, de procéder à une
augmentation de capital par appel public à l'épargne avec
suppression du droit préférentiel de
souscription »57(*). Dans un tel cas, l'actionnaire à l'initiative
de l'OPA ne peut se prévaloir des nouveaux titres émis par la
société par voie d'augmentation de capital.
Quoiqu'il en soit, et dans tous les cas de figure où
l'augmentation est opérée, il conviendra, pour l'assaillant, de
débourser plus d'argent que prévu.
124. - Par ailleurs, la rédaction de
l'article 14 laisse entendre qu'en cas d'OPE, une augmentation de capital en
nature reste possible. Or, un apport en nature est par principe
réservé à celui qui confie ses biens à la
société dont il devient actionnaire. Il suffirait alors à
la société cible de trouver un allié fidèle qui
opérerait un apport en nature de manière à placer entre
ses mains les actions qui feraient perdre à l'assaillant le
contrôle convoité de la société cible.
Les auteurs en concluent que la rédaction est confuse
et ne permet pas de trancher.
B. Les autres moyens de défense
active
125. - Si les stratégies de
défense financière ont échoué, il ne reste plus
à la société cible à livrer un combat
homérique. L'issue est presque irrémédiablement fatale.
Deux options s'offrent à elle ; elle peut encore
faire appel à un « chevalier blanc » ou encore avoir
recours aux tribunaux.
§.1 La stratégie du chevalier blanc
126. - La technique consiste à se
faire racheter par un allié. En effet, dans le but de sauvegarder
l'intérêt social face à un raider opiniâtre, la
société cible préfèrera se faire absorber par un
allié.
La société cible part alors en quête d'un
« chevalier blanc » (white knight pour les
Anglo-saxons) qui acceptera de faire une surenchère amicale
« amicale », c'est-à-dire avec l'accord des
dirigeants de la société cible qui s'empressera de recommander
cette nouvelle offre aux actionnaires. Leurs recommandations sont bien souvent
suivies d'effet en la matière d'autant plus que les actionnaires ne vont
pas rechigner face à une proposition financièrement plus
conséquente.
127. - Le chevalier blanc réalise en
réalité une contre-OPA amicale sur la société
cible. Il doit donc se plier à la procédure initiée par
les autorités boursières.
La conséquence pour la société cible est
d'échapper à la prise de contrôle par un ennemi. Toutefois,
il s'opère bien un changement de contrôle au profit de la
société amie.
La stratégie du chevalier blanc ne peut donc constituer
un moyen de défense efficace car la société ne conserve
plus son autonomie, se voyant « filialisée » par une
société tierce, certes « amie ».
En outre, la société cible doit également
se méfier du chevalier blanc qui, si ses intentions sont en
réalité hostiles, peut se révéler être un
« chevalier noir ». De la sorte, la société
cible serait bien victime d'une OPA, s'étant livrée pieds et
poings liés, non pas à l'initiateur premier de l'offre mais
à celui censé lui venir en aide. Le temps de la chevalerie, dans
le monde des affaires, est loin.
128. - Dans le même ordre d'esprit,
à savoir la perte de son indépendance comme issue de secours, il
est possible à la société cible de tenter d'opérer
sa propre acquisition par ses salariés. La technique, si elle est
envisageable, reste purement théorique.
Dans une telle hypothèse, les salariés
constituent une société holding afin de lancer une OPA sur les
titres de la société cible cotés en Bourse qui deviendrait
sa filiale.
Ce moyen ne semble pas évident à mettre en
oeuvre en raison des contraintes de temps imparties par l'OPA. Le cas ne s'est
d'ailleurs jamais rencontré.
129. - Enfin, il existe une dernière
manoeuvre défensive qui, pour avoir déjà été
appliquée, a été mentionnée par CARREAU et
MARTIN58(*).
En effet, la société peut encore persuader
« discrètement des « groupes amis » de
se porter acquéreurs de ses titres sur le marché à un
cours légèrement supérieur au prix stipulé dans
l'OPA « hostile ». Ce faisant, les actionnaires existant de
la cible seront peu tentés d'apporter les titres à l'OPA tandis
que l'initiateur, s'il veut poursuivre son offensive, se trouvera dans
l'obligation de surenchérir ».
Ce moyen de défense a ainsi été
pratiqué par la Navigation Mixte contre l'OPA lancée par Paribas
à l'automne 1989.
130. - Dans tous ces cas de figure, la
société cible ne trouvera qu'un avantage relatif. Elle perd son
autonomie et la solution n'est pas toujours véritablement conforme
à son intérêt social même si ce principe sert alors
de référence.
De surcroît, elle encourt le risque de se voir
accusée d'action de concert avec son allié.
Enfin, il lui faut trouver des alliés prêts
à engager des fonds conséquents dans le rachat d'une
société amie. Ces alliés devront à leur tour
justifier leur participation devant leurs actionnaires. Il est plus que
probable que nombre de ces alliés deviendront des « chevaliers
noirs ».
§2. Les recours judiciaires
131. - Concernant les actions en justice,
deux formes de recours peuvent être envisagées. En premier lieu,
la société cible peut se retourner contre l'initiateur de l'OPA,
En second lieu, la société peut intervenir contre les
autorités boursières.
132. - Il peut être tentant pour la
société assaillie, comme moyen de défense, de recourir
à la justice. Si elle est fréquente au États-Unis59(*), il est toutefois à
noter qu'en France une action judiciaire contre l'initiative de l'offre a peu
de chances de prospérer. En effet, les tribunaux ne servent que rarement
les intérêts de la société attaquée, peu
soucieux des intérêts financiers engagés dans la bataille.
Les magistrats s'en tiennent à l'application stricte du droit commun et
du droit des sociétés.
En outre, durant l'OPA, de tels recours risquent de compliquer
plus encore la procédure sans toutefois la suspendre sauf
décision du juge des référés.
Le plus souvent en France, ce sont les assaillants qui se sont
tournés vers les juges pour voir invalider des mesures de défense
prises par les sociétés cibles60(*).
133. - La justice offre un panel assez large
pourtant de recours contre la société adverse : non-respect
des déclarations en cas de franchissement de seuils, non-respect des
obligations d'information, informations mensongères, non-respect du
traitement des actionnaires, actions de concert, abus de position dominante,
délit d'initié... Cette solution judiciaire a pour seul objectif
de gagner du temps pour que la société cible puisse se retourner
contre son adversaire.
134. - L'article 31 du nouveau Code de
procédure civile dispose que « l'action est ouverte
à tous ceux qui ont un intérêt légitime au
succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas
dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle
qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour
défendre un intérêt
déterminé. » A travers ce texte, la
société cible peut demander à tout allié d'agir en
sa faveur qu'il soit actionnaire, obligataire, salarié ou même
tiers. Pour autant il n'en est pas de même pour les actions
intentées devant le CMF61(*).
135. - En effet, la société
cible peut toujours se retourner contre les autorités boursières.
Celles-ci, la COB et le CMF, exercent une mission de service public.
Elles sont chargées d'assurer le bon fonctionnement du
marché. Elles doivent veiller au respect des règlements,
procédures, et lois lors d'une opération de bourse. Elles doivent
également assurer la transparence du marché financier.
A ce titre, leurs décisions constituent des actes
administratifs dont la validité est appréciée par les
juridictions administratives.
La société cible devra donc intenter une action
contre les autorités judiciaires en introduisant un recours de pleine
juridiction ou un recours pour excès de pouvoir. L'issue est toujours
incertaine.
136. - Récemment, le Conseil
d'État a conclu que le CMF était fondé à condamner
une société absorbante pour des manquements commis par la
société absorbée62(*). Ici, le juge administratif condamne les deux
sociétés et conforte le CMF dans sa décision. Le recours
n'a donc pas donné les effets escomptés.
En revanche, la COB a été déjà
condamnée pour méconnaissance de la présomption
d'innocence63(*). Au vu de
l'article 6 §2 de la Convention européenne des doits de l'homme, la
cour a constaté que la COB avait ordonné des sanctions avant que
la culpabilité du suspect n'ait été
démontrée devant la justice.
Cependant, ces affaires ne concernent pas des OPA hostiles et
si certains auteurs admettent que les recours judiciaires ou administratifs
offrent un vaste champ d'action, jusqu'à présent peu de
sociétés se sont tournées vers les juridictions si ce
n'est les sociétés à l'initiative des OPA pour voir
condamner les stratégies de défense opérées par les
sociétés cibles.
²
II . STRATÉGIES DE DÉFENSE ET ASPECT
SOCIAL
137. - Jusqu'à présent nous
avons étudié l'ensemble des mesures élaborées par
le droit des sociétés pour tenter d'échapper à la
prise de contrôle par la société adverse.
En revanche nous avons ignoré l'aspect social de
l'OPA.
Or, il nous faut désormais étudier l'OPA et sa
défense à l'intérieur de l'entreprise, ses effets et le
regard du personnel pour que notre analyse soit complète.
La question essentielle est effectivement de savoir quel
organe représente l'aspect social et où réside l'aspect
social face à une OPA (A) mais aussi de savoir si une défense
peut être envisagée à travers l'aspect social (B).
A. Aspect social et OPA
§1. L'aspect social durant une OPA
138. - Le but de la défense en
matière d'OPA est d'échapper à la prise de contrôle
agressive d'une société adverse, tout en respectant l'aspect
social.
Il reste à savoir par quel organe est incarné
l'aspect social.
En effet, une SA de type classique comprend une masse
d'actionnaires réunie en assemblée d'actionnaires, un conseil
d'administration élu par les actionnaires et un président du
conseil d'administration nommé par le conseil. Or, il s'agit
précisément des organes juridiques composant la
société. En parallèle, il existe d'autres organes au sein
de l'entreprise qui participent à l'aspect social. Ce sont notamment les
comités d'entreprise et les autres représentants du personnel.
139. - Jadis, les comités d'entreprise
étaient chargés des loisirs et des activités
extérieures pour le personnel de l'entreprise.
Depuis, son rôle social (à entendre au niveau de
l'entreprise et non pas seulement au niveau de la masse salariale) a
considérablement évolué. S'il n'est pas une instance
dirigeante, le CE a son droit au chapitre dans certaines décisions
même si se consultation n'aboutit qu'à un avis sans effet
obligatoire.
140. - L'article L.432.1 alinéa
1er du Code du travail est rédigé comme suit :
« Dans l'ordre économique, le
comité d'entreprise est obligatoirement informé et
consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion
et la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les
mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la
durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation
professionnelle du personnel »
Il n'est donc pas écrit explicitement que
l'intérêt social est incarné par le CE.
En revanche, le CE est une des émanations de
l'intérêt social, au même titre que les autres organes
sociaux cités plus haut.
141. - Pour bien comprendre notre analyse,
rappelons que l'entreprise vit de ses dirigeants qui en dessinent l'orientation
générale, de ses actionnaires qui la financent et de ses
salariés qui l'exploitent en exécutant les directives
ordonnées par la direction. Toutes ces structures contribuent à
dégager l'intérêt social, c'est-à-dire
l'intérêt général de la société.
La direction est l'exécutif de l'entreprise ; elle
dicte des lignes générales. En accord avec les actionnaires
réunis en assemblée si les mesures sont d'ordre structurel, elle
met en place un dispositif anti-OPA afin de protéger
l'intérêt social.
142. - Or, les dirigeants peuvent à
terme confondre intérêt général et
intérêt personnel.
En effet, face à une OPA, même hostile, qui irait
dans le sens du marché, tant boursier qu'économique, la
défense à tout prix n'est pas forcément conforme à
l'intérêt social.
Lors du lancement d'une OPI, les dirigeants de la
société cible peuvent être tentés d'assurer une
défense active pour conserver leur rang, leurs attributs sociaux, leurs
avantages, salaires et pour satisfaire certains actionnaires majoritaires
auprès desquels ils prennent leurs ordres.
De même, des actionnaires pourraient faire pression sur
les dirigeants pour que ceux-ci mettent en place une stratégie de
défense anti-OPA. Ce système leur permettrait de conserver leur
majorité sans en être inquiété.
Dans ces cas précis, ce sont des intérêts
personnels qui prennent le pas sur l'intérêt social.
De même, si l'OPI devait aboutir, les dirigeants peuvent
toujours prévoir avec les nouveaux actionnaires majoritaires des
indemnités de « consolation » et une porte de sortie
décente. Pour les salariés, s'agissant d'une OPA
réalisée par un raider, ils paieront souvent pour
l'intérêt qui guide le spéculateur qui, afin de mieux
revendre la société, voudra engendrer des profits en
réduisant le coût salarial ou en licenciant une part des
salariés.
143. - En outre, une OPA, quand bien
même elle serait hostile, n'est pas toujours un tort pour
l'économie et pour la société elle-même. Elle peut
effectivement présenter des avantages. Nous l'avons noté dans
notre introduction, une OPA peut avoir des conséquences tout à
fait bénéfiques pour le tissu économique et introduire un
levier accélérateur dans le progrès industriel ou
même social.
La défense élaborée par les dirigeants ou
les actionnaires de référence, pourrait nuire en fin de compte
à l'intérêt social. En ce cas, les organes
désignés n'incarnent plus l'intérêt social qu'ils
sont censés maintenir.
Les effets bénéfiques de l'OPA ne se feront pas
sentir au niveau de l'entreprise et des salariés.
144. - A contrario, certaines OPA
amicales qui opèrent des absorptions ou des fusions
décidées par les actionnaires ou les dirigeants vont à
l'encontre de l'intérêt des mêmes salariés. Souvent
fusion rime avec licenciements car la synergie économique veut que les
résultats financiers de la nouvelle entité soient majorés
avec une masse salariale plus faible. Certains journalistes économiques
rappellent que l'intérêt social n'est dans ce cas pas
respecté64(*).
Plaire aux actionnaires conduirait à réduire l'emploi au sein de
l'entreprise.
Ainsi, les salariés, s'ils incarnent en partie
l'intérêt social, n'ont pas véritablement de poids
décisionnel et, en cas d'OPA, quelle qu'en soit l'issue et le but, seuls
les organes sociaux dirigeants décident pour l'intérêt
général.
145. - De surcroît, l'OPA
réussie peut profiter également aux actionnaires qui ont vendu
leurs titres. Ceux-ci ont accru leur patrimoine financier en revendant leurs
actions à l'initiateur de l'OPA qui a proposé un prix très
attractif pour se faire convaincant. Ainsi, les actionnaires ont pu faire une
plus-value boursière sans doute conséquente profitant de cette
période de rachat généreuse.
Pour réaliser cette opération financière,
ces actionnaires auront permis à une société hostile ou
à un raider de prendre le contrôle de la société
qu'ils finançaient au risque de la voir être
démantelée ou de voir une compression d'effectifs non conformes
à l'intérêt social.
Cela fut notamment le cas à l'issue de la bataille
boursière que se sont livré la BNP et la Société
générale durant l'été 1999 sur
l'établissement Paribas65(*). A l'issue de cette lutte dont la BNP sortit
vainqueur pour devenir BNP-Paribas, les salariés de Paribas ont vu leur
rémunération être revue à la baisse. Les
observateurs ont noté en outre que la fusion avait « fait
le vide chez les cadres, révulsés par la culture bureaucratique
et peu internationale de la BNP »66(*).
§2. OPA et comité d'entreprise
146. - A l'heure actuelle, à
l'occasion du lancement d'une offre publique, le CE est l'émanation des
salariés qui peut jouer un rôle dans la sauvegarde de
l'intérêt général.
L'article L.432-1 alinéa 467(*) stipule :
« Dès que le chef d'entreprise a connaissance du
dépôt d'une offre publique d'achat ou d'une offre publique
d'échange dont son entreprise fait l'objet, il en informe le
comité d'entreprise. Le comité invite, s'il l'estime
nécessaire, l'auteur de l'offre pour qu'il expose son projet devant
lui. »
La loi permet donc au CE de s'intéresser à la
procédure de l'OPA dont l'entreprise est la cible.
147. - Plus récemment encore, la loi
du 15 mai 200168(*)
relative aux nouvelles régulations économiques a introduit une
mesure qui donne au CE un poids plus important à l'occasion d'une
OPA.
Le dispositif semble avoir son intérêt tant
l'aspect politique voire idéologique a été discuté
et critiqué.
Comme auparavant, le CE peut faire comparaitre devant lui
l'initiateur de l'OPA en le convoquant au moins trois avant. Cette invitation
est également ouverte au comité de groupe quand l'entreprise
prise pour cible est la société dominante.
La novation apparaît dans les sanctions qui sont
assorties. En effet, en cas de non présentation devant le CE,
l'initiateur de l'offre peut se voir privé du droit de vote
attaché aux titres de la société cible, cette sanction
pouvant être étendue aux titres des sociétés
contrôlées et des sociétés contrôlantes.
148. - Ainsi, la loi NRE69(*), dans son dispositif relatif
aux offres publiques introduit un aspect coercitif pour renforcer l'information
auprès du CE qu'avait envisagé la loi du 2 août 1989. La
loi précise que le CE pourra définir le caractère hostile
ou amical de l'offre publique envisagée.
En outre, toujours dans le but de préserver
l'intérêt social, la loi impose dorénavant à
l'offrant de préciser, dans sa note d'information, ses orientations en
matière d'emploi. Cependant, la rédaction de cette mesure semble
indiquer que l'initiateur doit s'expliquer sur ses orientations sociales pour
sa société et non pas pour la société qu'il
désire absorber.
149. - Plus précisément, la
nouvelle rédaction de l'article L.432-1 du Code du travail,
prévoit qu'en cas de dépôt d'une OPA ou d'une OPE,
l'employeur doit réunir immédiatement le CE pour l'en informer.
C'est au cours de cette réunion que le CE décide ou non
d'entendre l'initiateur de l'OPA et se prononce sur le caractère de
l'OPA ou de l'OPE. Parallèlement, dans les trois jours suivant le
lancement de l'OPA, l'assaillant doit présenter au CE une note
d'information définissant les orientations en matière d'emploi de
la personne physique ou morale ayant l'offre déposé l'offre
publique.
Dans les quinze jours suivant la publication de la note, le CE
se réunit une deuxième fois pour procéder à
l'audition, s'il l'a décidé lors de la première
réunion, de l'initiateur de l'offre. Sont présents lors de
l'audition le président, les membres du CE et/ou un expert, l'auteur de
l'offre assisté s'il le veut de personnes de son choix. Celui-ci
« prend connaissance des observations éventuellement
formulées par le comité d'entreprise ». Le refus
de l'auteur de se présenter à cette convocation le prive du
bénéfice de son vote. « La sanction est toutefois
levée le lendemain du jour où l'auteur de l'offre a
été entendu par le comité d'entreprise de la
société faisant l'objet de l'offre. Il en sera de même si
le chef d'entreprise ne fait pas l'objet d'une seconde convocation dans les
quinze jours qui suivent la réunion initiale à laquelle il avait
été convoqué. Dans ce dernier cas, l'absence d'une
manifestation de volonté du comité équivaut à
rendre la sanction sans objet »70(*).
150. - Enfin, notons que la loi NRE
élargit également le rôle du CE dans le fonctionnement de
la structure sociale et en fait de plus en plus un organe incontournable
à côté des assemblées d'actionnaires.
Désormais, deux membres du CE pourront assister aux
assemblées des sociétés. Ils peuvent, s'ils le
désirent, être entendus lorsque la délibération de
l'assemblée exige l'unanimité (cas fort rare).
Le CE peut aussi demander aux juges de nommer un mandataire
chargé de convoquer l'assemblée générale71(*).
B. Défense et intérêt
social
151. - Il peut être dans
l'intérêt social de se défendre ; nous l'avons
à plusieurs reprises démontré dans cet écrit. Dans
le cas supposé où, lors d'une OPA, l'intérêt social
est en grande partie incarné par les salariés et leurs
représentants, il existe des moyens de défense, issus pour
beaucoup de la pratique, qui permettent aux salariés de soutenir les
stratégies de défense mises en place par leurs dirigeants.
Cette position s'explique notamment face à l'initiative
d'un raider dont le projet purement financier fait fi de l'emploi.
§1. L'action sociale
152. - Les salariés peuvent en effet
prendre part aux stratégies de défense anti-OPA. En concertation
ou non avec les dirigeants de la société cible, le personnel peut
envisager certaines mesures de défense.
Ces méthodes sont plus issues de la pratique que de
textes juridiques. La France est en effet un pays où la protestation
salariale est entrée dans les moeurs avant d'être
codifiée.
Dans le cas présent, n'ayant pas véritablement
de pouvoirs d'opposition à l'OPA hormis les cas cités plus haut
comme le pouvoir renforcé du comité d'entreprise ou le placement
d'actions (souvent bloquées) entre les mains de salariés, il
reste au personnel des mesures d'ordre symbolique.
153. - Rodés à la grève,
les salariés, soutenus ou guidés par leurs syndicats, peuvent
envisager une grève préventive. Si elle produit des effets
directs sur la société cible, elle en a également sur la
société hostile.
Elle permet tout d'abord de montrer leur détermination
aux dirigeants des deux sociétés que l'OPA soit inamicale ou non,
elle attire l'attention des actionnaires des deux sociétés sur
leur sort et elle peut déstabiliser l'auteur de l'OPA.
Certaines OPA ont ainsi échoué grâce
à la détermination sans faille du personnel de la
société cible qui avait mené une action d'envergure afin
de barrer le passage au raider.
154. - Les salariés peuvent
également donner leur quitus aux dirigeants. Par cet effet, ils
consolident leur position au sein de l'entreprise et montrent leur sympathie
économique face à la résistance des instances dirigeantes
contre l'assaillant extérieur.
De surcroît, ce soutien du président du Conseil
d'administration et du Conseil d'administration permet aux membres de ces
organes de justifier leur stratégie interne de défense
auprès de leurs actionnaires.
155. - Le personnel peut encore envisager un
large plan médiatique pour dépasser le cadre de l'OPA et alerter
toute personne extérieure à l'entreprise.
Le but est de parvenir à attirer les médias sur
leur situation mais aussi sur les effets sociaux que l'OPA pourrait produire
sur le plan macro-économique.
A côté du plan médiatique de la direction
qui essaie d'alerter les actionnaires et ainsi empêcher qu'ils ne soient
les proies des sirènes de l'initiateur de l'OPA, le personnel peut
produire des notes d'informations et même acheter des pages d'information
dans certains journaux spécialisés ou même tout public.
156. - Enfin, l'action des syndicats peut
être très efficace pour freiner les ardeurs d'un raider.
Lorsqu'il y a une menace sur l'emploi à l'occasion du
dépôt d'une offre publique, les syndicats peuvent également
alerter le grand public. Les ténors des cinq grands syndicats
français ne manqueraient pas de faire connaître leur position sur
l'OPA envisagée.
A l'échelon local, c'est-à-dire au niveau de
l'entreprise, le syndicat peut mener une action interne pour informer les
salariés des risques qui pèsent sur eux. De même, le
syndicat dépassant largement le cadre de l'entreprise, les sections
syndicales de chacune des entreprises actrices lors de l'OPA peuvent nouer des
liens et faire savoir à leurs directions respectives qu'elles
n'entendent pas subir une quelconque absorption. Elles peuvent aussi
prévoir d'agir de concert et, selon leur langage, faire savoir que les
salariés ne sont pas « de la chair à canon »
dans un contexte de fusion économique. En cela, les sections syndicales
« main dans la main » mèneront une vaste action
commune dans le but de faire plier l'auteur de l'OPA.
§2. Le soutien des actionnaires salariés
157. - Dans le cadre de la participation aux
bénéfices et de l'épargne salariale, le personnel verrait
son intérêt à ne pas voir l'entreprise dans laquelle il
travaille, se faire absorber par une autre entreprise qui mènerait une
politique interne différente.
Le cas s'est récemment présenté
récemment lors de l'OPA de la BNP sur Paribas72(*).
L'entreprise aura donc intérêt, comme moyen de
défense anti-OPA à choyer ses salariés pour qu'ils la
soutiennent l'heure de l'OPA venue. A ce titre il convient d'aménager
des structures de participation.
158. - La société devra
prévoir des cas d'actionnaires salariés de manière
à ce qu'une partie des actions soient entre les mains de salariés
« sûrs » afin qu'ils prennent partie contre
l'initiateur de l'offre en cas d'OPA.
L'entreprise pourra notamment veiller à ce que certains
d'entre eux siègent au sein du Conseil d'administration.
159. - La récente bataille
boursière entre la Société Générale et la
BNP a mis en lumière l'efficacité d'une structure de
participation d'épargne salariale. En effet, le FCPE des salariés
de la Société Générale a été un moyen
de défense anti-OPA essentiel.
Les salariés de la Société
Générale en étaient les actionnaires principaux
détenant 8% du capital à travers le FCPE.
Dans le cadre d'un FCPE, la stabilité du capital est
assurée car le régime fiscal avantageux veut que les
détenteurs des actions les conservent durant au moins cinq années
consécutives. En outre, les droits de vote attachés aux actions
détenues par le fonds commun sont exercés non pas par la
société de gestion mais par le conseil de surveillance où
siègent les représentants des salariés porteurs de
parts.
160. - En revanche, un risque pèse sur
la société quand la part du FCPE dans le capital social
dépasse un seuil important (1/3) qui le poussera à lancer une OPA
obligatoire sur la société.
De surcroît, il apparaît à la lecture des
textes de déontologie régissant les FCPE, que les actions de
concerts entre les FCPE et les dirigeants de l'entreprise, en cas d'OPA, soient
contraires au principe selon lequel la gestion du fonds doit se faire en toute
indépendance vis-à-vis de l'employeur.
² ² ²
CONCLUSION
161. - Pour avoir une stratégie de
défense anti-OPA efficace, il convient de conjuguer les
possibilités ici exposées.
Il existe ainsi un très large panel de mesures
appropriées mis à la disposition des dirigeants d'entreprise par
le droit des sociétés et la pratique du monde des affaires.
Nombre de ces procédés sont issus des Etats-Unis
où la défense anti-OPA est une des règles de gestion
enseignée aux dirigeants73(*).
162. - Parmi ces stratégies de
défense américaines, beaucoup restent inapplicables en France. En
revanche, il est intéressant de les citer car elles apparaîtront
peut-être sur le vieux continent dans quelques années.
Hormis les poison pills étudiés
précédemment et directement importées des Etats-Unis ou
les exigences de qualification des administrateurs, le droit américain
dispose d'une riche panoplie de mesures anti-OPA.
Ainsi, concernant les administrateurs, les statuts des
sociétés américaines peuvent se pourvoir de clauses
restreignant l'accès à l'exécutif de la
société. De la sorte, il est possible d'envisager la
révocation des gérants pour juste motif (et non pas ad
nutum). Les textes peuvent également prévoir une
majorité nécessaire dans la révocation des dirigeants
ainsi qu'un échelonnement des mandats. Enfin, à l'occasion d'une
révocation, certaines sociétés ont adopté des
golden parachute, qui sont de très fortes indemnités
financières au profit des dirigeants évincés
destinées à dissuader les révocations lors de prises de
contrôle hostiles.
D'autres dispositions sont déjà
appliquées en France sous une forme quelque peu différente. C'est
le cas de la défense dite Pacman que l'on retrouve en France
sous la dénomination de contre-OPA. Le Self tender est la
technique qui consiste pour la société cible à racheter
ses propres actions (OPRA). Le white knight est la technique du
chevalier blanc et le standstill agreement est le pacte d'actionnaires
de non-agression. Enfin, le springing voting right est l'attribution
d'actions sans droit de vote.
Il apparaît donc que de nombreuses stratégies de
défense anti-OPA ont été empruntées aux
américains mais revues et corrigées au regard des
législations et textes français.
163. - Certaines de ces mesures sont encore
appliquées en Europe. Il convient donc, dans notre conclusion,
d'élargir notre étude au niveau européen. En effet, il est
nécessaire désormais d'appréhender les OPA non plus au
niveau national mais également à l'échelon
européen. Les concentrations sont depuis quelques années
étudiées sur un plus large domaine d'extension. Aussi, les
législations relatives aux OPA et aux stratégies de
défense doivent-elles être repensées à un plus haut
niveau. Nombre de sociétés immatriculées dans un
état membre tentent de prendre le contrôle d'autres
sociétés immatriculées dans un autre état membre.
Il apparaît donc opportun d'envisager des règles communes à
tous les états membres de l'Union Européenne.
Sans doute le projet de Code européen de commerce
abordera-t-il ce phénomène.
164. - Il y a peu de temps, les ministres des
Affaires étrangères s'étaient réunis pour
entériner un projet relatif aux OPA en Europe. De cette consultation
était née une proposition de 13ème directive
européenne sur les offres publiques d'acquisitions. Elle
« procède à une harmonisation minimale du
régime des offres publiques volontaires et
obligatoires »74(*). Ainsi, certaines réalités
transfrontalières ont-elles déjà été prises
en considération.
² ² ²
INDEX
des abréviations utilisées
ADP : actions à dividendes prioritaires
ADPSDV : actions à dividendes prioritaires sans
droit de vote
AGE : assemblée générale
extraordinaire
AGO : assemblée générale
ordinaire
Cass. : Cour de cassation
CBV : conseil des bourses de valeurs
(prédécesseur du CMF)
CE : comité d'entreprise
CMF : conseil des marchés financiers
COB : commission des opérations de Bourse
CI : certificat d'investissement
OPA : offre publique d'achat
OPE : offre publique d'échange
OPI : offre publique inamicale
OPRA : offre publique de rachat d'actions
SA : société anonyme
SAS : société par actions
simplifiée
SCA : société en commandite par actions
INDEX ALPHABÉTIQUE
des principaux thèmes abordés
(Les chiffres renvoient aux numéros de paragraphes)
Abus : 46, 72, 115, 119, 133
Actions :
- de société : 2, 3, 4, 5, 13, 15, 16, 17,
21, 22, 28, 29, 30, 31, 34, 36, 37, 39, 42, 43, 46, 51, 56, 57, 58, 59, 61, 62,
63, 66, 80, 90, 96, 104, 106, 107, 109, 110, 111, 112, 112, 118, 119, 145, 152,
158, 159, 162.
- de concert : 132, 160
- en justice : 124, 131, 134
Assemblée (générale) : 2, 3, 35, 36,
37, 59, 60, 80, 82, 83, 84, 89, 90, 117, 118, 121, 138, 141, 150
Augmentation (de capital) : 60, 64, 117, 118, 119, 120,
121, 122, 123, 124
Bloc (d'actionnaires) : 43, 47, 48
Clôture (de l'offre) : 17, 119
Comité d'entreprise : 17, 19, 140, 146, 152
Concentration :
- du capital : 25, 52, 64
- économique : 2, 9, 10, 115, 116, 163
Concurrence : 72, 85, 115
Conseil d'administration : 10, 20, 42, 45, 60, 79, 80,
81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 89, 96, 117, 135, 138, 154, 158, 162
Délégations (de pouvoirs) : 117, 118, 120,
123
Droits de vote : 18, 28, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 40, 43,
63, 89,95, 96, 111, 147, 149, 159, 162
Fidélité : 13, 37, 43, 45, 54, 77
Filiale : 61, 67, 71, 74, 92, 94, 127, 128
Forme (sociale) : 22, 54, 57, 58, 59, 62, 68, 69, 70,
96
Holding : 61, 64, 65, 128
Information( note d') : 18, 99, 148, 149
Intérêt (social) : 9, 48, 65, 89, 100, 108,
121, 126, 130, 132, 137, 138, 140, 141, 142, 143, 144, 145, 146, 148, 151,
157
Majorité : 2, 5, 21, 24, 29, 35, 49, 57, 59, 63,
64, 71, 78, 80, 82, 83, 88, 100, 112, 121, 142, 162
Minorité : 21, 71, 87, 100, 109
Ramassage : 3, 5, 7, 11, 15, 24, 25, 37, 42, 112
Salariés : 44, 82, 100, 107, 110, 128, 141, 142,
143, 144, 145, 146, 151, 152, 153, 154, 156, 157, 158, 159
Seuils : 18, 31, 37, 38, 39, 40, 41, 73, 133, 160
Stabilité (du capital) : 11, 25, 159
Statuts : 36, 37, 39, 42, 45, 46, 48, 56, 65, 66, 69, 73,
79, 82, 83, 85, 87, 88, 162
Titres nominatifs : 36, 42, 46
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages :
>LAMY Sociétés Commerciales, éd. 2000,
3805 et s., 4113 et s.
>COZIAN M. et VANDIER A., Droit des
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Études :
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avec Patrick MORDACQ, RD bancaire et bourse 1988, n°6, p.34
>BOULLET D., La sauvegarde des sociétés
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de droit des sociétés, JCP G 2001, n°25, p.1197
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>MARTIN D. et FAUGEROLAS L., Les pactes
d'actionnaires, JCP E 1989, n° 24, p.397
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>VATINET R., Les défenses anti OPA, Rev.
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>Bourses de valeurs-Propositions de 13e
directive européenne sur les offres publiques d'acquisition, JCP E
1999, n°48, p.1889
Textes et lois :
Loi du 24 juillet 1966
Loi du 2 août 1989
Loi du 15 mai 2001
Décisions :
>Décisions et rapports de la COB
>CA Paris, 17 déc. 1954
>CA Douai, 24 mai 1962
>Trib. Com. Paris, 1er août 1974
>CA Amiens, 10 mars 1977
>Cass. Com., 19 déc. 1983
>Cass. Com., 24 févr. 1985
>CA Paris 26 mars 1986, Rev. Soc. 1986, p.613, note
DAIGNE
Paris 3e Ch., 18 mars 1988, JCP E 1998, p.525, note
FORSCHBACH ; D.1989, p.359, note LAROCHE-GISSEROT
>Trib. Com. Paris, 21 juin 1988, Bull. Joly 1989, p.890
>CA Paris, 19 novembre 1996, Joly Bourse 1997, p.212, note
BONNEAU
> CA Paris, 2 juil. 1999 D/COB, JCP E 2000, p.85
>CE 22 nov. 2000 Sté Crédit agricole Indosuez
Cheuvreux, JCP G 2000, p.2218
* 1 LAMY Sociétés
Commerciales, Ed. 2000, n°4110
* 2 Toutefois une OPA peut se
dérouler sur des sociétés hors côte officielle bien
que l'origine soit boursière.
* 3 Notamment au sein de la
banque Lazard en 2000 ou encore après des raids lancés contre
Bouygues en 1998 et Pathé en 1999.
* 4 VANDIER A., Les
défenses anti-OPA aux Etats-Unis, Banque 1987, n°469, p.168
* 5 A l'heure actuelle,
l'Allemagne et le Japon, pays de capitalisme rhénan, ignorent
toujours juridiquement les OPA et donc les défenses anti-OPA.
* 6 W. LEE et D. CARREAU,
Les Moyens de défense à l'encontre des offres d'achat
inamicales en France, D. 1998, Ch. p.15
* 7 La dernière en
date fut la bataille que se livrèrent la Société
Générale et la BNP sur Paribas durant l'été
1999.
* 8 A. VANDIER, Les
défenses anti-OPA aux Etats-Unis, Banque 1987, n°469, p.168
* 9 In LAMY
Sociétés Commerciales, Ed. 2000, n°4111
* 10 Op. Cit.
* 11 Op. Cit.
* 12 Il peut cependant
être involontaire lorsqu'un actionnaire obtient plus d'un tiers du
capital ou des droits de vote d'une société ; ce dernier
doit alors lancer une OPA pour obtenir les deux tiers du capital ou des droits
de vote (article 15 de la loi du 2 août 1989). Il existe encore d'autres
cas particuliers insérés dans la même loi.
* 13 Autrefois conseil des
bourses de valeurs (CBV) devenu CMF par la loi du 2 juillet 1996
* 14 Ce délai,
autrefois de vingt jours, a été rallongé en 1997. En cas
d'OPI, le délai court à partir de la remise de la note
d'information de l'initiateur revêtue du visa de la COB. Le délai,
en tout et pour tout, ne peut excéder trente-cinq jours pour
éviter que la société cible « ne joue la
montre ».
* 15 Il fut pendant un temps
envisagé que la loi prévoit la fusion de la COB et du CMF mais
les conditions posées par les professionnels étaient trop
élevées pour que l'opération se réalise (Les
Echos, 27/11/2000, p.3)
* 16 Loi NRE du 15 mai 2001
* 17 Les OPA sauvages en
France, entretien avec Patrick MORDACQ Secrétaire Général
de la COB, RD bancaire et bourse 1988, n°6, p.34
* 18 R. VATINET, Les
défenses anti-OPA, Rev. Soc. 1987, p.539
* 19 Art. 194-1 à
194-11
* 20 Cass. Com., 20 fev 1978
* 21 Rapport COB 1993, p.51
* 22 Art. 356-4 al.
1er de la loi du 24 juillet 1966
* 23 Art. 356-4 al. 3 de la loi
du 24 juillet 1966
* 24 Règlement COB
n°88-02, modifié par le règlement n°97-01
* 25 Art. 9-1 de l'ordonnance
du 28 septembre 1967
* 26 D. MARTIN et L.
FAUGEROLAS, Les pactes d'actionnaires, JCP E 1989, p.397
* 27 W. LEE et D. CARREAU,
Les moyens de défense l'encontre des offres publiques d'achat
inamicales en France, D. 1988, Ch. p.15
* 28 La loi NRE du 15 mai 2001
impose cependant la publicité des conventions de ce type
* 29 Ordonnance de
référé, tribunal de commerce de Paris, 26 mars 1986.
* 30 Right of first
refusal
* 31 Paris, 28 juillet 1986
* 32 Les OPA sauvages en
France, entretien avec Patrick MORDACQ, secrétaire
général de la COB, RD bancaire et bourse 1988, n°6, p.34
* 33 CA Paris, 1e
ch., JCP E 1993, p. 457
* 34 F. BUCHER, Du bon usage
de la commandite par actions, Rev. Soc. 1994, p. 415
* 35 Art.5
* 36 F BUCHER, Mesures
anti-OPA : de la panoplie à la mise en oeuvre, Option Finance
n°541, 29 mars 1999, p.31
* 37 Règlement
n°84-07 du 28 septembre du Comité de la réglementation
bancaire modifié par le règlement n°87-08 du 22 juillet
1987.
* 38 D. CARREAU et J.-Y.
MARTIN, Les moyens de défense anti-OPA en France, Banque 1990,
n°509 p.896 et1032
* 39 D. CARREAU et J.-Y.
MARTIN, Op. Cit., p.897
* 40 R. VATINET, Les
défenses anti-OPA, Rev. Soc. 1987, p.539
* 41 CA Paris, 17
déc. 1954 ; CA Douai, 24 mai 1962 ; Trib. Com. Paris,
1er août 1974 ; CA Amiens, 10 mars 1977 ; Cass.
Com., 19 déc. 1983 ; Cass. Com., 24 févr. 1985.
* 42 Art. L.242-9 Ccom
* 43 Cass. Com, 24
févr. 1987 : la jurisprudence fait ici mention de
l'intérêt du groupe.
* 44 Art. 1147 Code civil.
* 45 Rapport annuel COB
1987, p.134 : « la tradition française fort
heureusement n'admet pas ces mesures contraires à l'intérêt
social. Il ne faut surtout pas les laisser s'introduire dans notre pays ;
les actionnaires lésés ne devraient pas hésiter à
exiger le retrait de telles mesures lorsqu'ils viendraient à en avoir
connaissance. »
* 46 Rapport COB 1988,
p.80-81
* 47 R. VATINET, Les
défenses anti-OPA, Rev. Soc. 1987, p.539
* 48 Règlement 89-03
art.3 : « Pendant la période d'offre publique,
l'initiateur et la société visée s'assurent que leurs
actes, décisions et déclarations n'ont pas pour effet de
compromettre l'intérêt social et l'égalité de
traitement ou d'information des détenteurs de titres des
sociétés concernées.
« Si les dirigeants des sociétés
concernées décident d'accomplir des actes autres que de gestion
courante, ils en avisent la Commission afin de lui permettre de veiller
à l'information du public et de faire, le cas échéant,
connaître son appréciation.
« La compétition que peut impliquer une offre
publique s'effectue par le libre jeu des offres et de leurs surenchères.
Dès le dépôt du projet d'offre, les dirigeants de la
société visée ne peuvent accroître les
participations d'auto-contrôle existant à cette
date. »
* 49 Règlement COB
89-03, art. 3
* 50 Entretien avec Patrick
MORDACQ, op. cit.
* 51 T. FORSCHBACH,
L'augmentation de capital en cours d'OPA, rev. Droit bancaire et de la
bourse n°17, janvier-février 1990, p.30
* 52 T. FORSCHBACH, op.
cit. ; BERTREL et JEANTIN, Fusions et acquisitions de
sociétés commerciales, Litec 1989 ; LEE et CARREAU op.
cit., CARREAU et MARTIN op. cit.
* 53 Trib. Com. Paris, 25
janvier 1988
* 54 Arrêté du 23
mars 1997
* 55 RJDA 6/97,
p.499
* 56 C. GAVALDA,
Commentaire de la loi du 2 août 1989, concernant l'amélioration de
la transparence et de la sécurité du marché financier,
rev. soc. 1990, p.1
* 57 cf. note 42
* 58 CARREAU D. et MARTIN
J.-Y., op. cit.
* 59 VANDIER A., Les
défenses anti-OPA aux Etats-Unis, rev. Banque n°469,
février 1987, p. 168
* 60 Notamment : Trib.
Com. Paris, ord. Réf. 21 juin 1988, Bull Joly 1988, p.890 ; CA
Paris, 18 mars 1988, D. 1989, p.359, note LAROCHE-GISSEROT
* 61 CA Paris, 19 nov. 1996,
Joly Bourse 1997, p.212, note BONNEAU
* 62 CE, 22 nov. 2000
Sté Crédit agricole Indosuez Cheuvreux
* 63 CA Paris, 2 juillet 1999,
D. contre COB, JCP E, 20 janvier 2000, p.85
* 64 C. AUXERRE,
« Un dispositif anti-OPA ? »,
L'Humanité, 18 fév. 2000
* 65 La
Société Générale avait lancé une OPA amicale
sur Paribas et la BNP a ensuite lancé une OPA sur les deux
établissements bancaires. A l'issu de l'affrontement, BNP a pris une
participation non négligeable au sein de la Société
Générale, dont elle a dû se défaire, et a
absorbé Paribas.
* 66 S. CHAPDELAINE,
« Les hommes de Pébereau font fuir ceux de
Paribas », Capital, nov. 2000
* 67 Introduit par la loi du 2
août 1989
* 68 Loi NRE du 15 mai 2001
* 69 Voir notamment :
J.-J. DAIGRE, Loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations
économiques, aspects de droit financier et de droit des
sociétés, JCP G, 20 juin 2001, n°25, p.1197 ;
J.-J. DAIGRE, Loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations
économiques, aspects de droit financier et de droit des
sociétés, JCP G, 27 juin 2001, n°26, p.1255 ; F.
TAQUET, La loi sur régulations économiques,
l'amélioration des conditions d'information des comités
d'entreprise, JCP G, 11 juillet 2001, n°28, p.1357.
* 70 F. TAQUET, La loi
sur régulations économiques, l'amélioration des conditions
d'information des comités d'entreprise, JCP G, 11 juillet 2001,
n°28, p.1357.
* 71 Il réside
toutefois un doute concernant cet aspect car s'il est écrit
« dans toutes les sociétés », la loi fait
référence plus loin aux « actionnaires ». Il
faudrait donc étendre ce pouvoir aux seuls comités d'entreprise
des sociétés par actions.
* 72 cf. plus haut
* 73 A. VANDIER, Les
défenses anti-OPA aux Etats-Unis, Banque n°469, p.168
* 74 Proposition de
13e directive européenne sur les offres publiques
d'acquisitions, JCP E 1999, n°48, p.1889.