Conclusion
Notre recherche a porté sur les rapports de l'homme
à la forêt. Nous avons analysé les relations qui existent
entre la population fang et les gestionnaires environnementalistes dans la
gestion et la conservation de la faune et la flore du Parc National des Monts
de Cristal. Nous avons cerné le fonctionnement du projet de conservation
mis en place au Gabon, particulièrement aux Monts de Cristal et ses
rapports avec les populations riveraines. Le principe consistait à
savoir si le Parc était bien aperçu par les populations et voir
s'il répond aux attentes des populations, et donc à
l'amélioration de leurs conditions de vie. Notre travail était
composé de quatre parties. Il a prit racine grâce à
l'apport théorique interdisciplinaire reposant sur une
méthodologie anthropologique. Ce dernier nous a permis de poursuivre
dans une autre dynamique, celle de l'identification de la population riveraine
au Parc et ces rapports avec la forêt. Il était question de faire
une analyse de leurs activités et montrer l'impact que ces
dernières peuvent avoir sur la faune, la flore, le sol, l'eau et
l'homme. A la suite de cette partie, notre réflexion a porté sur
les activités et les rapports des gestionnaires du Parc à cet
espace protégé. La dernière partie a consisté
à ressortir les difficultés et les avantages liés au
projet de conservation, tout en ressortant la situation qui prévaut
entre ces deux acteurs de la conservation.
La question relative à la conservation de
l'environnement a déjà été abordée par
plusieurs auteurs, parmi lesquels, George Pierre (1973), Jean Lamarque (1973),
Maurice Kamto (1996), Yvette Veyret Yvette et Pierre Pêche (1997) et
Sabine Rabourdin (2005). Dans son ouvrage, le premier auteur montre en effet
que l'environnement est une source indispensable, une base de production pour
toute vie humaine, mais aussi une menace pour l'homme, à cause des
facteurs qu'il recouvre. Ainsi, il recommande à l'homme rural de faire
une exploitation durable de ces ressources. A sa suite, Jean Lamarque dans son
ouvrage dira que l'environnement est un problème de politique nationale
et sociale alors, la santé de l'environnement doit dépendre des
grandes décisions nationales concernant l'utilisation et la sauvegarde
des connaissances naturelles. Le troisième auteur établit le
rapport entre la science juridique et l'environnement. Il pense que le droit
est utile dans la protection et la gestion de l'environnement. Le
quatrième auteur va réagir sur les rapports de l'homme à
l'environnement. Il recommande aux chercheurs qui orientent leurs études
dans le domaine environnemental d'analyser les rapports de l'homme à son
milieu en terme de conflits. Enfin Sabine Rabourdin montre dans quelle mesure
le mariage entre la population villageoise et les gestionnaires des Parcs peut
faciliter la gestion durable des Parcs Nationaux. A ces auteurs, nous avons
associé les spécialistes des Parcs Nationaux : Marcus
Colchester (1999), Joseph K Sang, Samuel Nguiffo et Ruth Malhesou (2003) etc.
Les idéologies de ces auteurs reposent sur les intérêts des
peuples autochtones envers les projets de conservation. Ils aimeraient que les
projets aient un regard proche envers les populations autochtones. Marcus
Colchester dans son article Parcs ou peuples, fait une critique des
projets de conservation en Afrique. Il fait ressortir que ces projets se font
uniquement au niveau du sommet. Ainsi, il recommande que cela se fasse de la
base vers le sommet, et non l'inverse. C'est à ce titre qu'un projet
peut promouvoir un développement durable.
Contrairement à ces auteurs, notre préoccupation
s'est appuyée sur deux modes de gestion des écosystèmes au
Gabon notamment traditionnelle (villageois) et moderne (CNPN, WCS). Pour
trouver des solutions et élucider notre problème, nous avons
constitué un guide d'entretien qui contenait un canevas de questions
relatives aux manières traditionnelles et modernes de conservation de la
faune et la flore des Monts de Cristal. Ces questions ont été
testées pendant les mois de mars-avril 2007, mois de terrain
universitaire. Nous avons mené notre enquête dans les provinces de
l'Estuaire (Kango), du Woleu-Ntem (Medouneu) puis au CNPN, à la WCS et
à l'IRET. Cette enquête s'est passée dans huit villages
dont le critère fondamental était le nombre d'habitants, parmi
lesquels, Andok-Foula, Mela, Misome (Kango), Akoga, Avang,
Mbé-Akelayong, Nkann, Song, (Medouneu). Elle a été
menée auprès de trente un informateurs dont onze femmes et vingt
hommes dont l'âge variait entre vingt six et quatre vingt sept ans et
selon les activités. Nous nous sommes intéressée
particulièrement à la pêche, chasse, agriculture, sciage,
artisanat et vannerie, orpaillage et cueillette. Parmi les villageois, nous
avons eu trois chasseurs, trois pêcheurs, trois ramasseurs cueilleurs,
deux agriculteurs, trois scieurs de long, deux orpailleurs, un artisan, deux
vanniers et deux tradipraticiens. Au CNPN, WCS, et IRET, nous avons eu notre
entretien avec neuf cadres gestionnaires et qui font des recherches dans le
Parc.
Au terme de notre recherche, il ressort que les deux
conceptions culturelles et les deux comportements culturels relatifs à
la conservation de la forêt des Monts de Cristal sont difficiles à
concilier. La société fang se dote d'une très grande
ambition : la préservation de l'environnement et
l'amélioration de la relation que les hommes entretiennent avec ce
dernier. Cette ambition s'inscrit dans la recherche de la durabilité des
ressources. La culture traditionnelle a sa méthode de gestion et de
conservation de la forêt. Elle possède peu d'outils, mais dispose
d'une vision globale de leur place dans la nature. Cette dernière a
développé des façons de vivre qui s'harmonisent avec leur
environnement. Elle la gère par ses activités traditionnelles et
la conserve par la jachère et les « forêts
sacrées ». Ces méthodes de conservation sont
régulées par les interdits. Ces interdits sont sous la
responsabilité du chef coutumier, et les sanctions qu'on inflige aux
individus qui transgressent la loi sont du ressort des esprits surnaturels. La
jachère est une méthode de conservation qui consiste à
régénérer la forêt. Elle favorise une recomposition
rapide du couvert végétale lorsque sa durée a
été respectée. Cependant, la WCS et le CNPN met cette
forêt « sous cloche » et y interdisent tout
accès
La route Kougouleu-Medouneu n'est pas très praticable.
On note aussi l'absence de l'électricité, de dispensaires,
d'établissements scolaires dans certains villages, le manque
d'écoguides. A travers ces faits, on ne peut pas encore parler de
« développement » dans cette région d'autant
plus que le tourisme n'est pas encore mis en place. Depuis la mise en place du
Parc jusqu'à nos jours, la WCS et le CNPN ont recruté les jeunes
des villages environnants comme écogardes et ont institué les
jardins scolaires dans lesquels les jeunes de la région sont
impliqués. Ils ont également mis en place un club
d'écologie au CES de Medouneu.
Il importe aux gestionnaires du Parc d'avoir une
démarche d'ensemble pour l'usage du projet et non d'imposer leur
modèle qui ne tient pas compte des critères de choix des
sociétés riveraines, afin que cet outil serve les ambitions qui
sont les leurs et atteint le développement durable. La conservation doit
respecter les ambitions sociales et culturelles au lieu de les soumettre
à ses propres contraintes comme c'est le cas au Gabon. Il ne s'agit pas
de rejeter les formes de développement en bloc, mais de les choisir et
de les orienter de manière évolutive. D'ailleurs beaucoup des
villageois sont soucieux des limites de leurs ressources. Ils refusent
cependant qu'on leur impose des solutions et des techniques, mais souhaitent
les connaître afin de décider elles -même de les mettre ou
non en oeuvre. Il apparaît donc que l'un des principaux souhaits de la
société fang est d'obtenir le droit de prendre une plus grande
part à la gestion du territoire qui les entoure. L'expérience des
années passées a clairement montré que le défit
écologique dans les sociétés traditionnelles ne se limite
pas à planter, à mettre en réserve quelques forêts,
à aménager quelques secteurs humides. Il s'agit avant tout
d'organiser la société afin de permettre aux communautés
de s'assumer et de préserver l'environnement. La mise en place d'un
cadre conceptuel qui prenne en considération les ressources
privées et collectives du village, ses diverses ressources en biomasse
ainsi que les intérêts et besoins des différents groupes
économiques de la communauté villageoise est le préalable
au développement d'un programme de gestion durable des ressources
naturelles, car il ne peut y avoir de développement durable sans
reconnaissance des doits des peuples autochtones sur leurs terres et sur le
contrôle de leurs ressources. La mondialisation des savoirs offre de
nombreux moyens pour la recherche de durabilité. Aucun des
problèmes d'environnement ne peut être a priori résolu
à l'aide d'une réponse simple. Pour résoudre ces
problèmes, il faut avant tout adopter une démarche et une vision
globale. Le savoir autochtone conjugué aux savoirs scientifiques
permettraient d'acquérir une compréhension plus étendue et
plus près de la réalité des écosystèmes et
des communautés qui y vivent. Les populations autochtones gagneraient
donc à en bénéficier des connaissances scientifiques
écologiques. Il revient alors aux Etats d'organiser la participation des
habitants à la gestion des ressources de leur territoire et parvenir
à mieux les responsabiliser. Ces efforts devraient par ailleurs
permettre une plus grande autonomie au niveau local, davantage en
adéquation avec les objectifs écologiques.
Table des photographies
Photo 1: Inselberg des Monts de Cristal 29
Photo 2: Exemple de Begonia endémique des Monts de
Cristal, en fang miang 32
Photo 3: Exposition d'un hocheur, en fang avem,
(Cercopithecus nictitan 64
Photo 4: Un site en pleine exploitation forestière
77
Photo 5: Un site après l'exploitation minière
78
Photo 6 : Trois porcs-épics pris par braconnage 78
Photo 7: Une campagne de sensibilisation dans un village riverain
93
Photo 8 : Un site de chasseur mis à feu lors d'une
patrouille 97
Photo 9: Un arbre portant les limites du Parc dans le village
Mbé-Akelayong 99
Photo 10: La prise de l'eau dans la ville de Medouneu
104
Photo 11: Une voiture de la WCS et deux
« routiers » 105
Photo 12: Un « garde » en activité
114
Table des cartes
Carte 1. Zone d'étude : Les Monts de Cristal
23
Carte 2: Localisation des Monts de Cristal 27
Carte 3 : La région la plus pluvieuse du Gabon, avec
une saison sèche peu marquée 30
Carte 4 : Les villages de nos informateurs 44
Table des tableaux
Tableau 1 : la diversité alpha et bêta des
Monts de Cristal 33
Tableau 2 : Les animaux des Monts de Cristal. 34
Tableau 3 : Liste des oiseaux de la forêt de nuage
des Monts de Cristal 36
Tableau 4 : Les reptiles des Monts de Cristal 37
Tableau 5 : Répartition de nos informateurs
41
Tableau 6 : Effectif de la population riveraine au Parc
d'après les huit villages enquêtés 48
Tableau 7 : Effectifs de la population gabonaise 48
Tableau 8 : Recensement des populations fang riveraine aux
Monts de Cristal par village enquêté 49
Tableau 9: Répartition des parlers fang à
l'intérieur du pays 51
Tableau 10 : Les essences épargnées lors de
l'abattage 56
Tableau 11 : Les cultigènes plantées par les femmes
dans leurs plantations 57
Tableau 12 : Prix de quelques cultigènes sur le
marché 59
Tableau 13 : Les animaux chassés dans la forêt
des Monts de Cristal 61
Tableau 14 : Les animaux dont la consommation est interdite dans
les villages enquêtés 62
Tableau 15 : Les destinations symboliques de ces animaux
63
Tableau 16 : les espèces halieutiques de la pêche
64
Tableau 17 : Les prix des espèces halieutiques au
kilogramme 66
Tableau 18 : Les essences de bois utilisés lors du
sciage 66
Tableau 19 : Les arbres épargnés dans le sciage et
leurs destinations symboliques 67
Tableau 20: Prix des planches sur le marché de la
région des Monts de Cristal 68
Tableau 21: Les produits de la cueillette 69
Tableau 22 : Prix du produit de la cueillette sur le
marché 71
Tableau 23 : Les objets de l'artisanat et de la vannerie
71
Tableau 24 : Prix de quelques essences de bois sur le
marché National 74
Tableau 25: Les produits des jardins scolaires 89
Tableau 26: Prix des produits sur le marché
115
Tableau 27 : Les animaux chassés dans la forêt des
Monts de Cristal 116
Table des graphiques
Graphique 1 : L'âge des femmes enquêtées
41
Graphique 2 : L'âge des hommes enquêtés
42
Table des diagrammes
Diagramme 1 : Répartition des chasseurs des
villages enquêtés
par techniques de chasse 61
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